Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2010
(n° ,4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/05642
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2010 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 09/32
APPELANT
Monsieur [V], [S] [I]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP Anne-Marie OUDINOTet Pascale FLAURAUD, avoués à la Cour
assisté de Maître Cécile FOURNIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1938
INTIMÉE
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE L'ETANG DE BERRE EST
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Maître Virna CURETTI, avocat plaidant pour la SCP ROSENFELD, avocats au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 juin 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Alberte ROINÉ, conseillère et Madame Martine FOREST-HORNECKER, conseillère, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Alberte ROINÉ, conseillère
Madame Martine FOREST-HORNECKER, conseillère
Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 17 mai 2010
GREFFIÈRE :
lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt : Mademoiselle Sandra PEIGNIER
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Alberte ROINÉ, conseillère la plus ancienne ayant délibéré et par Mademoiselle Sandra PEIGNIER, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par jugement d'orientation contradictoire du 18 février 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Meaux a notamment rejeté les demandes de nullité, de délai et de vente amiable de Madame [I], retenu au profit de la Caisse de Crédit Mutuel de l'Etang de Berre Est, ci-après CCMEB Est une créance de 241.527,58 euros et ordonné la vente forcée du bien à l'audience du 3 juin 2010 sur une mise à prix de 50.000 euros.
Par assignation à jour fixe du 30 mars 2010, déposée au greffe le 2 avril 2010, Madame [I], appelante, demandent à la Cour d'infirmer ce jugement, de constater qu'une enquête pénale est en cours pour escroquerie et faux en écritures publiques en bande organisée, de constater que l'acte de prêt a été signé par une personne dépourvue de pouvoir, de dire que l'inscription d'hypothèque est nulle pour avoir été consentie par une personne dépourvue de pouvoir, de dire que la procuration notariée contient un faux, décelable à la simple inspection oculaire, constater que le titre du CMEB a été obtenu par fraude, d'ordonner la nullité des actes de poursuites et de la saisie immobilière, subsidiairement de lui accorder un délai de grâce de deux ans et de dire que les intérêts ne courront pas pendant ce délai, enfin de condamner l'intimée au paiement d'une indemnité de procédure de 2.000 euros.
Elle fait valoir principalement :
- qu'elle a été victime d'une escroquerie nationale organisée par la société Apollonia, intermédiaire en opération de banque pour le compte de la CCMEB Est,
- qu'elle n'a pas été représentée valablement à l'acte de prêt, n'ayant donné aucun pouvoir à Madame [B], secrétaire juridique, qu'il s'agit d'une nullité absolue, que l'acte ne saurait valoir titre exécutoire en application de l'article 1318 du Code civil,
- que Madame [B] n'avait aucun pouvoir de consentir une hypothèque conventionnelle laquelle est donc nulle,
- que la procuration qui contient un faux, souscrite hors de la compétence territoriale du notaire,
n'est pas annexée à l'acte de prêt, que l'acte est ainsi entaché d'un vice de forme qui le prive de toute force exécutoire,
- que la créance de la banque n'est pas liquide, la dissimulation des commissions versées à Apollonia ayant une conséquence notable sur la détermination de la créance,
- que toutes les règles d'ordre public du Code de la consommation ont été violées, que l'inscription de Madame [I] au registre du commerce ne rend pas l'investisseur, averti en matière de prêt bancaire,
- qu'elle n'a jamais renoncé au délai de réflexion de l'article R 261-30 du Code de la consommation,
- que le prêt a été octroyé dans des conditions douteuses.
Par conclusions du 2 juin 2010, Madame [I] reprend les moyens soulevés dans son assignation.
Par conclusions du 8 juin 2010, la Caisse de Crédit Mutuel de l'Etang de Berre Est demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de retenir à son profit une créance de 241.527,58 euros, subsidiairement de 274.223,61 euros outre les intérêts contracvtuels capitalisés à compter du 21 juillet 2008, enfin de condamner Madame [I] au paiement d'une indemnité de procédure de 2.000 euros.
Elle soutient essentiellement :
- que la nullité d'un contrat pour absence de pouvoir du mandataire est relative, qu'en l'espèce l'action est prescrite, le contrat de prêt ayant été souscrit il y a plus de cinq ans, qu'il a en outre été exécuté pendant plusieurs années,
- que le défaut d'annexion à l'acte de la procuration n'est pas sanctionné,
- que les formalités de la loi Scrivener ont été respectées,
- que la contestation concernant le caractère liquide de la créance n'a pas été soulevée à l'audience d'orientation est n'est donc pas recevable devant la Cour,
- qu'au jour de l'octroi du prêt la banque n'avait à exercer aucun devoir de mise en grde particulier eu égard au dossier rempli par Madame [I],
- que la débitrice qui a souscrit postérieurement six autres prêts n'est pas de bonne foi et ne saurait bénéficier de délais de paiement.
SUR CE, LA COUR :
qui se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,
Considérant que la saisie immobilière est poursuivie sur le fondement d'un acte notarié exécutoire du 5 novembre 2004 aux termes duquel la CCMEB Est a consenti à Madame [I] un prêt de 533.322 euros pour lui permettre d'acquérir deux appartements en l'état futur d'achèvement dépendant d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 5] ) ;
Considérant que Madame [I], qui n'était pas présente à la signature de l'acte, avait signé le 18 juin 2004 une procuration recueillie par le notaire lui-même qui s'était, pour ce faire, déplacé à [Localité 4], lieu de travail de l'intéressée ; que Madame [I] y a donné mandat à :
'tous clercs de notaire de l'étude de Maîtres [D] [L], Notaire à [Localité 3] pouvant agir ensemble ou séparément',
d'une part d'acquérir les dits appartements, d'autre part d'emprunter la somme de 533.222 euros ;
Considérant que l'acte notarié de prêt du 5 novembre 2004 a été signé par Madame [O] [B], secrétaire notariale ; que la CCMEB Est ne peut sérieusement soutenir que le terme 'clerc de notaire' employé dans la procuration englobe tous les salariés de l'étude ; que ce terme a une définition précise et qu'une secrétaire ne saurait être qualifiée de 'clerc de notaire' ; que Madame [B], qui a signé l'acte pour Madame [I] était dépourvue de tout pouvoir ; qu'il en résulte que ni Madame [I] ni aucun mandataire pour elle n'a signé l'acte authentique du 5 novembre 2004 ;
Considérant qu'il résulte des articles 1317 du Code civil, 11 et 23 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, dans leur rédaction alors applicable, que le défaut de signature par l'une des parties de l'acte authentique constitue un vice de forme affectant l'acte notarié d'une nullité absolue ; que cette nullité affecte l'ensemble des conventions qu'il renferme et a pour effet de retirer à cet acte son caractère de titre authentique et exécutoire ;
Considérant que la CCMEB Est ne dispose donc pas à l'encontre de Madame [I] d'un titre exécutoire lui permettant d'exercer des mesures d'exécution sur les biens de celle-ci pour recouvrer sa créance ; que la procédure de saisie immobilière poursuivie est nulle ; que le jugement entrepris doit être infirmé ;
Considérant que la CCMEB Est qui succombe doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel ; que l'équité commande en l'espèce de laisser à la charge de chaque partie les frais judiciaires non taxables exposés tant devant le premier juge que devant la Cour ;
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement entrepris,
Et, statuant à nouveau,
Dit nulle la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de Madame [I] par la Caisse de Crédit Mutuel de l'Etang de Berre Est,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de l'Etang de Berre Est aux dépens de première instance et d'appel, le montant de ces derniers pouvant être recouvré dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE,LA CONSEILLÈRE,