Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 09 DECEMBRE 2010
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/21690
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 200508032
APPELANTES
S.A.R.L. PARIS MODES EDITIONS
ayant son siège : [Adresse 2]
S.A.R.L. PARIS MODES PRODUCTIONS
ayant son siège : [Adresse 3]
représentées par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour
assistées par Me Alexander MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : D 113,
INTIMEES
S.A.S A PRIME GROUP
ayant son siège : [Adresse 1]
représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour
assistée de Me Caroline ALLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C 62,
SA PARIS PREMIERE
ayant son siège : [Adresse 4]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Juan Carlos ZEDJAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0038, plaidant pour la société d'avocats ISGE & ASSOCIES,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Octobre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Colette PERRIN, Présidente et Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, présidente
Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, conseillère
Madame Patricia POMONTI, conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Madame [M] [L], journaliste et conceptrice spécialisée dans le secteur de la mode, a créé deux sociétés Paris Modes Productions (initialement dénommée MCM Paris) en 1986 et Paris Modes Editions en 1988.
La société Paris Première a été créée en 1992 et édite depuis cette date la chaîne de télévision éponyme Paris Première.
En 1992, Madame [L] a rejoint Paris Première pour présenter l'émission Paris Modes.
De 1997 à 2003, Paris Première a également confié la production des émissions de mode de la chaîne aux sociétés de Madame [L].
Par un courrier du 22 juin 2004, aux motifs d'une chute des audiences et de difficultés financières, la société Paris Première a notifié à la société Paris Modes éditions que les émissions Paris Modes ne seraient plus diffusées par la chaîne la prochaine saison. Les parties n'ont pas trouvé de terrain d'entente concernant les budgets de production. Leurs relations commerciales ont alors été rompues.
La société Paris Première a par la suite confié la production d'une nouvelle série d'émissions sur les défilés de prêt à porter et de haute couture à la société Prime Group.
S'estimant victime d'une rupture brutale d'une relation commerciale ancienne et d'actes de contrefaçon, de concurrence déloyale et d'agissements parasitaires, la société Paris Modes Productions a saisi le 24 janvier 2005 le tribunal de commerce de Paris.
La société Paris Modes Editions est intervenue volontairement dans la procédure.
Par jugement en date du 9 octobre 2008, le tribunal de commerce de Paris a :
débouté les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions de leurs demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales,
dit le scénario de l'émission Paris Modes non protégeable et débouté les sociétés Paris Modes Editions et Paris Modes Productions de leurs demandes au titre de la contrefaçon,
débouté les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme,
débouté la société Paris Première de ses demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,
débouté la société Paris Première de ses demandes sur l'utilisation illicite du titre Paris Modes,
condamné in solidum les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions à payer la somme de 10.000 euros à la société Paris Première et celle de 5.000 euros à la société A Prime Group au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile.
LA COUR :
Vu l'appel de ce jugement interjeté par les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions , le17 novembre 2008.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 16 juin 2010, elles demandent à la Cour :
d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
de dire et juger que la société Paris Première s'est rendue coupable de rupture brutale d'une relation commerciale établie; en conséquence, de la condamner à verser aux sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions la somme de 336.516 euros à titre de dommages et intérêts,
de dire et juger que les sociétés Paris Première et A Prime se sont rendues coupables de concurrence déloyale et parasitaire à leur égard; en conséquence, de les condamner à leur verser la somme de 340.000 euros à titre de dommages et intérêts,
de débouter les sociétés intimées de l'ensemble de leurs demandes,
de les condamner solidairement à payer à chacune des sociétés appelantes la somme de 10.000 euros au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile.
La société Paris Première, intimée, demande à la Cour, dans ses dernières conclusions du 24 juin 2010, de :
confirmer le jugement du 9 octobre 2008 sauf en ce qu'il a débouté la société Paris Première de ses demandes reconventionnelles,
prendre acte de la renonciation des sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes éditions à l'ensemble de leurs demandes formées sur le fondement de la contrefaçon de droit d'auteur,
débouter les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions de l'ensemble de leurs demandes,
dire et juger que les sociétés appelantes ont sciemment voulu nuire à l'image de la société Paris Première,
dire et juger que la procédure diligentée par ces sociétés est abusive; en conséquence les condamner solidairement à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
dire et juger que les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions ont violé les contrats conclus avec la société Paris Première et porté atteinte aux droits que cette société détient sur le titre Paris Modes et sur la marque Paris modes en exploitant cette expression, sans avoir recueilli son autorisation, sur le site internet qu'elles éditent; en conséquence, faire injonction aux sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions , sous astreintes de 1.500 euros par jour de retard, de cesser toute utilisation de l'expression Paris Mode sur le site internet www. Parismodes.tv ou tout autre site édité par les appelantes et les condamner à lui payer 100.000 euros de dommages et intérêts,
les condamner solidairement à payer à la société Paris première la somme de 15.000 euros au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile.
