Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 14 JANVIER 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/00849
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Décembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - Ch1 Cab1 - RG n° 05/04275
APPELANTE
S.A. AXA FRANCE IARD, venant aux droits de AXA COURTAGE, assureur de la SOCIETE MAISONS PIERRE, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
représentée par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avoués à la Cour
assistée par Me PINDER Elsa-Magali plaidant pour la SCP CHETIVAUX, avocats au barreau de PARIS (C675)
INTIMES
Madame [N] épouse [E]
[Adresse 17]
[Localité 16]
représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour
Monsieur [K] [E]
[Adresse 17]
[Localité 16]
représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour
MUTUELLE ASSURANCES DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES
[Adresse 7]
[Localité 11]
représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour
SA LES MAISONS PIERRE
[Adresse 6]
[Localité 12]
représentée par la SCP BASKAL - CHALUT-NATAL, avoués à la Cour
assistée par Me LUQUET DELISLE Caroline, plaidant pour la SCP FGB, avocats au barreau de MELUN
S.A.R.L. FRANCE ÉLECTRICITÉ 77
[Adresse 5]
[Localité 12]
représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assistée par la SCP KSENTINE ET MONTERO
SA MAAF ASSURANCES
[Adresse 15]
[Localité 13]
représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assistée par la SCP KSENTINE ET MONTERO
SOCIÉTÉ BUREAU VERITAS
[Adresse 8]
[Localité 14]
représentée par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour
assistée par Me BRYDEN Laurence, plaidant pour la SELARL GVB, avocats au barreau de PARIS (P275)
S.A.R.L. A.B.S : ASSAINISSEMENT BRANCHEMENT SERVICE
[Adresse 4]
[Localité 12]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée par Me BULTEZ Stéphane, avocat au barreau de Paris (C1120)
AXA FRANCE IARD, assureur de la société ABS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour
assistée par Me MONTALESCOT Michel, avocat au barreau de PARIS (R70)
SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE EDF
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par la SCP RIBAUT, avoués à la Cour
assistée par Me ETIEMBLE Jérémie, avocat au barreau de PARIS, pour Maître BEN ZENOU Stella (G207)
COMPOSITION DE LA COUR :
Rapport ayant été fait conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de Procédure Civile
L'affaire a été débattue le 05 Novembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis MAZIERES, Président
Monsieur Paul André RICHARD, Conseiller
Madame Sylvie MESLIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Caroline SCHMIDT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Monsieur Jean-Louis MAZIERES, Président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Louis MAZIERES, président et par Madame Jocelyne LAMALLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
**********
Les époux [E] ont signé avec la société MAISONS PIERRE un contrat de construction de maison individuelle située à [Adresse 17], réceptionnée le 18 septembre 2000. Le 15 janvier 2001, le pavillon a subi un incendie important.
Les époux [E] ont fait désigner un expert judiciaire par ordonnance de référé du 07 mars 2011, au contradictoire de MAISONS PIERRE, la SARL ÉLECTRICITÉ 77,sous-traitant du lot électricité, et EDF ; la mission a été rendue opposable à AXA COURTAGE, assureur dommages-ouvrage et décennal de MAISONS PIERRE, par ordonnance du 12 septembre 2001, puis à la SARL ASSAINISSEMENT BRANCHEMENTS SERVICES (dite ABS), chargée de la liaison avec le réseau EDF et VERITAS, qui a assisté les maîtres de l'ouvrage lors de la réception, par ordonnance du 28 novembre 2001.
L'expert a déposé son rapport le 1er juillet 2002 : il estime que le sinistre est d'origine électrique, mais ne provient pas d'une erreur de conception ou d'exécution de FRANCE ÉLECTRICITÉ 77, d'un défaut d'entretien ou d'utilisation, ni de la liaison mise en oeuvre par ABS avec le compteur EDF ; selon lui, une surtension aurait dû déclencher le disjoncteur, mais le compteur et le disjoncteur, installés par EDF, n'ont pas été retrouvés et n'ont donc pas pu être examinés. La cause du sinistre demeure donc incertaine.
C'est dans ces conditions que Madame [L] [N] épouse [E], Monsieur [E] et leur assureur la MATMUT ont assigné la SA MAISONS PIERRE et la compagnie AXA COURTAGE, par actes des 26 et 29 septembre 2005, au visa de :
- voir fixer le préjudice des époux [E] à la somme globale de 152.803 euros
- voir condamner solidairement MAISONS PIERRE et AXA COURTAGE à payer à la MATMUT, sur le fondement de la subrogation, 103.862,03 euros et aux époux [E] celle de 49 120 euros, le tout avec exécution provisoire.
Par acte d'huissier du 27 janvier 2006, la compagnie AXA FRANCE IARD, aux droits de AXA COURTAGE, en sa qualité d'assureur 'risques divers' comprenant un volet dommages-ouvrage, un volet responsabilité civile et un volet responsabilité décennale au profit de MAISONS PIERRE, a appelé en cause la société BUREAU VERITAS, FRANCE ÉLECTRICITÉ 77 et son assureur la MAAF et la société ABS, au visa des articles L 121-12 et 124-3 du code des assurances, 17923 et suivants, 1153 et 1382 du code civil et L 111-24 du code de la construction et de l'habitation, afin de les voir condamner à la garantir de toutes condamnations.
Par acte du 14 mars 2006, la SARL ABS a appelé en cause son assureur responsabilité civile et décennale AXA FRANCE IARD, afin de mobiliser sa garantie au cas où elle serait condamnée, ainsi que EDF. Ces procédures ont été jointes.
Suivant jugement dont appel du 11 décembre 2007 le Tribunal de Grande Instance de Melun s'est ainsi prononcé :
'Dit Madame [L] [N] épouse [E], Monsieur [K] [E] et leur assureur la MATMUT irrecevables en leurs demandes formées contre la SA AXA FRANCE en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage,
Constate que le sinistre survenu le 15 janvier 2001dans la maison des époux [E] à [Localité 16] quatre mois après sa réception est d'origine indéterminée et fixe le préjudice total à la somme 152.803 euros,
Condamne in solidum la SA MAISONS PIERREet la compagnie AXA FRANCE en sa qualité d'assureur décennal, à payer à la MATMUT la somme de 103.862,03 euros et à Madame [L] [N] épouse [E], Monsieur [K] [E] celle de 49.120 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
Déboute la SA MAISONS PIERRE de son appel en garantie à l'encontre de la société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE 77,
Déboute le compagnie AXA FRANCE de ses appels en garantie contre la société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE 77, son assureur la MAAF et la SARL ASSAINISSEMENT BRANCHEMENTS SERVICES,
Constate que le surplus des appels en garantie devient sans intérêt,
Ordonne l'exécution provisoire,
Condamne in solidum la SA MAISONS PIERRE et la compagnie AXA FRANCE aux dépens, recouvrés directement au profit de la SELARL AVOCATS&CONSEILS, la SELARL Sophie KSENTINE, la SCPA COET et la SCP IMBERT,
Condamne in solidum la SA MAISONS PIERRE et la compagnie AXA FRANCE en sa qualité d'assureur décennal, à payer à Madame [L] [N] épouse [E] et Monsieur [K] [E] ensemble, à la SARL
ASSAINISSEMENT BRANCHEMENTS SERVICES, la SARL ÉLECTRICITÉ DE FRANCE 77, à son assureur la MAAF et à la société VERITAS, chacun la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure.'
Les premiers juges ont conclu à l'origine électrique de l'incendie et à l'application des articles 1792 et suivants du Code Civil et de la présomption de responsabilité à La Société MAISONS PIERRE, avec garantie de son assureur décennal AXA FRANCE; ils ont rejeté les demandes en garantie formées à l'encontre des autres intervenants.
Vu les dernières écritures des parties :
La Société AXA FRANCE, assureur dommages-ouvrage et assureur décennal de MAISONS PIERRE, appelante principale a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause en qualité d'assureur dommages- ouvrage et à son infirmation pour le surplus, ne trouvant pas selon elle son origine dans un désordre de construction; elle a conclu subsidiairement en garantie à l'encontre de BUREAU VERITAS , de la société FRANCE ELECTRICITE 77 et de la société ASSAINISSEMENT BRANCHEMENTS SERVICES.
La société MAISONS PIERRE, appelante incident, a conclu à l'infirmation du jugement et à titre subsidiaire à la garantie de EDF et à celle de son propre assureur AXA FRANCE.
Les époux [E] et la MATMUT ont conclu à la confirmation du jugement.
La Société ASSAINISSEMENT BRANCHEMENTS SERVICES (ABS) a conclu à la confirmation du jugement qui l'a mise hors de cause.
La société FRANCE ELECTRICITE 77,sous traitant, et la MAAF son assureur ont conclu à la confirmation du jugement qui les ont mis hors de cause.
La société ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) a conclu à la confirmation du jugement qui l'a mise hors de cause.
SUR CE :
Considérant que la Cour adopte l'exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges ainsi que leurs motifs non contraires au présent arrêt ;
Considérant que l'expert conclut son rapport en ces termes :
'J'ai recherché la cause du sinistre et confirme qu'il s'agit d'une origine électrique. J'ai précisé sans ambiguïté que la société FRANCE ELECTRICITE 77 ne me semblait pas responsable au travers de la réalisation des ouvrages dont elle avait la charge. Les causes de ce sinistre ne proviennent donc pas d'une erreur de conception ou de réalisation des installations mises en oeuvre par la société FRANCE ELECTRICITE 77 ni d'une non conformité aux documents contractuels. Elles ne proviennent sans conteste pas d'une négligence dans l'entretien des installations alors que le sinistre s'est produit moins de 4 mois après la date de réception des ouvrages. Les causes ne proviennent pas non plus d'un défaut d'exploitation. L'utilisation de la maison de matin du 15 janvier 2001 était parfaitement normale, et, d'autre part les installations de délestage mise en oeuvre dans le souci de rationaliser l'utilisation de l'énergie étaient de nature à ne pas provoquer de surtension. En tout état de cause, à l'extrême, une surtension aurait dû permettre le fonctionnement normal du disjoncteur. Les causes peuvent donc provenir de vices dans les matériels mis en place ou d'une malfaçon dans la mise en oeuvre, à savoir le compteur et le disjoncteur, mais aucune pièce de ces éléments n'a été retrouvée sur place qui aurait pu confirmer cette hypothèse qui reste la plus probable. Quant à la liaison entre le coffret sur la rue et le compteur de l'EDF, réalisée par l'entreprise ABS, rien ne vient montrer, dans les éléments vus sur place, que celle ci est à mettre en cause. L'analyse technique se heurte à la destruction et disparition de composants techniques de l'installation, du fait de l'ampleur du sinistre';
Considérant que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté que faute de mise en place de la procédure amiable préalable l'assureur dommages-ouvrage devait être mise hors de cause ;
Considérant qu'il résulte de l'expertise que l'incendie ne provient ni d'un défaut d'exploitation ni d'une négligence dans l'entretien, ni d'une autre cause accidentelle extérieure, mais trouve son origine dans un désordre de l'ouvrage dont la nature électrique est incontestable, mais dont la cause précise et la localisation ne sont pas clairement déterminées, que s'agissant d'un désordre de construction survenu dans les 4 mois de la réception sans réserves, il y a bien lieu à application de la présomption de responsabilité des constructeurs, à savoir en l'espèce la société MAISONS PIERRE ;
Considérant que pour tenter de s'exonérer de cette présomption, la société MAISONS PIERRE et AXA son assureur décennal font plaider la cause extérieure exonératoire : 'le compteur et le disjoncteur, qui sont pour l'expert à l'origine de l'incendie, ne sont pas des éléments qui ont été mis en place par les constructeurs'; que pour asseoir son argumentation la société AXA cite ainsi le rapport de l'expert : 'Les causes ne peuvent donc provenir que de vices dans les matériels mis en place ou d'une malfaçon dans la mise en oeuvre, à savoir le compteur et le disjoncteur'; que cependant le rappel des conclusions de l'expert fait plus haut montre que le 'que' introduit par l'assureur dans son argumentaire n'existe pas dans le texte de l'expert, et qu' il s'en déduit nécessairement l'absence de preuve de la cause extérieure exonératoire invoquée, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité présumée de la société MAISONS PIERRE ;
Considérant que la présomption de responsabilité ne s'applique pas en l'espèce à BUREAU VERITAS dans la mesure où le contrôleur n'est pas intervenu sur le chantier avec une mission de solidité ou de sécurité mais seulement au titre d'une mission ponctuelle d'assistance du maître de l'ouvrage lors de la réception, avec pour obligation corrélative de lui signaler les vices apparents susceptibles de faire l'objet de réserves, que cette mission a été remplie et n'est pas en relation de causalité établie avec le sinistre, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société BUREAU VERITAS ;
Considérant que la garantie d'EDF est recherchée par la seule société MAISONS PIERRE et ne peut l'être que sur le terrain délictuel, ce qui suppose la démonstration d'une faute et d'un lien causal, démonstration qui ne résulte à l'évidence pas de l'expertise technique ;
Considérant que la société FRANCE ÉLECTRICITÉ 77 assurée par la MAAF, est intervenue en tant que sous- traitant de MAISONS PIERRE pour la réalisation de l'installation électrique, qu'elle n'est pas tenue à une présomption de responsabilité mais à une obligation de résultat qui suppose que soient établis, à la fois, un manquement à cette obligation et un lien de causalité entre son intervention et le désordre, manquement et causalité qui ne résultent aucunement du rapport d'expertise, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté toute demande à l'encontre de cette société ;
Considérant que la société ABS, qui est une filiale de MAISONS PIERRE, est intervenue sur commande des époux [E] dans le cadre de travaux réservés pour les travaux de tranchées entre le domaine public et le domaine privé, que l'expertise conclut très clairement que la liaison entre le coffret sur rue et le compteur, réalisé par cette société ABS n'est pas en cause, que faute d'imputabilité établie la mise hors de cause de cette société par le Tribunal ne peut qu'être confirmée ;
Considérant que AXA FRANCE est condamnée en sa qualité d'assureur décennal de la société MAISONS PIERRE, dans le cadre d'une assurance obligatoire ce qui exclut l'opposabilité de la franchise aux tiers, le jugement étant encore confirmé ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [E] la charge de leurs frais irrépétibles, les autres parties conservant les leurs ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
CONDAMNE in solidum la SA MAISONS PIERRE et la société AXA FRANCE à payer aux époux [E] la somme de 2500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE in solidum la SA MAISONS PIERRE et la société AXA FRANCE aux dépens d'appel avec distraction au profit des avoués concernés.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,