RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 24 juin 2010
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11004
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris (6° Ch) - section commerce - RG n° 07/02877
APPELANTE
L'HOTEL GEORGE V B.V.
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Catherine DAVICO-HOARAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P 53 substitué par Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0837
INTIMEE
Madame [L] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assistée de Me Aurélien WULVERYCK, avocat au barreau de PARIS, toque : C 16
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mai 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président
Madame Evelyne GIL, conseiller
Madame Isabelle BROGLY, conseiller
Greffier : Mme Francine ROBIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Francine ROBIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement formé par la société Hôtel GEORGE V BV contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 5 septembre 2008 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancienne employée, [L] [X].
Vu le jugement déféré ayant :
- dit que le licenciement d'[L] [X] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Hôtel George V à lui payer les sommes de :
1 130,36 € au titre du salaire de la période de mise à pied conservatoire,
113,06 € au titre des congés payés afférents,
3 869,74 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
386,97 € au titre des congés payés sur préavis,
1 191,87 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 2007, date de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,
13'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 200 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la société Hôtel George V à remettre à [L] [X] dans le mois de la signification du jugement, des bulletins de paye, une attestation ASSEDIC et un certificat de travail rectifiés, sous peine d'astreinte de 10 € par jour de retard passé ce délai, et ce pendant 3 mois,
- ordonné le remboursement par la société Hôtel George V aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [L] [X] du jour de son licenciement au jour du jugement, à concurrence de 3 mois,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Hôtel George V aux dépens.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
La société Hôtel George V BV, appelante, poursuit :
- l'infirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté [L] [X] du surplus de ses demandes,
- le débouté de la salariée de l'intégralité de ses demandes,
- sa condamnation à lui rembourser les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution du jugement y compris la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, soit 20'258,09 €, avec intérêt légal à compter du règlement intervenu,
- sa condamnation aux entiers dépens.
[L] [X], intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré
en y ajoutant
- la condamnation de la société Hôtel George V à lui payer les sommes de :
644,95 € au titre de la prime de 13e mois,
64,49 € au titre des congés payés afférents,
12'000 € à titre d'indemnité pour circonstances vexatoires du licenciement,
10'000 € à titre de dommages et intérêts pour annulation de sanctions disciplinaires,
5'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en sus des dépens,
- la condamnation de la société Hôtel George V à une astreinte de 15 € par document et par jour de retard à défaut de la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée au PÔLE EMPLOI rectifiés en portant à 48'000 € la condamnation de l'Hôtel George V au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet signé le 11 décembre 1999 et régi par la convention collective des Hôtels, cafés et restaurants, la société Hôtel George V SA a engagé [L] [X], à compter du 13 décembre 1999, en qualité de femme de chambre.
La salariée a par la suite occupé les postes d''employée pressing /livraison linge' et d''équipier lingerie'. En son dernier état, sa rémunération brute mensuelle s'élevait à
1 880,93 €.
Le 31 mai 2006, après un entretien préalable qui s'est tenu le 24 mai 2006, la société Hôtel George V a notifié à [L] [X] un blâme pour ne pas avoir appliqué un critère de qualité majeur en s'étant abstenue, le 5 avril 2006, d'appeler le client de la chambre 135 par son nom.
Le 17 janvier 2007, elle l'a convoquée à se présenter le 26 janvier 2007, à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire.
À l'issue de cet entretien, elle lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire à effet immédiat et l'a convoquée à se présenter le 22 février 2007 à un entretien préalable à une mesure de licenciement.
Le 8 février 2007, elle lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :
' Le 16 janvier 2007, [U] [K] vous demande des explications sur un problème concernant la livraison de linge du 14 janvier 2007 : le client de la chambre 219 a appelé pour un $gt; à 11 h 50. Le runner lingerie du matin a réceptionné le linge et l'a enregistré à 12 h 00. Le client a demandé la livraison de son linge pour 19 h 00, comme en témoigne le document qu'il a lui-même complété. Vous ne respectez pas la demande du client, vous rassemblez le linge du client à 22 h 15 qui, de ce fait, n'a été livré que le lendemain par un de vos collègues qui a dû faire face au mécontentement du client. Celui-ci a expliqué en effet, que sa demande n'a pas été respectée puisque le linge devait lui être livré la veille à 19 h 00.
Face à la demande d'explications légitime de votre chef de service à son retour de repos hebdomadaire, vous lui répondez que ce n'est pas lui qui travaille à votre place et que votre collègue n'a qu'à s'occuper de ses affaires et qu'il commence à vous $gt; avec ses réflexions $gt;, derniers éléments que vous répéter à deux reprises à votre chef de service en présence de l'ensemble de vos collègues présents ce jour-là.
[U] [K] vous demande alors de ne pas l'insulter mais vous ne voulez rien savoir et continuez sur le même ton ne voulant à aucun moment comprendre que celui-ci est légitime dans sa demande d'explications concernant l'insatisfaction d'un client.
