RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 12 octobre 2010
(n° 18 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10878
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 juillet 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris section encadrement RG n° 06/14646
APPELANT
M. [O] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Ariel GASCON-RETORE, avocate au barreau de PARIS, toque : D 254
INTIMÉE
SAS CLINEA, CLINIQUE DE L'ERMITAGE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Laurent TOINETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mars 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Michèle MARTINEZ, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente
Mme Michèle MARTINEZ, conseillère
M. Serge TRASSOUDAINE, conseiller
Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
M. [O] [I] a été embauché à compter du 2 avril 1997 en qualité de médecin psychiatre à temps partiel par la société Maison de santé de l'ermitage, aux droits de laquelle se trouve la société Clinéa.
Le 12 décembre 2006, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu au paiement de rappels de salaires pour la période d'avril 2002 à février 2005, des congés payés afférents, des intérêts au taux légal et d'une allocation de procédure.
Par jugement du 15 juillet 2008, le conseil de prud'hommes a débouté M. [I] de toutes ses demandes et la société Clinéa de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.
M. [I] a fait appel. Il demande à la cour d'infirmer le jugement et :
- de condamner la société Clinéa à lui payer :
- 1 243,88 euros à titre de rappel de salaire d'avril à décembre 2002,
- 9 859,80 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2003,
- 15 111,06 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2004,
- 2 661 euros à titre de rappel de salaire pour janvier et février 2005,
- 2 887,57 euros au titre des congés payés afférents,
- les intérêts au taux légal sur ces sommes,
- subsidiairement, de condamner la société Clinéa à lui payer 643,93 euros à titre de rappel de salaire d'avril 2003 et 64,39 euros au titre des congés payés afférents,
- de condamner la société Clinéa à lui payer 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Clinéa conclut à la confirmation du jugement, au débouté de M. [I] et sollicite 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 22 mars 2010, reprises et complétées lors de l'audience.
Motifs de la décision
La demande de rappels de salaire formulée par M. [I] a deux fondements : l'absence de rémunération de la totalité des heures travaillées et la prise en compte d'un taux horaire erroné pendant certaines périodes.
M. [I] expose en premier lieu que, pour les périodes concernées par sa demande de rappels de salaire, il résulte du rapprochement entre les plannings mensuels de travail et les bulletins de salaire établis par la clinique qu'il n'a pas été rémunéré pour toutes les heures de travail qu'il a accomplies.
La société Clinéa répond que toutes les heures de travail mentionnées sur les plannings et effectuées ont été payées selon des modalités appliquées depuis de très nombreuses années et portées à la connaissance des médecins par la communication de barèmes régulièrement revalorisés.
Elle précise qu'elle applique des tarifs différents pour les heures de jour et les heures de nuit, lesquelles sont des astreintes, avec des majorations les fins de semaine et jours fériés, mais que, pour des impératifs informatiques et de déclarations sociales, les heures de nuit ne sont pas mentionnées sur les bulletins de salaire.
Elle explique que chaque mois est calculée la somme des salaires des heures de jour et de nuit réalisées par le salarié, laquelle est divisée par le taux horaire des heures de jour pour obtenir le nombre d'heures qu'elle fait figurer sur les fiches de paie.
Le litige porte donc sur la qualification et la rémunération des heures de nuit.
Les parties s'accordent pour dire que cette rémunération ne résulte ni de l'application d'un forfait pour les heures supplémentaires, ni de celle d'un horaire équivalence.
En tout état de cause, l'existence d'une convention de forfait acceptée par la salarié n'est pas démontrée et le tarif appliqué aux heures de nuit est inférieur au minimum conventionnel garanti. Par ailleurs, en l'absence de dispositions légales le prévoyant, il n'est pas possible d'appliquer un horaire d'équivalence à un salarié employé à temps partiel comme en l'espèce, ce qui résulte également des dispositions de l'article 4 de l'accord de branche sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 27 janvier 2000 maintenu en vigueur par l'article 4.1 de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 applicable à l'espèce.
Aux termes de l'article L.3121-1 du Code du travail, 'la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles'.
Selon l'article L.3121-5 du même code, 'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise. La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif'.
L'astreinte est envisagée par l'article 82.3.1 de la convention collective applicable qui prévoit sa rémunération par une indemnité égale, pour chaque heure d'astreinte, au tiers du salaire horaire et renvoie pour la définition de l'astreinte aux dispositions de l'accord de branche sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 27 janvier 2000.
L'article 8 de cet accord reprend exactement la définition légale de l'astreinte donnée par l'article L.3121-5 du Code du travail ci-dessus cité.
En l'espèce, les médecins psychiatres de l'établissement effectuaient des permanences de nuit pour répondre aux impératifs de la législation sociale exigeant la présence permanente d'un médecin ou d'un interne dans les maisons de santé agréées pour des soins de psychiatrie afin d'assurer la continuité des soins.
Matériellement, ils assuraient cette permanence dans des locaux situés à l'intérieur de l'établissement mis à leur disposition par l'employeur spécialement pour les besoins de cette permanence.
Les parties sont en désaccord sur la nature de ces locaux sans qu'il soit possible au vu des éléments fournis de les départager. Le médecin affirme qu'il s'agissait de la même chambre de veille occupée à tour de rôle par les médecins de garde, l'employeur soutient que c'était un véritable appartement avec plusieurs chambres permettant au praticien de garde de recevoir ses proches.
Quoiqu'il en soit, le salarié était tenu pendant la durée de la permanence de nuit, non pas de demeurer à son domicile ou à proximité de celui-ci, comme le prévoient les dispositions légales et conventionnelles précitées lorsqu'il s'agit d'une astreinte, mais de rester dans un local imposé par l'employeur sur le lieu de travail, afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention, une telle contrainte l'empêchant nécessairement de vaquer librement à des occupations personnelles.
Ces conditions ne sont pas celles d'une astreinte mais caractérisent un temps de travail effectif qui doit être rémunéré en tant que tel.
La demande de rappel de salaire de ce chef est par conséquent fondée. Le montant réclamé a été correctement calculé par le salarié au vu des plannings établis par l'employeur et de ses bulletins de salaire.
En second lieu, M. [I] soutient qu'en outre l'employeur n'a pas appliqué pour le calcul de son salaire le taux horaire de 38 euros pour le mois d'avril 2003 alors que l'augmentation à laquelle il correspond prenait effet dès le mois d'avril 2003.
La société Clinéa reconnaît 'qu'il y a eu un retard porteur d'arriéré de salaire' dans l'application du taux horaire porté à 38 euros au 1er avril 2003. Elle se contente d'affirmer que ce retard a été rapidement résorbé en se référant à ses propres comptes. Toutefois, ces comptes, qui prenaient pour base de calcul la rémunération des heures de nuit à un tarif inférieur en tant qu'astreintes, ont été invalidés par les développements qui précèdent.
La demande du salarié est dès lors fondée également à cet égard.
Le jugement doit par conséquent être infirmé et la société Clinéa condamnée à payer les rappels de salaire réclamées à titre principal et les congés payés afférents.
Les sommes allouées produiront intérêts au taux légal, conformément à l'article 1153 du Code civil, à compter du 15 juillet 2008, date de l'audience lors de laquelle le salarié a actualisé ses demandes, s'agissant d'une procédure orale.
Les conditions d'application de l'article 700 du Code de procédure civile sont réunies. Il convient d'allouer à M. [I] une somme de 1 200 euros à ce titre.
Par ces motifs
La cour
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne la société Clinéa à payer à Mme [I] :
- 1 243,88 euros à titre de rappel de salaire d'avril à décembre 2002,
- 9 859,80 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2003,
- 15 111,06 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2004,
- 2 661 euros à titre de rappel de salaire pour janvier et février 2005,
- 2 887,57 euros au titre des congés payés afférents,
- les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 15 juillet 2008,
- 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Déboute M. [I] du surplus de ses demandes et la société Clinéa de ses demandes reconventionnelles ;
Condamne la société Clinéa aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE