Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5-7
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2010
(n° 154, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 2010/03396
Décision déférée à la Cour : rendue 12 Novembre 2009
par L'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS
DEMANDEUR AU RECOURS :
- M. [B] [I]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6] (06)
de nationalité : Française
Analyste financier
demeurant : [Adresse 3]
représenté par la SCP ROBLIN CHAIX DE LAVARENNE,
avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS
assistée de Maître Hubert MORTEMARD DE BOISSE,
avocat au barreau de PARIS
LexCase - Société d'Avocats
[Adresse 5]
EN PRÉSENCE DE :
- L'AUTORITÉ DES MARCHES FINANCIERS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Mme [T] [U] et Mme [H] [N] [M], munies d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Juin 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
- Monsieur Thierry FOSSIER, Président
- M. Christian REMENIERAS, Conseiller
- Mme Hélène JOURDIER, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Thierry FOSSIER, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.
* * * * * * *
CIRCONSTANCES, FAITS ET PROCEDURE
La société Infogrames Entertainment S.A, aujourd'hui dénommée Atari, est une société anonyme à conseil d'administration dont les titres étaient à l'époque des faits cotées sur le compartiment B d'Euronext [Localité 7]. Elle est aujourd'hui cotée sur le compartiment C d'Euronext [Localité 7]. Elle est la société mère de la société Atari Inc. spécialisée dans l'édition de jeux vidéo. Monsieur [B] [I] était à l'époque des faits salarié de la société Exane où il occupait un poste d'analyste financier chargé notamment de suivre la valeur infogrames.
Le 9 février 2006, après avoir rencontré d'importantes difficultés financières entre 2003 et 2006, la société infogrames publia deux communiqués annonçant :
un chiffres d'affaires consolidé de 479 millions d'euros pour les 9 premiers mois de l'exercice 2005-2006, en baisse de 38% par rapport à l'exercice précédent ;
un chiffre d'affaires pour le troisième trimestre de 170,8 millions d'euros, en baisse de 20,8% par rapport à la même période de l'exercice précédent ;
l'arrêté de comptes semestriels au 30 septembre 2005 établis pour la première fois selon les normes IFRS ;
l'enregistrement d'une provision de 21 millions d'euros pour dépréciation des goodwill.
Suite à la publication de ces deux communiqués, le cours du titre infogrames est passé de 1,17 € à la clôture le 9 février 2006 à 0,86 € à l'issue de la séance du 10 février 2006, soit une diminution de 27 %.
Antérieurement à la publication de ces deux communiqués en date du 9 février 2006, le Service de la surveillance des marchés de l'Autorité des marchés financiers a relevé des cessions importantes de titres infogrames. Celles-ci ont été effectuées d'une part les 8 et 9 février 2006 par la société GLG Partners (ci-après « GLG »), société de gestion basée à Londres, à hauteur de 1,2 millions de titres et d'autre part entre le 2 et le 9 février 2006 par des actionnaires de référence, à hauteur de 285 390 titres nominatifs et notamment par le requérant, Monsieur [B] [I], qui a procédé le 7 février 2006 à la vente à découvert de 85 300 titres infogrames par l'intermédiaire d'un compte ouvert au nom de son père, Monsieur [A] [I].
En outre, le jour de la réalisation de ces cessions, le trésorier d'infogrames, Monsieur [C] [J], s'est entretenu avec deux analystes financiers, Monsieur [B] [I] (le requérant) et Monsieur [O] [G], au sujet du chiffre d'affaires réalisé par la société.
Le 30 mai 2006, eu égard à ces éléments, le secrétaire général de l'AMF a décidé d'ouvrir une enquête sur l'information financière et le marché du titre infogrames à compter du 31 mars 2005. Celle-ci a été diligentée par la direction des enquêtes et de la surveillance des marché (« DESM ») qui a rendu son rapport le 19 novembre 2007 dont le contenu a été examiné par la Commission spécialisée n°1 du Collège de l'AMF lors de sa séance du 18 décembre 2007.
Le 25 janvier 2008, le Président de l'AMF, sur la base de ce rapport d'enquête et sur avis de cette commission spécialisée, a notifié aux personnes suivantes le grief d'avoir utilisé une information privilégiée relative à la très importante baisse du chiffre d'affaires de la société infogrames au troisième trimestre de son exercice 2005/2006 : la société GLG Partners, Monsieur [E] [Z] (salarié de la société GLG Partners), la société Deutsche Bank AG, Monsieur [P] [R] (salarié de la société Deutsche Bank ag) et Monsieur [B] [I] (salarié de la société Exane).
Il a également notifié à Monsieur [O] [G] (salarié de la société Deutsche Bank ag) le grief d'avoir communiqué à son collègue, Monsieur [P] [R], cette même information privilégiée.
Le 28 janvier 2008, le Président de l'AMF a transmis copie des notifications de griefs au Président de la Commission des sanctions qui, par une décision du 17 mars 2008, a désigné Monsieur [D] [X] [F] en qualité de rapporteur.
Par une décision de la commission des sanctions en date du 12 novembre 2009, seul Monsieur [B] [I] a été sanctionné. Une sanction pécuniaire de 60 000 € lui a été infligée.
La commission des sanctions a notamment invoqué l'extrême gravité des faits, commis en tant que professionnel qui a abusé des facilités que lui procurait sa fonction ; et la plus-value réalisée estimée à 26 417 €.
Le 25 février 2010, Monsieur [I] [B] a déposé au greffe de la Cour d'appel de Paris une déclaration écrite dans laquelle il demande que soit prononcée à titre principal l'annulation de la décision rendue le 12 novembre 2009 par la Commission des sanctions de l'AMF qui lui a infligé la sanction pécuniaire précitée et à titre subsidiaire, sa réformation.
LA COUR
Vu la Décision n° 1897 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers ;
Vu l'exposé des moyens de Monsieur [B] [I] à l'appui de son recours, en date du 12 mars 2010, et ses conclusions récapitulatives et en réponse en date du 19 mai 2010, demandant à la Cour :
à titre principal, rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'AMF ; constater que les conditions cumulatives du manquement d'initié au sens des articles 622-1 et suivants du RG-AMF ne sont pas réunies ; que M. [B] [I] ne disposait pas d'une information privilégiée avant la passation de l'ordre du 7 février 2006 ; que la détention d'une telle information n'explique pas seule l'intervention de M. [B] [I] sur les titres Infogrames du 7 février 2006 ; que cette intervention ne suffit pas à démontrer un manquement d'initié ; que M. [B] [I] n'était qu'un simple exécutant des ordres de M. [A] [I] ;
en conséquence, annuler la Décision pour manque de base légale et erreur d'appréciation des faits ;
à titre subsidiaire, déclarer que le mode de calcul de la plus-value réalisée lors de l'intervention de M. [B] [I] sur les titres Infogrames du 7 février 2006, n'est pas adéquat ; constater que cette plus value s'élève à 13.043 euros et non à 26.417,96 euros ; dire que la sanction infligée à M. [B] [I] n'est pas proportionnelle à la gravité des pratiques ;
en tout état de cause, condamner le Trésor Public à payer à M. [I] la somme de 5.000 euros pour frais irrépétibles de procédure ;
Vu les observations de l'Autorité des marchés financiers en date du 19 mai 2010 ;
Vu les observations de Monsieur le Procureur Général en date du 20 juin 2010 ;
Ouï les parties, la représentantes de l'AMF, Monsieur l'Avocat Général, à l'audience du 30 juin 2010, les parties ayant pu répliquer et eu la parole en dernier ;
SUR QUOI
Considérant que par application de l'article L.621-30 du Code monétaire et financier, l'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L.621-9 est de la compétence du juge judiciaire ; que le juge désigné est, par application de l'article R 621-45-II du même code, la cour d'appel de Paris ; que réciproquement, la Cour d'appel de Paris n'est pas compétente pour connaître des recours formés contre les sanctions prononcées à l'encontre des personnes et entités mentionnées à l'article précité ;
Que l'article R.621-45 du code monétaire et financier précise que les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'Autorité des marchés financiers relatives aux agréments ou aux sanctions concernant les personnes ou entités mentionnées au II de l'article L.621-9 sont portés devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que parmi les personnes et entités mentionnées à l'article L 621-9-II figurent les prestataires de services d'investissement agréés ou exerçant leur activité en libre établissement en France ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ;
Considérant qu'en l'espèce, le requérant, Monsieur [B] [I], était au moment des faits salarié d'un prestataire de services d'investissement, la société EXANE ;
Considérant qu'au rebours de ce que prétend Monsieur [I], les règles de compétence susexposées ne varient pas au motif que la notification des griefs, puis la Décision elle-même dans son visa initial et dans ses énonciations relatives à la sanction, ont été articulés sur le fondement de l'article L 621-15 du C.M.F. ; qu'il est vrai que cette disposition, en son paragraphe II, distingue d'une part, en son (a) et en son (b), la violation des obligations professionnelles des personnes morales parmi lesquelles figurent les prestataires de services d'investissement ou leurs préposés et mandataires, d'autre part, en son (c), la violation des obligations non spécifiquement professionnelles, et que des sanctions, de nature professionnelle dans le premier cas (avertissement, blâme, interdiction d'exercice) et de nature universelle dans le second, sont prévues par l'article L 621-15-III-b ; que cependant, les règles de compétence énoncées par les articles L 621-30 et R 621-45 ne sont déterminées que par les qualités de la personne sanctionnée et non par la sanction, de nature professionnelle ou pas, qui a été fulminée ;
Que pas davantage, le fait que la personne ayant intellectuellement passé les ordres litigieux soit le père du requérant et donc qu'elle ne soit pas une personne physique placée sous l'autorité ou agissant pour le compte d'un prestataire de service d'investissement, ne peut modifier l'application des règles de compétence, lesquelles sont déterminées, ainsi qu'il a été dit, par les qualités de la personne sanctionnée et non pas par l'auteur moral de l'opération litigieuse ;
PAR CES MOTIFS
Se déclare incompétente.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Benoit TRUET-CALLU Thierry FOSSIER