Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FIANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2010
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/13533
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juin 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/05044
APPELANT
Monsieur [B] [D]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par la SCP VERDUN - SEVENO, avoué à la Cour
assisté de Me Olivier HOEBANX, avocat au barreau de Paris, Toque : R216
INTIMÉE
S.A. BANQUE NEUFLIZE OBC
agissant en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour
assistée de Me Philippe BIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R146
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Septembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Claude APELLE, Président
Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller
Madame Caroline FEVRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Claude APELLE, président et par Monsieur Sébastien PARESY, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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Ayant hérité de son père par un acte de partage du 26 juin 1998 de 42014 actions Louis Vuitton Moet Hennessy (LVMH), Madame [D] a ouvert un compte de titres n° [XXXXXXXXXX01] dans les livres de la banque Neuflize Schlumberger Mallet, devenue Neuflize OBC, sur lequel ses actions ont été transférées.
Le 23 septembre 1998, la banque Neuflize a procédé à la vente de 17700 actions LVMH pour la somme de 15.820.412 francs portée au crédit du compte-espèces de Madame [D].
Le 4 janvier 1999, la banque Neuflize a, à nouveau, procédé à la vente de 11900 actions LVMH pour la somme de 2.075.304,76 francs et le 5 janvier suivant à la cession de 11976 actions LVMH pour un résultat net de 2.178.927,77 francs.
Le 30 juin 2004, Madame [D] est décédée laissant pour lui succéder son conjoint survivant bénéficiaire du régime de communauté universelle choisi par les époux.
Par acte d'huissier en date du 2 avril 2007, Monsieur [D] a fait assigner la banque Neuflize OBC en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 17 juin 2008, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Monsieur [B] [D] de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la Banque Neuflize OBC la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
La déclaration d'appel de Monsieur [B] [D] a été remise au greffe de la Cour le 7 juillet 2008.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 6 novembre 2008, Monsieur [B] [D] demande l'infirmation du jugement déféré et à la cour statuant à nouveau de :
- constater que la banque Neuflize a procédé à la vente de 41.576 actions LVMH appartenant à Madame [D] fin 1998 et début 1999 sans mandat de gestion et sans ordre écrit de leur propriétaire,
- constater que la vente de ces actions a entraîné une perte de 8.150.126,16 francs, soit 1.293.920,45 euros,
- dire que la banque Neuflize a manqué à ses obligations de conseil et de non ingérence,
- débouter la banque Neuflize de ses demandes,
- condamner la banque Neuflize à lui payer la somme de 1.293.920,45 euros en réparation du préjudice financier subi avec intérêts au taux légal à compter de la date de la vente des actions et capitalisation des intérêts à compter du 2 avril 2007,
- condamner la banque Neuflize à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 28 juillet 2010, la banque Neuflize demande la confirmation du jugement déféré et le rejet des demandes de Monsieur [D] ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 septembre 2010.
CELA ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Considérant que Monsieur [D] soutient que la banque Neuflize a vendu, sans mandat de gestion et sans ordre écrit, 41.576 actions LVMH à un cours nettement inférieur à celui existant à l'ouverture du compte générant une moins-value de 1.293.920,45 euros ; que la banque a manqué à son obligation d'information en ce qui concerne les risques financiers encourus et à son obligation de mise en garde préalable à la prise de décision de son client, à son obligation de conseil et de non ingérence ; que l'envoi des avis d'opérés et des relevés de compte ne satisfait pas à ces obligations et que l'absence de contestation à la réception ne peut être assimilée à une confirmation des opérations effectuées ; que la banque ne peut transférer la propriété de titres sans l'accord exprès de son client même en affectant le produit de la vente au titulaire et qu'il n'y a aucun justificatif d'un ordre de vente de Madame [D] ; que le courrier du 30 décembre 1998 n'a aucune force probante ; que la donation-partage du 15 décembre 1999 ne démontre pas que Madame [D] a demandé la vente des actions dont elle n'avait pas besoin et qu'elle a effectué trois virements en espèces à ses enfants au moyen des liquidités provenant des actions vendues par la banque ; qu'il peut agir contre la banque dans le délai de la prescription; qu'il a subi un préjudice financier constitué par les moins-values subies du fait de la vente à perte des actions LVMH et de la perte d'une chance de réaliser des plus-values avec ces actions ;
Considérant que la banque Neuflize fait valoir qu'elle a procédé à la vente des actions LVMH à la demande de Madame [D] qui a immédiatement utilisé le produit de ces ventes viré sur son compte de chèque pour souscrire un contrat d'assurance-vie le 1er octobre 1998 et a procédé à une donation-partage le 23 octobre 1998 au profit de ses enfants ; que Madame [D] n'ignorait rien de ces ventes et a reçu les avis d'opérés sans jamais les contester ; que la réception des avis d'opérés et des relevés de compte sans contestation vaut présomption que les opérations ont été exécutées sur les ordres du client ; que c'est dès lors à celui qui les conteste de rapporter la preuve contraire ; que Madame [D] n'a jamais contesté les ventes réalisées jusqu'à son décès survenu six ans plus tard et a réemployé les fonds, ce qui emporte confirmation et ratification des opérations effectuées ; que la seconde donation faite en titres au profit de ses enfants démontre sa volonté de transmettre son patrimoine à ses enfants et que Monsieur [D] qui établissait des déclarations fiscales communes avec son épouse n'ignorait rien de le vente des actions ; qu'il n'y a pas d'obligation de mise en garde vis à vis d'un investisseur averti et pour une opération de vente d'actions réalisée dans le cadre d'une organisation successorale et fiscale ;
Considérant qu'il est constant qu'il n'y a pas d'ordre écrit de Madame [D] demandant à la banque Neuflize de procéder à la vente de ses actions LVMH; que cependant l'absence d'ordre écrit n'exclut pas que la banque ait agi en qualité de mandataire de son client donneur d'ordre;
Considérant qu'en vertu de l'article 1985 du Code civil, le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, mais aussi par lettre ou verbalement ;
Considérant qu'il est établi et non contesté que Madame [D] a été rendue destinataire de l'ensemble des avis d'opérés et des relevés de compte relatifs aux opérations contestées intervenues entre le 23 septembre 1998 et le 5 janvier 1999, lesquels font clairement apparaître la vente des titres en cause et sont le moyen par lequel la banque rend compte à son client de chacune des opérations effectuées sur son compte en lui rappelant que, sauf observation de sa part dans le délai d'un mois à compter de l'expédition du relevé, l'opération est considérée approuvée ;
Considérant qu'il est établi que les opérations réalisées n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part de Madame [D] et ce jusqu'à son décès intervenu plus de 6 ans après la réalisation des cessions d'actions LVMH ;
Considérant que les relevés annuels adressés par la banque Neuflize aux fins de rédaction de sa déclaration d'impôts versés aux débats font clairement apparaître les pertes subies en 1998 et 1999 pour un montant respectif de 6.535.655 francs pour l'année 1998 et 1.820.127 francs pour l'année 1999 et n'ont également suscité aucune réaction de la part de Madame [D] ;
Considérant qu'il ressort par ailleurs d'un courrier de la banque Neuflize en date du 30 décembre 1998, versé aux débats par l'intimé, ayant pour objet: 'ordre de vente de 11.900 actions LVMH limité à 1.150 francs sur le compte ordinaire et ordre de vente de 11.976 actions LVMH limité à 1.195 francs sur le compte ordinaire', que la banque a confirmé à Madame [D] les ordres de ventes à intervenir le 4 janvier 1999 des actions LVMH restantes ;
Considérant qu'il est également établi que les fruits de la cession ont été immédiatement remployés par Madame [D] pour souscrire un contrat d'assurance-vie au profit de ses enfants et effectuer des donations à leur profit sous forme de liquidités, laissant présumer que la réalisation de ces cessions résultait de la volonté expresse de leur propriétaire dans un souci de transmission patrimoniale intégrant la fiscalité applicable justifiant le choix d'une vente à perte des actions en cause ;
Considérant qu'ainsi l'ensemble de ces éléments constituent des présomptions graves, précises et concordantes prouvant que la volonté de Madame [D] a été de vendre ses actions LVMH même à perte et qu'elle en a donné l'ordre à la banque Neuflize qui l'a exécuté;
Considérant que tant au regard des avantages fiscaux non négligeables conférés par de tels remplois que de la volonté de Madame [D] de transmettre son patrimoine à ses enfants comme en attestent les donations intervenues ultérieurement et consécutivement aux ventes réalisées, Monsieur [D] ne saurait valablement prétendre que celles-ci ont été uniquement réalisées en raison des liquidités rendues disponibles par les cessions d'actions réalisées par la banque sans que celles-ci aient pour origine un ordre de Madame [D], ni que son épouse est restée dans l'ignorance de la vente de ses actions jusqu'à son décès et qu'elle n'en est pas le donneur d'ordre ;
Considérant que Monsieur [D] est également particulièrement mal fondé pour justifier son action intervenant plus de 8 ans après les transactions litigieuses à soutenir qu'il est lui-même resté dans l'ignorance de ces transactions jusqu'au décès de son épouse alors même qu'il établissait avec elle les déclarations fiscales communes sur lesquels figuraient les moins-values des opérations contestées, étant mariés sous le régime de la communauté de biens de sorte qu'il avait nécessairement connaissance des actifs communs de leur patrimoine ;
Considérant qu'ainsi Monsieur [D] est mal fondé en son appel en l'absence de faute de la banque qui a exécuté les ordres de sa cliente qui savait précisément ce qu'elle voulait faire pour transmettre des espèces et des valeurs à ses enfants avant son décès compte tenu du régime matrimonial des époux adopté le 9 avril 1996 tout en défiscalisant par le biais de vente de titres à perte, ce qui exclut qu'elle puisse être considérée comme profane dans le domaine financier ; qu'il doit être débouté de l'ensemble de ses demandes ; que le jugement déféré sera confirmé ;
Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée le montant de ses frais irrépétibles ; qu'il convient de condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que Monsieur [D] qui succombe supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 juin 2008,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [P] [D] à payer à la banque Neuflize la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne Monsieur [P] [D] aux dépens d'appel avec distraction au profit de Me Remi Pamard dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT