Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 2
ARRET DU 02 JUILLET 2010
(n° 158, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/01000.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 06/10102.
APPELANTE :
S.A. TREVES
prise en la personne de son Président du directoire,
ayant son siège social [Adresse 1],
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour,
assistée de Maître Sylvie BENOLIEL CLAUX du Cabinet ANTOINE BENOLIEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R 064.
INTIMÉE :
SAS RENAULT
prise en la personne de son Directeur général,
ayant son siège social [Adresse 2],
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour,
assistée de Maître Michel-Paul ESCANDE de la SELARL ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, toque : R 266.
INTIMÉE :
S.A.S. SILAC
prise en la personne de son Président,
ayant son siège social [Adresse 5],
représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour,
assistée de Maître Grégoire DESROUSSEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : W03.
INTIMÉE :
SARL SIMOLDES PLASTICOS FRANCE
prise en la personne de son gérant,
ayant son siège social [Adresse 3],
représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour,
assistée de Maître Anne-Laure LE BLOUC'H du Cabinet TUFFREAU-LE BLOUC'H FUHRER GUYARD, avocat au barreau d'ANGERS.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 mai 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur GIRARDET, président,
Madame DARBOIS, conseillère,
Madame SAINT-SCHROEDER, conseillère.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame BLACQUIERES.
ARRET :
Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur GIRARDET, président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La société TREVES a pour activité la conception, la production, l'achat, la vente, la commercialisation et la distribution de produits destinés à l'industrie, plus particulièrement automobile.
Elle a déposé à l'Institut national de la propriété industrielle le 10 avril 1995 un brevet français sous le n° 95 04247 qui a été publié le 11 octobre 1996 sous le n° 2 732 653 et délivré le 20 juin 1997, intitulé 'Dispositif de montage de la tablette arrière d'un véhicule automobile'.
Elle a également déposé, le 5 avril 1996, une demande de brevet européen couvrant la même invention, sous priorité de la demande française n° 2 732 653. Ce brevet européen, désignant la France, a été délivré le 29 décembre 1999 sous le n° EP B 0 820 390.
La société TREVES n'ayant pas réglé la première redevance annuelle due en France pour la partie française du brevet européen précité, venue à échéance le 30 avril 2000, ni cette redevance augmentée de la surtaxe dans le délai 'supplémentaire' prévu par l'article L. 612-19, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction alors applicable, le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle a rendu une décision de constatation de déchéance le 31 décembre 2001 ; qu'elle n'a pas formé de recours en restauration.
La société TREVES a découvert que les sociétés SILAC et SIMOLDES PLASTICOS FRANCE fournissaient à la société RENAULT des tablettes arrière et des supports latéraux pour tablettes arrière destinés à équiper le véhicule Clio 3 qui reproduiraient, selon elle, les revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet français n° 2 732 653.
Les mises en demeure adressées aux sociétés MECAPLAST GROUP le 28 septembre 2005, SIMOLDES (au Portugal) le 19 octobre 2005, SILAC et SIMOLDES PLASTICOS FRANCE le 22 mai 2006 étant restées sans effet, la société TREVES, après y avoir été autorisée par ordonnances rendues les 2 et 8 juin 2006 par les délégataires des présidents des tribunaux de grande instance de Bordeaux et de Lille, a fait procéder à des saisies-contrefaçons les 15 et 16 juin 2006 dans les locaux des sociétés SILAC à Mornac et SIMOLDES PLASTICOS FRANCE à Onnaing ainsi que, après autorisation donnée par ordonnance du délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 19 juin 2006, dans les locaux de la société GIRARDIN SAINT MAUR chargée de l'assemblage des pièces le 20 juin 2006 à La Varenne Saint Hilaire avant d'assigner, par acte du 29 juin 2006, les sociétés SILAC et SIMOLDES PLASTICOS FRANCE en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet français n° 2 732 653 devant le tribunal de grande instance de Paris.
La société SIMOLDES PLASTICOS FRANCE a appelé la société RENAULT en garantie et les deux instances ont été jointes.
Par jugement contradictoire rendu le 16 décembre 2008, la troisième chambre, première section, du tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté que le brevet français FR B 732 653 de la société TREVES a cessé de produire ses effets du fait de la substitution du brevet européen EP B 0 820 390 ayant désigné la France,
- annulé les saisies-contrefaçons effectuées les 15, 16 et 20 juin 2006 ainsi que les actes de dénonciation ayant suivi,
- ordonné à la société TREVES de faire procéder à la restitution à la société SILAC des pièces saisies dans ses locaux,
- rejeté l'ensemble des demandes de la société TREVES,
- rejeté la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive de la société SILAC à l'encontre de la société TREVES,
- rejeté la demande de publication de la décision judiciaire formée par la société SILAC,
- condamné la société TREVES à payer les sommes de 77 900,93 euros à la société SILAC, 5 000 euros à la société SIMOLDES PLASTICOS FRANCE et 10 000 euros à la société RENAULT, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société TREVES aux dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 avril 2010, la société TREVES, appelante, demande à la cour, par voie d'infirmation, de :
- dire que le brevet français n° 2 732 653 n'a pas cessé de produire ses effets,
- valider les saisies-contrefaçons des 15, 16 et 20 juin 2006,
- dire que les sociétés SILAC et SIMOLDES PLASTICOS FRANCE se rendent coupables de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 dudit brevet,
- prononcer des mesures d'interdiction, de destruction, d'information, sous astreinte, et de publication d'usage et se réserver la possibilité de liquider les astreintes,
- condamner la société SILAC et la société SIMOLDES PLASTICOS FRANCE à lui verser, chacune, la somme de 3 000 000 euros à titre provisionnel, en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon,
- ordonner la réouverture des débats afin de permettre à la cour de fixer le préjudice définitif subi,
- condamner les sociétés SILAC, SIMOLDES PLASTICOS FRANCE et RENAULT à lui restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire avec intérêts légaux à compter du jour de leur règlement,
- condamner in solidum les sociétés SILAC et SIMOLDES PLASTICOS FRANCE au paiement de la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de saisie-contrefaçon.
La société SILAC, intimée, dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mai 2010, demande à la cour, au visa des articles L. 614-16 et suivants, L. 613-25, L. 615-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil, de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté que le brevet français FR B 2 732 653 a cessé de produire ses effets, annulé les saisies-contrefaçons des 15, 16 et 20 juin 2006 ainsi que les actes de dénonciation ayant suivi, ordonné à la société TREVES de lui restituer les pièces saisies, rejeté les demandes de cette société et condamné celle-ci aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement pour le surplus, et y ajoutant,
- annuler les revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet FR B 2 732 653 pour défaut de nouveauté ou, à titre subsidiaire, pour défaut d'activité inventive,
- dire, à titre subsidiaire, qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon,
- condamner la société TREVES à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- ordonner la publication de la décision à intervenir, dans la presse ainsi que le site Internet de la société TREVES,
- condamner la société TREVES en tous les dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société SIMOLDES PLASTICOS FRANCE, intimée, conclut, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 8 avril 2010, à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes formées par la société TREVES et à la condamnation de celle-ci au paiement de la somme supplémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. A titre subsidiaire, elle sollicite la garantie de la société RENAULT de toutes condamnations éventuelles et la condamnation de cette société à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 3 mai 2010, la société RENAULT, intimée, prie la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence d'effet du brevet FR 95 04247, et ce, à compter du 29 septembre 2000,
- prononcer la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon,
- à titre subsidiaire, prononcer la nullité des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet FR 95 04247 et, en tant que de besoin, du brevet européen EP 0 820 390 pour défaut de nouveauté ou à tout le moins d'activité inventive,
- à titre infiniment subsidiaire, dire que le brevet Renault FR 05 51632, les plages arrière et leurs supports latéraux ne constituent pas la contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet FR 95 04247 et du brevet EP 0 820 390,
- en tout état de cause, débouter les sociétés TREVES et SIMOLDES PLASTICOS FRANCE de l'ensemble de leurs demandes et condamner la société TREVES au paiement de la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux dernières écritures précitées des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société TREVES fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que le brevet européen EP 0 820 390 s'était substitué au brevet français n° 2 732 653 le 29 septembre 2000 car, à cette date, les conditions de la déchéance ne se trouvaient pas réunies en l'absence de décision du directeur de l'INPI et, par conséquent, d'avoir annulé les opérations de saisie-contrefaçon qu'elle avait été autorisée à faire pratiquer sur la base de la revendication du brevet français précité alors que, selon elle, la déchéance de la partie française du brevet européen avait pris effet au 30 avril 2000, soit antérieurement au 29 septembre 2000, date de fin de la période d'opposition, en sorte que le brevet européen n'avait pu se substituer au brevet français ;
que sur le fond, elle conteste la pertinence des documents versés par les sociétés SILAC et RENAULT au soutien de l'absence de nouveauté et d'activité inventive du brevet français n° 2 732 653 et conclut, au vu des caractéristiques des tablettes et supports latéraux saisis et des constatations effectuées par les huissiers instrumentaires lors des opérations de saisie-contrefaçon, à la matérialité des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 dudit brevet.
Sur la perte des effets du brevet français n° 2 732 653 invoqué par la société TREVES :
Considérant que pour conclure au maintien des effets du brevet français n° 2 732 653 qu'elle invoque, la société TREVES fait valoir que les articles L. 614-13 et suivants du code de la propriété intellectuelle visent à régler la question du cumul entre une invention exposée à la fois dans un brevet français et un brevet européen en optant pour un cumul des protections limité dans le temps et qu'ainsi, la substitution d'un brevet européen à un brevet national n'intervient que lorsque le premier est devenu irrévocable, le but recherché étant que, dans l'intérêt du breveté, l'un des titres demeure ; qu'il est donc essentiel que le brevet européen soit maintenu pour que la substitution puisse s'opérer ;
Qu'elle soutient qu'en retenant que la déchéance n'existe qu'autant que les conditions de fond (non paiement de la redevance) et les conditions de forme (décision du directeur de l'INPI) sont réunies, le tribunal a adopté un raisonnement contraire à tous les principes, tant légaux que jurisprudentiels et doctrinaux ; que la déchéance prend effet au jour de l'échéance non acquittée et le directeur de l'INPI vient simplement constater cette situation juridique préexistante par une décision qui, comme il est indiqué dans la consultation qu'elle verse au dossier, n'a aucune incidence sur la date de prise d'effet mais «a seulement pour objet de faire cesser l'état de fait résultant de l'inscription du brevet sur les registres» ; que cette décision est «purement déclarative, se borne à 'constater' une situation acquise ; elle n'est dès lors dotée d'aucune rétroactivité» ; que la jurisprudence considère qu'il s'agit d'une décision récognitive et admet que le brevet perd ses effets du seul fait du non-paiement de l'annuité, même en l'absence de constatation administrative de déchéance ; qu'elle dénonce enfin l'adoption d'un abstract trompeur et l'orientation volontairement favorable à la thèse des intimées du commentaire de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 21 mars 2006, paru au cours de la présente procédure dans la revue Propriété Industrielle du mois de janvier 2007, donnant à cet arrêt une portée qu'il n'a pas, ce qui a pu influencer les premiers juges ;
Qu'ainsi, selon elle, en l'espèce, la déchéance de ses droits sur la partie française du brevet européen EP 0 820 390 est intervenue le 30 avril 2000 conformément aux dispositions combinées des articles L. 613-22 et R. 613-19 (en réalité R. 613-46) du code de la propriété intellectuelle, soit avant la fin du délai d'opposition fixée au 29 septembre 2000 ; qu'à cette date où il aurait dû se substituer au brevet français, le brevet européen avait donc déjà disparu, en sorte que le brevet français dont elle a régulièrement réglé les annuités n'a jamais cessé de produire ses effets.
Considérant que pour leur part, la société SILAC, qui communique les consultation et avis doctrinaux qu'elle a sollicités, et la société RENAULT prétendent que le brevet français a cessé de produire ses effets à la fin de la période d'opposition le 29 septembre 2000 ; qu'à cette date, la partie française du brevet européen existait encore, la décision du directeur de l'INPI constatant la déchéance pour défaut de règlement de la redevance dans le délai n'ayant pas encore été rendue puisque le délai supplémentaire accordé au breveté pour régler l'annuité augmentée d'une taxe n'était pas expiré ; que, selon elles, il est nécessaire que la décision constatant la déchéance soit prise et que le caractère récognitif de cette décision n'implique pas pour autant qu'elle n'ait pas une rétroactivité légale ; qu'elles rappellent que cette dernière n'a pas d'effet sur les situations juridiques définitivement acquises ;
Que les intimées soutiennent que la déchéance constitue une cause d'extinction au sens de l'article L. 614-3, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles 'l'extinction ou l'annulation ultérieure du brevet européen n'affecte pas les dispositions prévues au présent article' et qu'ainsi, le législateur a voulu donner un caractère irréversible à la cessation des effets du brevet français à la fin de la période d'opposition ; qu'elles observent enfin que, la renonciation ne se présumant pas et la déchéance étant une sanction du non versement de l'annuité, la décision constatant la déchéance ne saurait être assimilée à la constatation de la prétendue volonté de l'appelante d'abandonner la partie française du brevet européen.
Considérant, ceci exposé, que l'article L. 612-19 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, prévoit que :
'Toute demande de brevet ou tout brevet donne lieu au paiement de redevances annuelles qui doivent être acquittées au plus tard au jour fixé par décret pris en Conseil d'Etat.
Lorsque le paiement d'une redevance annuelle n'a pas été effectué à la date prévue à l'alinéa précédent, ladite redevance peut être valablement versée dans un délai supplémentaire de six mois moyennant le paiement d'un supplément dans le même délai.' ;
que l'article R. 613-46 stipule que 'le paiement des annuités vient à échéance le dernier jour du mois de la date anniversaire du dépôt de la demande' ;
Que, selon l'article L. 613-22 applicable à l'époque des faits :
'1. Est déchu de ses droits le propriétaire d'une demande de brevet ou d'un brevet qui n'a pas acquitté la redevance annuelle prévue à l'article L. 612-19 dans le délai prescrit par ledit article.
La déchéance prend effet à la date de l'échéance de la redevance annuelle non acquittée.
Elle est constatée par une décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle ou, à la requête du breveté ou d'un tiers, dans les conditions fixées par voie réglementaire.
La décision est publiée et notifiée au breveté.
2. Le breveté peut, dans les trois mois suivant la notification de la décision, présenter un recours en vue d'être restauré dans ses droits s'il justifie d'une excuse légitime du non-paiement de l'annuité.
La restauration est accordée par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle sous réserve que la ou les redevances annuelles soient acquittées dans le délai prescrit par voie réglementaire.' ;
Que l'article L. 614-13 dispose que :
'Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l'opposition au brevet européen est expiré sans qu'une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d'opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu.
Toutefois, lorsque le brevet français a été délivré à une date postérieure à l'une ou l'autre, selon le cas, de celles qui sont fixées à l'alinéa précédent, ce brevet ne produit pas d'effet.
L'extinction ou l'annulation ultérieure du brevet européen n'affecte pas les dispositions prévues au présent article.' .
Considérant qu'il est constant que le brevet européen EP 0 820 390 a le même titulaire, la société TREVES, que le brevet français n° 2 732 653 dont la priorité a été revendiquée lors de son dépôt et couvre exactement la même invention que ce brevet ; que le délai d'opposition de neuf mois à compter de la publication de sa délivrance dans le bulletin du 29 décembre 1999 a expiré le 29 septembre 2000 sans qu'une opposition ait été formée ;
Que, par ailleurs, la société TREVES n'ayant pas réglé la redevance annuelle due en France pour le maintien de la partie française du brevet européen, venue à échéance le 30 avril 2000, ni la redevance majorée dans le délai supplémentaire de six mois prévu par l'article L. 612-19, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction alors en vigueur, expirant le 30 octobre 2000, le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle a, par décision en date du 31 décembre 2001, constaté la déchéance des droits de ladite société sur la partie française de ce brevet ; que la société TREVES n'a pas formé de recours en restauration ;
Que la question soumise à la cour est donc de savoir si, dès lors que la déchéance de la partie française du brevet européen EP 0 820 390 pour non-paiement par la société TREVES de la redevance annuelle a été constatée par une décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle rendue le 31 décembre 2001, la prise d'effet au 30 avril 2000 de cette déchéance est restée sans conséquence sur la cessation des effets du brevet français précité intervenue le 29 septembre 2000 par la substitution du brevet européen à la fin de la période d'opposition, comme le soutiennent les sociétés SILAC et RENAULT, ou si, comme le prétend l'appelante, elle a entraîné la disparition, à cette date, du brevet européen, qui n'a donc pas pu se substituer au brevet français le 29 septembre 2000, en sorte que le brevet français dont les annuités ont été régulièrement payées n'a jamais cessé de produire ses effets.
Considérant que les parties s'accordent à dire qu'il n'est pas connu de décisions s'étant prononcées sur la question posée en l'espèce ; qu'en effet, les décisions judiciaires connues portent sur des litiges relatifs à des décisions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle ou de juridictions constatant la déchéance, à des recours en restauration ou encore à l'appréciation de la recevabilité des actions en contrefaçon engagées par des brevetés ne justifiant pas du règlement des annuités afférentes au titre invoqué (ou au titre européen s'étant substitué au titre invoqué, comme ce fut le cas dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt rendu le 21 mars 2006 par la cour d'appel de Rennes dont le commentaire paru dans la revue Propriété Industrielle du mois de janvier 2007 est versé au dossier par la société SILAC - pièce n° 20 -) sans qu'une décision constatant la déchéance ait été prise.
Considérant qu'il résulte des articles précités combinés aux textes réglementaires des articles R. 613-46 à R. 613-50 du code de la propriété intellectuelle qu'une date d'échéance est fixée pour le versement des redevances annuelles mais que ces dernières peuvent être versées dans un délai supplémentaire de six mois moyennant le versement d'une majoration, ce que rappelle l'avertissement qui est adressé au propriétaire du brevet ; qu'à défaut, celui-ci 'encourt la déchéance de ses droits' (article R. 613-48) ; que ce délai de grâce de six mois avant que la déchéance ne puisse être prononcée est imposé par l'article 5 bis § 1 de la Convention de [Localité 4] ;
Qu'il s'ensuit que le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle doit attendre l'expiration du délai supplémentaire pour constater que la redevance annuelle - outre sa majoration - n'a pas été réglée et que, par conséquent, avant cette date, aucune décision constatant la déchéance ne peut intervenir, en sorte que le breveté reste provisoirement titulaire d'un brevet en vigueur ;
Qu'en l'espèce, la société TREVES pouvait donc valablement acquitter la redevance annuelle et sa majoration jusqu'au 30 octobre 2000, soit jusqu'à une date postérieure à l'expiration de la période d'opposition au brevet européen, en sorte qu'au 29 septembre 2000, aucune décision constatant la déchéance de ses droits sur la partie française de ce brevet ne pouvait encore intervenir et la substitution dudit brevet au brevet français s'est opérée.
Considérant qu'il ne résulte pas des textes précités que la déchéance est automatique du seul fait que la condition du défaut de paiement de l'annuité est réalisée ; qu'il est d'ailleurs expressément dit à l'article R. 613-48 du code de la propriété intellectuelle que le propriétaire de la demande de brevet ou du brevet 'encourt' la déchéance de ses droits et à l'article L. 613-22 du même code que cette dernière 'est constatée' par une décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, peu important à cet égard que celui-ci n'ait qu'à vérifier que le versement de la redevance annuelle et de sa majoration n'est pas intervenu dans les délais précités ;
Que, susceptible d'un recours devant le juge judiciaire comme il est dit à l'article L. 411-4 du code de la propriété intellectuelle, la décision du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle est une décision administrative, récognitive, par son objet qui ne fait que constater une situation déterminée ou l'existence et l'étendue de droits préexistants sans que l'autorité ne dispose d'un pouvoir d'appréciation, et rétroactive non seulement par sa nature récognitive mais également par l'effet de la loi (article L. 613-22, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle) en ce qu'elle est applicable à une date antérieure à son prononcé et à sa notification au breveté, étant rappelé qu'un recours en restauration est ouvert.
Considérant qu'en l'espèce, les conditions pour que la décision constatant la déchéance puisse intervenir n'étaient réunies qu'à la date du 30 octobre 2000, date d'expiration du délai supplémentaire accordé au breveté pour régler la redevance annuelle et sa majoration ; que la décision a été rendue le 31 décembre 2001.
Or considérant qu'à la date du 29 septembre 2000 marquant la fin du délai d'opposition au brevet européen EP 0 820 390, le brevet français n° 2 732 653 dont la priorité était revendiquée a cessé de produire ses effets en application des dispositions de l'article L. 614-13, alinéa premier, du code de la propriété intellectuelle par l'effet de la substitution du brevet européen toujours en vigueur ;
Qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le troisième alinéa de l'article précité stipule que 'L'extinction ou l'annulation ultérieure du brevet européen n'affecte pas les dispositions prévues au présent article' ;
Que ces dispositions, prises par le législateur français comme l'y autorisait l'article 139 § 3 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, qui ont pour objet de prévoir un cumul des protections limité dans le temps auquel il est mis fin de façon définitive par la substitution du brevet européen au brevet national, trouvent leur origine dans la Convention de Luxembourg du 15 décembre 1976 et l'accord de Luxembourg du 15 décembre 1989 ;
Que, si la déchéance n'est pas expressément visée à l'article L. 614-13, alinéa 3, précité, il convient toutefois d'observer qu'elle constitue une cause d'extinction et que, particulièrement, l'article 50 de l'accord de Luxembourg du 15 décembre 1989, intitulé 'Extinction', prévoit que 'Le brevet communautaire s'éteint : (...) c) si une taxe annuelle, et le cas échéant, la surtaxe n'ont pas été acquittées en temps utile (...) 3° L'extinction du brevet communautaire pour défaut de paiement en temps utile d'une taxe annuelle et, le cas échéant, de la surtaxe, est considérée comme survenue à l'échéance de la taxe annuelle' ;
Qu'il s'ensuit que la décision ayant constaté la déchéance des droits de la société TREVES sur la partie française du brevet européen EP 0 820 390 a emporté extinction de la partie française dudit brevet au sens de l'article L. 614-13, alinéa 3, du code de la propriété intellectuelle mais que, dès lors qu'elle est intervenue le 31 décembre 2001 après la substitution du brevet européen au brevet français n° 2 732 653, cette décision, bien qu'ayant pris effet à la date du 30 avril 2000, n'a pu avoir pour conséquence d'affecter la situation irrévocablement acquise au 29 septembre 2000, étant encore rappelé qu'il était loisible à ladite société, en effectuant le versement de l'annuité et de sa majoration jusqu'au 30 octobre 2000, de préserver ses droits sur la partie française du brevet européen.
Et considérant que dans la mesure où une renonciation ne se présume pas, le moyen de l'appelante selon lequel le non-paiement de la redevance annuelle pendant la période d'opposition au brevet européen caractérisait sa volonté de renoncer à la partie française de ce dernier est inopérant.
Considérant, dans ces conditions et abstraction faite de tout autre moyen surabondant, que c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé que le brevet français n° 2 732 653 avait cessé de produire ses effets du fait de la substitution du brevet européen EP 0 820 390 désignant la France.
Sur la nullité des opérations de saisie-contrefaçon :
Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon ayant été autorisées sur le fondement du brevet français n° 2 732 653 invoqué par la société TREVES, c'est à juste titre que les procès-verbaux des 15, 16 et 20 juin 2006 ainsi que les actes de dénonciation ayant suivi ont été annulés par la décision entreprise qui a, par conséquent, justement ordonné à ladite société de restituer à la société SILAC les pièces saisies dans ses locaux.
Sur l'action en contrefaçon :
Considérant que la société TREVES ne pouvant valablement invoquer le brevet français qui a cessé de produire effet à compter du 29 septembre 2000, est irrecevable à agir en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 de ce brevet pour des faits postérieurs à cette date ;
Qu'il y a donc lieu, en infirmant le jugement qui a rejeté les demandes formées à ce titre, de déclarer l'appelante irrecevable en son action.
Sur la demande d'annulation des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet français n° 2 732 653 :
Considérant que, dès lors que la société TREVES est irrecevable à agir en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet français n° 2 732 653 au motif que ce dernier a cessé de produire effet, la société SILAC n'est pas recevable, faute d'intérêt, à solliciter à titre reconventionnel l'annulation de la revendication 1 pour défaut de nouveauté ou, à titre subsidiaire, pour défaut d'activité inventive et des revendications 2, 3, 4 et 6 placées dans la dépendance de la revendication 1.
Sur les demandes reconventionnelles formées par la société SILAC pour procédure abusive :
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont rejeté les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts et de publication judiciaire formées par la société SILAC pour procédure abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des intimées une indemnité de procédure au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la société TREVES au titre de la contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet français n° 2 732 653 ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Déclare la société TREVES irrecevable à agir en contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet français n° 2 732 653 ;
Déclare la société SILAC irrecevable en sa demande reconventionnelle d'annulation des revendications 1, 2, 3, 4 et 6 du brevet français n° 2 732 653 ;
Condamne la société TREVES à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 15 000 euros à la société SILAC, 3 000 euros à la société SIMOLDES PLASTICOS FRANCE et 10 000 euros à la société RENAULT au titre de l'instance d'appel ;
Condamne la société TREVES aux dépens d'appel dont recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT