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08/09/2010 | FRANCE | N°08/09941

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 08 septembre 2010, 08/09941


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 08 Septembre 2010



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09941



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 06/03676





APPELANT

Monsieur [C] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me An

dré JOULIN, avocat au barreau de PARIS, E1135





INTIMÉE

Société LIBELLA venant aux droits de la S.A.R.L. EDITIONS PHEBUS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Elisabeth MEYER, avocate ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 08 Septembre 2010

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09941

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Janvier 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 06/03676

APPELANT

Monsieur [C] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me André JOULIN, avocat au barreau de PARIS, E1135

INTIMÉE

Société LIBELLA venant aux droits de la S.A.R.L. EDITIONS PHEBUS

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Elisabeth MEYER, avocate au barreau de PARIS, A 686

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Juin 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 30 janvier 2008 ayant :

* condamné la SARL EDITIONS PHEBUS à régler à M. [C] [S] les sommes suivantes :

' 3 779,92 euros de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire ;

' 20 598 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 2 059,80 euros d'incidence congés payés ;

' 123 588 euros à titre d'indemnité contractuelle de rupture ;

avec intérêts au taux légal partant du 24 mars 2006 .

' 350 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

* ordonné la remise des documents sociaux conformes ;

* débouté M. [C] [S] de ses autres demandes ;

* condamné la SARL EDITIONS PHEBUS aux dépens.

Vu le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 25 juillet 2008 ayant :

* rectifié, par suite d'une erreur matérielle, le jugement précité en condamnant la SARL EDITIONS PHEBUS à payer à M. [C] [S] la somme de 123 588 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal partant du 5 avril 2005.

* ajouté au dispositif dudit jugement en condamnant la SARL EDITIONS PHEBUS à régler à M. [C] [S] la somme de 48 000 euros d'indemnité contractuelle de rupture, avec intérêts au taux légal à compter de son prononcé.

Vu la déclaration d'appel de M. [C] [S] reçue au greffe de la Cour le 4 août 2008.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 9 juin 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [C] [S] qui demande à la Cour :

* de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL EDITIONS PHEBUS à lui payer la somme de 3 779,40 euros (rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire).

* de l'infirmer pour le surplus, et condamner la SARL EDITIONS PHEBUS à lui régler les sommes suivantes :

' 20 610 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 2061 euros d'incidence congés payés ;

' 156 870 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

' 15 748,31 euros de solde de rémunération variable et 1574,83 euros d'incidence congés payés ;

' 209 160 euros d'indemnité contractuelle de licenciement (article 11 de la convention du 29 juillet 2003) ;

' 104 580 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 52 290 euros d'indemnité au titre de la clause de non -concurrence ;

' 52 290 euros d'indemnité pour préjudice moral ;

' 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

* d'ordonner la remise d'un contrat de travail et de bulletins de paie rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir.

Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 9 juin 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, qui demande à la Cour :

* Sur la demande indemnitaire au titre de la clause de non concurrence, de « se déclarer incompétent » et débouter M. [C] [S].

* Sur l'indemnité contractuelle de licenciement, de débouter M. [C] [S] de sa demande à ce titre et, subsidiairement, infirmant le jugement entrepris, la réduire à l'euro symbolique.

* Sur le rappel de rémunération variable, de « se déclarer incompétent » et rejeter la réclamation de M. [C] [S] de ce chef .

* Sur la rupture du contrat de travail :

. Au principal :

* d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a alloué à M. [C] [S] des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, ainsi que de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

* de juger que la faute reprochée à M. [C] [S] procède d'une faute grave, et en conséquence le débouter de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et incidence congés payés, du salaire sur la période de mise à pied conservatoire, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité contractuelle complémentaire ;

* de condamner M. [C] [S] à lui rembourser la somme de 61 794 euros versée dans le cadre de l'exécution provisoire de droit de la décision critiquée, avec intérêts au taux légal partant du 20 août 2008 pour un montant de 8 962 euros ;

* concernant les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, « et les dommages-intérêts », de confirmer la décision déférée et débouter M. [C] [S] du surplus de ses prétentions.

. Subsidiairement :

* de rejeter les demandes de M. [C] [S] aux fins d'élévation des sommes allouées en première instance .

* de confirmer le jugement entrepris sur les chefs de condamnation suivants :

'3 779,92 euros (rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire) ;

'20 598 euros (indemnité compensatrice de préavis) ;

'2 059,80 euros (congés payés sur préavis) ;

'123 588 euros (indemnité conventionnelle de licenciement).

* de condamner M. [C] [S] à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA COUR 

M. [C] [S] est le fondateur de la Société des EDITIONS PHEBUS qu'il a créée le 1er février 1978.

Suivant une convention du 29 juillet 1983, M. [C] [S], son épouse Mme [H] [Y], M. [X] [Y] et Mlle [J] [Y] ont cédé à la SARL LIBELLA 53 171 actions de la SA LES COMPAGNONS DE PHEBUS ainsi que 3 actions de la SA LITTERA, moyennant le prix de 881 043,47 euros et, notamment, l'engagement du cessionnaire de « conserver en qualité de salarié de la société EDITIONS PHEBUS, M. [C] [S] et Mme [H] [Y], jusqu'à ce que ces derniers aient atteint l'âge de 65 ans, dans les conditions visées à l'article 3.2.2 » .

L'article 3.2.2 précité (« Contrats de travail de M. [C] [S] et de Mme [H] [Y] ») stipule qu'à la date du transfert lié à la cession, M. [C] [S] conclura avec la Société EDITIONS PHEBUS « un nouveau contrat de travail, en qualité ' d'Editeur ', moyennant ' une rémunération brute annuelle (13ème mois comprise) d'un montant pour partie fixe et pour partie variable » représentant, respectivement, 79 274 euros et 7,5% du résultat d'exploitation.

Dans le prolongement de cette opération de cession, M. [C] [S] a signé le même jour avec la SARL LES EDITIONS PHEBUS un contrat de travail comportant une reprise d'ancienneté au 1erfévrier 1978, en qualité d'Editeur, avec en contrepartie une rémunération brute de 79 274 euros annuels (partie fixe) et un complément représentant 7,5% du résultat d'exploitation (partie variable).

Tant la convention de cession (§ 2.5 en page 5, article 3.3.2) que le contrat de travail conclu entre les parties (point 2 du préambule en première page) spécifient expressément qu'ils constituent entre eux « un tout indivisible ».

Dans le dernier état de la relation de travail, M. [C] [S] percevait une rémunération brute mensuelle de 6 341 euros (partie fixe), outre une part variable, avec la qualification de Cadre.

La société intimée relève de la Convention Collective Nationale de l'Edition.

Par lettre du 18 janvier 2006, la SARL EDITIONS PHEBUS aux droits de laquelle vient la Société LIBELLA a convoqué M. [C] [S] à un entretien préalable prévu initialement le 27 janvier avec mise à pied conservatoire, entretien repoussé par courrier du 31 janvier au 9 février suivant, avant de lui notifier le 16 février 2006 son licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement est ainsi motivée : « En septembre 2005, parce que j'ai osé vous rappeler que la recherche de votre successeur et les conditions de votre succession devenaient une priorité du fait de votre départ prévu pour septembre 2006, vous avez amorcé la critique de tout ce qui n'est pas PHEBUS c'est-à-dire décidé par PHEBUS sous votre égide. J'ai ainsi eu à subir votre refus de participer à la foire de [Localité 5] que vous m'avez signifié dans un courrier dont vous avez pris prétexte pour dénigrer dans des impératifs et désobligeants [U] [I] ' Le 28 octobre suivant, vous m'avez adressé un courrier de plainte sur 9 pages dans lequel vous dénaturez les faits , vous prêtez des propos fallacieux à mes conseillers proches et m'accusez de violer mes engagements. Le mépris que vous me réservez était alors patent ' le 4 janvier dernier, vous m'avez adressé un nouveau courrier outrageant et attentatoire à ma dignité par lequel vous me calomniez en écrivant que je cèderais à la tentation de bidouiller les comptes , ce qui est gravement fallacieux ' En accusant par courrier votre employeur de vouloir céder à la tentation de magouiller les comptes, alors que c'est faux, en ne prenant pas la moindre précaution pour que ce courrier lui soit exclusivement destiné et en laissant donc la possibilité aux salariés d'en prendre connaissance, vous accusez, vous dénigrez ouvertement , sciemment. Dans un contexte de critiques récurrente avec dénaturation des faits dans le but de pouvoir m'opposer une violation de mes engagements car c'est selon vous le moyen de monnayer votre départ, ces accusations fallacieuses rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles ' Vous avez en effet irrémédiablement rompu, par votre comportement, la confiance qui doit présider dans nos relations au regard de votre fonction et de votre mission de représentation de l'entreprise et de ses actionnaires. Votre maintien en fonction est devenu, compte tenu de votre état d'esprit et de la calomnie que vous me destinez, un danger pour l'entreprise qu'il me fallait cesser de manière immédiate ».

Sur les demandes liées au licenciement pour faute grave 

M. [C] [S], au soutien de la contestation de son licenciement, indique que :

' l'intimée a violé l'article 3.2.8.5.7 de la convention de cession, relatif à la procédure de rupture, qui prévoit, avant la notification de sa décision, la saisine du Comité éditorial pour « un vote de consultation ».

' ayant ainsi été privé d'une garantie de fond instituée par cette clause nullement illicite, laquelle a vocation à s'appliquer seulement à « deux individualités » (lui -même ainsi que son épouse), intégrée dans la convention de cession constituant un tout indivisible avec le contrat de travail, son licenciement pour faute grave est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

' sur le fond, son licenciement pour une prétendue faute grave ne repose sur aucun motif réel et sérieux.

' il peut prétendre ainsi au paiement des salaires sur la période de mise à pied conservatoire, d'une indemnité conventionnelle de licenciement (article 13 de la Convention Collective Nationale de l'Edition), d'une indemnité contractuelle complémentaire (article 3-2-2 de la convention de cession du 29 juillet 2003), et de dommages-intérêts distincts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour préjudice moral en réparation de sa brutale éviction à l'âge de 64 ans, à l'origine d' « une violence insupportable » ayant eu des répercussions sur son état de santé.

Pour considérer au contraire que le licenciement pour faute grave de M. [C] [S] est bien fondé, la SARL LIBELLA venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS répond que :

' les griefs retenus dans la lettre de licenciement (critique de M. [C] [S] quant au choix de son successeur, refus de participer au salon de [Localité 5], ses courriers des 28 octobre 2005 et 4 janvier 2006) sont caractérisés, et constituent une faute grave privative des indemnités conventionnelles de rupture ainsi que des salaires au titre de la période de mise à pied conservatoire.

' M. [C] [S] a été licencié dans le respect de la procédure légale seule applicable.

' la clause (article 3.2.8.5.7) de la convention de cession est :

' nulle, en ce qu'elle vise à autoriser le licenciement « du fait du prince » en assurant au salarié une protection qui passe par la consultation du Comité éditorial, et comme telle contraire à l'ordre public, tout en constituant une rupture du principe d'égalité puisqu' « aucune raison objective ou pertinente ne peut justifier la différence de traitement que tente indument de s'octroyer le couple [S] » ;

' inapplicable dans la mesure où le contrat de travail, que vise la convention de cession du 29 juillet 2003, ne prévoit pas la consultation préalable du Comité éditorial pour ne renvoyer qu'aux règles du code du travail, sachant qu'en tout état de cause la convention précitée est exclue en cas de faute grave et ne peut être qualifiée de pacte d'actionnaires avec la présence d'un salarié actionnaire pour lequel la consultation préalable d'une instance se conçoit , alors même que ce Comité n'existait plus de fait depuis plusieurs mois.

' la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre son montant exorbitant, fait double emploi avec l'indemnité contractuelle et ne repose sur aucun préjudice.

' les demandes indemnitaires pour préjudice moral et de santé ne sont pas davantage étayées ; la reconnaissance d'une faute grave prive M. [C] [S] des indemnités de rupture et des salaires correspondant à la mise à pied conservatoire.

' l'indemnité contractuelle sollicitée par M. [C] [S] repose sur une clause nulle comme constituant une rupture « inacceptable » d'égalité, d'autant qu'elle est exclue en cas de faute grave (article 11 du contrat de travail et 3.2.2 de la convention de cession).

L'article 3.3.2 « clause d'unicité et d'indivisibilité » de la convention de cession du 29 juillet 2003 stipule qu' « il est expressément convenu entre les parties aux présentes, comme condition essentielle de leur engagement , que chacune des conventions visées aux présentes constituent un tout indivisible ».

Il s'en déduit que le contrat de travail conclu le même jour entre les parties, expressément visé à l'article 3.2.2 de la convention de cession précitée, constitue avec celle-ci « un tout indivisible » fixant le cadre général de leurs relations professionnelles.

Dans cet ensemble normé, il y a lieu de se reporter à l'article 3.2.8.5.7, alinéa 1er, de la convention de cession liant les parties, en vertu duquel : « En application des contrats de travail de M. [C] [S] et de Mme [H] [Y], ces derniers pourront à tout moment être licenciés et remplacés par simple décision de l'actionnaire , à charge pour ce dernier, avant de notifier sa décision, de réunir pour un vote de consultation le Comité Editorial, à qui il aura préalablement fourni par écrit les motivations de sa décision ».

Cette exigence procédurale, pour les raisons venant d'être rappelées :

' est opposable dans son principe à l'intimée, peu important que le contrat de travail ne l'ait pas expressément reprise,

' reste applicable sans restriction particulière, en ce que ne figure spécialement dans les deux derniers paragraphes de l'article susvisé aucune exclusion en cas de licenciement pour faute grave, et sans qu'apparaisse pertinent l'argument tiré de ce que le Comité Editorial (3 membres désignés par l'actionnaire et 3 autres par l'éditeur) ne serait pas ou plus opérationnel, dans la mesure où celui-ci pouvait être réactivé à l'initiative de l'employeur en vue d'une saisine pour consultation même en formation incomplète.

' demeure par nature étrangère à toute qualification juridique de la convention de cession en un « pacte d'actionnaires », à laquelle, sur un plan purement théorique, fait référence l'intimée qui oppose le salarié actionnaire, « pour lequel la consultation du conseil de surveillance se conçoit », au salarié non actionnaire qui ne mériterait pas de « statut protecteur particulier », ce qui reste non déterminant en présence d'une volonté des parties clairement exprimée.

' repose sur une clause contractuelle - la convention de cession - non atteinte d'une cause de nullité, en ce que :

' d'une part, l'intimée se contente d'affirmer que la stipulation critiquée procédant, selon elle, d'un licenciement du « fait du prince » serait « contraire à l'ordre public », puisqu'il ne s'agit en définitive que de prévoir des garanties supplémentaires en faveur du salarié ;

' d'autre part, eu égard aux fonctions d'éditeur confiées à M. [C] [S], il pouvait être institué ce Comité Editorial pour consultation avant toute décision de licenciement, sans que cette précaution n'entraine objectivement une rupture caractérisée d'égalité entre les salariés de l'entreprise.

La saisine par l'employeur, avant toute décision de rupture du contrat de travail, du Comité Editorial institué contractuellement « pour un vote de consultation » constitue une garantie de fond dont M. [C] [S] a été manifestement privé.

L'intimée n'ayant pas respecté la garantie de fond qui consistait en une consultation préalable du Comité Editorial aux fins qu'il donne un avis sur la mesure disciplinaire envisagée contre M. [C] [S], il s'en déduit que son licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision déférée sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a , écartant la faute grave mais retenant une faute sérieuse, débouté M. [C] [S] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et l'intimée ainsi condamnée à lui payer de ce chef la somme de 78 000 euros avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt, représentant 12 mois de salaires, en application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, en considération de son âge (69 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (28 ans).

Les pièces médicales produites par M. [C] [S] sont contemporaines de son licenciement notifié en février 2006. Elles révèlent une sensible détérioration de son état de santé non sans un lien avec les conditions dans lesquelles il a été contraint de cesser sa collaboration au sein des EDITIONS PHEBUS dont il était le fondateur, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande distincte en dommages-intérêts pour préjudice moral, et l'intimée condamnée de ce chef à lui payer la somme de 22 000 euros, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

La décision critiquée sera, en revanche, confirmée en ce qu'elle a condamné l'intimée à verser à M. [C] [S] les autres sommes suivantes :

' 3 779,92 euros au titre du rappel de salaires correspondant à la période de mise à pied conservatoire du 18 janvier au 17 février 2006, à laquelle il y a lieu d'ajouter 377,99 euros d'incidence congés payés (demande nouvelle en cause d'appel) ;

' 123 588 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement (article 13 de la Convention Collective Nationale de l'Edition) sur la base du mode de calcul prévu, faute de plus amples éléments donnés par le salarié au soutien de sa demande d'infirmation de ce chef ;

' 20 598 euros d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (article 13, 3 mois pour les cadres) et 2 059,80 euros d'incidence congés payés, en l'absence d'une démonstration du salarié, au soutien de sa demande d'un montant supérieur ;

avec intérêts au taux légal partant du 24 mars 2006, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation .

Concernant l'indemnité  contractuelle complémentaire, l'article 11 du contrat de travail prévoit que : « M. [S] bénéficie expressément d'une garantie d'emploi ' jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de 65 ans. Toute rupture intervenue avant l'âge de 65 ans, sauf ' faute grave ', ouvrira droit pour M. [S] au paiement immédiat d'une somme équivalente à deux ans de salaires bruts , à titre de dommages-intérêts et en sus de ses indemnités de rupture ' ».

L'article 3.2.2 de la convention de cession reprend (en page 15) à l'identique cette stipulation qui s'analyse en une clause de garantie d'emploi restreignant le droit de l'employeur de licencier M. [C] [S] avant l'âge de 65 ans, et fixant à l'avance le montant de l'indemnité à la charge de l'intimée qui viendrait à ne pas respecter ladite clause, soit une somme égale à 2 ans de salaires bruts en plus des indemnités de rupture.

M. [C] [S] ayant été licencié abusivement à l'âge de 64 ans, il en résulte que l'intimée n'a pas respecté son obligation contractuelle au titre de la garantie d'emploi.

Cette clause s'analyse en une clause pénale, au sens des dispositions de l'article 1152 du code civil, et compte tenu de son caractère manifestement excessif dans la mesure où M. [C] [S] a atteint l'âge de 65 ans environ 6 mois après son licenciement, il y a lieu de la ramener à de plus justes proportions, étant observé qu'elle ne constitue en rien une rupture du principe d'égalité entre salariés.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'intimée à payer à M. [C] [S] la somme à ce titre de 48 000 euros majorée des intérêts au taux légal partant du 24 mars 2006.

Sur la clause de non - concurrence 

M. [C] [S] précise que la clause contractuelle de non-concurrence (article 3.2.9 de la convention de cession du 29 juillet 2003) est nulle faute d'être limitée dans le temps, dans l'espace et d'être assortie d'un contrepartie pécuniaire, clause qu'il a respectée, ce qui lui a causé nécessairement un préjudice dont il demande réparation.

L'intimée réplique que la jurisprudence citée par le salarié « est celle de la chambre sociale de la cour de cassation et non celle de la chambre commerciale », que cette clause étant seulement insérée dans la convention de cession d'actions, la Cour est incompétente pour connaître de cette demande qui relève de la compétence du juge consulaire, et que surabondamment M. [C] [S] ne démontre pas qu'il l'aurait respectée ainsi que son préjudice.

L'article 3.2.9 de la convention de cession, qui forme un tout indivisible avec le contrat de travail conclu entre les parties, s'analyse en une clause de non- concurrence nulle puisque non limitée dans le temps ainsi que dans l'espace, et non assortie d'une contrepartie financière en faveur de M. [C] [S].

Le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence nulle, lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue.

Si M. [C] [S] prétend avoir respecté son obligation contractuelle de non-concurrence, puisqu' « il n'a pu répondre à aucune sollicitation », force est de constater qu'il ne le démontre pas.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande indemnitaire de M. [C] [S] de ce chef.

Sur le rappel de rémunération variable

M. [C] [S] précise qu'il reste redevable d'une somme de 15 748,31 euros (+1 574,83 euros) au titre de la part variable de sa rémunération sur les années 2003 et 2005 (7 933 euros / année 2003 + 25 485 euros / année 2005 ' 17 669,79 euros perçus en janvier 2008) .

L'intimée répond que pour l'année 2003 M. [C] [S] a été réglé (7 867 euros), et que pour 2005 celui-ci a normalement perçu la somme de 13 460 euros correspondant à ce qui était dû hors réintégration de l'indemnité VOLUMEN non comprise dans le chiffre d'affaires.

Contrairement à ce que prétend M. [C] [S], la partie adverse conteste bien ses calculs de sommes pour lesquels il ne donne aucune explication.

Pour sa part, l'intimée, sur les années en litige, établit s'être acquittée d'une somme de 7 867 euros au titre de l'année 2003, et de 13 460 euros sur l'année 2005 hors intégration de l'indemnité compensatrice due par la société cliente VOLUMEN n'ayant pas à figurer dans le chiffre d'affaires de l'exercice comptable considéré, ce qui représente un total de 21 327 euros d'un montant supérieur à celui indiqué par M. [C] [S] dans ses écritures (17 669,79 euros).

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la réclamation salariale de M. [C] [S] à ce titre.

Sur le remboursement des indemnités de chômage 

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'intimée aux organismes sociaux intéressés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [C] [S], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois.

Sur la remise de documents conformes 

Il sera ordonné la remise par l'intimée à M. [C] [S] des bulletins de paie afférents aux condamnations prononcées, conformément au dispositif du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens 

L'intimée sera en équité condamnée à payer à M. [C] [S] la somme complémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa réclamation du même chef, et condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS 

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :

' condamné la SARL EDITIONS PHEBUS, aux droits de laquelle vient la SARL LIBELLA, à régler à M. [C] [S] les sommes au titre des salaires sur la période de mise à pied conservatoire, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis et incidence congés payés, ainsi que de l'indemnité contractuelle complémentaire, avec intérêts au taux légal partant du 24 mars 2006 et aux dépens.

' débouté M. [C] [S] de ses demandes au titre de la clause de non-concurrence et de la rémunération variable.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau :

DIT et juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave de M. [C] [S] par la SARL EDITIONS PHEBUS ;

En conséquence,

CONDAMNE la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, à payer à M. [C] [S] la somme indemnitaire de 78 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, et celle de 22 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires pour préjudice moral, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

Y ajoutant :

CONDAMNE la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, à régler à M. [C] [S] la somme de 377,99 euros d'incidence congés payés sur les salaires de la période de mise à pied conservatoire, avec intérêts au taux légal partant du 24 mars 2006 ;

ORDONNE le remboursement par la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, aux organismes intéressés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [C] [S], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois ;

ORDONNE la remise par la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, à M. [C] [S] des bulletins de paie conformes au présent arrêt, sous astreinte provisoire globale de 100 euros par jour de retard partant de sa notification ;

CONDAMNE la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, à payer à M. [C] [S] la somme complémentaire de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la réclamation de la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SARL LIBELLA, venant aux droits de la SARL EDITIONS PHEBUS, aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 08/09941
Date de la décision : 08/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°08/09941 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-08;08.09941 ?
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