REPUBLIQUE FRANCAISE
Grosses délivrées
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 7 SEPTEMBRE 2010
(n° 283, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/04114
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2008 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 07/00911
APPELANT
Monsieur [W] [B] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour
assisté de Me Cyril EMANUELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : E 334
INTIMEE
SCP [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Emmanuel SYNAVE, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : T193
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 mai 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
La Cour,
Considérant que, le 21 mars 2004, à l'occasion du recouvrement d'une créance, la S.C.P. [I], huissier de justice, interrogeait le fichier central des comptes bancaires, dit Ficoba, en vue de connaître les comptes de M. [W] [U] ;
Que, par jugement du 7 septembre 2004, le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Nanterre prononçait le divorce de M. [U] et de Mme [F] et qu'il fixait la contribution de M. [U] à l'éducation et à l'entretien des enfants à 420 euros pour l'enfant majeur et à 380 euros pour chacun des enfants mineurs ; que, par arrêt du 20 octobre 2005, la Cour d'appel de Versailles ramenait le montant de ces pensions à la somme de 910 euros ;
Qu'à la suite de la première décision, était suivie, à la requête de Mme [F], une procédure de recouvrement direct ayant donné lieu à de nombreuses contestations entre M. [U] et la S.C.P. [I], chargée de son recouvrement ; que, finalement, par arrêt du 31 janvier 2008, la Cour d'appel de Versailles a ordonné la mainlevée de cette mesure et rejeté les autres demandes de M. [U] qui formait un pourvoi en cassation ; que, par arrêt du 22 octobre 2009, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles ;
Qu'estimant que la S.C.P. [I] avait commis des fautes multiples et répétées à l'occasion de cette procédure de payement direct d'une pension alimentaire, M. [U] a saisi le Tribunal de grande instance de Créteil qui, par jugement du 29 janvier 2008, l'a débouté de ses demandes tendant au payement de dommages et intérêts et au prononcé de sanctions disciplinaires, dit que sa demande de communication d'un état des lieux en date du 15 mai 2005 était dépourvue d'objet, ensemble a débouté la S.C.P. [I] de sa demande reconventionnelle aux fins de dommages et intérêts et débouté les parties, chacune de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'appelant de ce jugement, M. [U] demande que la S.C.P. [I] soit condamnée à lui payer diverses sommes ;
Que, premièrement, au regard de la procédure de payement direct du 11 octobre 2004, M. [U] sollicite une somme de 5.553 euros à titre de dommages et intérêts et à lui « garantir le payement des condamnations affectant potentiellement sa cliente à ce chapitre en cas de condamnation et dans le cas où ces versements seraient compromis » ;
Qu'à cette fin et s'appuyant sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, M. [U] fait valoir que l'huissier a entamé la procédure de payement direct le 11 octobre 2004 au vu d'un jugement qui n'était pas exécutoire et alors que Mme [F], sa mandante, ne prouvait pas « qu'une échéance d'une pension alimentaire, fixée par une décision judiciaire devenue exécutoire » n'avait pas été payée ;
Que, quant au préjudice, M. [U] soutient que la procédure suivie contre lui a directement porté atteinte à sa considération et à son honneur ;
Que, deuxièmement et s'agissant de la procédure de payement direct du 25 août 2005 rectifiée le 1er septembre 2005, l'appelant demande que son adversaire soit condamnée à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, à lui rembourser la somme de 159 euros d'émoluments indument facturés et à lui « garantir cumulativement le payement effectif des condamnations affectant potentiellement Madame [F] à ce chapitre : (a) en répétition de l'indu à hauteur de 10.000 euros, (b) restitution des pensions saisies à hauteur de 30.000 euros, (c) de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros, enfin (d) des amendes civiles encourues à hauteur de 3 fois 1.500 euros par Madame [F] pour chaque notification, tout ceci dans le cas où les versements de celle-ci seraient compromis » ;
Qu'à ces fins, M. [U] fait valoir que la S.C.P. [I] porte sa part de responsabilité d'avoir faussement interprété un titre exécutoire comme rétroactif ; qu'en outre, elle a appliqué, sans mandat conforme, sans contrôle ni décharge, la procédure de payement direct à des termes échus depuis plus de six mois viciant ainsi l'ensemble d'une procédure qui aurait pu lui être épargnée de sorte que la faute de l'huissier de justice a porté durablement atteinte à sa considération et à son honneur et compliqué ses démarches administratives ;
Que M. [U] demande également une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et la garantie de la S.C.P. [I] au titre des condamnations affectant potentiellement Mme [F], sa cliente, dans le cas où, après condamnation, ses versements seraient compromis et ce, en réparation du préjudice subi du fait que l'huissier de justice n'a pas mis fin au recouvrement direct au mois d'août 2006 puisque l'arriéré était payé ;
Que, troisièmement, M. [U] demande que l'huissier soit condamné, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; qu'à cette fin, il soutient que la S.C.P. [I] a fautivement remis à Mme [F] la fiche « Ficoba », document protégé par le secret bancaire ainsi que par le secret professionnel, et que, ce faisant, il a violé les dispositions des articles 41 de la loi du 9 juillet 1991 et 226-21 du Code pénal ;
Qu'enfin et quatrièmement, M. [U] demande que la S.C.P. [I] soit condamnée à lui verser la somme de 8.500 euros à titre de dommages et intérêts au motif qu'après l'avoir expulsé de l'ancien domicile conjugal, elle a fautivement retenu le procès-verbal de constat d'état des lieux pendant trente mois et que cette faute lui a causé un préjudice tant moral qu'économique ;
Considérant que la S.C.P. [I] conclut à l'infirmation partielle du jugement en demandant :
- qu'il lui soit donné acte qu'elle procède à la restitution des sommes saisies au titre des pensions alimentaires dues sur les mois de décembre 2004, janvier 2005 et les 14 premiers jours du mois de février 2005, soit, au total, une somme de 2.950 euros,
- que M. [U] soit déclaré irrecevable en ses demandes nouvelles formées pour la première fois devant la Cour, qui, en outre, ne sont pas fondées, à savoir les demandes de condamnation à le garantir au titre des sommes auxquelles il aurait été condamné ou le serait prochainement et la demande de payement d'une somme de 8.500 euros au titre d'une prétendue rétention d'un procès-verbal de constat ;
Que, pour le surplus, la S.C.P. [I] sollicite la confirmation du jugement ; qu'à cet effet, elle fait successivement valoir :
- que l'erreur commise à l'occasion de la procédure du 11 octobre 2004, dont la mainlevée a été ordonnée dès le 24 octobre, est minime et qu'elle n'a engendré aucun préjudice,
- que la procédure du 25 août 2005 n'était aucunement fautive, ni génératrice d'un dommage, eu égard aux termes des décisions de justice rendues et des incertitudes existant quant à la rétroactivité ou à la non-rétroactivité de l'ordonnance rendue le 15 février 2005 par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Versailles qui n'a été résolue que par l'arrêt rendu le 22 octobre 2009 par la Cour de cassation ; qu'à ce titre, elle admet devoir restituer la somme de 2.950 euros à M. [U],
- qu'elle n'a commis aucune faute en communiquant le fiche « Ficoba » à Mme [F] qui n'est pas un tiers à la procédure,
- qu'elle n'est pas responsable du fait que le procès-verbal de constat d'état des lieux n'ait pas été communiqué par Mme [F] à M. [U] ;
Qu'estimant la procédure abusive et caractéristique d'une intention de nuire, la S.C.P. [I] demande que M. [U] soit condamné à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur les demandes de garantie et d'indemnisation de la « rétention » d'un procès-verbal :
Considérant que les demandes de garantie présentées, sans explication, par M. [U] pour la première fois en cause d'appel visent en réalité à faire condamner la S.C.P. [I] au titre, non pas de sa prétendue responsabilité délictuelle, mais au titre d'une prétendue garantie de sommes dont il serait débiteur envers Mme [F] à l'occasion de la procédure de divorce et de ses suites ; qu'elles ne sont donc pas l'accessoire, la conséquence ou le complément des prétentions émises en première instance ; qu'en conséquence, elles sont irrecevables ;
Qu'en revanche, la demande de payement d'une somme de 8.500 euros au titre d'une prétendue rétention d'un procès-verbal de constat est recevable comme étant l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande de communication dudit procès-verbal d'état des lieux sollicitée devant les premiers juges ;
Sur la responsabilité de la S.C.P. [I] à raison de la procédure de payement direct du 11 octobre 2004 :
Considérant qu'il n'est pas contesté que, le 11 octobre 2004, la S.C.P. [I] a mis en 'uvre une procédure de recouvrement direct alors que le jugement rendu le 7 septembre 2004 et prononçant le divorce des époux [U]-[F] n'était pas exécutoire comme étant frappé d'appel et que, partant, ne pouvait être engagée la procédure de recouvrement direct de la pension alimentaire mise à la charge de M. [U] ; qu'il est également reconnu que l'huissier, qui s'est aperçu de l'erreur commise, a procédé à la mainlevée de la mesure dès le 22 octobre 2004 de sorte que la somme prélevée sur les salaires de M. [U] lui a été remboursée le 9 novembre 2004, avec les frais d'huissier d'un montant de 53 euros, et que, partant, le susnommé n'a subi aucun préjudice matériel ;
Considérant que c'est à tort que M. [U] prétend que « le préjudice se mesure à l'importance des obligations non respectées, le dommage n'ayant pas à être plus amplement démontré » alors que, même en présence d'une faute prouvée, il appartient à ce lui qui s'en dit victime d'apporter le preuve de son préjudice, fût-il moral ; qu'en décider autrement reviendrait à créer une présomption contraire aux dispositions de l'article 1382 du Code civil ;
Considérant qu'à titre subsidiaire, M. [U] fait valoir que son préjudice résulte de « la violation du secret de sa vie privée'par la propagation de contrevérités' et un préjudice d'image et irréversible », notamment dans l'entreprise où il exerce des fonctions importantes ;
Qu'à cet égard, la S.C.P. [I] n'a fait qu'appliquer les textes en vigueur en adressant une lettre recommandée à l'employeur et que, si d'autres personnes de l'entreprise ont eu connaissance des faits, la responsabilité n'en incombe pas à l'huissier de justice ;
Sur la responsabilité de la S.C.P. [I] à raison de la procédure de payement direct du 25 août 2005 rectifiée le 1er septembre 2005 :
Considérant qu'à la suite de l'ordonnance rendue le 15 février 2005 par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Versailles, la S.C.P. [I] a été mandatée par Mme [F] afin de recouvrer les pensions alimentaires des mois de septembre, octobre, novembre, décembre 2004 et janvier, février, juin, juillet et août 2005 restant dues ; qu'elle y procédait le 25 août 2005 en ce qui concerne les six derniers mois non payés, à savoir : décembre 2004 et janvier, février, juin, juillet et août 2005 ;
Que, malgré ce que soutient M. [U], la procédure du 25 août 2005 n'était aucunement fautive, ni génératrice d'un dommage, dès lors qu'il existait une incertitude quant à la rétroactivité ou à la non-rétroactivité de l'ordonnance rendue le 15 février 2005 par le conseiller de la mise en état de la Cour d'appel de Versailles qui a assorti de l'exécution provisoire les mesures accessoires résultant du jugement de divorce et que cette incertitude n'a été levée que par l'arrêt rendu le 22 octobre 2009 par la Cour de cassation qui s'est prononcée pour la non-rétroactivité ; qu'à ce titre, la S.C.P. [I], qui, dans le silence de la loi et en l'absence de toute jurisprudence certaine, n'a commis aucune faute, admet devoir restituer la somme de 2.950 euros à M. [U] ;
Sur la responsabilité de la S.C.P. [I] à raison d'une prétendue violation de l'article 41 de la loi du 9 juillet 1991 :
Considérant que les articles 39, 40 et 41 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution permettent à l'huissier de justice porteur d'un titre exécutoire d'obtenir, notamment auprès de l'administration fiscale, les renseignements utiles à l'exécution du titre et notamment l'identité et l'adresse des organismes détenteurs d'un compte ouvert au nom du débiteur ;
Considérant qu'en l'occurrence, M. [U] reproche à la S.C.P. [I] d'avoir fautivement remis à Mme [F] la fiche « Ficoba » ;
Considérant que, toutefois, les dispositions de l'article 41 susvisé prévoient que les renseignements obtenus ne peuvent être utilisés que dans la seule mesure nécessaire à l'exécution du titre et qu'ils ne peuvent être remis à des tiers ;
Qu'en l'espèce, M. [U] ne démontre aucunement que la fiche « Ficoba » le concernant aurait servi à des fins autres que le recouvrement des pensions alimentaires dues pour l'entretien et l'éducation de ses enfants ; qu'il ne prouve pas plus que ce document aurait été remis à un tiers dès lors que Mme [F], mandante de la S.C.P. [I], ne saurait être regardée comme étant un tiers au sens du texte susvisé ;
Que, de ce chef, aucune faute n'est imputable à la S.C.P. [I] ;
Sur la responsabilité de la S.C.P. [I] à raison de la rétention « triennale » d'un procès-verbal de constat des lieux de sortie :
Considérant que l'un des membres de la S.C.P. [I] a dressé deux procès-verbaux de constat à la suite de l'expulsion de M. [U] et ce, à la requête de Mme [F] ;
Que le susnommé recherche la responsabilité de l'huissier de justice en lui reprochant d'avoir fautivement retenu le procès-verbal contradictoire de constat d'état des lieux en date du 15 mai 2005 pendant trente mois et que cette faute lui a causé un préjudice tant moral qu'économique ;
Qu'en réalité, mandatée par Mme [F], la S.C.P. [I] n'était pas tenue de délivrer copie du procès-verbal à M. [U] à qui il était toutefois loisible, s'il s'y croyait recevable et fondé, d'en demander communication soit directement à Mme [F], soit à l'huissier de justice sur le fondement des articles 138 et suivants du Code de procédure civile, ce qu'il n'a pas fait ;
Qu'à cet égard encore, aucune faute ne saurait être imputée à la S.C.P. [I] ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'il n'est pas démontré que M. [U] ait abusé du droit d'agir en justice dans des circonstances préjudiciables à la S.C.P. [I] ;
Qu'en conséquence, il convient de débouter la S.C.P. [I] de sa demande de dommages et intérêts ;
Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, M. [U] sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, l'équité ne commande pas qu'il soit condamné à payer à la S.C.P. [I] la somme qu'elle réclame à ce titre ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare irrecevables les demandes de garantie présentées par M. [W] [U] contre la S.C.P. [I] ;
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 29 janvier 2008 par le Tribunal de grande instance de Créteil ;
Y ajoutant :
Déboute M. [U] de sa demande d'indemnisation d'une prétendue rétention de procès-verbal ;
Déboute M. [U] et la S.C.P. [I], chacun de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M. [U] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. Fisselier, Chiloux & Boulay, avoué de la S.C.P. [I], conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT