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09/09/2010 | FRANCE | N°09/05939

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 09 septembre 2010, 09/05939


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2010



(n° 273, 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 09/05939



Décision déférée à la Cour :



- Jugement du tribunal de grande instance de Melun en date du 13 décembre 2005 RG n° 2004/4237

- Arrêt de la cour d'appel de Paris - 2ème chambre - section A en date du 2 mai 2007 RG nÂ

° 2006/1128

- Arrêt de la Cour de Cassation en date du 19 novembre 2008 - Pourvoi n° U 07-16.904 - Arrêt n° 1171 FS-D





DEMANDERESSE À LA SAISINE



SA GIMA (GESTION INVESTISSEME...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2010

(n° 273, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/05939

Décision déférée à la Cour :

- Jugement du tribunal de grande instance de Melun en date du 13 décembre 2005 RG n° 2004/4237

- Arrêt de la cour d'appel de Paris - 2ème chambre - section A en date du 2 mai 2007 RG n° 2006/1128

- Arrêt de la Cour de Cassation en date du 19 novembre 2008 - Pourvoi n° U 07-16.904 - Arrêt n° 1171 FS-D

DEMANDERESSE À LA SAISINE

SA GIMA (GESTION INVESTISSEMENT MOBILIERS ET AGRICOLES)

agissant poursuites et diligences en la personne de son Président Directeur Général, ou tout d'autre représentant légal

ayant son siège [Adresse 23]

représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour

assistée de Maître Charles SIRAT, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SCP SIRAT-GILLI, avocats au barreau de PARIS, toque : P 176

DÉFENDEURS À LA SAISINE

COMMUNE DE [Localité 28]

représentée par son Maire

ayant son siège Hôtel de Ville

[Adresse 26]

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistée de Maître Gérard FALALA, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1391

Monsieur [J] [I]

né le [Date naissance 14] 1950 à [Localité 24]

de nationalité française

demeurant [Adresse 21]

représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assisté de Maître Christophe LAVERNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 90, plaidant pour la SCP KUHN

SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'ENLÈVEMENT ET LE TRAITEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES DE [Localité 27] - SIETOM

pris en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 22]

représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Maître Anne de SAINT GENOIS, avocat au barreau de MELUN, toque : M 55

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 10 juin 2010, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Lysiane LIAUZUN, présidente

Madame Dominique DOS REIS, conseillère

Madame Christine BARBEROT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Suivant acte reçu par M. [J] [I], notaire associé à Tournan-en-Brie (77), le 1er avril 1997, la SCI Croix-Saint-Georges, aux droits de laquelle vient la SA Gestion Investissement Mobiliers et Agricoles, dite GIMA, a vendu à la commune de [Localité 28] des parcelles de terre cadastrées E n° [Cadastre 10], [Cadastre 19] et [Cadastre 6] d'une contenance totale de 55.850 m² et C n° [Cadastre 20] d'une contenance de 41.803 m², moyennant le prix de 976.530 F, ledit acte indiquant que l'acquéreur s'engageait 'à ne pas installer ou laisser s'installer toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts'.

Après avoir divisé la parcelle E n° [Cadastre 6] de 5 ha 46 a 60 a en E n° [Cadastre 7] pour 1 ha 88 a 31 ca, d'une part, et E n° [Cadastre 8] pour 3 ha 58 a 29 ca, d'autre part, la commune de [Localité 28] a cédé, selon acte du 23 octobre 2002 reçu par M. [I] également, la parcelle n° [Cadastre 7] d'une contenance de 1 ha 88 a 31 ca au Syndicat Intercommunal pour l'Enlèvement et le Traitement des Ordures Ménagères de Tournan, dit SIETOM, qui y a installé un centre de tri de déchets ménagers.

C'est dans ces conditions que la SA GIMA, faisant valoir que la commune de [Localité 28] avait gravement manqué à la servitude lui faisant interdiction 'd'installer ou laisser s'installer toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts' insérée à son acte d'acquisition, l'a, suivant acte extra-judiciaire du 27 septembre 2004, assignée avec le SIETOM et M. [I], à l'effet de voir prononcer la résolution de la vente du 1er avril 1997 avec toutes conséquences de droit et condamner le SIETOM et M. [I] au paiement de diverses indemnités à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 13 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Melun a : 

- débouté la SA GIMA de ses demandes,

- rejeté les prétentions des défendeurs,

- condamné la SA GIMA à payer la somme de 800 € à chacun des défendeurs, en sus des dépens.

Selon arrêt du 2 mai 2007, la Cour de ce siège a confirmé ce jugement en toutes ses dispositions.

Cette décision a été cassée, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, par arrêt du 19 novembre 2008 de la Cour de cassation, pour défaut de réponse aux conclusions de la SA GIMA qui invoquait, sur la base du dossier déposé par le SIETOM à la préfecture à l'appui de sa demande d'autorisation d'exploitation, les nombreux risques générés par le centre de tri à proximité de son exploitation agricole.

En cet état, la SA GIMA prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le 19 février 2010, de : 

* au visa de l'article 686 du code civil,

- dire que l'acte authentique du 1er avril 1997 a institué, au profit des parcelles ZK [Cadastre 10] et [Cadastre 19], AN [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18], E [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], ZE [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 9], dont elle est propriétaire, une servitude du fait de l'homme interdisant à l'acquéreur de la parcelle E [Cadastre 6] d'installer ou de laisser installer sur le site toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts,

* au visa des articles 1134 et 1184 du code civil,

- dire qu'en autorisant l'installation d'un centre de tri sur le site acquis le 1er avril 1997, la commune de [Localité 28] a délibérément violé l'obligation qu'elle avait librement contractée,

- en conséquence, prononcer la résolution de la vente du 1er avril 1997, avec toutes conséquences de droit,

- vu l'acte de vente du 1er avril 1997 reçu par M. [I] et sa stipulation essentielle et déterminante pour elle, vu l'acte de revente reçu le 23 octobre 2002 par le même notaire, dire que ce dernier a méconnu le devoir d'information qui était le sien en omettant, soit volontairement soit sur instructions, de relater dans son acte du 23 octobre 2002 l'interdiction conventionnelle d'installation sur le site acquis par le SIETOM d'une industrie de recyclage et d'entreposage de déchets et que, par cette omission, il a commis une faute au sens de l'article 1382 du code civil de nature à engager sa responsabilité,

- en conséquence, le condamner, in solidum avec la commune de [Localité 28], au paiement de la somme de 50.000 € en réparation du préjudice que leur comportement désinvolte a généré,

- dire que le présent arrêt sera opposable au SIETOM,

- ordonner sa publication à la conservation des hypothèques de [Localité 25],

- condamner in solidum la commune de [Localité 28] et M. [I] au paiement de la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens de première instance et d'appel en sus.

La commune de [Localité 28] demande à la Cour, aux termes de ses dernières conclusions du 25 février 2010, de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter la GIMA de toutes ses demandes,

- à titre subsidiaire, débouter le SIETOM de toutes ses demandes subsidiairement dirigées contre elle,

- condamner M. [I] à la garantir de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge,

- en tout état de cause, condamner la GIMA à lui verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

M. [I] demande à la Cour, aux termes de ses dernières conclusions du 25 février 2010, de :

- débouter la Gima de son appel,

- confirmer le jugement entrepris,

- en conséquence, dire et juger qu'il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité,

- débouter la GIMA de toutes ses demandes,

- débouter le SIETOM et la commune de [Localité 28] de toutes leurs demandes dirigées contre lui,

- condamner la GIMA à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'instance et aux entiers dépens.

Le SIETOM demande à la Cour, aux termes de ses dernières conclusions du 3 février 2010, de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il qualifie la clause litigieuse de condition déterminante du contrat,

- confirmer le jugement entrepris dans ses autres dispositions (hors frais irrépétibles),

- constater que la cession de la créance, au profit de la GIMA, n'a pas été signifiée à la commune de [Localité 28], avant la revente du terrain,

- dire que l'article 4 e) de l'acte authentique de vente du 1er avril 1997 n'est pas une servitude mais une obligation personnelle non transmissible et non opposable aux acquéreurs successifs,

- dire que cette interdiction d'exercer une activité à caractère privé, ne peut s'appliquer à une interdiction d'exercer un service public,

- dire que cette interdiction étant illimitée dans le temps, imprécise dans sa définition, est nulle et de nul effet,

- dire que l'obligation personnelle contenue à l'article 4 e) ne présente pas le caractère d'une condition résolutoire sous-entendue, ni d'une condition déterminante,

- dire que la commune n'a pu contracter une obligation tacite de transmettre cette interdiction à tous sous-acquéreurs,

- en tout état de cause, dire et constater que l'article 4 e) vise à prévenir l'implantation d'une usine de recyclage ou d'un centre de stockage et non l'implantation d'un centre de tri et que l'implantation des locaux du SIETOM n'y contrevient pas,

- constater l'absence de risques générés par l'exploitation du centre, et, partant, l'absence de préjudice né, actuel subi par la GIMA,

- débouter la GIMA de ses prétentions,

Condamner la GIMA à lui verser la somme de 30.000 € au titre des frais irrépétibles de 1ère instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

* *

CECI ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur la demande de résolution

Considérant, selon l'article 686 du code civil, que l'interdiction faite à l'acquéreur d'un fonds de l'affecter à un usage déterminé peut revêtir le caractère d'une servitude du fait de l'homme, dans l'intérêt d'un autre fonds et être valable si ce service n'est pas contraire à l'ordre public ;

Considérant que, pour interpréter un acte, il convient de s'attacher à la volonté des parties ;

Considérant que l'acte de vente conclu le 1er avril 1997 entre la SA GIMA et la commune de [Localité 28] indique, au chapitre 'Servitudes-Conditions Particulières' :

'Le vendeur rappelle que l'immeuble vendu n'est grevé d'aucune autre servitude que celles énoncées à l'article 4 de la convention signée par les parties le 8 janvier 1997, et ci-après littéralement rapportées : la vente aura lieu sous les conditions ordinaires et de droit en pareille matière, et, notamment, pour les acquéreurs, sous celles suivantes :

[...] :

. à ne pas laisser s'installer des industries à caractère polluant,

. à ne pas installer ou laisser s'installer toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts,

. à ne pas installer ou laisser s'installer les gens du voyage sur le site,

. à ne pas laisser proliférer les plantes adventices (notamment les chardons sur les terrains acquis pouvant porter nuisance aux terrains agricoles avoisinants' ;

Considérant que la commune de [Localité 28] soutient que l'interdiction qui lui était faite dans l'acte de vente du 1er avril 1997 était personnelle et n'obligeait qu'elle, en sorte qu'elle était fondée à céder le bien litigieux au SIETOM sans méconnaître cette interdiction qui n'était pas transmissible ;

Mais considérant que tant la lettre de la clause d'interdiction, insérée au nombre des servitudes énoncées à l'article 4 de la convention signée par les parties le 8 janvier 1997, que sa teneur démontrent que cette interdiction était édictée en faveur du fonds sur lequel la SA GIMA exploitait des terres agricoles, en vue de le protéger contre toutes sources potentielles de nuisances, que ce fût une industrie de traitement de déchets, une aire réservée aux gens du voyage ou des plantes adventices, et qu'elle n'était pas personnelle à la commune de [Localité 28] ; qu'en conséquence, il sera dit que l'acte authentique du 1er avril 1997 a institué, au profit des parcelles ZK [Cadastre 10] et [Cadastre 19], AN [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18], E [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], ZE [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 9], dont la GIMA est propriétaire, une servitude du fait de l'homme interdisant à l'acquéreur de la parcelle E [Cadastre 6] d'installer ou de laisser installer sur le site toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts ;

Qu'à supposer même que cette interdiction fût personnelle à la commune de [Localité 28], elle ne l'obligeait pas moins à ne rien faire de nature à y contrevenir, notamment, à ne pas revendre cinq années plus tard les parcelles litigieuses à une société devant y exploiter un centre de tri, intention qu'elle ne pouvait ignorer en sa qualité de collectivité locale cédant des terrains à un acquéreur dénommé 'Syndicat Intercommunal pour l'Enlèvement et le Traitement des Ordures Ménagères de la région de [Localité 28]' ;

Considérant que vainement la SA GIMA fait valoir que l'activité de tri d'emballages ménagers à laquelle se livre le SIETOM ne saurait être assimilée au recyclage ou à l'entrepôt de déchets, activité que l'article L. 2224-13 du code général des collectivités locales territoriales distingue des activités de tri, de recyclage et de stockage des déchets en les rattachant à deux blocs de compétence distincts, alors que la clause litigieuse, qui englobait généralement 'toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets', concernait aussi bien le recyclage des déchets que celui des emballages ;

Considérant que cette interdiction, qui constituait à l'évidence l'une des conditions déterminantes de la vente pour la SA GIMA, qui n'avait accepté de céder une partie de ses terres à la commune de [Localité 28] qu'aux conditions insérées au compromis de vente et reprises à l'acte authentique, afin de protéger son activité agricole, a été violée lors de la revente du bien par la SA GIMA à la commune de [Localité 28] ;

Considérant, en cet état, qu'il convient de rechercher si cette violation contractuelle justifie par sa gravité la résolution du contrat de vente conclu le 1er avril 1997, eu égard à son importance et au préjudice subi par l'appelante ;

Qu'à cet égard, il convient de constater, d'une part, que la cession consentie au SIETOM ne porte que sur une petite fraction des terres vendues à la commune de [Localité 28], d'autre part, que le centre de tri de le SIETOM ne traite, selon sa notice de présentation, que des matériaux issus de collectes sélectives 'd'emballages ménagers propres et secs, journaux, revues, magazines et verre', à l'exclusion de matières organiques ou résidus putrescibles ou dangereux générateurs, de contamination ou pollution aérienne, ou encore de nature à attirer les rongeurs', que les graves risques occasionnés par la présence d'un centre de tri à proximité de son exploitation agricole allégués par la SA GIMA ne sont pas démontrés non plus que l'importance du préjudice environnemental, alors que le centre de tri dont s'agit est constitué par des bâtiments clos et bas implantés entre la nationale 4 et la voie ferrée du TGV, sur un site antérieurement destiné à supporter des baraquements pour les employés travaillant à la construction de cette voie ferroviaire, que l'étude d'impact produite au dossier indique que le process concerné n'est pas utilisateur ou générateur d'eau, que les produits triés sont secs et stockés dans une enceinte couverte sur un dallage en béton complètement étanche, que les eaux usées du site sont collectées séparément des eaux pluviales, traitées en fonction des besoins par un débourbeur-déshuileur puis évacuées vers le réseau d'assainissement communal, en sorte que les nappes phréatiques à proximité ne pourraient être affectées par des rejets ; qu'enfin, les émissions sonores ne seront pas très gênantes, étant inférieures à 60 dB (A) en limite de propriété, étant encore observé que le centre de tri est implanté entre une nationale à fort trafic et la ligne TGV elle-mêmes génératrices d'un important bruit de fond ; qu'en ce qui concerne plus généralement l'aspect esthétique, le Domaine de la Boulaye, son château et son parc, étant situés à plus de 500 mètres du centre de tri, de l'autre côté de la N 4, la présence de ce centre, implanté sur une ancienne friche industrielle entre une voie ferrée et une nationale et de hauteur très modérée n'est pas de nature à caractériser une atteinte grave au paysage existant ;

Considérant qu'au vu de ces éléments, la faute contractuelle commise par la commune de [Localité 28] qui a revendu les parcelles dont s'agit au SIETOM au mépris de la clause qui lui faisait interdiction d'installer ou laisser s'installer sur les biens vendus toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts n'apparaît pas d'une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résolution de la vente ;

Considérant, en conséquence, que la SA GIMA sera déboutée de sa demande tendant à voir dire le présent arrêt opposable au SIETOM ;

Sur les dommages-intérêts sollicités à l'encontre de la commune de [Localité 28] et de M. [I]

Considérant qu'en cédant au SIETOM des parcelles de terrain afin qu'elle y implantât un centre de tri sélectif de déchets, au mépris délibéré de la clause contractuelle lui interdisant d'installer ou laisser s'installer sur les biens vendus toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts, la commune de [Localité 28] a commis une faute en relation de causalité avec le préjudice de la SA GIMA, qui subit la présence d'un centre de tri à proximité de son exploitation agricole et, de ce fait, une dépréciation relative de son environnement et des troubles de voisinage inéluctables qui, s'ils ne justifient pas une résolution de la vente, ne sont néanmoins pas inexistants ;

Qu'en réparation du non-respect de la servitude à laquelle elle s'était obligée, la commune de [Localité 28] sera condamnée à régler à la SA GIMA une somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que M. [I], auquel les devoirs de sa charge faisaient non seulement obligation d'informer les parties sur les tenants et aboutissants des actes qu'ils signaient, de sorte qu'ils fussent efficaces et produisent effet, mais encore de reproduire à l'acte de vente entre la commune de [Localité 28]-M. [I] la clause d'interdiction susmentionnée, constitutive d'une servitude du fait de l'homme, alors surtout qu'il avait reçu l'acte créateur de cette servitude, a gravement manqué à ses obligations et a laissé s'instaurer, de la sorte, une situation préjudiciable à la SA GIMA qui subit le voisinage d'un centre de tri à proximité de son fonds alors qu'elle avait clairement et formellement indiqué lors de la première cession qu'elle s'y opposait, exigeant l'insertion à l'acte de vente une clause en ce sens, étant observé que si cette clause a été jugée par la commune de [Localité 28] lettre morte motif pris de sa rédaction prétendument inadéquate, la faute en incombe encore au notaire qui n'a pas conseillé efficacement la SA GIMA sur la rédaction d'une constitution de servitude juridiquement inattaquable ;

Considérant, au vu de ces éléments, que M. [I] sera condamné in solidum avec la commune de [Localité 28] au paiement de la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que la commune sera déboutée de son appel en garantie dirigé contre M. [I], alors que les fautes du notaire sont distinctes de celle qu'elle a commise en violant l'interdiction qui lui était faites ;

Et considérant que l'équité commande de condamner in solidum la commune de [Localité 28] et M. [I] à payer à la SA GIMA une somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens de première instance et d'appel en sus, et de débouter le SIETOM de sa demande sur ce fondement ;

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la SA GIMA de ses demandes de dommages-intérêts et l'a condamnée à payer la somme de 800 € à chacun des défendeurs, en sus des dépens,

Statuant à nouveau,

Dit que l'acte authentique du 1er avril 1997 a institué, au profit des parcelles ZK [Cadastre 10] et [Cadastre 19], AN [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 18], E [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], ZE [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 9], dont elle est propriétaire, une servitude du fait de l'homme interdisant à l'acquéreur de la parcelle E [Cadastre 6] d'installer ou de laisser installer sur le site toute industrie ayant pour objet le recyclage de toutes sortes de déchets, ni leur entrepôt, à l'exclusion des déchets verts,

Dit que la commune de [Localité 28] a méconnu cette servitude en vendant la parcelle E n° [Cadastre 7] au SIETOM,

Condamne in solidum la commune de [Localité 28] et M. [I] à payer à la SA GIMA la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts,

Déboute la commune de [Localité 28], le SIETOM et M. [I] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement pour le surplus,

Condamne in solidum la commune de [Localité 28] et M. [I] à payer à la SA GIMA une somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la commune de [Localité 28] et M. [I] in solidum aux dépens de première instance et d'appel incluant ceux de l'arrêt cassé et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/05939
Date de la décision : 09/09/2010

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°09/05939 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-09-09;09.05939 ?
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