RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 11 Janvier 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06115
Décision déférée à la Cour : arrêt de renvoi après cassation rendu le 01 juillet 2009 par la chambre sociale de la Cour de Cassation, sur pourvoi d'un arrêt rendu le 30 octobre 2007 par la cour d'appel de Versailles 6ème chambre, sur appel du jugement rendu le 23 Novembre 2006 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE RG n° 03/01936
APPELANTS
Madame [W] [H]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Michel JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A 616
Monsieur [S] [H]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
représenté par Me Michel JOURDAN, avocat au barreau de PARIS, toque : A 616
INTIMEE
SOCIETE TOTAL RAFFINAGE MARKETING
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Marie-odile LARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W01
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Denise JAFFUEL, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, président et par Mademoiselle Sandrine CAYRE, greffier présent lors du prononcé.
Les époux [H], qui ont exploité une station service au [Localité 4] du 1er septembre 1981 au 30 octobre 1990 par le biais d'une Sarl [S] [H] selon contrat de mandat pour la distribution du carburant et contrat de location-gérance pour les activités annexes, ont saisi le Conseil des Prud'hommes de Nanterre le 19 novembre 2003 en revendication d'une relation dans le cadre de l'article L 781-1 du code du travail.
Par premier jugement du 8 juillet 2005 le Conseil des Prud'hommes a retenu sa compétence par application de l'article L781-1 du code du travail qui a été confirmé par premier arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 mars 2007 sur saisine par voie de contredit et qui a renvoyé l'affaire devant le Conseil des Prud'hommes ; par arrêt du 4 avril 2007 la cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Total ;
Par second jugement du Conseil de Prud'hommes de Nanterre du 23 novembre 2006, les époux [H] ont été déboutés de toutes leurs demandes, le bénéfice de l'article 781-1 du code du travail ne leur étant plus reconnu ;
La Cour d'Appel de Versailles, saisie de l'appel de ce jugement, par arrêt du 30 octobre 2007, a infirmé le jugement, condamné la société Total France à payer à chacun des époux [H] la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour exposition à des matières dangereuses, dit que la convention collective nationale de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985 étendue est applicable, dit que les époux [H] sont en droit de prétendre à un salaire selon le coefficient K 230 pour 39H par semaine pour la période de septembre 1981 pour M. et janvier 1986 pour Mme jusqu'au 31 octobre 1990, sans cumul avec les avantages et salaires déjà perçus au sein de la Sarl [H], condamné la société Total France à justifier de leur immatriculation au régime de la sécurité sociale de septembre 1981 à octobre 1990 et au paiement des cotisations sociales, et avant-dire droit a ordonné une expertise sur les demandes de paiement de salaires, accessoires et dommages-intérêts et leur a alloué une provision de 8 000 € chacun et condamné la société Total à payer la somme de 2000 € pour frais irrépétibles.
La Cour de Cassation, par arrêt du 1er juillet 1999, vu les articles 143-14 devenu L 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil, a cassé et annulé l'arrêt du 30 octobre 2007, seulement en ce que, s'agissant des demandes de nature salariale formées par les époux [H], il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale soulevée par la société Total et la cour de cassation a renvoyé l'affaire sur ce point devant la cour d'appel de Paris, aux motifs que :
'seule la prescription quinquennale prévue par l'article L 143-14 devenu L 3245-1 du code du travail s'appliquait, en vertu de l'article L 781-1 du code du travail re-codifié sous les n° L 7 321-1 à L 7 321- 4, à l'action engagée par les époux [H] devant la juridiction prud'homale, treize ans après la fin des relations contractuelles, en tant que celle-ci portait sur les demandes de nature salariale, et qu'il ne résultait pas de ses constatations que ceux-ci s'étaient trouvés dans une impossibilité d'agir suspendant cette prescription, l'exclusion apparente, résultant du type de contrats passés entre les époux [H] et la société Total, de leur droit de bénéficier des dispositions de l'article L 781-1 du code du travail re-codifié sous les n° L 7 321-1 à L 7 321- 4, ne les ayant pas placés dans l'impossibilité de contester cette situation devant la juridiction prud'homale.'
Par arrêt du 23 février 2010 la cour d'appel de Versailles sur les chefs dont elle reste saisie comme non atteints par la cassation partielle a commis une nouvelle expertise ;
DEMANDES DES PARTIES
Les époux [H] demandent de statuer sur des dires auxquels il est référé et de condamner la société Total à payer à chacun de M. et Mme [H] la valeur de 19 631.77H et 20 988.82H de prestation avec remise de bulletins de salaires, en tout état de cause nécessaires à l'expert [N] (par ailleurs saisi dans l'instance poursuivie devant la cour d'appel de Versailles ), sur la base du coefficient 230 de la convention nationale de l'industrie du Pétrole en distinguant les heures normales, supplémentaires, pour dimanche et jours fériés, prime d'ancienneté et cotisations sociales, avec intérêt légal à dater de la demande et anatocisme, d'ordonner la justification par Total dans les 3 mois du paiement des cotisations aux organismes sociaux, de condamner la société Total à payer la somme de 50 000 € de dommages-intérêts pour retard en paiement, subsidiairement de condamner la société Total à payer la somme de 750 000 € de dommages-intérêts à chacun d'eux au titre de l'enrichissement sans cause et 22 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et de donner acte de l'aveu de la société Total de ne traiter qu'avec des Sarl pour contourner les dispositions de l'article L 781-1 du code du travail.
La société Total Raffinage Marketing demande de dire les époux [H] irrecevables en leurs demandes de nature salariale, sans atteinte aux droits reconnus par la Cedh dans les articles invoqués par les époux [H], subsidiairement les dire irrecevables en leur demande de condamnation en valeur d'heures, de dire n'y avoir lieu à cumul avec les avantages liés au contrat de location-gérance, de les débouter de leurs demandes et de les condamner à payer la somme de 10 000 € pour frais irrépétibles et de rejeter la demande de donner acte.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience ;
La Cour n'est présentement saisie, dans la limite de la cassation partielle, que du litige portant sur l'application de la prescription quinquennale aux demandes faites par les époux [H] qualifiées dans leurs dernières conclusions 'd'heures de prestation', dans le cadre de l'article L 781-1 du code du travail applicable à l'espèce selon les décisions définitives susvisées ;
Les demandes formées par les époux [H] dans la présente instance relèvent de la prescription quinquennale, de l'article 143-14 du code du travail se référant à l'ancien article 2277 du code civil, relative à toute action en paiement de nature salariale et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts : En effet, l'action des époux [H], quelle que soit la dénomination donnée, est relative au paiement de l'exécution d'heures de travail qui étaient payables mensuellement comme étant de nature salariale au fur et à mesure de leur accomplissement et déterminables par application de la convention collective nationale de l'industrie du Pétrole qui définit les rémunérations minimales en fonction du coefficient de l'emploi et dont l'application est acquise ;
L'action en paiement d'heures de travail ayant été initiée en 2003, 13 ans après la dernière échéance de rémunération à la fin de l'exploitation en octobre 1990, est donc prescrite ;
Il n'est pas valablement opposé que la prescription n'a pas couru parce qu'il n'a pas été souscrit et qu'il n'est pas revendiqué de contrat de travail, qu'il n'a pas été délivré de bulletins de salaire, à défaut d'arrêt judiciaire connu et constitutif avant avril 2000 dans d'autres procédures et le 7 mars 2006 dans leur espèce, reconnaissant le statut protecteur de l'article L 781-1 du code du travail aux gérants de société ayant exploité une station service, alors qu'il n'était pas impossible aux époux [H] de diligenter devant le Conseil des Prud'hommes dans la même procédure, l'action en revendication du statut protecteur et en paiement du travail accompli pendant le cours de l'exécution de leur travail dans la station-service ou au moins au plus tard dans les cinq années qui ont suivi, ce qui n'était pas nécessairement dépendant des évolutions jurisprudentielles observées dans d'autres procédures ;
Il n'est pas établi par ailleurs en l'espèce, une violation délibérée ni d'aveu du contournement des dispositions du code du travail par la société Total dans la constitution de société pour exploiter les stations service qui donnent l'avantage que les Sarl ne sont pas soumises au code du travail ainsi que déclaré par M. [Z], directeur juridique de Total Raffinage-Distribution dans un colloque des 11et 12 décembre 1996, dans la mesure où il est immédiatement ajouté qu'il en résulte un avantage donné par ce biais au gérant minoritaire d'être salarié de la société, de se verser un salaire et de bénéficier du régime de la sécurité sociale, de telle sorte que l'aveu tel qu'opposé a été divisé et n'est pas caractérisé tel qu'incriminé par les appelants; Il n'y a pas lieu à un donner acte de ce chef par ailleurs sans portée ;
Il n'est pas avéré d'atteinte aux dispositions des articles 13, 14, 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et du protocole 1 article 1 de cette même convention en ce que les époux [H] seraient privés de l'essentiel de leurs droits patrimoniaux et ne bénéficieraient pas d'un recours effectif ni d'un procès équitable, alors qu'ils avaient la faculté de saisir la juridiction prud'homale dans une même action de leur revendication en statut protecteur et en paiement du travail accompli dans le cadre de la prescription quinquennale qui constitue un délai raisonnable d'action pour des créances à terme périodique, déterminables et payables dès leurs échéances et qu'ainsi ils n'ont pas été privés de l'ouverture d'un procès équitable pour l'exercice de leurs droits patrimoniaux ni été victimes de discrimination pour ce faire par l'application d'un régime de prescription générale à toutes les créances périodiques ;
Les époux [H] seront donc déclarés irrecevables en toutes les demandes relatives au paiement d'heures de 'prestation' et leurs accessoires, en délivrance de bulletins de salaires et obligation à justifier du paiement des cotisations sociales qui sont atteintes par la prescription quinquennale sans avoir besoin de statuer par dires préparatoires qui ressortent de l'argumentation ;
Il n'y a pas lieu à dommages-intérêts pour retard de paiement dont le fondement n'est pas reconnu ;
Il n'y a pas lieu à application subsidiaire des règles de l'enrichissement sans cause qui ne sont pas applicables quand l'action principale est rendue irrecevable du fait de l'inaction des demandeurs ;
Il n'y a pas lieu à frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Dans la limite de la saisine sur renvoi après cassation partielle :
Infirme le jugement du Conseil des Prud'hommes en date du 23 novembre 2006 relativement aux dispositions ayant rejeté les demandes de nature salariale et statuant à nouveau de ce chef :
Dit les époux [H] irrecevables en toutes les demandes principales et accessoires relatives au paiement d'heures de 'prestation', en délivrance de bulletins de salaires et obligation à justifier du paiement des cotisations sociales.
Rejette les demandes en dommages-intérêts pour retard de paiement et à titre d'enrichissement sans cause et en donner acte;
Rejette les demandes en frais irrépétibles.
Condamne M. et Mme [H] aux dépens afférents à cet arrêt.
LE GREFFIER LE PRESIDENT