Je vous ai mentionné qu'un tel comportement était fautif car outre la discourtoisie et l'irrespect évidents et totalement inacceptables, il s'agissait là d'une insubordination.
...................................................................................................................................................
Au cours de nos deux entretiens, j'ai pu noter que vous n'aviez pas reconnu votre erreur ni tenté de donner une explication afin de nous permettre de comprendre quelle en était la cause. Vous avez dit vous être effectivement énervée et avoir dit $gt; devant vos collègues. Celles-ci mentionnent les mêmes propos qu'[U] [K] $gt;. En aucune façon vous n'avez semblé comprendre que de tels propos et une telle insubordination étaient inacceptables. Vous avez tenté de les justifier en jetant le discrédit sur votre cadre. J'ai pris la mesure de vos propos et ai mené une enquête qui a totalement disculpé [U] [K] d'un comportement incorrect à l'égard des employés, vous comprise.
J'ajoute que votre dossier mentionne déjà des rapports et des sanctions disciplinaires, dont la dernière est un avertissement en date du 31 mai 2006.
Pour ces motifs, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave lequel prendra effet à compter de la première présentation de cette lettre à votre domicile. À ce titre, vous ne percevrez aucune indemnité de licenciement ni de préavis.
Vous avez été mise à pied conservatoire depuis le 26 janvier 2006, je vous informe que cette période ne sera pas non plus rémunérée.'
La société Hôtel George V BV fait valoir :
- qu'[L] [X], en poste le samedi 13 janvier 2007 de 15 heures à 23 heures, était personnellement chargée du suivi du client de la chambre 219,
- qu'elle aurait donc dû lui restituer son linge à 19 heures comme il l'avait demandé,
- que les insultes et les grossièretés proférées le mardi 16 janvier en réponse à la demande d'explication de son chef de service sont attestées par tous ses collègues ayant assisté à l'incident,
- que la procédure de sanction disciplinaire qui a été engagée par la convocation à l'entretien préalable du 26 janvier 2007 a été abandonnée, l'employeur, devant la gravité des faits, ayant estimé devoir poursuivre une procédure de licenciement,
- qu'il n'y a donc pas eu de double sanction pour les mêmes faits,
- que ceux-ci sont constitutifs de faute grave,
- que le délai de cinq jours ouvrables entre la lettre de convocation à l'entretien préalable remise en main propre le vendredi 26 janvier 2007 et cet entretien qui s'est tenu le vendredi
2 février 2007 a bien été respecté,
- que le surplus des demandes de la salariée est injustifié,
- qu'elle n'a subi aucun préjudice puisqu'elle a retrouvé, dès le 12 mars 2007, un emploi qui lui procure un salaire mensuel de 1 616,96 €.
[L] [X] soutient :
- que la procédure de licenciement n'a pas été respectée en ce que le délai entre la convocation à l'entretien préalable et ledit entretien n'a pas été de cinq jours ouvrables,
- qu'ayant été convoquée à un premier entretien préalable qui s'est tenu le 26 janvier 2007, date à laquelle elle a été convoquée à un deuxième entretien préalable fixé au 2 février 2007, les faits évoqués au cours de ce dernier entretien devaient nécessairement avoir eu lieu le 26 janvier 2007 et non les 14 et 16 janvier 2007, ces faits ayant déjà été discutés au cours du premier entretien,
- que le premier reproche qui lui est adressé dans la lettre de licenciement est injustifié puisqu'elle n'était pas présente lors de la réception du linge et qu'aucune consigne précise ne lui avait été donnée pour préparer ce linge pour 19 heures,
- qu'elle n'était d'ailleurs pas seule présente dans le service lingerie au moment des faits,
- que la preuve de la plainte du client n'est pas rapportée,
- qu'elle conteste avoir manqué de respect à son supérieur hiérarchique,
- que les attestations de ses collègues soumis à la pression de la direction sont suspectes,
- qu'en réalité, le motif de son licenciement est économique puisqu'elle n'a pas été remplacée définitivement à son poste.
SUR CE
- Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la demande en paiement de la prime de 13e mois et des congés payés y afférents
Les bulletins de paie de la salariée montrent qu'elle a bien reçu cette prime au titre de l'année 2006. Sa demande concerne donc l'année 2007, étant observé qu'elle a été licenciée le 8 février 2007.
L'accord d'entreprise prévoit qu'' un 13ème mois est versé, chaque année, en décembre, au personnel présent depuis un minimum de 6 mois continus ' et qu'' en cas de départ en cours d'année, seul le salarié comptant au moins six mois de présence continue dans l'année, aura droit au versement du 13e mois au prorata temporis '.
C'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a rejeté ce chef de réclamation.
Sur la demande de dommages et intérêts pour annulation de sanctions disciplinaires
Cette demande n'est accompagnée d'aucune demande tendant à l'annulation de sanctions disciplinaires. Les dates et teneur de ces sanctions ne sont pas précisées, ni les motifs de contestation de la salariée. Dans ces conditions, le rejet de cette demande par les premiers juges ne peut qu'être confirmé.
- Sur la procédure du licenciement
Sur le respect du délai prescrit par l'article L. 1232-2 du Code du travail
[L] [X] a été convoquée à l'entretien préalable du vendredi 2 février 2007 par lettre remise en main propre le vendredi 26 janvier 2007. En décomptant le dimanche qui n'est pas un jour ouvrable, il apparaît que le délai de cinq jours devant obligatoirement s'écouler entre la première présentation de la lettre de convocation et l'entretien préalable a expiré le jeudi 1er février 2007, de sorte que l'entretien a pu valablement avoir lieu le lendemain.
Sur les deux convocations successives à entretien préalable
La salariée a été convoquée à un premier entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, le 26 janvier 2007.
À l'issue de cet entretien et compte tenu des faits portés à la connaissance de l'employeur au cours de celui-ci, une mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée en même temps qu'une convocation à un entretien préalable à une mesure envisagée de licenciement lui a été remise, l'invitant à se présenter le 2 février 2007.
Il en résulte que la procédure de sanction disciplinaire initialement engagée a été abandonnée par la société Hôtel George V qui, apprenant, le 26 janvier 2007, des faits qui n'avaient pas été portés à sa connaissance, a envisagé désormais une mesure de licenciement nécessitant l'engagement d'une nouvelle procédure afin de recueillir les explications de la salariée. Il ne s'est donc pas agi de sanctionner deux fois les mêmes faits et la procédure de licenciement est régulière, l'employeur conservant l'intégralité de son pouvoir disciplinaire jusqu'à l'expédition de la lettre de licenciement.
- Sur la qualification du licenciement et ses conséquences
Aux termes de sa lettre de licenciement pour faute grave du 8 février 2007, la société Hôtel GEORGE V reproche à [L] [X] de ne pas avoir livré au client de la chambre 219, le 14 janvier 2007, son linge nettoyé, à 19 heures, comme il l'avait demandé et d'avoir répondu grossièrement à son chef de service, le 16 janvier 2007, qui lui demandait des explications sur cet incident.
Le premier grief ne paraît pas constitutif de faute grave dans la mesure où, s'il est établi que le client de la chambre 219 avait bien demandé un service de nettoyage express dans la journée avec restitution de son linge à 19 heures, le registre des travaux à effectuer par le service de la lingerie ne mentionne pas la restitution du linge en express pour le soir.
De ce fait, l'attention d'[L] [X] qui, arrivée à 15 heures, n'avait pas enlevé le linge de la chambre 219, n'a pas été attirée par cette tâche qui aurait dû figurer sur le registre.
En revanche, les réponses grossières qu'elle a faites à son chef de service, le 16 janvier 2007, sont confirmées par ses collègues alors en service, [H] [P] [O] [E] épouse [J], équipière, et [M] [A] [G] [D]. Celles-ci ainsi que d'autres employés sous les ordres d'[U] [K] ont attesté que leur chef de service les traitait avec respect et leur parlait correctement sans se mettre en colère. [L] [X] ne démontre en rien que ses propos outranciers ont été provoqués par des paroles et un comportement injurieux de son supérieur hiérarchique. La réponse insultante non suivie d'excuses qu'elle a apportée à la demande d'explication de ce dernier, en présence de collègues eux-mêmes sous l'autorité d'[U] [K], caractérise la faute grave rendant impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail et justifiant la mesure conservatoire de la mise à pied.
Dès lors, les demandes de la salariée tendant au paiement d'un rappel de salaire pour la période de mise à pied, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés correspondants, d'une indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse doivent être rejetées ainsi que sa demande tendant à la remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés.
Les circonstances du licenciement ne paraissant pas vexatoires, il n'y a pas lieu d'indemniser la salariée d'un quelconque préjudice à ce titre.
- Sur la demande de la société Hôtel GEORGE en restitution des sommes versées à la salariée en exécution du jugement du 5 septembre 2008 (20'258,09 €), avec intérêts à compter de leur règlement
Les sommes versées à [L] [X] ne lui étant pas dues, il y a lieu de faire droit à la réclamation de l'employeur en ne faisant courir toutefois l'intérêt légal qu'à dater du 7 mai 2010, date de l'audience au cours de laquelle il en a exprimé la demande.
- Sur la demande d'[L] [X] en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Au vu des circonstances de la cause, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais non taxables qu'elle a exposés au cours de la présente procédure prud'homale. Il convient en conséquence d'infirmer l'application qui a été faite par le conseil de prud'hommes des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté [L] [X] de ses demandes au titre du 13e mois et de ses demandes de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement et pour annulation d'une sanction disciplinaire.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit le licenciement bien-fondé sur la faute grave.
Déboute [L] [X] de l'intégralité de ses demandes.
La condamne à rembourser la société Hôtel GEORGE V BV les sommes versées en exécution du jugement du 5 septembre 2008 et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2010.
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :