Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRET DU 12 JANVIER 2011
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/10907
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 05/16668
APPELANTE
S.A. IMMOBILIERE NEUILLY CHATEAU agissant poursuites et diligences en la personne de son Président
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Me Dominique LE BRIS plaidant pour le Cabinet LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R 054
INTIMEE
S.A.R.L. TENNIS ACTION prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Georges PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque : J 141
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BARTHOLIN, Présidente et Madame BLUM conseiller chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame BARTHOLIN, Présidente
Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller
Madame BLUM, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*************
Par acte du 4 mai 1998, la société immobilière Michel Ange Erlanger, aux droits de laquelle se trouve la société Immobilière Neuilly Château, a donné à bail commercial à la société Tennis Action, en renouvellement d'un bail précédent, pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 1997 et moyennant un loyer annuel hors taxes de 220.000 francs (33.538,78 euros), des locaux situés au sous-sol de l'immeuble du [Adresse 4] pour l'exercice des seules activités sportives suivantes : tennis, pratique de golf, squash, gymnastique.
Par acte extrajudiciaire du 13 mai 2005, la société Neuilly Château a donné congé à la société Tennis Action des locaux susvisés pour le 31 décembre 2005 avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 52.000 euros hors taxes et hors charges.
Les parties étant en désaccord sur le prix, la société Neuilly Château a assigné la société Tennis Action en fixation du loyer du bail renouvelé.
Par jugement rendu le 31 mai 2006, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a constaté que par l'effet du congé, le bail s'est renouvelé à compter du 1er janvier 2006, avant dire droit sur le fond, a désigné Mme [B] en qualité d'expert et a fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal, plus les charges.
L'expert a déposé son rapport le 8 juillet 2008, laissant au tribunal l'appréciation du caractère monovalent des locaux et estimant à 83.000 euros la valeur locative en renouvellement au 1er janvier 2006 des locaux pour une surface utile de 830 m².
Par mémoire notifié le 30 janvier 2008, la société Neuilly Château a sollicité la fixation du loyer à la somme de 124.500 euros à compter du 1er janvier 2006.
Par jugement rendu le 8 avril 2009, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris, retenant que les locaux ne remplissent pas les caractéristiques des locaux monovalents et rejetant en conséquence la demande de déplafonnement du loyer, a :
- fixé à 41.589 euros en principal par an à compter du 1er janvier 2006 le loyer du bail renouvelé depuis cette date, toutes autres clauses et conditions du bail expiré demeurant inchangées ;
- condamné la société Tennis Action à payer à la société Neuilly Château les intérêts au taux légal sur les loyers arriérés depuis le 1er janvier 2006 à compter du prononcé de la décision ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné chacune des parties par moitié aux dépens incluant le coût de l'expertise.
La société Immobilière Neuilly Château, ci-après Neuilly Château, a relevé appel de cette décision et, par ses dernières conclusions du 18 octobre 2010, demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- constater le caractère monovalent des locaux loués ;
- fixer le prix du loyer annuel en principal à la somme de 124.500 euros hors taxes et hors charges pour un bail renouvelé à compter du 1er janvier 2006, aux clauses et conditions du précédent bail ;
- condamner la société Tennis Action au paiement des intérêts en vertu de l'article 1155 du code civil à compter du renouvellement sur les loyers arriérés, les intérêts produisant eux-mêmes intérêts dans la mesure où ils seront dus pour une année entière, conformément à l'article 1154 du code civil ;
- débouter la société Tennis Action de toutes demandes à son encontre ;
- condamner la société Tennis Action à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise.
Par ses dernières conclusions du 5 octobre 2010, la société Tennis Action demande à la cour de :
- constater que le local, objet du bail, n'a pas le caractère monovalent et qu'il n'existe aucun motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé ;
- confirmer le jugement ;
- débouter la société Neuilly Château de toutes ses demandes ;
condamner la société Neuilly Château à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
SUR CE,
Considérant qu'au soutien de son appel, la société Neuilly Château fait valoir que les locaux sont monovalents, ayant été construit en vue d'une seule utilisation de court de tennis et qu'ils ne peuvent être affectés à un autre usage sans des transformations importantes et onéreuses, la moins coûteuse des solutions de transformation proposée par son architecte Gecko Architecture dans son rapport d'étude du 29 juin 2009 s'élevant à 1.190.000 euros TTC, hors aménagement du local lui-même pour une autre activité ; qu'elle conteste les conclusions de M. [Y] [V], audit conseil, consulté par la société preneuse, en objectant que la tolérance d'exploitation d'un local non conforme aux différentes réglementations, permettant d'éviter l'exécution des travaux de mise aux normes évoqués par le cabinet Gecko Architecture, ne concerne que les locaux existants tant qu'ils ne font pas l'objet de modifications ; qu'elle fait enfin valoir que la pluralité de destination contractuelle n'est pas exclusive de la monovalence si les différentes activités s'exercent dans des locaux construits en vue d'une seule utilisation, même si les locaux sont modulables ; qu'elle prétend enfin que la valeur locative unitaire des locaux ne saurait être inférieure à 150 euros / m² /an compte tenu des loyers conventionnels entre 2000 et 2004 et des fixations judiciaires relevés par l'expert judiciaire ;
Considérant que la société Tennis Action objecte que les locaux peuvent être affectés à un autre usage sans transformations importantes, la seule contrainte étant de ne pas recevoir un effectif supérieur à 19 personnes, que les dispositions des articles R 123-53 et R 123-54 du code de la construction et de l'habitation rendent inutiles l'exécution de travaux de mise aux normes en cas de changement d'activité, que les dispositions de l'arrêté du 21 mars 2007 relatives à l'accessibilité des personnes en situation de handicap ne sont pas applicables aux ERP existants de 5ème catégorie, statut dont relèvent les locaux, que les travaux exigés par la sous-commission de la préfecture de police de [Localité 3] s'élèvent à la somme de 4.100 euros, qu'en application des articles R 421-14, R 421-17 et R 123-9 du code de l'urbanisme, seuls les travaux portant sur la structure même de l'immeuble sont soumis à permis de construire, le changement d'activité pouvant être effectué sans autorisation, de sorte que les trois hypothèses envisagées dans l'étude du cabinet Gecko architecture produite par la société Neuilly Château sont inapplicables au cas d'espèce ;
Considérant que la cour se réfère au jugement entrepris pour la description matérielle des lieux, leur situation et commercialité, leur classement administratif et superficie non contestée par les parties ; qu'il importe toutefois de rappeler que les locaux loués se situent quasi exclusivement en sous-sol et se composent, directement depuis la rue avec une porte d'accès à gauche de l'entrée commune des parkings de l'immeuble du [Adresse 4], au rez-de-chaussée, d'un palier de 1m puis, desservis par un escalier de 0,70 m de largeur : au premier sous-sol, de paliers, débarras et deux bureaux aveugles, au deuxième sous-sol, de dégagements, vestiaire double et d'un court de tennis en terre battue avec une très grande hauteur car se situant à l'aplomb de la cour de l'immeuble à une profondeur de l'ordre de 11m50 ;
Considérant que la pluralité de destination contractuelle n'est pas exclusive de monovalence si les locaux ont été construits en vue d'une seule utilisation ou s'ils ne peuvent être affectés à un autre usage sans des transformations importantes et couteuses ; qu'en l'espèce, il est acquis que les locaux ont été initialement construits en vue d'une seule utilisation de court de tennis ainsi que le montre le règlement de copropriété de l'immeuble ; que les parties s'opposent sur l'étendue et l'importance des travaux à accomplir pour les affecter à un autre usage ;
Considérant que la société Tennis Action ne conteste pas formellement le chiffrage des travaux permettant un changement d'activité tel que résultant du rapport de Gecko Architecture du 29 juin 2009 ; qu'elle nie en revanche la nécessité d'exécution des travaux de mise aux normes chiffrés dans ce rapport ;
Considérant que si en application de l'article R 421-14 du code de l'urbanisme, seuls les travaux portant sur la structure de l'immeuble sont soumis à un permis de construire et qu'application de l'article R 421-17 du même code, une simple déclaration de travaux est nécessaire en cas de changement de destination tels que définis par l'article R 123-9, il résulte des dispositions combinées des articles R 123-54 et R 123-55 du code de la construction et de l'habitation que ne sont réputés satisfaire aux prescriptions réglementaires relatives à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les immeubles recevant du public que les établissements existants qui sont établis et fonctionnent en conformité avec les dispositions des décrets, abrogés par le décret n° 73-1007 du 31 octobre 1973, et que ceux qui ne répondraient pas aux dispositions de cette réglementation sont soumis aux prescriptions prévues par le code de la construction et de l'habitation en la matière ;
Considérant que pour prétendre ne pas devoir effectuer, en cas de modification d'activité dans les locaux, des travaux relatifs à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les immeubles recevant du public, tels que chiffrés dans la consultation de Gecko Architecture du 29 juin 2009, la société Tennis Action indique satisfaire aux prescriptions réglementaires et que les seuls travaux nécessaires à une modification de l'activité consistent pour l'essentiel à ôter la terre battue du court de tennis ou procéder à un cloisonnement ;
Considérant cependant que la simple tolérance d'exploitation dont la société Tennis Action dispose pour son activité ne peut lui permettre de bénéficier de la présomption instituée par l'article R 123-54 et R 123-55 du code de la construction et de l'habitation qui ne bénéficie qu'aux établissements existants qui sont établis et fonctionnent en conformité avec les dispositions des décrets, abrogés par le décret n° 73-1007 du 31 octobre 1973 ;
Considérant par ailleurs que la société Tennis Action ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, que la dispense d'exécution de ces travaux de transformation, prévue par l'article R 123-55 in fine serait applicable en l'espèce ; que s'agissant des obligations de se conformer aux règles de sécurité et d'accessibilité, l'emploi réitéré du conditionnel et la prudence de la consultation du cabinet [Y] [V] sur l'éventualité d'une dérogation, sont insuffisants à écarter la nécessité d'exécution des travaux prescrits pour respecter les règles de sécurité et d'accessibilité ;
Que la société Tennis Action ne peut davantage se prévaloir de ce que les travaux exigés par la sous-commission de la préfecture de police de [Localité 3] dans son avis du 27 août 2010 sont de faibles importances dans la mesure où les travaux visés par cet avis n'ont pas pour but de mettre les lieux en conformité avec la réglementation dans le cadre de son activité actuelle ou d'une nouvelle activité, mais de permettre le maintien de la tolérance à la poursuite de l'exploitation existante ;
Considérant en conséquence que les locaux ayant été construits en vue d'une seule utilisation de court de tennis et la preuve n'étant pas faite de ce que la modification d'activité peut être effectuée sans respecter les différentes normes réglementaires, il apparaît, au vu du coût de ces travaux évalués au minimum à 1.000.000 d'euros, que les locaux ne peuvent être affectés à un autre usage sans des transformations importantes et onéreuses ; que le loyer en renouvellement sera en conséquence fixé conformément aux dispositions de l'article R 145-10 du code de commerce ;
Considérant qu'eu égard aux références relevées entre 2000 et avril 2005 par l'expert judiciaire dégageant un prix au m² allant, pour des salles de sport souvent dotées d'agencement supérieur, de 119 euros à 282 euros s'agissant des loyers conventionnels et de 133 à 150 euros pour les fixations judiciaires, à la situation privilégiée des lieux, à leur volume, aux activités autorisées par le bail, mais eu égard également au fait qu'il s'agit de locaux enterrés, sans visibilité sur l'extérieur, d'accès malaisé, desservis par un escalier de 0,70m de large et ne répondant pas aux normes fédérales pour les courts de tennis couverts, la présence autour du court de tennis de galeries latérales et de dix piliers porteurs empêchant l'aménagement de zones de dégagement suffisantes pour le jeu, il convient, compte tenu d'une surface totale non critiquée de 830 m², de fixer à la somme de 83.000 euros proposée par l'expert judiciaire le loyer annuel du bail renouvelé au 1er janvier 2006 ;
Que la société Neuilly Château n'ayant formalisée sa demande initiale en fixation de loyer qu'à hauteur 52.000 euros, seul ce prix sera applicable à compter du 1er janvier 2006, le loyer de 83.000 euros ne prenant effet qu'à la date de notification du mémoire de la société Neuilly Château qui a par la suite sollicité la fixation du loyer en renouvellement à la somme de 124.500 euros ;
Considérant que les intérêts sur les loyers arriérés depuis le 1er janvier 2006 courront à compter du présent arrêt et seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant que la procédure en fixation du loyer en renouvellement ayant été diligentée dans l'intérêt des deux parties qui succombent partiellement l'une et l'autre, les dépens de première instance et d'appel seront partagés entre elles par moitié ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les demandes des parties à ce titre seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau,
Fixe à 83.000 euros en principal par an à compter du 1er janvier 2006 le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre la société Neuilly Château et la société Tennis Action pour les locaux situés à [Adresse 4], toutes autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées ;
Dit que le loyer annuel en principal ne sera exigible qu'à hauteur 52.000 euros entre le 1er janvier 2006 et le 30 janvier 2008 ;
Dit que les intérêts sur les loyers arriérés à compter du 1er octobre 2006 courront à compter du présent arrêt ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne chacune des parties par moitié aux dépens de première instance incluant le coût de l'expertise ainsi qu'aux dépens d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,