Grosses délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 7
ORDONNANCE DU 17 JUIN 2010
(n° 250 ,5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/17629
Décision déférée : Ordonnance rendue le 03 Février 2005 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS
Nature de la décision : Contradictoire
Nous, Colette PERRIN, Présidente de Chambre à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;
Après avoir appelé à l'audience publique du 01er avril 2010 :
- Madame [N] [D] [Y] épouse [T]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Maître Emmanuel GOUESSE, avocat substituant Maître Caroline DIOT, avocates plaidant pour la SELARL PECH DE LACLAUSE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : J86
APPELANTE
et
- LE DIRECTEUR DES FINANCES PUBLIQUES
DIRECTION NATIONALE DES ENQUETES FISCALES
Pris en la personne du chef des services fiscaux,
[Adresse 8]
[Localité 9]
représenté par Maître Dominique HEBRARD-MINC, avocate au barreau de Montpellier
INTIMÉ
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 01er avril 2010, l'avocate de l'appelante et l'avocate de l'intimé ;
Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 17 Juin 2010 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
* * * * * *
Avons rendu l'ordonnance ci-après :
Procédure judiciaire
Le 3 février 2005, M.[K] [V], Inspecteur des impôts en poste à la direction nationale d'enquêtes fiscales à [Localité 9] spécialement habilité par le directeur général des impôts a sollicité l'encontre de :
la SARL Germany Class Automobile (GCA) représentée par son liquidateur
la SARL Sainte Odile Automobile (SOA) représentée par sa gérante, Mme [N] [Y]
la SARL France Automoblie Consulting Location représentée par sa gérante, Mme [N] [Y],
La SA Den Autohandler,
M.[B] [C],
Mme [N] [Y],
l'application des dispositions de l'article L16B du livre des procédures fiscales ;
Par ordonnance du février 2005 le juge des libertés et de la détention de Paris a fait droit à cette demande, et a autorisé des visites domiciliaires et saisies dans les locaux et dépendances sis :
[Adresse 2] susceptibles d'être occupés par Mme [N] [Y]
[Adresse 2] susceptibles d'être occupés par M.ou Mme [B] [C]
[Adresse 1] susceptibles d'être occupés ar M.[A] [C] et/ou Mme [Y] et/ou M.[O]
[Adresse 3] susceptibles d'être occupés par la SARL Audit Contrôles et Conseil (ACC-FIDIMA)
[Adresse 5] susceptibles d'être occupés par la banque de Neuflize et / ou la banque NSM Entreprises
[Adresse 4] susceptibles d'être occupés par la SARL Sainte Odile.
Les opérations se sont déroulées le 8 février 2005 et ont été relatées par procès verbaux du même jour ;
Usant de la faculté que leur offre l'article 164-IV de la loi n°2008-776 du 4 août 2008, Mme [N] [Y] a interjeté appel de l'ordonnance susdite ;
Moyens
Mme [N] [Y] expose que :
elle n'a pas pu consulter le dossier soumis à la cour,
aucune voie de recours juridictionnel effectif n'encadrait l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire lorsque celle-ci a été octroyée et exécutée, vice que ne peut pallier l'entrée en vigueur d'une loi nouvelle,
le juge des libertés et de la détention n' a pas effectué un contrôle concret faute de délais raisonnables pour apprécier les pièces communiquées,
le juge n'a pas fait preuve d'indépendance en adoptant la motivation de l'administration alors que la quasi intégralité des documents qui lui avaient été soumis avaient été confectionnés par l'administration elle-même et dépourvus de valeur probante ; que figure une pièce non traduite ;
le principe de proportionnalité découlant de l'urgence nécessaire de la mesure n'a pas été respecté,
l'ordonnance ne permettait pas le respect des garanties prévues aux articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celle-ci ne prévoyant pas l'obligation pour les agents de l'administration l'obligation de faire connaître aux intéressées leurs droits.
L'administration conteste l'ensemble de ces moyens faisant valoir que :
elle ne conserve pas les pièces qui sont archivées ; qu'au regard des difficultés exposées par Mme [Y] et son conseil, l'administration a établi une copie dématérialisée des pièces déposées à l'appui de sa requête dont la communication proposée à l'intéressée a été acceptée donnant lieu à un envoi par courrier recommandé du 10 novembre 2009 ;
les exigences de la Cour européenne sont parfaitement respectées dès lors qu'un contrôle juridictionnel pouvait être exercé sur la régularité de la décision prescrivant la visite et sur la régularité des mesures prises sur son fondement.
SUR CE
Considérant que l'appelante a été en mesure d'exercer ses droits, ayant eu connaissance de l'ensemble des pièces visées par le juge des Libertés et de la Détention ; que d'ailleurs un certain nombre de griefs découlent de cet examen ;
Considérant qu 'elle a bénéficié de garanties suffisantes, ayant pu par la modification apportée par l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008 exercer un recours d'une part, contre l'ordonnance autorisant les visites domiciliaires d'autre part, les mesures prises en exécution de celle-ci ; que dès lors, elle n'a été privée de l'exercice d'aucun droit, exerçant au contraire son recours dans le cadre de la présente instance ;
Considérant que les garanties prévues par la loi et jugées pertinentes par la cour europérenne ont été respectées, le juge ayant désigné les officiers de police judiciaire territorialement compétents pour assister à ces opérations à savoir :
M.[H] [J], commandant de police
Mme [I] [Z], lieutenant de police
Mme [U] [R] , lieutenant de police
M.[L] [F], commandant de police
Mme [G] [S], gardien de la paix.
Qu'il a donné pour instructions de porter à sa connaissance toute difficultés d'exécution ;
Que les agents ont notifié l'ordonnance aux occupants des lieux ou à leurs représentants, leur remettant une copie de l'ordonnance et de ce fait les informant du nomdu juge et des garanties prévues par la loi ;
Considérant que la nécessité de mentionner dans l'ordonnance la faculté de faire appel à un conseil a été prévue par la loi 2008-776 du 4 août 2008 ; que dès lors l'ordonnance est conforme aux dispositions en vigueur au moment où elle a été rendue sans que cette disposition nouvellle en affecte la validité ;
Considérant que l'ordonnance a été datée et signée par M.[H] [M], vice président au tribunal de grande instance de Paris, exerçant les fonctions de juge des libertés et de la détention dont aucun élément ne permet même de supposer qu'il n'était pas en mesure d'apprécier les 31 pièces qui lui étaient soumises et d'en tirer sa propre conviction sur l'existence de présomptions de fraude et d'adopter les motifs qui lui étaient soumis ;
Considérant que le premier juge a établi la liste des pièces soumises à son appréciation, mentionnant leur origine et énonçant en les analysant celles sur lesquelles il fondait son raisonnememnt ;
Que les fichiers informatisés de même que les dossiers fiscaux reprennent des informations déclarées par les contribuables eux-mêmes ou les actes déposés auprès des conservations des hypothèques ; que l'administration peut soumettre au juge ces informations soit directement soit au travers d'attestations relatant les constatations et recherches effectuées par ses agents ;
Que si la pièce 23 est seulement en partie en langue étrangère, le juge n'a retenu que les éléments figurant en français ;
Considérant que si l'appelante critique la mesure autorisée au motif que n'aurait pas été rempli le critère de l'urgence, il y a lieu de relever que cette circonstance n'est pas exigée ;
Considérant que l'ordonnance procède en 5 pages 5 à 10 à une analyse détaillée des pièces produites relevant notamment que :
la SARL GCA dont le capital était détenu par Mme [N] [Y] avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité mettant en évidence une utilisation abusive du régime de TVA sur la marge bénéficiaire sur des opérations de revente de véhicules d'occasion et qu'après une liquidation judiciaire elle avait continué les mêmes pratiques par le biais de la société SOA,
la SARL SOA avait pour objet l'achat et la vente de véhicules neufs et d'occasion ; Mme [N] [Y] détenait 99,2% de son capital et en assurait la gérance ; une vérification de la comptabilité avait fait apparaitre d'importants paiements sen espèces et des manques de factures en 2003, et l'existence d'une double facturation pour un véhicule Ferrari.
la société Den Autohandler, fournisseur de SOA avait son siège social au Luxembourg et son capital était détenu en partie par une société Boulder sis aux îles vierges britanniques ; ses représentants auprès de la société domiciliaire avaient toujours été Mme [N] [Y] et son fils [B] [C] ; cette société ne remplissait pas ses obligations fiscales auprès des autorités luxembourgeoises et elle n'était pas répertoriée au centre des impôts des non résidents alors que ses factures paraissaient émises en France.
la société Fac Location dont le capital était détenu par Mme [N] [Y] et son fils n'avait déclaré aucun chiffre d'affaires en 2003 et n'avait souscrit aucune déclaration TVA en mars 2004 ;
Considérant que l'ensemble de ces éléments destinés à établir non la preuve d'une fraude mais une simple présomption permettait au juge de suspecter que :
- les sociétés GCA et SOA avaient minoré leur base d'imposition taxable à la TVA en appliquant abusivement le régime de la marge ;
- la société Den Autohandler exerçait une activité en France sans souscrire de déclaration fiscale ;
la société Fac Location ne déclarait pas la totalité de ses recettes ;
Mme [N] [Y] et [B] [C] avaient exercé une activité
commerciale occulte.
Considérant en conséquence que l'appel n'est pas fondé ;
Et considérant que le Directeur Général des Finances Publiques a engagé des frais non compris dans les dépens, il serait inéquitable à laisser entièremment à sa charge, dit y avoir lieu en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1500 euros ;
PAR CES MOTIFS
REÇOIT Mme [N] [Y] en son appel mais le déclare mal fondé ;
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 février 2005 par le juge des libertés et de la détention de Paris ;
DÉBOUTE l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
LA CONDAMNE à payer à la Direction Nationale des Finances Publiques de la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIER
Fatia HENNI
LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT
Colette PERRIN