RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 24 Juin 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04638
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Avril 2009 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 07/03924
APPELANT
Monsieur [M] [F]
[Adresse 3]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Frédéric MICHEL, avocat au barreau de PARIS, C 773
INTIMÉE
SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONE (S.F.R.)
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Xavier CLEDAT, avocat au barreau de PARIS, K 112
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Martine CANTAT, Conseillère faisant fonction de Présidente en remplacement de la Présidente empêchée
Madame Catherine BEZIO, Conseillère
Mme Marie-Antoinette COLAS, Conseillère de permanence désignée pour compléter la formation du Pôle 6-2
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Martine CANTAT, Conseillère faisant fonction de Présidente
- signé par Martine CANTAT, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Mademoiselle Sandrine CAYRE, Greffière présente lors du prononcé.
Statuant sur l'appel formé par Monsieur [M] [F] d'un jugement rendu le 29 avril 2009 par le conseil de prud'hommes de Paris, en sa formation de départage, qui a rejeté ses demandes relatives à la reconnaissance de son statut de gérant de succursale, ainsi qu'à l'existence d'un contrat de travail le liant à la SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE RADIOTÉLÉPHONIE, ci-après dénommée la SA SFR, et a laissé les dépens à sa charge';
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 27 mai 2010, de Monsieur [M] [F] qui demande à la Cour de':
-dire qu'il est salarié de la SA SFR et fixer son salaire à 4.521 euros bruts,
-condamner la SA SFR à lui verser les sommes suivantes':
-162.756 euros au titre des salaires de janvier 2002 à décembre 2004,
-91.702,78 euros au titre des heures supplémentaires de janvier 2002 à décembre 2004,
-27.126 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-4.521 euros au titre du non-respect de la procédure,
-13.020 euros au titre de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective des télécommunications,
-13.563 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-1.356 euros au titre des congés payés y afférents,
-5.425 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour 2002,
-5.425 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour 2003,
-5.425 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour 2004,
-5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner à la SA SFR'de :
-établir les bulletins de paye pour la période allant de juin 1996 à décembre 2004, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en régularisant les salaires pour 162.756 euros, les heures supplémentaires pour 91.702,78 euros, les RTT, l'indemnité de participation aux bénéfices de l'entreprise et les cotisations de retraite complémentaire,
-remettre les bulletins de paye, l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail conformes, pour la période allant du 19 juin 1996 au 31 décembre 2004'
-dire que la Cour sera compétente pour liquider l'astreinte';'
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre, en date du 27 mai 2010, de la SA SFR qui demande à la Cour de':
-confirmer le jugement déféré,
-dire que Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve que les critères de l'article L 7321-2 du code du travail sont réunis et qu'il ne peut se prévaloir de ces dispositions,
-débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes,
-condamner Monsieur [F] au paiement de'la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';'
SUR CE, LA COUR
FAITS ET PROCÉDURE
Considérant qu'un contrat partenaire de prestation de services a été passé, le 16 septembre 1996, entre la SA CELECOM et la SA CELLCORP';
Que la SA CELECOM exerçait, dans un fonds de commerce situé [Adresse 2], des activités ayant trait au commerce de tous matériels de télécommunication, de radio télécommunication et de radio télésignalisation'et était représentée par son président directeur général Monsieur [M] [F], qui l'avait créée, sous forme de SARL, le 26 juin 1989';
Que la SA CELLCORP assurait la diffusion des services exploités par la SA SFR, laquelle est titulaire d'une autorisation ministérielle pour l'établissement et l'exploitation d'un réseau de radiotéléphonie public numérique';
Que ce contrat partenaire prévoyait que la société CELECOM diffuserait dans son magasin les offres d'abonnement de SFR et qu'elle assurerait les tâches liées à l'enregistrement des demandes d'abonnement et pourrait utiliser l'enseigne «'Espace SFR'» pour l'exploitation de ce magasin';
Que ce contrat partenaire a été résilié par la SA SFR le 1er décembre 2003';
Considérant que, le 3 avril 2007, Monsieur [M] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, afin de se voir reconnaître la qualité de salarié de la SA SFR et d'obtenir diverses sommes découlant de l'exécution du contrat de travail et de la rupture de la relation contractuelle';
Que le conseil de prud'hommes de Paris, en sa formation de départage, ayant,'par jugement du 29 avril 2009, rejeté toutes ses demandes il a interjeté appel de la décision';
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité de gérant de succursale
Considérant que l'existence d'un contrat de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de faits dans lesquelles s'exerce l'activité professionnelle'; que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné'; que le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail';
Que la qualité de gérant de succursale, qui rend applicables à la personne concernée les dispositions du code du travail sans qu'elle ait à prouver un lien de subordination, ne dépend également, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais se caractérise par les différents critères définis par l'article L 7321-2 du code du travail';
Que l'article L 7321-2 susvisé prévoit qu'est gérant de succursale toute personne':
1° chargée par le chef d'entreprise de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou autres objets, ou de leur rendre des services de toute nature,
2° dont la profession consiste, essentiellement':
-soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement, ou presque exclusivement, par une seule entreprise lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise,
-soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise';
Que ces conditions, qui sont cumulatives, doivent toutes être remplies pour que la qualité de gérant de succursale soit reconnue ;
Que, par ailleurs, le bénéfice de ces dispositions légales ne peut s'appliquer à un gérant de société que s'il a exercé effectivement et personnellement l'activité commerciale objet du contrat et que de ce fait un lien direct s'est instauré entre lui et l'entreprise partenaire ;
Sur les conditions d'exécution du contrat partenaire
Considérant, qu'en l'espèce, le contrat partenaire prévoyait, en son article 2 que, chaque mois, 80% du nombre total des abonnements enregistrés dans le point de vente en radiotéléphonie cellulaire devaient être des abonnements validés par SFR'et que la société était libre de commercialiser des services de radiotéléphonie publique ou similaires à ceux offerts par SFR pour des concurrents directs ou indirects de celle-ci dans une proportion ne dépassant pas 20%';
Qu'aucune clause dudit contrat ne faisait par ailleurs obstacle à ce que la SA CELECOM revende du matériel et des accessoires de son choix, tant dans le domaine de la téléphonie mobile que dans celui de la téléphonie fixe ou d'autre appareil de communication';
Qu'il n'est pas contesté que la SA CELECOM vendait également des abonnements, du matériel de téléphonie mobile, des kits prépayés comprenant une carte SIM et un crédit de communications, des packs prépayés avec un téléphone mobile, des batteries et des chargeurs, n'entrant pas dans le champ du contrat de distribution conclu avec SFR';
Qu'ainsi, compte tenu de l'importance du pourcentage prévu au contrat en ce qui concerne les abonnements, de la liberté contractuelle de la société CELECOM pour la revente du matériel et des accessoires de téléphonie et de l'activité réellement exercée dans le point de vente, la condition de quasi exclusivité, exigée par l'article L 7321-2 susvisé, n'est pas remplie';
Considérant que le contrat partenaire prévoyait, en son article 6, que la SA CELECOM s'engageait à n'apporter aucune modification aux tarifs fixés par SFR pour la souscription des abonnements aux services';
Qu'aucune clause dudit contrat n'interdisait, par contre, à la SA CELECOM de revendre des terminaux téléphoniques, des accessoires et des packs, en fixant librement leur prix'de vente ;
Qu'ainsi, la condition relative aux prix imposés, exigée par l'article L 7321-2 susvisé, n'est pas non plus remplie';
Sur le lien direct et régulier entre Monsieur [M] [F] et la SA SFR'
Considérant que Monsieur [M] [F] soutient qu'il exécutait personnellement les activités mentionnées dans le contrat partenaire,'en se référant à ses articles 18 et 19 ;
Considérant que l'article 18 prévoyait que le contrat partenaire était conclu intuitu personae et que la SA CELECOM devait informer préalablement CELLCORP de toute modification de l'actionnariat ou de la répartition de son capital, ainsi que de toute prise de participation, directe ou indirecte, par une société concurrente, par une société directement ou indirectement affiliée à un concurrent de SFR dans le domaine de la radiotéléphonie, par elle-même, ou par l'un de ses actionnaires dans une société concurrente'; que ce même article précisait que, dans ces cas, CELLCORP pouvait résilier le contrat sans indemnité';
Que l'article 19 prévoyait que les prestations ne pouvaient être sous-traitées'en tout ou partie ;
Que le contrat a été passé avec la SA CELECOM et non avec Monsieur [M] [F]'; qu'en conséquence, il a été conclu intuitu personae en considération de la personne morale et non de son dirigeant';
Considérant, par ailleurs, que Monsieur [M] [F] produit des attestations de clients et de salariés';
Que les attestations des clients, qui sont dactylographiées, ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile'; que, par ailleurs, elles contiennent un certain nombre de formulations rédigées de manière quasiment identiques'; qu'ainsi, ces attestations ne présentent pas des garanties suffisantes pour être retenues dans le cadre de la présente procédure';
Que, dans leur attestation, les salariés déclarent tous avoir eux-mêmes «'constaté'» que «'Monsieur [M] [F], gérant de la société, était présent tous les jours du lundi au samedi pendant les heures d'ouverture du magasin de 9 heures à 19 heures'»'; qu'ils ne précisent cependant pas dans quelles conditions ils ont pu faire un tel constat et quels étaient leurs propres horaires de travail, alors que l'amplitude horaire qu'ils évoquent implique nécessairement qu'ils devaient en permanence tous travailler avec Monsieur [M] [F] 60 heures par semaine dans le point de vente concerné,'pour faire le constat dont ils attestent ; que ces attestations du fait de leur manque de précision, de leur invraisemblance et de leur formulation encore rédigées de manière quasiment identiques, ne peuvent être retenues pour prouver l'exercice réel par Monsieur [M] [F], à titre personnel, d'une activité dans le cadre du contrat partenaire, différente de celle qui dérivait de sa qualité de président directeur général ;
Que les propres bulletins de paye délivrés à Monsieur [M] [F] par la SA CELECOM ne mentionnent le paiement d'aucune cotisation salariale au titre du chômage ;
Que Monsieur [M] [F] ne produit aucun élément justifiant que, pendant toute la durée de la relation contractuelle allant du 16 septembre 1996 au 1er décembre 2003, il aurait à un moment quelconque revendiqué le statut de gérant de succursale';
Qu'aucun document versé aux débats ne révèle que Monsieur [M] [F] aurait exécuté personnellement les activités mentionnées dans le contrat partenaire,'en plus de celles qui découlaient nécessairement de sa fonction de président directeur général de la SA CELECOM et pour laquelle il percevait un salaire de base 6.097,89 euros et des avantages en nature à hauteur de 274,41 euros, soit un total mensuel brut de 6372,30 euros ;
Que les extraits K bis et l'attestation de Monsieur [W], du cabinet d'expert comptable, qui assure la comptabilité de la SA CELECOM, révèlent que Monsieur [M] [F] gérait par ailleurs la société Centre Régional de l'Accessoire située à [Localité 6], la société L G 12 située à [Localité 6] et la société GLOBETEL située à [Localité 7], ce qui implique qu'il ne pouvait consacrer tout son temps à l'exploitation du point de vente situé [Adresse 2]';
Qu'ainsi, au sens de l'article L7321-2 précité, les activités mentionnées dans le contrat partenaire étaient exercées par la SA CELECOM et non par Monsieur [M] [F], son président directeur général, à titre personnel';
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que certaines des conditions cumulatives de l'article L7321-2 précité n'étaient pas remplies et qu'il n'y avait aucun lien direct et régulier entre Monsieur [M] [F] et la SA SFR';
Que, par ailleurs, aucun élément du dossier ne révèle un quelconque lien de subordination entre Monsieur [M] [F] et la SA SFR, ou la SA CELLCORP ;
Que, dès lors, Monsieur [M] [F] ne peut prétendre, ni au statut de gérant de succursale défini par les dispositions de l'article L7321-2, ni à la qualité de salarié ;
Qu'il doit, en conséquence, être débouté de l'ensemble de ses demandes';
Qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré'en toutes ses dispositions ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant qu'il y a lieu de condamner'Monsieur [M] [F] au paiement à la SA SFR de la somme de 3.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
Considérant qu'il y a lieu de condamner Monsieur [M] [F] aux dépens de première instance et d'appel';
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [M] [F] au paiement à la SA SFR de la somme de 3.000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,'
Rejette toutes les autres demandes,
Condamne Monsieur [M] [F] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT