Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2010
(n° 390, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/01816
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2008 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/14406
APPELANT
Monsieur [O] [J]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 9] (Tunisie)
de nationalité française
demeurant [Adresse 4]
représenté par Maître Nadine CORDEAU, avoué à la Cour
assisté de Maître Dominique ANDREI, avocat au barreau de PARIS, toque : E 0447
INTIMÉS
Madame [F] [S] veuve [J]
née le [Date naissance 3] 1933 à [Localité 10] (Tunisie)
de nationalité tunisienne
Madame [I] [J]
née le [Date naissance 6] 1958 à [Localité 10] (Tunisie)
de nationalité tunisienne
Demeurant toutes deux [Adresse 5] (Tunisie)
représentées par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistées de Maître Baheja RAJOUN, avocat plaidant pour Maître Mustapha KALAA, avocat au barreau de la SEINE SAINT DENIS, toque : BOB 50
Syndicat des copropriétaires [Adresse 8]
représenté par la société SATRAG
ayant son siège [Adresse 7]
représenté par Maître Lionel MELUN, avoué à la Cour
ayant pour avocat Maître Claudine VERTEUIL, du barreau de PARIS, toque : A 461
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Lysiane LIAUZUN, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par arrêt du 6 novembre 1981, cette cour a déclaré parfaite la vente consentie suivant acte sous seing privé du 6 septembre 1970 par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 8] (le syndicat) portant sur un appartement dépendant de cet immeuble à [A] [J] au prix de 12 000 francs, sur lequel 2 000 francs avaient été payés comptant et dit que l'arrêt vaudrait acte authentique de vente et serait publié au bureau des hypothèques compétent.
[A] [J] est décédé le [Date décès 1] 2003 laissant pour lui succéder, Mme [F] [S], sa veuve, et Mme [I] [J], sa fille.
Invoquant une vente du bien précité intervenue à son profit par acte du 28 février 2000, M. [O] [J] a assigné le 16 juin 2005 en vente forcée Mmes [J] et le syndicat.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 10 décembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a :
- prononcé la nullité de l'acte de vente sous seing privé daté du 28 février 2000 portant sur un immeuble sis [Adresse 8] entre [A] [J] et M. [O] [J],
- débouté M. [O] [J] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné M. [O] [J] à payer à Mme [F] [J], Mme [I] [J] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. [O] [J] à payer au syndicat la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes reconventionnelles,
- laissé les dépens à la charge de M. [O] [J].
Par dernières conclusions du 6 octobre 2010, M. [O] [J], appelant, demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du rejet du surplus des demandes reconventionnelles et statuant à nouveau,
- vu les articles 1583 et 1108 du Code civil, 33, 34 et 35 de la loi du 9 juillet 1991,
- principalement,
- déclarer parfaite la vente consentie à son profit le 28 février 2000 par [A] [J],
- dire que l'arrêt vaudra acte authentique et sera publié au bureau des hypothèques compétent,
- condamner le syndicat, à défaut de production dès signification des présentes conclusions, à fournir tous justificatifs de la régularisation des formalités consécutives à la vente entre le syndicat et [A] [J], indispensables à la régularisation de la vente entre ce dernier et lui-même, et ce, sous astreinte,
- débouter les intimés de toutes leurs demandes,
- subsidiairement,
- nommer un expert graphologue aux frais avancés des consorts [J],
- en cas de confirmation de la nullité de la vente, condamner Mmes [J] à lui payer la somme de 50 000 € sauf à parfaire,
- en cas de confirmation de cette nullité, les condamner à le garantir,
- de toute façon, débouter les intimés de leurs demandes,
- condamner in solidum les défendeurs à payer 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 5 juillet 2010, Mme [F] [S], veuve [J], et Mme [I] [J] (Mmes [J]) prient la cour de :
- vu les articles 1108, 1131, 1596 et 1184 du Code civil,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte du 28 février 2008, débouté M. [O] [J] de ses demandes, condamné M. [O] [J] à leur payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- y ajoutant,
- rejeter l'expertise graphologique et les conclusions en découlant,
- à titre subsidiaire si la cour retenait l'existence du contrat de vente,
- prononcer la résolution du contrat de vente litigieux,
- en tout état de cause,
- condamner M. [O] [J] au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 5 février 2010, le syndicat demande à la cour de :
- dire non fondé M. [J] en ses demandes formées contre lui,
- prendre acte de ce que le règlement de copropriété a été modifié par acte du 29 novembre 2005 de M. [C], notaire à [Localité 11],
- condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'est produit devant la cour l'original de l'instrumentum, revêtu de la légalisation du 28 février 2000 de la signature de [A] [J], contenant convention de vente par [A] [J] à M. [O] [J] du bien précité, qui constitue l'ancienne loge de la gardienne, ayant fait l'objet de l'arrêt du 6 novembre 1981 ;
Considérant que le 17 mars 2010, M. [X] [Z], expert en écritures à [Localité 12] (Tunisie), a examiné l'acte précité, a procédé à la comparaison des signatures qui y sont apposées avec celle de [A] [J] figurant sur cinq documents de comparaison dont deux comportent légalisation de la signature de l'intéressé ; que l'expert a conclu que l'acte de vente du 28 février 2000 était revêtu de la signature de [A] [J] ;
Considérant que, bien qu'il s'agisse d'une expertise amiable réalisée à la demande de l'appelant, ce document, qui a été contradictoirement versé aux débats, sera retenu comme mode de preuve ; que les intimées ne formulent aucune critique pertinente des conclusions de l'expert ; qu'il ressort de l'examen de l'acte litigieux, des documents de comparaison et des observations de l'expert que la convention du 28 février 2000, dont la signature sur la 3e page a été légalisée par le chef de l'arrondissement de la commune de [Localité 9] (Tunisie) comme étant celle de [A] [J], a été signé par le défunt ;
Considérant que cette convention, telle que reproduite en sa 3e page par le jugement entrepris, énonce clairement que [A] [J] vend à M. [O] [J], qui accepte, le bien précité au prix de 90 000 francs ;
Qu'il ne peut être tiré aucune conséquence du fait que M. [O] [J] n'ait pas procédé avant le décès du vendeur à la publication de l'arrêt du 6 novembre 1981 comme le prévoyait la convention, dès lors que la modification du règlement de copropriété, préalable nécessaire à la publication du titre du défunt, n'est intervenue qu'en novembre 2005, soit postérieurement à l'introduction de la présente instance ;
Que Mmes [J] n'établissent pas l'existence de manoeuvres frauduleuses commises par l'appelant qui auraient vicié le consentement du défunt, le dol ne se déduisant pas de l'âge avancé de ce dernier au moment de l'acte ;
Que Mmes [J] ne prouvent pas que le prix convenu est dérisoire, s'agissant d'une pièce et d'une cuisine au rez-de-chaussée de l'immeuble ayant constitué la loge de la gardienne ;
Que la lettre du 23 mars 2002 par laquelle le défunt, répondant à l'interrogation du notaire, l'aurait informé qu'il n'avait pas l'intention de vendre le bien à son cousin M. [O] [J], ne peut être retenue comme mode de preuve de l'intention de [A] [J] dans la mesure où cette lettre dactylographiée n'est pas signée ;
Considérant qu'il ressort de la déclaration faite par [A] [J] par acte sous seing privé du 27 août 1994 que la procuration qu'il avait donnée à M. [O] [J] par acte authentique du 21 mai 1991 portait sur la vente du bien à M. [M] ; que, selon la convention du 28 février 2000, la vente au profit de M. [M], locataire, ne s'est pas réalisée, ce dernier ayant quitté les lieux ;
Qu'ainsi, au 28 février 2000, le mandat n'avait plus d'objet de sorte que la prohibition prévue par l'article 1596 du Code civil n'était plus applicable ;
Considérant qu'en conséquence, l'acte du 28 février 2000 n'est pas nul ;
Mais considérant, en droit, que la principale obligation de l'acquéreur consiste à payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente et que si l'acheteur ne paie pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente ;
Considérant que la convention du 28 février 2000 stipule que la vente est consentie et acceptée moyennant le prix de 90 000 francs, 'ledit prix étant payé :
- dès avant ce jour par compensation compte tenu des frais exposés par Monsieur [O] [J] pour la somme de
- ce jour pour la somme de
étant entendu qu'une provision de 10 000 francs est faite pour régler les frais éventuels de la régularisation de la situation actuelle, frais dont il sera donné décompte au vendeur au moment de leur connaissance, le solde du prix étant alors déterminable' ;
Considérant que le montant de la créance de M. [O] [J] n'étant pas précisé dans l'acte et le montant du paiement comptant le jour de l'acte n'étant pas davantage indiqué, la convention du 28 février 2000 ne vaut pas quittance du paiement du prix ; qu'en conséquence, il incombe à l'appelant, en sa qualité d'acquéreur de prouver le paiement de la somme de 90 000 francs ;
Considérant que, pour ce faire, M. [O] [J] doit établir, d'une part, le montant de sa créance au titre des frais exposés pour le compte du vendeur, s'agissant d'un paiement par compensation, d'autre part, le paiement de la somme versée le jour de l'acte ;
Considérant que M. [O] [J], qui n'établit pas le montant de sa créance, ne prouve pas que la somme de 8 000 dinars, soit, selon ses propres écritures, environ 40 000 francs, qu'il a payée par chèque du 12 avril 2000 à l'ordre de [A] [J] représente la somme qui devait être versée le jour de la vente du 28 février 2000 ;
Qu'ainsi le paiement de la somme de 90 000 € n'est pas établi ;
Considérant qu'à cet égard, il convient d'ajouter que M. [O] [J] indique qu'il avait reçu du défunt un mandat de gestion du bien ; que, dans le cadre de ce mandat, il avait mission de percevoir les loyers, le bien ayant été loué à M. [M] ; que l'appelant, qui ne prétend pas qu'il en avait été dispensé, ne justifie pas avoir procédé à une reddition des comptes au titre du mandat ; que l'attestation de paiement des loyers dus par M. [M] signée par [A] [J] à [Localité 10] le 1er décembre 1997, qui vaut quittance dans les rapports du bailleur et du locataire en cours de transaction à la suite de l'instance judiciaire introduite par ce dernier, ne vaut pas quittance des sommes qui auraient été versées au mandant par l'appelant ; qu'ainsi, le paiement de 8 000 dinars peut être intervenu en exécution du mandat ;
Considérant que le défaut de paiement du prix constitue un manquement aux obligations contractuelles suffisamment important pour que la résolution de la vente soit prononcée aux torts de l'acquéreur ;
Considérant que, la résolution de la vente étant prononcée pour défaut de paiement du prix, la demande de remboursement de ce prix formée par M. [O] [J] doit être rejetée ;
Considérant que M. [O] [J], qui ne justifie ni du paiement des charges ni du paiement de frais accessoires ni de l'engagement de frais pour l'agencement de l'appartement, doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 50 000 € ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de garantie formée par l'appelant à l'encontre de Mmes [J] au titre des condamnations prononcées au profit du syndicat, celles-ci trouvant leur fondement, non dans la qualité de copropriétaires de ces dernières, mais dans l'article 700 du Code de procédure civile à la suite de l'instance introduite par M. [O] [J] lequel succombe en toutes ses prétentions ;
Considérant que la vente étant résolue, les demandes formées par M. [O] [J] à l'encontre du syndicat doivent être rejetées ;
Considérant que la procédure introduite par M. [O] [J] n'étant pas abusive, la demande de dommages-intérêts de Mmes [J] doit être rejetée ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet de la demande de M. [O] [J] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de Mmes [J] et du syndicat sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de vente sous seing privé daté du 28 février 2000 portant sur un immeuble sis [Adresse 8] entre [A] [J] et M. [O] [J] ;
Statuant à nouveau,
Prononce la résolution de cette vente aux torts de M. [O] [J] ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant :
Condamne M. [O] [J] à payer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel :
- à Mme [F] [S], veuve [J], et Mme [I] [J] la somme de 2 000 €,
- au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 8], représenté par son syndic, la société Satrag, la somme de 1 000 € ;
Rejette les demandes pour le surplus ;
Condamne M. [O] [J] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La Greffière,La Présidente,