Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 11 JANVIER 2011
(n° 3, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12865
Décision déférée à la Cour :
Jugement rendu le 30 mars 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris 1ère chambre 1ère section
Arrêt rendu le 23 janvier 2007 par la cour d'appel de PARIS 1ère chambre A
Arrêt rendu le 30 octobre 2008 par la Cour de Cassation de PARIS - 1ère chambre civile
RG n° Z07-16.886
DEMANDERESSE à la SAISINE
APPELANTE AU PRINCIPAL,
INTIMÉE INCIDEMMENT
VILLE DE VITRY SUR SEINE, agissant poursuites et diligences de son Maire en exercice
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Didier Guy SEBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0498
SCP SEBAN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDERESSES à la SAISINE
INTIMEES AU PRINCIPAL
APPELANTES INCIDENTES
S.A. MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre CORDELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0399
SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN, avocats au barreau de PARIS
SCP HUGLO LEPAGE & ASSOCIES, prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre CORDELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0399
SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 novembre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Madame Patricia POMONTI, Conseiller venue d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance portant organisation des services de la cour d'appel de PARIS à compter du 30 août 2010, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
MINISTERE PUBLIC
Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a visé le dossier
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******************
La Cour,
Considérant que, par acte authentique du 30 novembre 1992, la ville de [Localité 9], déclarant exercer son droit de préemption, s'est portée acquisitrice d'un immeuble appartenant à la société à responsabilité limitée Rouget de l'Isle ; que, par jugement du 12 février, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de préemption ; que, de cette situation est né un long contentieux dont il est résulté que la ville de [Localité 9] a payé le prix de l'immeuble qu'elle n'a pas conservé dans son patrimoine ;
Considérant qu'estimant que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés avait commis des fautes, la ville de [Localité 9] l'a fait assigner en payement de la somme de 4.036.020 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 février 2002, sauf à diminuer ce montant de la somme de 490.000 euros et de toutes sommes reçues par le liquidateur de la société Rouget de l'Isle ;
Que, par jugement du 30 mars 2005, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la S.C.P. Huglo, Lepage & associés à payer à la ville de Vitry-sur-Seine la somme de 69.241 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2002, outre la capitalisation pour toute année entière écoulée, dit que Mutuelles du Mans Assurances devait garantir la S.C.P. Huglo, Lepage & associés et ordonné l'exécution provisoire de la condamnation au payement de la somme de 69.241 euros ;
Que, par arrêt du 23 janvier 2007, la Cour a dit que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés a manqué à ses obligations de renseignement et de conseil à l'égard de la ville de Vitry-sur-Seine , sa cliente, sursis à statuer sur l'évaluation du préjudice résultant pour la ville de Vitry-sur-Seine des fautes de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, constitué par la perte d'une chance sérieuse de récupération des fonds consignés, jusqu'à ce que la ville de Vitry-sur-Seine justifie de la clôture des opérations de liquidation judiciaire de la société Rouget de l'Isle, dit que Mutuelles du Mans Assurances serait tenues de garantir la S.C.P. Huglo, Lepage & associés condamnée, en outre, à verser à la ville de Vitry-sur-Seine la somme de 6.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que, par arrêt du 30 octobre 2008, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 janvier 2007 et renvoyé la cause et les parties devant la Cour, autrement composée ;
Quant aux prétentions des parties :
Considérant qu'appelante du jugement du 30 mars 2005, la ville de [Localité 9] demande que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés soit condamnée à lui payer la somme de 3.966.779 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 février 2002 et la capitalisation de ces intérêts, étant précisé que M. [H], liquidateur de la société Rouget de l'Isle, lui a versé les sommes de 490.000 euros et de 19.723,14 euros à valoir sur sa créance ;
Qu'au soutien de ses prétentions et invoquant les dispositions de l'article 1147 du Code civil, la ville de [Localité 9] fait valoir que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, qui a multiplié les procédures et qui avait toute latitude pour ce faire, n'a pas su protéger les fonds consignés par la ville et les récupérer ; alertée de la volonté de la société Rouget de l'Isle d'appréhender les fonds, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés a commis une série de fautes qui sont à l'origine du préjudice subi, à savoir :
- qu'elle a fortement tardé à agir en nullité de la vente,
- qu'elle a négligé de faire pratiquer une saisie conservatoire sur les fonds détenus par la Caisse des dépôts et consignations, concomitamment avec la procédure d'annulation de la vente,
- qu'elle a négligé, en omettant d'interjeter appel de la décision du juge de l'expropriation refusant d'exécuter l'arrêté de déconsignation, d'exploiter toutes les chances de récupérer les fonds,
- qu'elle a privé la ville de la voie de recours qui lui était ouverte pour conserver les fonds en commettant une grave erreur de procédure devant le juge de l'exécution, qui a abouti au rejet du recours dirigé contre la deuxième saisie-attribution pratiquée par la société Rouget de l'Isle sur les fonds consignés à la Caisse des dépôts et consignations, et ce, alors que la vente n'impliquait pas que le prix fût payé,
- qu'elle n'a pas fait preuve de la diligence nécessaire pour récupérer les fonds appréhendés par la société Rouget de l'Isle et prendre les garanties de nature à assurer leur récupération, alors que la créance de la société venderesse n'était pas exigible,
- qu'elle n'a pas prêté l'attention nécessaire aux mentions de la déclaration d'appel de la société Rouget de l'Isle, désignée à tort « société civile immobilière » alors qu'il s'agit d'une société à responsabilité limitée, dirigée contre le jugement annulant la vente, de sorte qu'une instance en modification a dû être engagée et que, pendant le délai nécessaire, en outre excessif, la société Rouget de l'Isle a déclaré sa cessation des payements,
- qu'elle a accumulé un retard de deux ans pour publier l'arrêt de la Cour confirmant l'annulation de la vente et l'inscription d'hypothèque, ce qui a abouti à priver d'efficacité l'action en annulation de la vente et à la perte des fonds ;
Que l'appelante ajoute que « contrairement à ce qu'énonce le jugement du 30 mars 2005, il était d'autant plus envisageable d'obtenir que les fonds ne soient pas débloqués entre les mains de la société Rouget de l'Isle, qu'ils représentaient le prix de l'immeuble et que l'acte de vente ne précisait aucunement à quelle date précise le prix devait être payé, ce qui témoignait de la volonté des parties au contrat de tenir compte de l'annulation éventuelle de l'acte de préemption, ainsi que l'a souligné la Cour d'appel » ;
Que la ville de [Localité 9] fait enfin valoir que les fautes commises par la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ont entraîné, en premier lieu, le payement, en pure perte, de la somme de 26.020.365 francs (3.966.779 euros), sur laquelle elle n'a récupéré que les sommes de 490.000 euros et de 19.723,14 euros versées par le liquidateur de la société Rouget de l'Isle ; qu'à cette somme, elle ajoute le montant des honoraires de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés dont l'intervention a été inefficace ;
Considérant que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés et les Mutuelles du Mans Assurances, son assureur, concluent à la confirmation du jugement en ce que les premiers juges ont écarté sa responsabilité et débouté la commune de sa demande principale ;
Qu'à cette fin et reprenant un à un les griefs articulés par la ville de [Localité 9] , la S.C.P. Huglo, Lepage & associés et les Mutuelles du Mans Assurances font valoir successivement :
- qu'elle a mis en 'uvre tous les moyens possibles pour faire échec à l'action de la société Rouget de l'Isle, titulaire d'un titre ayant force exécutoire l'habilitant à appréhender le prix de vente de l'immeuble acquis par la ville de [Localité 9],
- qu'à la suite du prononcé du jugement rendu le 12 février 1993 par le Tribunal administratif et jusqu'au mois de novembre 1994, la ville de Vitry-sur-Seine, éclairée par la consultation du 27 juillet 1993, a chargé son notaire de provoquer la rétrocession de l'immeuble et que le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés le 21 octobre 1994,
- que, quelles qu'aient été les diligences accomplies, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés n'aurait pu empêcher que la société Rouget de l'Isle, titulaire d'un titre exécutoire appréhende les fonds à la fin du mois de juin 1995 de sorte qu'elle n'a pas tardé à agir en nullité de la vente,
- qu'au mieux, l'action en nullité n'aurait pas abouti avant le mois de mai 1996, c'est-à-dire après l'appréhension des fonds,
- que la ville de [Localité 9] ne pouvait pas empêcher la société venderesse de recevoir le prix de vente sans que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés n'en soit informée,
- qu'il n'est pas démontré que l'appel de la décision du juge de l'expropriation aurait été accueilli favorablement et que l'arrêt de la Cour aurait permis à la ville de [Localité 9] de récupérer le prix du bien,
- que le placement, fait en dehors du délai d'un mois, de l'assignation délivrée à la requête de la commune pour priver d'effet la saisie-attribution pratiquée par la société Rouget de l'Isle, ne constitue pas une erreur ouvrant droit à réparation,
- que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés n'est pas responsable de l'erreur tenant aux mentions figurant sur la déclaration d'appel de la société Rouget de l'Isle alors surtout qu'il n'est pas démontré que cette erreur aurait des conséquences dommageables,
- qu'une hypothèque inscrite en deuxième rang au profit de la ville de [Localité 9] ne lui aurait assuré aucun avantage, eu égard à la garantie profitant à la Banque Worms ;
Que les intimées ajoutent que le payement du prix convenu, qui correspond à l'exécution d'une obligation, ne peut pas être la source d'un préjudice alors surtout que la responsabilité de la situation litigieuse incombe totalement à la ville de [Localité 9] ;
Que, formant appel incident pour le surplus, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés et les Mutuelles du Mans Assurances demandent que le jugement soit infirmé en ce que le Tribunal de grande instance de Paris l'a condamnée à payer à la ville de Vitry-sur-Seine la somme de 69.241 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2002, outre la capitalisation pour toute année entière écoulée ; qu'à cette fin, elles font valoir que l'avocat a fourni des prestations à la ville de [Localité 9], qu'elle l'a défendue dans les procédures qu'elle a subies et qu'elle a engagées, notamment et avec succès, l'action en nullité de la vente ; qu'elles en déduisent que les honoraires sont dus et que la ville de [Localité 9] doit être condamnée à restituer aux Mutuelles du Mans Assurances la somme de 69.241 euros versée au titre de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement ;
Qu'enfin, les Mutuelles du Mans Assurances, qui accordent à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés leur garantie dans la limite de la police d'assurance, font valoir que « sont exclues du contrat d'assurance les conséquences de toutes réclamations relatives aux frais et honoraires d'avocats » en sorte que la ville de [Localité 9] doit être déboutée de la demande qu'elle dirige contre elles ;
En fait :
Considérant que le Crédit foncier immobilier a vendu à la Société Rouget de l'Isle un immeuble sis [Adresse 2] ; qu'en 1991, la Société Rouget de l'Isle a fait parvenir au maire de la commune des déclarations d'intention d'aliéner 145 des 184 lots dépendant de l'immeuble ; que, par plusieurs arrêtés, notamment datés du 15 avril 1991, le maire a décidé d'exercer le droit de préemption urbain à des prix inférieurs à ceux qui étaient mentionnés dans les déclarations d'intention d'aliéner ;
Qu'au soutien de l'arrêté du 15 avril 1991, il était exposé que les locataires occupants de l'immeuble ne pouvant ou ne voulant acquérir les appartements mis en vente étaient menacés d'expulsion et qu'ils avaient saisi les services municipaux de demandes de relogement ; qu'il était précisé que la volonté de la commune était d'accroître son patrimoine d'appartements à caractère social et qu'afin « de maintenir dans l'immeuble des locataires menacés d'expulsion », le maire avait décidé d'exercer le droit de préemption ;
Que, par acte du 30 novembre 1992 passé devant Maître [O], notaire à [Localité 9], et alors que la procédure administrative était pendante, la société Rouget de l'Isle a cédé les 145 lots litigieux à la ville de [Localité 9] moyennant le prix total de 26.020.365 francs (3.966.779 euros) ; que l'acte ne comportait aucune condition suspensive privant la vente de tout effet en cas d'annulation des arrêtés de préemption ; que, par cet acte, la ville de [Localité 9] donnait mandat à Maître [X], notaire, tiers à l'acte de vente, de procéder à la consignation des fonds aux fins de la purge des hypothèques puisque la somme versée et correspondant au prix convenu était insuffisante pour désintéresser la Banque Worms, créancier hypothécaire inscrit en premier rang pour une somme de 32.500.000 francs (4.954.593,06 euros), outre les intérêts, sans échéance déterminée ; que, mais aussi, le maire prenait la décision de consigner le prix de vente auprès de la Caisse des dépôts et consignations en prévision d'une annulation des arrêtés de préemption ;
Que, par jugement du 12 mars 1993, devenu définitif, le Tribunal administratif de Paris, saisi par la société Rouget de l'Isle, a annulé les arrêtés de préemption en retenant que les motifs énoncés par le maire ne suffisaient pas à justifier de l'existence, de la part de la ville de Vitry-sur-Seine, « d'une action ou opération d'aménagement répondant à l'un des objectifs énumérés à l'article L. 300-1 du Code de l'urbanisme » ;
Qu'après l'acte d'achat en date du 30 novembre 1992 et l'arrêté de consignation du 15 février 1993, la ville de [Localité 9] s'est adressée à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés en vue d'une consultation qui a été donnée le 27 juillet 1993 ; qu'il s'agissait, pour la ville de [Localité 9], à la suite de l'annulation des arrêtés de préemption, d'empêcher la société Rouget de l'Isle d'appréhender le prix fixé par l'acte du 30 novembre 1992 alors qu'il serait absorbé par la Banque Worms, titulaire d'une hypothèque de premier rang jusqu'au 10 mars 2003 ;
Que, dans sa consultation, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, qui n'était pas encore informée de l'existence de l'arrêté de consignation, a exposé deux issues possibles :
- soit, mettre en 'uvre, en raison de l'annulation des arrêtés de préemption, une procédure de rétrocession, étant précisé que, dans ce cas, seule la société Rouget de l'Isle pouvait en décider,
- soit, agir en nullité de la vente aux motifs que l'annulation des décisions de préemption privait cet acte de toute base légale, étant précisé que, dans ce cas, la commune devait payer le prix de la vente tant qu'elle n'avait pas été annulée ;
Que, par lettre du 29 juillet 1993, le maire de [Localité 9], qui n'envisageait pas d'agir en nullité de la vente, a écrit à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés que son analyse confortait son attitude de « refus de payer » aux prix fixés et que cette analyse lui laissait une marge de manoeuvre pour une éventuelle négociation ;
Qu'ainsi, dès le 30 juillet 1993, le maire prenait un arrêté de déconsignation de la somme de 26.020.365 francs (3.966.779,07 euros) ; que, cependant, la Caisse des dépôts et consignations refusait de se dessaisir de cette somme ; que, sur saisine de la commune et par ordonnance du 20 octobre 1994, le juge de l'expropriation a rejeté la demande au motif que, tant que la vente n'aurait pas été annulée ou qu'un acte de rétrocession ne serait pas intervenu, la ville de [Localité 9], qui avait acquis l'immeuble, devait en payer le prix, le juge rappelant que la société Rouget de l'Isle est seule titulaire du droit de rétrocession et qu'elle est libre de l'exercer ou non ;
Qu'à la même époque, la société Rouget de l'Isle s'est employée à appréhender les fonds qui devaient lui revenir ou être affectés au payement de la Banque Worms ; qu'après avoir vainement contesté l'arrêté de déconsignation devant le juge administratif, elle saisissait le juge des référés du Tribunal de grande instance de Créteil qui, par ordonnance du 7 octobre 1993, l'a déboutée de sa demande ; qu'une première saisie-attribution du 4 novembre 1994 a été jugée caduque par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Créteil ; que la seconde, dénoncée le 15 juin 1994, a été déclarée valable comme étant fondée sur l'acte authentique du 30 novembre 1992 revêtu de la formule exécutoire ;
Qu'après avoir tenté la voie amiable de la rétrocession, constatée par un procès-verbal de difficultés 21 octobre 1994, et que, par lettre du 17 février 1995, la ville de [Localité 9] chargeait la S.C.P. Huglo, Lepage & associés d'engager une action en nullité de la vente et en répétition de l'indu, ce qu'elle faisait sans tarder ;
Que, par jugement du 10 juillet 1995, le Tribunal de grande instance de Créteil prononçait l'annulation de la vente au motif essentiel que « l'arrêté de préemption en vertu duquel la commune de Vitry-sur-Seine, représentée par son maire, a acquis les immeubles, étant nul d'une nullité absolue pour défaut de base légale, l'acte de vente du 30 novembre 1992 est lui-même privé de base légale et qu'il doit être annulé » ; que, par arrêt rendu le 6 novembre 1997 et rectifié le 9 octobre 1998, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement en ordonnant, en outre, la restitution des fonds perçus par la société Rouget de l'Isle à la fin du mois de juin 1995 ;
Que, par jugement du 5 octobre 1998, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé le redressement de la société Rouget de l'Isle, la date de cessation des payements étant arrêtée au 10 juin 1998 ; que le redressement était converti en liquidation par un jugement du 18 mai 2000 ; que, par arrêt du 12 juin 2002, la Cour d'appel de Versailles, saisie sur renvoi après cassation partielle de l'arrêt du 6 novembre 1997, a notamment fixé la créance de la commune de Vitry-sur-Seine à la somme de 4.186.533,50 euros (27.461.860,61 francs) augmentée des intérêts au taux légal compter du 30 janvier 1997 et capitalisés à compter de cette même date ;
Qu'enfin, par arrêt du 14 novembre 2002 la Cour administrative d'appel de Paris, approuvant la décision du tribunal administratif de Melun qui, dès le 6 novembre 1997, a retenu « une faute de nature à engager la responsabilité » de la ville de Vitry-sur-Seine, l'a condamnée à payer à la société Rouget de l'Isle la somme de 394.634,25 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que, tenant la S.C.P. Huglo, Lepage & associés pour responsable de la perte du prix de l'immeuble, la ville de Vitry-sur-Seine a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui a rendu un jugement dont elle est appelante dans les circonstances procédurales rappelées en tête du présent arrêt ;
Sur la responsabilité de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés :
Considérant qu'il convient d'abord de souligner que l'intervention de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, telle qu'elle est critiquée, a commencé par la consultation donnée par lettre du 27 juillet 1993 faisant suite à la demande du maire de la commune de [Localité 9] en date du 13 juillet 1993 ;
Qu'antérieurement à cette date, la ville de [Localité 9] avait exercé le droit de préemption prévu par l'article L. 210-1 du Code de l'urbanisme et, le 6 mai 1991, saisi le juge de l'expropriation qui, par jugement du 21 novembre 1991, a fixé un prix des biens conforme à la déclaration de la société Rouget de l'Isle, venderesse ; que, la commune s'étant désistée de l'appel formé contre le jugement du juge de l'expropriation, la vente des biens immobiliers dont il s'agit avait été passée devant M. [O], notaire, par acte authentique du 30 novembre 1992 ;
Que la responsabilité de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, quoiqu'étant intervenue au cours de la procédure suivie devant le Tribunal administratif de Paris qui a annulé les arrêtés de préemption pris par le maire de Vitry-sur-Seine, ne saurait être recherchée au regard des opérations de préemption et de l'acte de vente dès lors que, par sa lettre du 13 juillet 1993, le maire posait la question suivante : « L'annulation des actes de préemption entraîne-t-elle invalidité de l'acte pris en vertu de l'article R.213-2 du Code de l'urbanisme ' » avant d'évoquer les difficultés liées à l'indemnisation réclamée par la société Rouget de l'Isle ;
Considérant que, cela exposé, il y a lieu d'examiner un à un les cinq griefs articulés par la ville de [Localité 9] contre la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Sur le retard à agir en annulation de la vente :
Considérant que, sur ce point, il importe de rappeler que la ville de Vitry-sur-Seine a exercé le droit de préemption dans des circonstances qui, comme l'a relevé le Tribunal administratif de Paris, ne répondaient à aucun des objectifs énumérés par l'article 300-1 du Code de l'urbanisme et qu'en réalité, la commune voulait maintenir les occupants de l'immeuble sur son territoire et que la « stratégie » adoptée consistait à exercer le droit de préemption afin d'évincer l'acquéreur trouvé par la société Rouget de l'Isle et, en renonçant deux ans plus tard au droit de préemption, obliger la société Rouget de l'Isle à vendre les biens au prix fixé par le juge de l'expropriation ;
Que, par l'arrêté de préemption du 15 avril 1991, la ville de [Localité 9] avait également exprimé la volonté de maintenir les occupants dans les lieux en augmentant son patrimoine de logement sociaux ;
Que l'acte de vente passé le 30 novembre 1992 répondait à ce souci de sorte que, pourtant conclu à une date à laquelle le Tribunal administratif ne s'était pas encore prononcé sur la légalité des arrêtés de préemption, l'acte ne stipulait aucune condition suspensive ou résolutoire de mise à néant de la vente en cas d'annulation desdits arrêtés de préemption ;
Qu'il suit de là que la ville de [Localité 9] avait la ferme volonté d'acquérir les biens et que la difficulté à laquelle elle était confrontée résidait dans l'exécution de l'acte de vente qui avait opéré le transfert de propriété alors que les arrêtés de préemption étaient définitivement annulés ;
Considérant que, dans ces circonstances et aux termes de la consultation du 27 juillet 1993, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, qui ignore que le prix a été consigné par la ville de [Localité 9], a conseillé au maire l'alternative consistant, soit à « ne pas payer et laisser la société Rouget de l'Isle obtenir la rétrocession du bien », soit à engager une action en nullité de la vente, « soit que l'on considère qu'il s'agit d'une nullité de consentement, d'une nullité d'ordre public, compte tenu de la personne du cocontractant, soit que l'on considère qu'il s'agisse d'une nullité due à l'illicéité de la vente puisque celle-ci avait pour objet de sanctionner une décision de préemption disparue de l'ordonnancement juridique » ;
Que, dès le 29 juillet 1993, le maire de [Localité 9] écrivait à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés que son « analyse conforte notre attitude de refus de payer aux prix et' laisse une marge de man'uvre pour leurs éventuelles renégociations » ;
Qu'après l'arrêté de déconsignation du prix de vente pris par le maire le 30 juillet 1993, la ville de [Localité 9] se rapprochait du notaire afin d'obtenir la rétrocession du bien et que, dans ces circonstances, elle se heurtait au refus de la société Rouget de l'Isle de sorte que, le 21 octobre 1994, M. [O], notaire, dressait un procès-verbal de difficultés ;
Considérant que le conseil donné par la S.C.P. Huglo, Lepage & associés n'était aucunement contraire aux intérêts de la ville de [Localité 9] et que, si le procès-verbal de difficultés n'a été dressé que le 21 octobre 1994, cette circonstance, qui démontre que la ville espérait une solution amiable, relève que de sa seule responsabilité ;
Qu'à cet égard, il y a lieu de relever que, d'une part, une lettre adressée le 14 mars 1994 par M. [O] au maire et accompagnée d'un modèle de lettre à faire parvenir à la société Rouget de l'Isle, mais finalement non expédiée, et que, d'autre part, une lettre adressée le 16 septembre 1994 à l'avocat par l'un des fonctionnaires municipaux affirmant qu'il rencontrait « M. le député-maire samedi 17 en matinée » et qu'il ne « [désespérait] pas apporter des orientations claires » ; que ces faits prouvent qu'au cours de l'année 1994, la ville de [Localité 9] avait décidé et tenté d'obtenir qu'il fût procédé par voie de rétrocession ;
Qu'en outre, 1a ville, une fois rendu le jugement annulant la vente sur sa demande, hésitera encore sur l'attitude à adopter ainsi qu'il appert d'une lettre en date du 27 janvier 1998 ;
Considérant qu'enfin, il convient d'ajouter que, comme l'ont énoncé les premiers juges, si l'action en nullité de la vente avait été introduite dès le mois d'août 1993, même engagée selon la procédure à jour fixe, elle n'aurait pas abouti avant la fin de l'année 1996 de sorte qu'elle n'aurait pas empêché la société Rouget de l'Isle d'appréhender le prix de vente au mois de juin 1995 ;
Considérant qu'il suit de tout ce qui précède que le prétendu retard à agir en annulation de la vente n'est aucunement imputable à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés qui démontre, d'une part, qu'elle a conseillé cette solution à la ville de [Localité 9] dès le 27 juillet 1993 et, d'autre part, que le fait d'avoir engagé l'action au mois de mars 1995 n'a aucun lien de causalité avec le dommage allégué ;
Sur le grief tiré d'une prétendue absence de saisie conservatoire :
Considérant qu'en vertu de l'acte authentique du 30 novembre 1992, le prix de vente devait être séquestré entre les mains de M. [B] [X], notaire à [Localité 8] ; qu'en fait et après le prononcé du jugement du Tribunal administratif, le maire a pris, le 15 février 1993 et sans que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés en soit informée, un arrêté de consignation du prix de vente entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations puis, le 30 juillet 1993, un arrêté de déconsignation ;
Que cette décision a provoqué diverses réactions de la société Rouget de l'Isle qui a procédé par voie de saisie-attribution sur le fondement de l'acte authentique ;
Que la saisie-attribution a pris effet le 15 juin 1994, époque à laquelle la ville entendait régler les difficultés par voie de rétrocession, et que les fonds ont été appréhendés par la venderesse à la fin du mois de juin 1995 ;
Qu'une assignation délivrée avant le 15 juin 1994 n'aurait aucunement empêché l'acte authentique, qui est un titre exécutoire, de produire ses effets ; qu'une saisie conservatoire n'aurait pas eu plus d'effet alors surtout qu'en vertu de l'article R. 13-65 du Code de l'expropriation, consignation vaut payement ;
Que le deuxième grief articulé par la ville de [Localité 9] n'est donc pas fondé ;
Sur l'omission d'interjeter appel de l'ordonnance rendue le 20 octobre 1994 par le Juge de l'expropriation :
Considérant que, par ordonnance du 20 octobre 1994, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Créteil a rejeté la demande de restitution des fonds formée par la ville de Vitry-sur-Seine contre la Caisse des dépôts et consignations puis aux motifs que, tant que la vente n'aurait pas été annulée ou qu'un acte de rétrocession ne serait pas intervenu, la commune, qui avait acquis l'immeuble, devait en payer le prix et que la société Rouget de l'Isle, seule titulaire du droit de rétrocession, était libre de l'exercer ou non ;
Considérant que la ville de [Localité 9] ne saurait, sans se contredire, reprocher à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés de n'avoir pas assigné la société Rouget de l'Isle en nullité de la vente avant le mois de novembre 1994 et d'avoir omis d'interjeter appel de l'ordonnance rendue le 20 octobre 1994 ;
Considérant que, compte tenu des deux motifs retenus par le juge de l'expropriation, l'appel qui aurait pu être interjeté au nom de la ville de [Localité 9] n'avait aucune chance sérieuse et réelle d'aboutir favorablement ;
Considérant que, surtout, il appartenait à la ville de prendre la décision de conserver la propriété du bien ou d'exercer l'action en nullité à défaut, par la société Rouget de l'Isle, d'exercer son droit de préemption ;
Qu'il suit de là que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés prouve qu'elle n'a commis aucune faute en ne conseillant pas à la commune d'interjeter appel de l'ordonnance rendue le 20 octobre 1994 par le Juge de l'expropriation ;
Sur l'erreur de procédure commise devant le Juge de l'exécution :
Considérant que, par jugement du 14 février 1995, le Juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil a déclaré irrecevable la contestation afférente à la saisie-attribution pratiquée le 15 juin 1994 entre les mains de la Trésorerie générale du Val-de-Marne à la requête de la société Rouget de l'Isle contre la ville de Vitry-sur-Seine au motif que la ville, qui a choisi la voie de l'assignation, qui ne porte pas elle-même recours devant la juridiction, aurait dû placer l'assignation, dans le mois de la dénonciation de la saisie-attribution ; que, par arrêt du 12 décembre 1996, la Cour de céans a confirmé le jugement ;
Considérant que, si plusieurs décisions ont été rendues avant 1995 en ce sens que la date à prendre en considération comme point de départ du délai d'un mois était la date de la mise au rôle, il n'en demeure pas moins que, depuis 3 novembre 2005, la jurisprudence la Cour de cassation est fixée en sens contraire pour retenir, comme point de départ, la date de délivrance de l'assignation, ce qui correspond à l'interprétation de l'article 66 du décret du 31 juillet 1992 adoptée en l'espèce par la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Qu'à la date de délivrance de l'assignation, il n'existait, en réalité, aucune jurisprudence certaine et que ce n'est que, par un article publié dans La Gazette du Palais du 20 novembre 1997, qu'un auteur a fait état de la tendance jurisprudentielle originaire ;
Qu'à cet égard, il ne saurait être fait grief à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés d'avoir commis une erreur de procédure ;
Considérant, surtout, que, contrairement à ce que soutient la ville de [Localité 9], il n'est aucunement démontré que, si la demande avait été déclarée recevable, elle aurait eu une chance réelle et sérieuse d'être accueillie favorablement dès lors que les fonds étaient volontairement consignés en vertu d'un titre exécutoire et que, comme il est dit ci-avant, en matière de préemption, à laquelle sont appliquées les règles de l'expropriation, consignation vaut payement ; qu'en outre, la commune n'était pas fondée à remettre en cause devant le juge de l'exécution le droit de la société Rouget de l'Isle à être payée du prix du bien vendu ;
Qu'en conséquence, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés prouve qu'elle n'a commis, devant le juge de l'exécution, aucune faute de procédure préjudiciable à la ville de [Localité 9] ;
Sur l'erreur affectant la forme de la société Rouget de l'Isle telle qu'elle a été portée sur la déclaration d'appel du jugement annulant la vente et sur les suites de l'arrêt confirmatif :
Considérant que le jugement prononçant l'annulation de la vente, qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire, a été frappé d'appel par la société Rouget de l'Isle dont l'avoué a rédigé la déclaration d'appel en indiquant que la société était une société civile immobilière alors qu'en réalité, il s'agit d'une société à responsabilité limitée ;
Que, toutefois, au cours de la procédure, les actes et, tout particulièrement, l'acte de signification du jugement et les conclusions respectives des parties feront état de la Sarl Rouget de l'Isle de sorte que l'erreur, commise par l'avoué de l'appelante, ne sera révélée que par l'intitulé de l'arrêt rendu le 6 novembre 1997, date à laquelle le siège social de la société était encore situé à Noisy-sur-Ecole ainsi qu'il appert d'un extrait K bis du registre du commerce et des sociétés délivré le 11 mai 1998 ;
Qu'il suit de ce qui précède que l'erreur affectant l'arrêt n'est aucunement imputable à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Considérant que, de plus, il ressort d'une lettre adressée le 26 janvier 1998 par la S.C.P. Huglo, Lepage & associés au directeur des affaires réglementaires de la ville de [Localité 9] et de la réponse du 27 des mêmes mois et an que, conformément à sa demande, la signification de l'arrêt était suspendue et ce, dans l'attente d'une réunion du maire et de ses adjoints ; que la commune a, alors, changé d'avis et fait signifier l'arrêt, ce qui a été fait le 16 février 1998 à l'initiative de son mandataire, à savoir son avoué ;
Qu'à cet égard, aucun reproche n'est valablement dirigé contre la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Considérant que, par lettre du 26 janvier 1998, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés a écrit au directeur des affaires réglementaires de la ville de Vitry-sur-Seine qu'elle envisageait, pour procéder à la publication de l'arrêt et à l'inscription d'hypothèque, de s'adresser à Mme [E] [N], membre du Cabinet Danet & associés, avocat spécialisé en matière de voies d'exécution et de sûretés ainsi qu'il ressort de l'annuaire du barreau de Paris ; que, selon les lettres versées au dossier, cet avocat, agréé par la ville de Vitry-sur-Seine en sa lettre du 27 janvier 1998, s'est heurté à diverses difficultés rendant impossible la publication du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Créteil et de l'arrêt confirmatif ;
Quela S.C.P. Huglo, Lepage & associés, n'a commis aucune faute en conseillant à la commune d'avoir recours aux services de Mme [N] dont la spécialisation était reconnue ;
Qu'à cette époque, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés était donc dessaisie de tout ce qui touchait à la publication des décisions annulant la vente et à l'inscription de l'hypothèque, le Cabinet Danet & associés facturant ses prestations directement à la commune ;
Considérant qu'au nombre des difficultés, il y avait l'erreur matérielle affectant l'arrêt ; que, pour la rectifier, l'avoué de la ville de [Localité 9] a déposé une requête dont il a soumis le projet le 2 juillet 1998 à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés qui a attiré son attention non seulement sur l'erreur de forme sociale, mais également sur le changement de siège social ;
Que, sur la requête, déposée par l'avoué, seul mandataire de la commune devant la Cour, un arrêt rectificatif a été rendu le 9 octobre 1998 ;
Que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, dont le nom n'apparaissait pas sur cet acte, n'encourt donc aucune responsabilité de ce chef ;
Considérant qu'il ressort d'une lettre adressée le 30 juillet 1998 par le maire de la ville de [Localité 9] à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés que M. [O], notaire chargé de la vente, ne s'était pas préoccupé d'obtenir la mainlevée le d'inscription d'hypothèque prise par la Banque Worms en garantie du prêt accordé à la société Rouget de l'Isle avec effet au 10 mars 2003 ; qu'en outre, trois lettres du maire, datées, l'une du 10 décembre 1997, l'autre du 13 janvier 1998, une autre encore du 30 juillet 1998, font apparaître que la commune envisageait de confier les formalités d'inscription d'hypothèque au comptable municipal de sorte que, sur ce point, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés n'avait aucune raison de déconseiller à la commune d'opérer ainsi qu'elle le souhaitait ;
Que, de surcroît, il y a lieu de souligner qu'en vertu de l'acte authentique, page 34, de vente, dressé alors que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés n'était pas son conseil, la commune a donné mandat irrévocable à M. [X], notaire, de procéder à la consignation des fonds reçus de la ville, à la purge des inscriptions et d'en obtenir la mainlevée ;
Qu'enfin, il sera noté que le prix convenu, à savoir 26.020.365 francs (3.966.779,07 euros) était insuffisant pour désintéresser la Banque Worms dont la créance garantie s'élevait à 32.500.000 francs (4.954.593,06 euros), outre les intérêts arrêtés à 6.500.000 francs (990.918,61 euros) le 16 mars 1993 et que la banque était fondée à conserver les garanties qu'elle tenait de son rang hypothécaire ;
Qu'au regard des formalités d'inscription d'hypothèque, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés démontre qu'aucune faute ne lui est donc reprochable ;
En conclusion :
Considérant que les circonstances de la cause démontrent qu'en abusant du droit de préemption, la ville de [Localité 9] a paralysé toutes les ventes envisagées par la société Rouget de l'Isle dont elle a provoqué la déconfiture et qu'en passant l'acte de vente du 30 novembre 1992 sans l'assortir d'une condition suspensive ou résolutoire alors que les arrêtés de préemption étaient attaqués devant le juge administratif, elle a pris un risque inconsidéré alors qu'au moment de ces opérations, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés n'était pas son conseil ;
Qu'en outre, la commune avait la possibilité de transiger comme elle le reconnaissait encore par la lettre adressée le 20 novembre 1997 à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Que la commune est donc à l'origine de dommage dont elle se plaint ;
Considérant qu'en conséquence de tout ce qui précède, la S.C.P. Huglo, Lepage & associés établit qu'elle a satisfait à son obligation de conseil et qu'elle n'a commis aucune faute ou négligence de nature à engager sa responsabilité professionnelle ;
Que, partant, il convient d'approuver le Tribunal de grande instance de Paris qui n'a retenu aucune faute à la charge de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés au titre de la perte du prix de vente de l'immeuble ;
Sur la demande de remboursement des honoraires présentée par la ville de [Localité 9] :
Considérant que les honoraires réclamés par la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, tels qu'ils ressortent, toutes taxes comprises, des factures versées aux débats correspondent tous à des diligences effectivement accomplies, soit pour agir devant des juridictions conformément au mandat donné par la ville de [Localité 9], soit pour défendre à des actions engagées par la société Rouget de l'Isle contre la commune ; que, loin d'avoir été vaines ou inutiles, plusieurs procédures et, tout particulièrement, les instances en annulation de la vente et en fixation de la créance de la commune, ont abouti à un résultat favorable à la commune ;
Qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement frappé d'appel et de débouter la ville de [Localité 9] de demande de remboursement des honoraires versés à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Considérant qu'en revanche, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes que la S.C.P. Huglo, Lepage & associés a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Sur la garantie des Mutuelles du Mans Assurances :
Compte tenu de la solution donnée au litige, il n'y a pas lieu de statuer sur le principe et la l'étendue de la garantie de l'assureur de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés ;
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions susvisées ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, la ville de [Localité 9] sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, elle sera condamnée à payer à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés, les frais qui, non compris dans les dépens, seront arrêtés, en équité, à la somme de 15.000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Vu l'arrêt rendu le 30 octobre 2008 par la Cour de cassation ;
Infirme le jugement rendu le 30 mars 2005 par le Tribunal de grande instance de Paris ;
Faisant droit à nouveau :
Déboute la ville de Vitry-sur-Seine de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande de remboursement d'honoraires dirigées contre la S.C.P. Huglo, Lepage & associés et les Mutuelles du Mans Assurances ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution de la somme de 69.241 euros payée au titre de l'exécution provisoire dont est assorti le jugement ;
Déboute la ville de [Localité 9] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 et la condamne, par application de ce texte, à payer à la S.C.P. Huglo, Lepage & associés et aux Mutuelles du Mans Assurances la somme de 15.000 euros ;
Condamne la ville de Vitry-sur-Seine aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce, compris les dépens de l'arrêt cassé et dit que les dépens exposés devant la Cour de céans seront recouvrés par la S.C.P. Bommart-Forster & Fromantin, avoué de la S.C.P. Huglo, Lepage & associés et des Mutuelles du Mans Assurances, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT