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04/11/2010 | FRANCE | N°09/04657

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 04 novembre 2010, 09/04657


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 04 Novembre 2010

(n° 10 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04657 EG



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/02074



APPELANT

Monsieur [C] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Véronique GALLOT, avocat au barreau de PARIS, toque

: D0486 substitué par Me Marta BUKULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0486







INTIMEE

SAS ARTHUR STRAIGHT

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François D...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 04 Novembre 2010

(n° 10 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04657 EG

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Janvier 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/02074

APPELANT

Monsieur [C] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Véronique GALLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0486 substitué par Me Marta BUKULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0486

INTIMEE

SAS ARTHUR STRAIGHT

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2151

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Septembre 2010, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Madame Evelyne GIL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement formé par [C] [L] contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 22 janvier 2009 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la société ARTHUR STRAIGHT SAS.

Vu le jugement déféré ayant :

- débouté [C] [L] de l'ensemble de ses demandes et la société ARTHUR STRAIGHT SAS de sa demande reconventionnelle,

- condamné le salarié aux dépens.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

[C] [L], appelant, poursuit :

- l'infirmation du jugement entrepris,

à titre principal,

- la constatation de la nullité de la rupture de son contrat de travail,

- la condamnation de la société ARTHUR STRAIGHT à lui payer les sommes de :

42'500 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de la rupture du contrat de travail

21'250 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2 125 € au titre des congés payés afférents,

à titre subsidiaire,

- la constatation du caractère abusif de la rupture de son contrat de travail,

- la condamnation de la société ARTHUR STRAIGHT à lui payer les sommes de :

42'500 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail,

7'083,33 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

21'250 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2 125 € au titre des congés payés afférents,

en outre,

- la condamnation de la société ARTHUR STRAIGHT à lui payer les sommes de :

5'000 € à titre de rappel de prime contractuelle,

3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamnation de la société ARTHUR STRAIGHT à lui délivrer un certificat de travail, une attestation ASSEDIC rectifiée et des bulletins de paie pour la période du préavis,

- la condamnation de la même aux entiers dépens ;

La société ARTHUR STRAIGHT, intimée, conclut :

- à la confirmation du jugement déféré,

- au débouté d'[C] [L] de l'intégralité de ses demandes,

- subsidiairement, au sursis à statuer dans l'attente de la décision de la chambre mixte de la Cour de Cassation devant intervenir en matière de délégation de pouvoirs dans les SAS,

- plus subsidiairement, la constatation de l'absence de grief ou de préjudice subi par le salarié, la rupture de la période d'essai n'ouvrant droit qu'à des dommages et intérêts,

- la constatation de la durée effective du travail comprise entre le 3 septembre et le

27 novembre 2007 et de la moyenne des salaires à 6'250 € et non à 7'083,33 €.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société ARTHUR STRAIGHT, SAS dont le président est [V] [N], est une société de conseil en organisation créée en 2006. Elle applique la convention collective des bureaux d'études techniques dite Syntec.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 10 juillet 2007, elle a engagé [C] [L], à compter du 3 septembre 2006, en qualité de manager bénéficiant du statut cadre, moyennant une rémunération annuelle brute de 75'000 € répartie en 12 mensualités, outre une prime de 10'000 € attribuée tant en fonction de la performance du salarié que de celle de l'entreprise. Le contrat prévoyait une période d'essai de trois mois pendant laquelle chaque partie pouvait y mettre fin dans les conditions prévues par la convention collective.

Par lettre recommandée du 27 novembre 2007, la société ARTHUR STRAIGHT a mis fin à la période d'essai d'[C] [L] dans les termes suivants :

' En application des dispositions de votre contrat de travail prévoyant une période d'essai de trois mois qui a débutée le 3 septembre 2007, nous vous informons que nous avons décidé de mettre fin à cette période d'essai pour les raisons qui vous ont été exposées par Monsieur [M] [G].

Vous cesserez de faire partie de nos effectifs à l'issue du préavis de 2 semaines, préavis qui commencera à courir dès la présentations de cette lettre.

Pendant ce préavis, vous n'avez pas besoin de venir au bureau.'

[C] [L] fait valoir :

- que la lettre de rupture de son contrat de travail datée du 27 novembre 2007 est signée en 'P.O' sans que le nom ni la qualité du signataire n'apparaisse, pour ordre d'[V] [N] Président d'ARTHUR STRAIGHT,

- que l'employeur étant une société anonyme simplifiée, la lettre de rupture de la période d'essai aurait dû, pour être valable, émaner, soit du président, [V] [N], soit d'une personne autorisée par les statuts à recevoir délégation pour exercer le pouvoir de rompre un contrat de travail,

- qu'en effet, en application de l'article L. 227-6 du Code de commerce, le régime légal de la SAS, contrairement à celui des autres formes de sociétés, concentre dans les mains du seul président la totalité des pouvoirs,

- qu'il en résulte que la lettre de rupture de son contrat de travail n'est pas valable et que la rupture se trouve donc entachée de nullité,

- que conformément à l'article L. 1235-3 du Code du travail, l'indemnité devant lui être allouée à ce titre ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois,

- qu'il doit également bénéficier de l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à

3 mois de salaire et des congés payés afférents,

- que subsidiairement, il a été mis fin de manière abusive à la période d'essai destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié, puisqu'au cours de celle-ci, il a reçu pour instruction de travailler pour le compte de la société EDIFIXIO, société distincte d'ARTHUR STRAIGHT, et que de ce fait, ses compétences n'ont pu être évaluées par cette dernière société qui était son employeur,

- que la procédure de licenciement n'a évidemment pas été respectée,

- que la prime contractuelle de 10'000 € par an lui est due au prorata de la durée de son contrat de travail, soit à hauteur de 5 000 €.

La société ARTHUR STRAIGHT soutient :

- que l'employeur peut mandater une personne de l'entreprise pour procéder au licenciement d'un salarié et que cette délégation n'est pas nécessairement écrite,

- qu'en l'espèce, la lettre mettant fin à la période d'essai a été signée par [M] [G], actionnaire de la société et directeur financier, dans le cadre de la délégation qui lui a été donnée par le président [V] [N],

- que [M] [G] disposait d'une délégation particulière puisque c'est lui qui a embauché [C] [L], qui a signé son contrat de travail et qui a organisé un entretien pour lui faire part des raisons pour lesquelles sa période d'essai n'était pas probante,

- que les statuts de la société permettent une telle délégation de pouvoirs,

- que la forme juridique de la société anonyme simplifiée n'est pas de nature à modifier les règles applicables en matière de délégation de pouvoirs,

- qu'[C] [L] qui avait le statut de salarié n'était pas un tiers par rapport à la société,

- que l'article L. 227-6 du Code de commerce organise uniquement la délégation de pouvoir générale et permanente du président et non la délégation des pouvoirs dans des domaines particuliers, tels que celui de la gestion du personnel,

- que subsidiairement, il conviendra de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la chambre mixte de la Cour de Cassation devant intervenir en novembre 2010,

- que très subsidiairement, l'irrégularité pouvant affecter la procédure de licenciement, y compris au titre du mandat donné à un tiers pour la conduire, ne saurait suffire à priver de cause la décision de licencier en l'absence de grief tenant à la qualité du signataire de la lettre mettant fin à la période d'essai,

- que la période d'essai de 3 mois prévue dans le contrat d'embauche d'[C] [L] était conforme aux dispositions de la convention collective,

- qu'elle a été rompue pendant la période de 3 mois qui expirait le 2 septembre 2007, en respectant le préavis de rupture de 2 semaines et après avoir testé les compétences de l'intéressé pendant plus de 2 mois et demi,

- qu'au cours de cette période ont été révélées l'absence de rigueur professionnelle du salarié et son absence de conviction sur la pertinence technique de son travail et sa capacité commerciale à présenter une offre sur les 'sociétés en difficulté',

- que la rupture ne procède ni d'un abus de droit, ni d'une légèreté blâmable imputable à l'employeur,

- qu'[C] [L] a participé au développement de la société ARTHUR STRAIGHT qui lui assurait des missions et non à celui de la société EDIFIXIO,

- que le fait que la durée du préavis excède le terme de la période d'essai n'est pas de nature à remettre en cause les conditions de la rupture du contrat de travail, étant observé que le préavis de 2 semaines non travaillé a été payé,

- que la prime annuelle de 10'000 € n'est pas susceptible d'être proratisée en cas de départ anticipé et que le défaut d'aptitude professionnelle interdit son versement.

SUR CE

- Sur la qualification de la rupture du contrat de travail et ses conséquences

La lettre de rupture du contrat de travail doit émaner de l'employeur ou de son représentant. Si le signataire de cette lettre ne dispose pas du pouvoir de mettre fin au contrat de travail du salarié, cette irrégularité n'a pas pour effet d'entacher la rupture de nullité mais rend cette rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse.

La société ARTHUR STRAIGHT est une société par actions simplifiée dont le régime légal est caractérisé par la concentration dans les mains du seul président de la totalité des pouvoirs.

L'article L. 227-6 du Code de commerce régissant le fonctionnement des sociétés par actions simplifiée énonce en effet : 'La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social....

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article...'

Il résulte de ces dispositions que la lettre de rupture du contrat de travail doit émaner, soit du président de la SAS, soit du responsable exerçant, dans les conditions prévues par les statuts de la société, les pouvoirs de gestion du personnel comprenant le pouvoir de licencier, pouvoirs étendus confiés au président de la SAS aux termes des dispositions ci-avant rappelées.

Or, les statuts de la société ARTHUR STRAIGHT se limitent à énoncer en leur article 16-1 : 'Le Président est autorisé à consentir des délégations ou substitutions de pouvoirs pour une ou plusieurs opérations ou catégories d'opérations déterminées' sans prévoir expressément une délégation complète de la gestion du personnel au directeur financier.

Il apparaît ainsi que la délégation du pouvoir de gérer le personnel qui n'est pas produite au dossier mais seulement attestée par le président de la société et par le directeur financier qui exerçait ce pouvoir ne satisfait pas aux dispositions légales applicables aux sociétés par actions simplifiée. Il s'ensuit que la rupture du contrat de travail d'[C] [L] à l'issue de la période d'essai, notifiée par lettre signée pour ordre du président de la SAS par le directeur financier, est abusive.

Le salarié est en conséquence bien fondé à réclamer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois de salaire, soit 18'750 € outre 1 875 € à titre d'indemnité de congés payés.

En revanche, il ne justifie pas que sa performance et celle de l'entreprise permettaient de lui attribuer, au prorata de la durée de son contrat de travail, la prime annuelle de 10'000 € prévue par le contrat.

Par ailleurs, la cour dispose au dossier des éléments suffisants d'appréciation pour fixer, en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail, la réparation du dommage consécutif à la rupture abusive du contrat de travail à 6'250 €.

Le préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement sera indemnisé à hauteur de 1 000 €.

Enfin, la société ARTHUR STRAIGHT devra délivrer à l'appelant des documents sociaux conformes au présent arrêt.

- Sur la demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Au vu des circonstances de la cause, il paraît inéquitable de laisser à la charge d'[C] [L] les frais non taxables qu'il a exposés à l'occasion de la présente procédure prud'homale. Il y a de lui accorder à ce titre une indemnité de 1 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la SAS ARTHUR STRAIGHT de sa demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la rupture de son contrat de travail notifiée à [C] [L] le 27 novembre 2007 est abusive ;

Constate que la moyenne de ses trois mois de salaire s'est élevée à 6'250 €;

Condamne la société ARTHUR STRAIGHT SAS à payer à [C] [L] les sommes de:

18'750 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

1 875 € au titre des congés payés afférents,

1 000 € à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

6'250 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

1 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Ordonne à la société ARTHUR STRAIGHT de délivrer les bulletins de paie pour la période du préavis, un certificat de travail et une attestation destinée au PÔLE EMPLOI conformes au présent arrêt ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société ARTHUR STRAIGHT aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/04657
Date de la décision : 04/11/2010

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°09/04657 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-11-04;09.04657 ?
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