Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 02 NOVEMBRE 2010
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/13075
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2005016663
APPELANTES
Société ZURICH INTERNATIONAL FRANCE SA de droit suisse pris en son établissement principal [Adresse 10] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 8]
SUISSE
SARL XL INSURANCE COMPANY LIMITED pris en son Etablissement principal [Adresse 4] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 14]
GRANDE BRETAGNE
Représenté par la SCP PETIT - LESENECHAL, avoué
Assisté de Me Nicolas MULLER, avocat
INTIME
SAS ND LOGISTICS prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoué
Assisté de Me Audrey BENSOUSSAN, avocat plaidant pour la SCP GAUTIER VROOM & associés
INTIME
S.A.R.L. VIA TRANSPORT prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 13]
[Localité 9]
S.A. GENERALI prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 6]
[Localité 7]
Représenté par la SCP MONIN - D'AURIAC de BRONS, avoué
Assisté de Me Henri JEANNIN, avocat plaidant pour la SCP SCHEUBER-JEANNIN
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats et du délibéré :
PRESIDENT : Madame Sabine GARBAN
CONSEILLERS : M. Christian BYK et Mme Sophie BADIE
GREFFIER
Dominique BONHOMME-AUCLERE
DEBATS
A l'audience publique du 27.09.2010
Rapport fait par Mme Sabine GARBAN, président en application de l'article 785 du CPC
ARRET
Rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Mme S. GARBAN, président, et par D. BONHOMME-AUCLERE, greffier
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La société SFR a confié à la société ND LOGISTICS (société ND) ses opérations de logistique et notamment l'organisation du transport des produits qu'elle commercialise.
Elle a ainsi confié à la société ND le transport d'un lot de téléphones portables, au départ des établissements ND LOGISTICS ACTIVITE SFR de [Localité 16] (Essonne) à destination des Etablissements DUQUESNE TELECOM à [Localité 17] (Alpes Maritimes).
La société ND s'est substituée la société VIA TRANSPORT (société VIA), laquelle a pris en charge la marchandise, sans réserve, suivant lettre de voiture n° 0009257 du 10 février 2004.
Au cours du transport, dans la nuit du 11 février 2004, une partie de la marchandise a été dérobée alors que le véhicule se trouvait en stationnement sur le parking d'un relais routier, situé sur la RN 12 à [Localité 15], et que le chauffeur dormait dans le camion.
Les sociétés ZURICH INTERNATIONAL FRANCE et XL INSURANCE COMPANY LIMITED, assureurs de la marchandise, déclarent avoir versé à leur assurée, la société SFR, la somme de 18.895,15 € en exécution de leur garantie.
Par acte du 10 février 2005, elles ont assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société VIA et son assureur, la société GENERALI, ainsi que la société ND aux fins de les voir condamner à leur payer la somme de 18.895,15 € en principal.
Par acte du 23 février 2005, la société ND a appelé en garantie les société VIA et GENERALI.
Par jugement du 15 avril 2008, le tribunal a joint les causes et condamné in solidum les sociétés VIA et ND à payer aux sociétés ZURICH et XL la somme de 750 € et a débouté la société ND de sa demande de garantie à l'encontre de la société VIA.
Le tribunal a notamment retenu, sur la faute de la société VIA, que celle-ci ne connaissait pas précisément la valeur et les caractéristiques du matériel qu'elle transportait, de sorte qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée, qu'en conséquence sa responsabilité doit être limitée à la somme de 750 €, conformément aux dispositions de l'article 21 du 'contrat type général' ; sur le rejet de l'appel en garantie de la société ND à l'encontre de la société VIA, qu'afin de bénéficier d'un tarif moins élevé, la première n'avait pas indiqué à la seconde la nature exacte et la valeur de la marchandise qu'elle lui faisait transporter et, pour diminuer encore le coût du transport, lui avait demandé de faire un arrêt supplémentaire pour prendre en charge d'autres colis.
LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement interjeté par les sociétés ZURICH et XL INSURANCE ;
Vu les conclusions des appelantes en date du 23 juin 2010 ;
Vu les conclusions des société VIA et GENERALI en date du 23 mars 2009;
Vu les conclusions de la société ND en date du 27 janvier 2009 ;
SUR CE,
Sur la recevabilité de la demande des sociétés ZURICH et XL INSURANCE
Considérant que la société ND, relevant que le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l'irrecevabilité de l'action des assureurs, reprend ces moyens devant la cour ;
Qu'elle soulève, en premier lieu, l'irrecevabilité à agir de la société XL, faute pour celle-ci de rapporter la preuve qu'elle est bien co-assureur de la société SFR ;
Qu'elle invoque, en second lieu, l'irrecevabilité de l'action des deux compagnies d'assurance, au motif qu'elles ne communiquent pas le contrat d'assurance couvrant la marchandise litigieuse et qu'elles ne peuvent dès lors se prévaloir d'une subrogation légale ;
Qu'elle invoque, en troisième lieu, l'absence de validité d'une subrogation conventionnelle, les assureurs produisant une quittance subrogative signée par la société SFR, ainsi qu'un chèque de 18.895,15 € établi à l'ordre de cette société, alors que selon l'acte introductif d'instance l'assurée n'est pas la société SFR mais la société CEGETEL ;
Considérant que les sociétés VIA et GENERALI soulèvent également l'irrecevabilité de la demande des assureurs, dans la mesure où l'identité de l'assurée est indéterminée, qu'il s'agit soit de la société CEGETEL soit de la société SFR, et où les assureurs ne produisent pas le contrat d'assurance, ce qui laisse envisager un paiement effectué à titre commercial ;
Mais considérant, sur la qualité à agir de la société XL INSURANCE, que l'identité sociale de celle-ci n'apparaît sur aucun des documents produits, le nom de la société ZURICH apparaissant seule, suivie de la mention 'et co-assureurs' (document intitulé 'Police d'Assurance Marchandises Transportées ad-valorem, subrogation-cession du 6 avril 2004) ; que la société XL INSURANCE n'apporte aucun élément démontrant qu'elle agit bien en tant que co-assureur de la société ZURICH ; que, dans ces conditions, la société XL doit dès lors être déclarée irrecevable à agir, faute de qualité ;
Considérant que, contrairement aux affirmations des intimées, la société ZURICH a versé aux débats l'intégralité du contrat d'assurance ; qu'aucune ambiguïté n'existe sur l'identité de l'assurée, qui est bien la société SFR, ainsi qu'il ressort du document intitulé 'Police d'Assurance Marchandises Transportées ad-valorem', signé par la société ZURICH, mentionnant la société SFR en qualité d'assurée ;
Considérant que la société ZURICH produit aux débats la photocopie d'un chèque du 6 avril 2004, d'un montant de 18.895,15 €, établi à l'ordre de la société SFR, ainsi qu'un acte intitulé 'subrogation-cession' du 6 avril 2004, signé de la société SFR, par lequel celle-ci subroge la société ZURICH dans ses droits et actions ; que les conditions de la subrogation légale dans les termes de l'article L 121-12 du code des assurances apparaissent ainsi remplies et qu'il convient de dire la société ZURICH recevable en son action ;
Sur la demande de la société ZURICH INTERNATIONAL FRANCE
Considérant que la société ZURICH fait valoir à l'appui de son appel :
- qu'elle justifie de son préjudice, contrairement à ce que soutiennent les intimées ; qu'en effet, dans le cadre du contrat conclu entre SFR et ND, cette dernière et la société VIA ne pouvaient ignorer la nature et la valeur des marchandises transportées, d'autant que la société ND avaient également pour mission d'organiser plusieurs fois par an un inventaire physique et informatique des marchandises ; que le fait éventuel que la valeur du chargement n'ait pas été transmise à la société VIA, est exclusivement imputable à la société ND ;
- que la société ND, en sa qualité d'expéditeur et de commissionnaire de transport, a commis une faute personnelle l'empêchant de se prévaloir d'une limite de réparation : elle a fait transporter la marchandise dans un véhicule équipé de simples bâches pour une expédition de plus de huit cents kilomètres nécessitant un ou plusieurs arrêts, et n'a pas alerté la société VIA sur la nature de la marchandise transportée ; - que la société VIA qui connaissait la nature du matériel transporté, a commis une faute lourde privative de toute limite de réparation : choix d'un véhicule bâché, stationnement du véhicule sur un parking non fermé et dépourvu de toute surveillance, absence de cadenas ou de dispositif de verrouillage des portes arrières ;
Considérant que la société ND, affirmant avoir correctement rempli sa mission, rétorque pour sa part :
- que sa mandante ne l'avait pas informée de la valeur exacte de la marchandise et que la société ZURICH ne justifie pas du préjudice allégué, dans la mesure où elle ne produit pas les factures de vente de la marchandise, mais seulement une capture d'écran informatique ;
- que la société VIA était informée que le transport portait sur du matériel de téléphonie mobile et qu'il appartenait à elle seule de prendre plus de précautions pour la sécurité du transport ;
- subsidiairement, si la demande de l'assureur était accueillie, elle ne pourrait excéder les limites de responsabilité prévues au contrat-type général issu du décret n° 99-269 du 6 avril 1991, soit une indemnité de 2.857,75 € ;
Considérant que les sociétés VIA et GENERALI font valoir :
- que le montant du préjudice n'est pas établi, faute de production des factures établissant le prix de vente de la marchandise, une simple copie d'écran étant insuffisante ; que les services de gendarmerie d'[Localité 11], auprès desquels le chauffeur a déposé plainte, ont rapidement retrouvé 72 des 109 téléphones volés, qu'elle les a repris en charge en a informé la société ND qui ne lui a pas indiqué où elle devait les rapporter, que le préjudice doit donc être diminué de la valeur de 72 téléphones ;
- très subsidiairement, elle conteste toute faute lourde, aux motifs que ni la télécopie d'affrètement ni la lettre de voiture ne font état du contenu des palettes, que le prix du transport qui lui a été confié s'élève à 230 € et que, si elle avait su qu'elle transportait du fret sensible, elle n'aurait pas accepté un transport pour ce tarif ; que la société ND qui ne lui a donné aucune consigne de sécurité particulière, lui a en fait caché la nature réelle de la marchandise pour accroître son profit ; qu'ainsi, conformément aux disposition de l'article 3 du contrat-type publié par décret du 6 avril 1999, la demande ne peut prospérer à son encontre ;
- qu'en tout état de cause, elle n'a pas commis de faute dans l'exécution de sa mission, de sorte qu'en application de l'article 21 du contrat type le montant de l'indemnité pouvant être mise à sa charge ne peut dépasser la somme de 750 € ;
Mais considérant, sur l'absence de preuve du préjudice invoquée par les sociétés ND et VIA, que ce préjudice résulte de l'écran informatique communiqué, qu'il apparaît en outre que l'article 8 du contrat de Prestation de Services conclu entre la société SFR et la société ND met à la charge de cette dernière la réalisation d'inventaires trimestriels fondés sur le prix de base des articles, de sorte que le montant du préjudice ressort de la référence des produits transportés telles qu'elle figure sur les bordereaux de livraison annexés au rapport d'expertise ; que ce moyen ne peut donc prospérer ;
Considérant que la société VIA communique un procès-verbal des services de gendarmerie d'[Localité 11], en date du 24 juin 2004, dont il ressort que 24 packs de téléphones ont été découverts et ont été remis à la société VIA ; que cette dernière en a avisé la société ND mais qu'aucun élément ne démontre que la société SFR ait été informée de cette découverte et que les téléphones lui aient été restitués, qu'ainsi le préjudice concerne bien le vol de 109 téléphones ;
Considérant, en ce qui concerne la responsabilité de la société ND, qu'il ressort des éléments produits que cette dernière, sur laquelle pèse une obligation de résultat dans les termes de l'article L 132-4 du code de commerce en sa qualité de commissionnaire de transport, a commis une faute personnelle dans l'exécution de sa mission ; qu'il apparaît en effet que, parfaitement informée de la valeur de la marchandise, elle l'a remise au transporteur pour un trajet de plus de huit cents kilomètres sans lui donner d'instructions particulières de sécurité, alors qu'il s'agissait d'un matériel sensible, sans demander l'utilisation d'un véhicule adapté, alors que le véhicule utilisé n'était équipé que de simples bâches, et de surcroît en lui donnant mission d'effectuer un détour pour prendre un chargement complémentaire, détour qui impliquait la nécessité de stationner le véhicule pendant une nuit ; qu'en outre, elle est responsable à l'égard de la société SFR, en vertu de l'article L 132-6 du code de commerce, de la faute lourde ci-dessous établie du transporteur ; que par conséquent la société ND ne s'exonère pas de la présomption de responsabilité pesant sur elle et que la faute personnelle qu'elle a ainsi commise lui interdit de se prévaloir d'une limite de réparation ;
Considérant, sur la responsabilité de la société VIA, sur laquelle pèse également une présomption de responsabilité en vertu de l'article L 133-1 du code de commerce, que, si aucun élément ne démontre que la société ND l'ait informée de la valeur de la marchandise transportée, elle ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de produits relatifs à la téléphonie mobile, et donc de produits sensibles, compte tenu de l'en-tête figurant sur le fax d'affrètement du 9 février 2004 'ND LOGISTICS ACTIVITE SFR' et du lieu de chargement chez 'ND LOGISTICS ACTIVITE SFR' ; qu'il apparaît que pourtant la marchandise a été chargée dans un véhicule simplement bâché, qui a été stationné, la nuit, sur le parking d'un relais routier qui n'était ni clôturé ni surveillé ; qu'il s'ensuit que la société ZURICH soulève à juste titre l'existence d'une faute lourde de la part de la société VIA ; qu'en conséquence, celle-ci ne peut revendiquer l'application d'une limitation d'indemnisation ;
Considérant, ainsi, qu'il convient de condamner les sociétés ND et VIA à verser à la société ZURICH la somme de 18.895,15 €, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2005, date de l'assignation, et capitalisation telle que demandée, dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant que, bien que non fondée, la résistance des sociétés intimées n'est pas intervenue dans des conditions de nature à révéler leur caractère dilatoire ou abusif ; que la demande de la société ZURICH de dommages-intérêts pour résistance abusive doit être rejetée ;
Sur l'appel en garantie de la société ND LOGISTIS
Considérant que la société ND sollicite, si une condamnation était prononcée à son encontre, la garantie pleine et entière de la société VIA ; qu'elle fait valoir que la société VIA qui effectuait des transports pour son compte depuis deux ans, connaissait parfaitement la nature de la marchandise transportée, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée pour n'avoir donné à celle-ci aucune consigne particulière ;
Considérant que les sociétés VIA et GENERALI demandent que l'appel en garantie soit déclaré sans objet ; qu'elles déclarent que si la société VIA avait eu connaissance de la nature de la marchandise, elle n'aurait pas accepté d'effectuer le transport pour le prix de 230 € ;
Mais considérant qu'ainsi que ci-dessus retenu, la société VIA avait connaissance de la nature de la marchandise ; que, cependant, il résulte des documents produits, et notamment du rapport de l'expertise communiqué par la société ZURICH, que la société ND a donné mission à la société VIA de faire un détour d'environ 70 kilomètres par [Localité 12] (Eure et Loir) pour prendre un autre chargement le lendemain matin de bonne heure, détour qui, compte tenu de l'heure (19 h) à laquelle le camion a quitté les entrepôts de la société ND, impliquait un arrêt pendant la nuit et induisait par conséquent un risque supplémentaire ; que la société ND s'est abstenue de donner au transporteur une quelconque consigne de sécurité ; que, dans ces conditions, il convient, dans les rapports entre les sociétés ND et VIA, de partager par moitié leur responsabilité ;
PAR CES MOTIFS
Déclare la société XL INSURANCE COMPANY LIMITED irrecevable en son action ;
Déclare la société ZURICH INTERNATIONAL FRANCE recevable en son action ;
Réforme le jugement du 15 avril 2008 ;
Condamne les sociétés ND LOGISTICS et VIA TRANSPORT à payer à la société ZURICH INTERNATIONAL FRANCE la somme de 18.895,&5 €, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2005 ;
Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Dit que dans les rapports entre la société ND LOGISTICS et la société VIA TRANSPORT la responsabilité du sinistre sera partagée par moitié ;
Déboute la société ND LOGISTICS de son appel en garantie à l'encontre de la société VIA TRANSPORT ;
Condamne la société ND LOGISTICS et la société VIA TRANSPORT à payer à la société ZURICH INTERNATIONAL FRANCE la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,