La société A Prime , intimée, dans ses dernières conclusions du 23 juin 2010, demande à la Cour de :
confirmer le jugement entrepris,
débouter les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions de toutes leurs demandes,
les condamner solidairement à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile.
*
MOYENS DES PARTIES
Au soutien de leur appel, les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions, font valoir que :
-au jour de la rupture des relations commerciales entre les parties, après 7 ans de relations suivies, les émissions de mode (régulières bi-mensuelles et celles consacrées aux défilés) étaient produites par les seules sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions et pré-achetées par la société Paris Première,
-la rupture s'est faite en deux temps, le 22 juin 2004 pour les émissions régulières et le 28 juillet 2004 pour les émissions de défilés,
-la rupture est intervenue sans préavis et sans que rien ne puisse juridiquement exonérer la société Paris Première de son obligation d'indemniser la perte subie par les sociétés appelantes,
-elle était imprévisible alors que dans un courrier du 5 mai 2004 la société Paris Première saluait Paris Mode comme une émission de référence et est intervenue à la veille des congés d'été, période peu propice au lancement d'actions de prospection,
-la rupture ne peut être justifiée par les difficultés financières de société Paris Première, qui n'ont pas perduré,
-l'existence d'une information préalable de la société Paris Modes n'est pas établie et, en tout état de cause, une information 4 jours avant la rupture ne saurait la rendre régulière,
-il ne saurait être reproché à la société Paris Modes de ne pas avoir contesté la rupture alors qu'elle espérait encore que ses émissions de défilés seraient renouvelées,
-contrairement à ce qu'a retenu le jugement entrepris, dans le cadre de la négociation avant rupture, la société Paris Modes a bien adressé un devis à la société Paris Première qui n'a fait aucune contre-proposition, faisant au contraire pression sur la société Paris Modes pour qu'elle accepte ses exigences et en ne lui laissant pas un délai raisonnable pour prendre position,
-il est faux d'affirmer que les relations entre les parties auraient été placées sous le sceau de la précarité et que le système de la télévision échapperait aux règles générales, en ce sens que les chaînes ne seraient tenues à aucune obligation de diffuser et conserveraient l'entière liberté d'arrêter sans préavis les émissions qui ne fonctionnent pas,
-l'indemnité de rupture doit être fixée à 18 mois la durée normale de préavis compte tenu de la notoriété de l'émission, des investissements consentis et des risques pris, la base de calcul retenue correspondant à une marge perdue de 10 % sur le chiffre d'affaires,
-l'émission Paris Défilés mise en place à la rentrée sur Paris Première s'est délibérément placée dans la continuité de la précédente émission, la société A Prime n'ayant eu qu'à exploiter ce qui avait été mis en place par la société Paris Modes précédemment,
-le débauchage de deux salariés occupant les postes les plus importants pour la société Paris Modes confirme la concurrence déloyale et parasitaire commise par la société A Prime,
-la société Paris Modes a été mise dans l'impossibilité de proposer son émission à d'autres partenaires, la société Paris Première ayant même fait directement en sorte d'empêcher la société Paris Modes de contracter avec d'autres chaînes,
-il n'existe pas d'utilisation illicite, ni de la marque Paris Mode, ni du titre Paris Mode et, en tout état de cause aucun préjudice dès lors que la société Paris Première a elle-même cessé d'utiliser cette dénomination.
La société Paris Première, intimée, réplique que :
-en dépit de la confusion entretenue par les appelantes, l'appréciation de la régularité de la rupture des relations ayant existé avec les sociétés Paris Modes doit être distinguée de celles qui liait la société Paris Première à Madame [L] et qui a été soumise aux juridictions prud'homales,
-des négociations ont été entamées entre les parties au sujet d'une nouvelle émission consacrée aux défilés, distincte de celle produite par les appelantes, qui n'ont pu aboutir du fait du refus de ces dernières de proposer un budget adapté aux impératifs éditoriaux et aux restrictions financières imposées par la situation financière désastreuse de Paris Première,
-les sociétés Paris Modes n'ayant pas répondu à la proposition faite par la société Paris Première dans son courrier du 16 juillet 2004, celle-ci est devenue caduque le 20 juillet 2004, ce dont la chaîne a pris acte dans son courrier du 28 juillet 2004,
-il n'y a aucune rupture abusive, dès lors qu'à fin juillet les parties n'étaient plus liées par un contrat qui, au demeurant, ne comportait aucune clause de tacite reconduction ou de renégociation, la société Paris Première ayant en outre préalablement notifié aux sociétés Paris Modes, de manière non équivoque, dans son courrier du 22 juin 2004, que leurs émissions ne seraient pas reprises,
-les négociations ont été menées de bonne foi par la société Paris Première qui n'avait aucun intérêt à entretenir une discussion stérile de nature à empêcher l'achèvement de sa nouvelle grille de programmes et à compromettre davantage sa situation,
-les sociétés Paris Modes ont proposé un devis qui était en réalité un montant forfaitaire, présentant au surplus une augmentation de 15 % du budget antérieurement alloué aux appelantes,
-en réalité la rupture est imputable aux sociétés Paris Modes car elle résulte de leur refus d'établir un budget qui respecterait la politique générale de restriction budgétaire qui s'imposait désormais à la société Paris Première,
-c'est ce refus qui a obligé la société Paris Première à recourir in extremis à la société A Prime Group dont les coûts de production étaient adaptés à ses objectifs,
-les sociétés Paris Modes ont été prévenues par écrit de l'arrêt des émissions Paris Modes, au mois de juin 2004, soit plus de trois mois avant le début de la saison audiovisuelle 2004/2005,
-l'activité de production audiovisuelle est marquée par la précarité des relations commerciales liant les producteurs aux diffuseurs, la fragilité de ces rapports trouvant sa cause dans l'aléa résultant de l'impossibilité de prévoir l'audience que fera un programme et la nécessité de rénover régulièrement la grille de programmes pour la rendre attractive,
-les usages propres à l'activité de production audiovisuelle justifient que les préavis appliqués puissent correspondre à la durée de la période séparant la fin d'une saison du début de la saison suivante,
-en outre, l'urgence de la restructuration de la société Paris Première à la date de sa reprise par le groupe M6 peut être assimilée à un cas de force majeure l'autorisant à se dispenser d'un préavis,
-en tout état de cause, les sociétés Paris Modes ne justifient pas d'un préjudice imputable à la société Paris Première, alors que les chiffres avancés ne sont pas étayés, que seuls trois des licenciements économiques invoqués semblent trouver leur cause dans l'arrêt des émissions Paris Modes, que la matérialité des investissements n'est pas prouvée et que la prétendue notoriété des émissions produites n'est pas démontrée,
-le contractant déçu ne peut demander réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même,
-les sociétés Paris Modes, qui n'étaient liées par aucune clause d'exclusivité les empêchant de produire des émissions pour d'autres diffuseurs que la société Paris Première, auraient dû prendre la précaution de diversifier leur activité,
-la société Paris Première n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire alors qu'elle n'avait aucun intérêt à reproduire une émission en perte d'audience et que les sociétés Paris Modes ne disposent d'aucun droit de propriété intellectuelle opposable aux tiers,
-en effet, l'émission Paris Modes est une émission d'information sur le thème de la mode qui n'est pas susceptible d'appropriation à partir du moment où le traitement de cette actualité ne revêt aucun caractère original, raison pour laquelle les appelantes ont renoncé à leur action en contrefaçon de droits d'auteur pour ne plus invoquer que le parasitisme,
-en tout état de cause, les émissions Paris Défilés ne reproduisent aucun élément propre aux émissions Paris Modes et la société Paris Première n'a pas entravé l'activité des sociétés Paris Modes,
-par contre, les sociétés Paris Modes ont attenté à l'image de la société Paris Première et à sa réputation, notamment auprès de ses autorités de tutelle,
-elles utilisent de manière illicite le titre Paris Modes, car elles ne pouvaient exploiter l'expression Paris Modes autrement qu'à titre de dénomination sociale sans solliciter l'accord préalable de la société Paris Première.
La société A Prime , intimée, réplique que :
-elle n'avait aucun intérêt à reproduire une émission en perte d'audience, elle n'a pas tiré profit de la réputation de l'émission Paris Mode ni des investissements réalisés par les sociétés Paris Modes,
-elle n'a commis aucune manoeuvre déloyale en embauchant deux anciens salariés des sociétés Paris Modes alors qu'ils n'étaient plus en poste,
-les quelques points communs entre les émissions Paris Modes et Paris Défilé sont dictés par le genre des émissions, à savoir un magazine d'actualité,
-cependant, les émissions sont différentes à la demande de la société Paris Première qui recherchait du nouveau en matière de diffusion de défilés de mode,
-il appartenait aux sociétés Paris Modes de diversifier leur activité et d'anticiper le cas échéant l'arrêt de leur émission, la responsabilité de la société A Prime Group ne pouvant être recherchée à ce sujet,
-les sociétés Paris Modes ont d'ailleurs pu produire dès l'automne 2004, puis au printemps 2005, des émissions de mode diffusées sur France 2, de sorte qu'elles n'ont subi aucun préjudice.
MOTIFS
Sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie :
Il est constant qu'aux termes de l'article L442-6 I 5° du code de commerce, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé.
Or, les sociétés Paris Modes reprochent à la société Paris Première une brusque rupture de relations commerciales ininterrompues de sept années, intervenue sans préavis, justifiant l'obligation pour la chaîne d'indemniser la perte subie par les sociétés appelantes.
Tout d'abord, il convient de souligner que l'appréciation de la régularité de la rupture des relations ayant existé avec les sociétés Paris Modes doit être distinguée de celles qui liait la société Paris Première à Madame [L] et qui a été soumise aux juridictions prud'homales.
En l'espèce, les relations commerciales entre la société Paris Première et les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions ont duré sans interruption de 1997 à 2004 et portaient sur deux produits distincts, les 'Emissions' et les 'Défilés'.
Par un courrier du 22 juin 2004 adressé à la société Paris Modes Editions, la société Paris Première écrivait :
'Je fais suite à notre rendez-vous de vendredi dernier pour vous confirmer ce dont nous nous sommes entretenus. Nous réfléchissons actuellement sur la composition de la grille de rentrée. Comme je vous l'ai indiqué, les études d'audience et d'image menées lors de la saison écoulée nous amènent à faire le constat suivant : l'audience des programmes consacrés à la mode (Paris Modes - Emissions et Défilés) ne correspond pas aux attentes que nous nourrissons légitimement.
Ces mêmes études ont confirmé le vieillissement de ces programmes qui doivent dès lors subir de réelles modifications pour satisfaire les attentes du public.
Il n'est, en conséquence, pas envisageable que la thématique de la mode soit traitée, à la rentrée, sur Paris première, dans les mêmes conditions que celles en vigueur au cours de la dernière saison.
Les audiences du magazine Paris Modes ne permettent pas de justifier le coût de cette émission, notamment dans le contexte actuel de restructuration de la chaîne. Les Emissions Paris Modes ne pourront donc s'isncrire à l'antenne pour la saison prochaine.
Quant aux défilés, nous envisageons en revanche, pour la rentrée prochaine, l'hypothèse d'adopter un traitement plus événementiel des défilés parisiens(haute-couture et prêt-à-porter) répondant aux objectifs et impératifs suivants :
-Mise à l'antenne de personnalités de premier plan liées à l'univers de la mode. Ces personnalités, choisies par la chaîne, seraient le guide conducteur de la semaine des défilés;
-Chaque émission évoluerait au rythme de la semaine : défilés, backstages, soirées;
-Les défilés importants pourraient être retransmis en intégralité;
-Le commentaire des défilés serait assuré en voix off.
Quant aux formats, ils seraient, pour chaque semaine de défilés, de 5 x 52 minutes ou de 3 x 90 minutes.
Nous peaufinons actuellement le concept qui devra, en tout état de cause, répondre à ces impératifs.
Enfin, une méthodologie de travail serait à mettre en place, en amont, avec Paris Première.
Au vu de ces différents objectifs, nous vous remercions de nous indiquer si vous pensez être en mesure de produire une série de programmes s'inscrivant dans ce cadre et dans l'affirmative de nous préciser quelles en seraient les conditions, notamment financières.'
Les premiers juges ont à bon droit considéré que les termes de cette lettre s'analysaient en une rupture partielle de la relation commerciale, puisqu'il en résultait la déprogrammation des Emissions Paris Modes et une proposition de renégociation pour les défilés Paris Modes.
Par courrier du 28 juin 2004, la société Paris Modes Editions confirmait à la chaîne son désir de collaborer pour la prochaine saison en produisant une série d'émissions dans le cadre ébauché par la lettre du 22 juin 2004 et sollicitant des informations supplémentaires afin d'établir un budget approprié et celle-ci lui répondait le 2 juillet 2004 en lui apportant les précisions souhaitées.
Suite à la transmission, en date du 13 juillet 2004, par la société Paris Modes Editions du budget de production pour les défilés de la saison 2004/2005, la société Paris Première écrivait le 16 juillet 2004 :
'Lors de nos différents échanges et réunions de travail, nous vous avons largement expliqué la situation financière difficile de Paris Première et le contexte difficile de restriction des coûts auquel la chaîne devait faire face. Nous vous avons, dans ce cadre, clairement indiqué notre objectif impératif de baisse significative du prix de revient d'une mise à l'antenne de défilés de mode selon un concept dont nous vous avons communiqué les éléments impératifs.
Or, le budget de production que vous nous avez transmis ne répond pas à ces objectifs que nous vous avions fixés et représente une hausse d'environ 15 % par rapport au prix des programmes de défilés mis à l'antenne lors de la saison précédente.
En conséquence, nous vous remercions de nous communiquer votre dernière proposition détaillée conforme aux impératifs de baisse que nous avons réitérés à plusieurs reprises, et ce avant mardi 20 juillet prochain...'.
Enfin par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 juillet 2004, en réponse au courrier de la société Paris Modes Editions du 22 juillet 2004, la société Paris Première indiquait : 'Nous prenons donc acte de votre position qui nous amène à constater l'impossibilité de nous mettre d'accord sur les modalités d'une future collaboration'.
Cette négociation concernant les Défilés, qui n'a finalement pas abouti, se situe dans le contexte économique et financier difficile rencontré par la chaîne à cette période puisque le représentant légal de la société Paris Première a été convoqué le 6 juillet 2004 par le Président du tribunal de commerce de Paris en charge de la prévention des difficultés des entreprises afin 'd'éclairer le tribunal sur l'éventuelle nécessité de se saisir d'office, en vue de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire'.
Cette situation financière délicate a d'ailleurs abouti au rachat de la société Paris Première par la chaîne M6 courant 2004.
Il résulte de cet échange de correspondances entre les parties que la société Paris Première avait notifié de manière non équivoque aux sociétés Paris Modes, dans son courrier du 22 juin 2004, que leurs émissions ne seraient pas reprises.
A cette date, comme à la fin de chaque saison audiovisuelle, les parties n'étaient plus liées par un contrat, puisque les contrats de pré-achat ne prévoyaient aucune clause de tacite reconduction ou de renégociation.
Les sociétés Paris Modes ne peuvent soutenir l'absence de préavis alors que la notification de juin concernait les émissions de la prochaine saison débutant en septembre/octobre 2004 de sorte qu'il existait bien un préavis de plus de trois mois, conforme aux usages spécifiques de la production audiovisuelle qu'elles n'ont d'ailleurs pas contesté dans un premier temps (cf courrier de la société Paris Modes Editions du 28 juin 2004).
L'activité de production audiovisuelle est en effet marquée par la précarité des relations commerciales liant les producteurs aux diffuseurs, la fragilité de ces rapports trouvant sa cause dans l'aléa résultant de l'impossibilité de prévoir l'audience que fera un programme et la nécessité de rénover régulièrement la grille de programmes pour la rendre attractive.
Les usages propres à l'activité de production audiovisuelle justifient que les préavis appliqués puissent correspondre à la durée de la période séparant la fin d'une saison audiovisuelle du début de la saison suivante, cette période étant celle de la préparation des nouvelles grilles de programme et des inévitables négociations entre diffuseurs et producteurs.
En outre, s'agissant des Défilés, une véritable négociation a été entreprise entre les parties dont les sociétés Paris Modes ne peuvent soutenir qu'elle aurait été menée de mauvaise foi par la société Paris Première.
Cette dernière n'avait aucun intérêt à entretenir une discussion de nature à empêcher l'achèvement de sa nouvelle grille de programmes et à compromettre davantage sa situation déjà obérée.
Une véritable négociation a bien eu lieu avec un réel échange entre les parties et une information claire par la société Paris Première de ses attentes, les exigences affichées par les sociétés Paris Modes n'étant pas en adéquation avec les besoins de celle-ci.
La société Paris Première fait valoir à juste titre que l'échec des négociations est imputable aux sociétés Paris Modes qui, alors qu'elles avaient été clairement informées des contraintes pesant sur elle en termes de programme et de budget, ne lui ont proposé qu'un document de six lignes, intitulé 'devis' mais ne fournissant aucune information sur le décompte des 195.000 € demandés, représentant pourtant une augmentation de 15 % du budget antérieurement accordé.
Le tribunal a, à juste titre, relevé que le fait de ne pas conclure positivement une négociation commerciale ne saurait être qualifié de rupture brutale dès lors que rien ne vient démontrer la mauvaise foi du négociateur.
Les sociétés Paris Modes n'ont donc pas été victimes d'une rupture abusive de leurs relations commerciales avec la société Paris Première et ne peuvent se prévaloir d'un préjudice imputable à cette dernière, alors que, n'étant liées par aucune clause d'exclusivité les empêchant de produire des émissions pour d'autres diffuseurs que la société Paris Première, elles auraient dû prendre la précaution de diversifier leur activité.
Sur l'existence d'actes de concurrence déloyale et parasitaire :
Les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes éditions ont renoncé à l'ensemble de leurs demandes formées en première instance sur le fondement de la contrefaçon de droit d'auteur.
Par contre, elles estiment que l'émission Paris Défilés mise en place à la rentrée sur Paris Première s'est délibérément placée dans la continuité de la précédente émission, la société A Prime n'ayant eu qu'à exploiter ce qui avait été mis en place par la société Paris Modes précédemment et que le débauchage de deux salariés occupant les postes les plus importants pour la société Paris Modes confirme la concurrence déloyale et parasitaire commise par les sociétés Paris Première et A Prime.
Il doit être souligné que la société Paris Première comme la société A Prime n'avaient aucun intérêt à reproduire une émission en perte d'audience et que les sociétés Paris Modes ne disposaient d'aucun droit de propriété intellectuelle opposable aux tiers.
En effet, l'émission Paris Modes est une émission d'information sur le thème de la mode qui n'est pas susceptible d'appropriation à partir du moment où le traitement de cette actualité ne revêt aucun caractère original, raison pour laquelle les appelantes ont d'ailleurs renoncé à leur action en contrefaçon de droits d'auteur pour ne plus invoquer que le parasitisme.
Les émissions en cause reposent sur une captation audiovisuelle de défilés de mode et ont pour objet d'informer le public sur l'actualité de la mode et le fait qu'elles aient été les premières émissions consacrées à la mode diffusées régulièrement ne leur confère pas une originalité susceptible d'appropriation.
Les images qui constituent la base des émissions n'ont été prises ni par les sociétés Paris Modes ni par la société A prime mais par les maisons de couture elles-mêmes qui les mettent à la disposition des diffuseurs ou producteurs, seule la technique de présentation variant d'une émission à l'autre.
Si le thème des deux émissions est le même, elles sont structurées différemment avec un découpage en chapitres de l'émission Paris Défilé qui n'existait pas dans l'émission Paris Mode.
La société A Prime n'a commis aucune manoeuvre déloyale en embauchant deux anciens salariés des sociétés Paris Modes, Monsieur [O] [J] et Madame [C] [G] alors qu'ils n'étaient plus en poste.
En tout état de cause, les émissions Paris Défilés ne reproduisent aucun élément propre aux émissions Paris Modes et ne constituent pas des copies serviles des émissions Paris Modes.
Ni la société Paris Première, ni la société A Prime n'ont entravé l'activité des sociétés Paris Modes, alors que celles-ci ne démontrent pas qu'elles auraient fait des tentatives de présentation à d'autres partenaires qui auraient échoué.
Bien plus, elles n'ont pas été empêchées de produire, dans le cadre de la couverture des défilés de prêt-à-porter printemps/été 2005 en octobre 2004 et de haute couture printemps/été 2005 en mars 2005, les émissions intitulées 'La nuit des défilés' et 'Tout sur la mode' diffusées sur France 2 les 17 octobre 2004 et 20 mars 2005.
La lettre du 9 octobre 2004 dont font état les sociétés Paris Modes pour établir les manoeuvres déloyales de la société Paris Première n'émane pas comme elle le soutient de France 2 mais d'une SARL Froggies dont on ignore le rôle exact et qui ne fait que rapporter des faits dont il n'est pas démontré qu'ils soient avérés.
Par ailleurs, il ne saurait être tiré une quelconque conséquence de l'échange de sommations ayant eu lieu entre les parties courant octobre 2004 alors qu'elles étaient engagées dans diverses procédures les opposant.
Dès lors, les sociétés Paris Modes doivent être déboutées de leur action fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire des sociétés Paris Première et A Prime.
Sur l'utilisation par les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions du titre Paris Modes et sur la marque Paris modes :
La société Paris Première ne peut arguer d'une utilisation illicite de la marque 'Paris Modes' alors qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel, une telle demande n'ayant pu être formée en première instance devant le tribunal de commerce, le droit des marques relevant de la seule compétence du tribunal de grande instance.
La société Paris Première n'a fait état en première instance que d'une violation contractuelle résultant de l'utilisation du titre 'Paris Modes' et c'est sur ce seul terrain qu'elle est recevable à former une demande reconventionnelle.
Contrairement à l'affirmation de la société Paris Première la protection du titre ne date pas du début des relations contractuelles en 1997 mais n'existe qu'à compter de la signature du contrat de pré-achat du 3 décembre 2003 et a été reprise dans le contrat de pré-achat du 13 janvier 2004.
L'article 7 de ces deux contrats est ainsi rédigé :
'Les droits de propriété intellectuelle et artistique attachés au titre des Emissions et les droits sur la marque correspondante sont la copropriété de Paris Première et des contractants.
Chacune des parties devra obtenir l'accord préalable écrit de l'autre partie avant toute exploitation commerciale du titre, autre que dans le cadre des présentes'.
La société Paris Première, qui supporte la charge de la preuve ne démontre pas que la dénomination 'Paris Modes' aurait été exploitée sur le site des sociétés Paris Modes avant la rupture des relations commerciales.
Au demeurant, si les sociétés Paris Modes avaient utilisé cette dénomination sur leur site avant cette rupture, la société Paris Première n'aurait pas manqué de lui en faire grief, ce qu'elle n'a pas fait.
L'utilisation actuelle de cette dénomination par les sociétés Paris Modes, au demeurant non établie, alors que les relations contractuelles ont été rompues et que la société Paris Première
a elle-même cessé d'exploiter cette dénomination, ne lui cause , en tout état de cause, aucun préjudice.
La société Paris Première doit donc être déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.
Elle doit également être déboutée de sa demande tendant à ce qu'il soit fait injonction aux sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions , sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, de cesser toute utilisation de l'expression Paris Mode sur le site internet www. Parismodes.tv ou tout autre site édité par les appelantes.
Sur les autres demandes :
L'atteinte à l'image de la société Paris Première n'est pas démontrée alors qu'il ne saurait être tiré une quelconque conséquence de l'échange de sommations ayant eu lieu entre les parties courant octobre 2004 alors qu'elles étaient engagées dans diverses procédures les opposant.
Le simple fait de se méprendre sur l'étendue de ses droits ne constitue pas un abus de procédure, de sorte qu'il convient de rejeter la demande de la société Paris Première pour procédure abusive.
L'équité commande d'allouer à la société Paris Première une indemnité de 10.000 € et à la société Prime Group une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
DECLARE irrecevable la demande de la société Paris Première concernant une utilisation illicite de la marque 'Paris Modes',
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,
CONDAMNE les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions in solidum à payer à la société Paris Première une indemnité de 10.000 € et à la société Prime Group une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE les sociétés Paris Modes Productions et Paris Modes Editions in solidum aux dépens d'appel,
AUTORISE Maître Huyghe et la SCP Roblin - Chaix de Lavarenne, avoués, à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le Greffier
A. BOISNARD
La Présidente
C. PERRIN