Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 18 JUIN 2010
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18508
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/12236
APPELANTE
S.A. LES NOUVELLES RESIDENCES DE FRANCE
dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour
assistée de Maître ACHACHE Cyrille, avocat
INTIMEES
S.A. BUREAU VERITAS
SA dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Maître Nathalie CORDIER (Cab.LACAZE), avocat
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
société d'assurance mutuelle à cotisations variables, entreprise privée régie par le code des assurances, dont le siège est [Adresse 4], agissant en la personne de son Directeur Général domicilié audit siège en cette qualité
représentée par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour
assistée de Maître Hélène CHAUVEL (SELARL MARTIN), avocat
COMPOSITION DE LA COUR:
Rapport ayant été fait en application de l'article 785 du CPC et,
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mai 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur MAZIERES et Monsieur RICHARD, Magistrats chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Monsieur MAZIERES, Président
Monsieur RICHARD, Conseiller
Madame THEVENOT, Conseillère, appelée d'une autre chambre pour compléter la Cour
GREFFIER:
lors des débats:
Madame Annie MONTAGNE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Monsieur MAZIERES, président et par Madame MONTAGNE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat du 1er juillet 1981, les consorts [E]-[R] ont donné à bail à la Société GARAGE BOULARD des locaux à destination de garage exploités sous forme de parking, [Adresse 2]).
La Société GARAGE BOULARD a cédé son fonds à la SA NOUVELLES RESIDENCES DE FRANCE (N.R.F.) par acte du 7 mai 1986.
Les bailleurs ont le 19 juillet 1990 mis en demeure la Société N.R.F. de procéder aux grosses réparations nécessitées par l'état de l'immeuble et ont alors été entrepris à compter du 23 janvier 1991, des travaux sous la direction de Monsieur [O] [N], architecte (contrat de maîtrise d'oeuvre pour mise en conformité de la sécurité, signé en 1990), assurée auprès de la MAF. Le contrôle technique a été confié au bureau VERITAS. La réception est intervenue en deux phases, les 7 mai et 24 septembre 1991.
Les consorts [E]-[R] ont saisi le juge des référés du tribunal d'instance de Paris (14ème), lequel a, par ordonnance du 15 février 1991, ordonné une expertise, confiée à Monsieur [G]. L'expert s'est adjoint le concours de Monsieur [J]. Les experts ont déposé leur rapport le 22 juin 1992.
Une nouvelle expertise a été ordonnée par jugement du tribunal d'instance du 8 septembre 1998, confiée à Monsieur [H], qui a déposé son rapport le 26 juillet 2001.
Constatant que des travaux de sécurité non obligatoires avaient été réalisés sans leur accord, que d'autres travaux avaient été omis, et que des retards de paiement étaient intervenus, les consorts [E]-[R] ont assigné la société N.R.F. devant le tribunal de Paris, lequel a, par jugement du 8 juillet 2003 prononcé la résiliation du bail (pour violation d'une clauses contractuelle du fait de la réalisation des travaux lourds, pourtant non imposés), ordonné l'expulsion des locataires et a ordonné une mesure d'expertise pour l'évaluation des travaux de remise en état, confiée à Madame [Z] [U], remplacée par Monsieur [X].
Monsieur [X], expert, a déposé son rapport au mois de juillet 2005.
Sur appel de la société N.R.F. à l'encontre du jugement du 8 juillet 2003, la Cour d'Appel de Paris, par arrêt du 7 septembre 2005 a confirmé le jugement attaqué.
Les locaux ont été restitué par la Société N.R.F. aux propriétaires le 7 novembre 2005.
Monsieur [N], architecte, est décédé en 2005.
La Société N.R.F. s'est pourvue à l'encontre de l'arrêt du 7 septembre 2005 devant la Cour de Cassation, laquelle a, par arrêt du 24 janvier 2007, rejeté son pourvoi.
Estimant la responsabilité de l'architecte et du bureau de contrôle engagée dans la procédure qui a entraîné son expulsion, la société N.R.F. a, par acte délivrés les 1er et 13 août 2007, fait assigner la MAF et le bureau VERITAS devant le tribunal de grande instance de Paris.
Suivant jugement dont appel du 6 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré la SA NOUVELLES RESIDENCES DE FRANCE prescrite et ses demandes irrecevables.
Vu les dernières écritures des parties.
La Société NOUVELLES RESIDENCES DE FRANCE (NRF) appelante a conclu à la condamnation solidaire de la MAF et du Bureau VERITAS à lui payer:
-700.000 € correspondant à la valeur du fonds de commerce perdu,
-88.683 € correspondant au coût de la remise en état des lieux,
-39.380 € correspondant au coût des travaux litigieux non obligatoires payés en 1990,
-1.429,40 € correspondant à la rémunération de l'expert [X].
La Société Bureau VERITAS a conclu à la confirmation du jugement et, subsidiairement au fond au débouté des demandes, plus subsidiairement à la garantie de la MAF;
La Société MAF MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, a conclu à la confirmation de la décision et subsidiairement au fond au mal fondé des demandes.
SUR CE,
Considérant que la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges.
Considérant que l'ouvrage n'a subi aucun désordre, que la Société N.R.F. recherche la responsabilité contractuelle - pour manquement au devoir de conseil - de l'architecte et du Bureau VERITAS, que son action ne se rattache pas à un désordre de construction, que la prescription décennale à compter de la réception ne s'applique pas mais bien celle trentenaire, applicable avant la loi du 17 juin 2008.
Considérant en outre que ne s'agissant pas d'un désordre de construction le point de départ de la prescription n'est pas la réception mais la réalisation du dommage ou la date à laquelle il est révélé à la victime, soit en l'espèce le 7 septembre 2005 jour du prononcé de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris ordonnant la résiliation du bail aux torts du locataire, que le jugement sera réformé en ce qu'il a déclaré l'action de la société N.R.F. irrecevable.
Considérant qu'il est constant et non contesté que la résiliation du bail est intervenue au motif unique et décisif, que le locataire avait entrepris des travaux, dont certains intempestifs, en violation manifeste des dispositions contractuelles qui prévoient que le locataire ne pourra faire dans lieux loués aucune modification de distribution quelconque sans le consentement express des bailleurs, les travaux devant être effectués, en cas d'autorisation sous la surveillance de leur architecte'.
Considérant que la Cour, dans son arrêt du 7 septembre 2005, précise encore ' qu'il n'est pas établi que les travaux effectués répondaient à un impératif de sécurité; que le fait de les avoir entrepris sans le consentement express des bailleurs et sans avoir sollicité la surveillance de leur architecte constitue une violation grave des stipulations contractuelles justifiant la résiliation du bail aux torts du preneur'.
Considérant qu'en ce qui concerne Bureau VERITAS auquel il est reproché par la société N.R.F. d'avoir préconisé des travaux non obligatoires, il apparaît clairement que cet éventuel manquement n'est en rien en relation de causalité directe avec la résiliation de bail prononcée pour violation de ses obligations contractuelles par le locataire en ne sollicitant pas l'avis et l'autorisation éventuelle de son bailleur.
Considérant qu'en ce qui concerne l'architecte s'il entre dans ses obligations de veiller à l'obtention des autorisations administratives, il ne lui appartient pas de veiller à ce que son client locataire respecte ses obligations propres vis-à-vis de son bailleur.
Considérant que la Société N.R.F. était personnellement tenue en vertu du bail qui la liait à son propriétaire de solliciter de celui-ci les autorisations nécessaires ou tout simplement de lui communiquer le projet de travaux envisagés pour observations ou autorisations nécessaires, qu'il n'était nul besoin des conseils d'un architecte pour ce faire, d'autant que la société N.R.F. est un professionnel de l'immobilier.
Considérant qu'en outre le contrat de maîtrise d'oeuvre d'avril 1990 précise que ' les N.R.F. avertiront les propriétaires après que l'architecte ait estimé et décrit les travaux nécessaires ', ce qui supposait bien que la Société N.R.F. ait un rôle actif dans les rapports avec son bailleur.
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la MAF et de Bureau VERITAS leurs frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement entrepris.
STATUE A NOUVEAU:
DEBOUTE la Société LES NOUVELLES RESIDENCES DE FRANCE de ses demandes.
Condamne la Société LES NOUVELLES RESIDENCES DE FRANCE à payer au titre des frais irrépétibles 3000 € à chacun des intimés.
Condamne la Société LES NOUVELLES RESIDENCES DE FRANCE aux dépens d'appel avec distraction au profit des avoués de la cause.
Le Greffier Le Président