Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 20 JANVIER 2011
(n° 30, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18686
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/16742
APPELANTS
Monsieur [P] [V] [X]
né le [Date naissance 6] 1931 à [Localité 10]
de nationalité française
retraité
Madame [W] [B] épouse [X]
née le [Date naissance 4] 1930 à [Localité 9]
de nationalité française
retraitée
demeurant tous deux [Adresse 7]
S.C.I. RO AND CO
agissant en la personne de son gérant
ayant son siège [Adresse 5]
représentées par la SCP Pascale NABOUDET-VOGEL - Caroline HATET-SAUVAL, avoués à la Cour
assistées de Maître Sylvie JOUAN, avocat plaidant pour la SCP JOUAN WATELET, avocats au barreau de PARIS, toque : P 226
Madame [D] [X]
née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 8]
de nationalité française
profession : avocat
demeurant [Adresse 5]
non comparante - ordonnance de dessaisissement partiel du 6 mai 2010
INTIMÉE
S.A.R.L. HOLFRA
pris en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 3]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistée de Maître Christophe MOUNET, avocat au barreau de PARIS, toque : E 668
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 2 décembre 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Lysiane LIAUZUN, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte authentique du 25 juin 2008, la société HOLFRA a promis unilatéralement de vendre à M. [P] [X] et Mme [W] [B] épouse [X], avec faculté de substitution, un local sis [Adresse 1], moyennant le prix de 675.000 € étant précisé au paragraphe 'affectation' que :
« Les biens sont actuellement affectés à usage commercial ainsi que de bureaux. Il est précisé par le promettant que cette affectation n'est pas en contravention avec les dispositions du règlement de copropriété sur la destination des locaux. Le bénéficiaire déclare qu'il entend les affecter à usage de bureaux. »
En outre, la promesse de vente a été conclue, notamment sous la condition suspensive suivante relative à l'affectation des biens :
« Le promettant s'engage à justifier avant la réalisation des présentes, pour les biens affectés à un autre usage que l'habitation, de leur situation lors de la révision foncière au 1er janvier 1970 et a déclarer l'existence de tout permis éventuel ayant pu être délivré postérieurement à cette date ».
Le même jour, les époux [X] ont versé à titre d'indemnité d'immobilisation, la somme de 33.750 € séquestrée entre les mains de Mme [A], clerc de notaire.
Par avenant du 17 septembre 2008, la promesse, consentie pour une durée expirant le 19 septembre 2008, a fait l'objet d'une prorogation au 30 septembre 2008, avec la précision que « Dans l'impossibilité de réaliser la condition suspensive les soussignés ont convenu de proroger la promesse de vente pour une durée expirant le 30 septembre 2008 à 10 heures en vue de sa réalisation, les bénéficiaires n'entendant pas y renoncer. »
Le notaire de la société HOLFRA ayant transmis à son confrère Me [M] [T], notaire des consorts [X] divers documents de nature selon lui à justifier de réalisation au 30 septembre 2008 de la condition suspensive, et Mme [X] considérant qu'ils étaient impropres à en rapporter la preuve, la vente n'a pas été régularisée dans le délai de la prorogation de l'acte.
Le 10 octobre 2008 les époux [X], bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente et la SCI RO & CO, représentée par sa gérante, Mme [D] [X] ont convenu d'une substitution du bénéfice de la promesse au profit de la SCI RO & CO.
Le 14 octobre 2010, la société civile immobilière RO & CO, substituée dans les droits de l'acquéreur le 10 octobre 2008 et représentée par Mme [D] [X], avocate, a réclamé la restitution de l'indemnité d'immobilisation.
Par acte du 3 décembre 2008, les époux [X], la SCI RO & CO et Mme [D] [X] ont assigné la société HOLFRA devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, d'obtenir notamment sa condamnation à reverser aux époux [X] la somme de 33.750 € versée le 25 juin 2008 à titre d'indemnité d'immobilisation augmentée des intérêts légaux à compter du 14 octobre 2008, date de la mise en demeure, et à payer, à titre de dommages-intérêts, les sommes de 8.216,21 € à la SCI RO & CO et 18.000 € à Mme [D] [X]. À titre reconventionnel, la société Holfra demandait pour l'essentiel au tribunal de dire et juger que la condition suspensive avait été réalisée le 30 septembre 2008, et en conséquence, de condamner les époux [X] à lui payer la somme de 33.750 € correspondant à l'indemnité d'immobilisation.
Par jugement du 30 juin 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré irrecevables les demandes formées par la SCI RO & CO et [D] [X],
- dit que la condition suspensive inclue dans la promesse de vente signée le 25 juin 2008 a été réalisée le 30 septembre 2008,
- débouté, en conséquence, les époux [X] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné les époux [X] à payer à la société HOLFRA la somme de 33.750 €,
- dit que la somme détenue par le séquestre viendra en déduction de la condamnation mise à la charge des époux [X],
- dit que Mme [A], clerc de notaire, en qualité de séquestre, à laquelle cette décision sera notifiée, pourra libérer les sommes qu'elle détient au profit de la société HOLFRA, au vu d'une copie de la présente décision, devenue définitive,
- condamné in solidum les époux [X], la SCI RO & CO et Mme [D] [X] à payer à la société HOLFRA la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Les époux [X], la SCI RO & CO et Mme [D] [X] ont relevé appel de ce jugement le 24 août 2009.
Par acte du 6 mai 2010, Mme [D] [X] s'est désistée de son appel.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 3 novembre 2010, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des motifs, M. et Mme [X] et la SCI RO & CO, appelants demandent à la Cour de :
- les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel,
- en conséquence, infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau, condamner la société HOLFRA :
- à restituer l'indemnité d'immobilisation s'élevant à 33.750 € séquestrée entre les mains de Mme [G] [A], clerc de notaire,
- au paiement des intérêts légaux à compter du 14 octobre 2008, date de la mise en demeure,
- à payer à la SCI RO & CO la somme de 8.216,21 € à titre de dommages-intérêts,
- à payer la somme de 2.500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
La société HOLFRA demande à la Cour, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 mai 2010, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des motifs, de :
- débouter les demandeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner chacun des appelants à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
CECI ETANT EXPOSE,
LA COUR,
Sur les demandes de la SCI Ro & Co
Considérant que Mme [D] [X] qui n'était intervenue aux actes litigieux qu'en sa qualité de mandataire de M. et Mme [X], ses parents, ou de gérante de la SCI RO & CO s'étant désistée le 6 mai 2010 de son appel, alors que la société Holfra n'avait pas conclu, il convient de déclarer son désistement parfait et en conséquence, de rejeter comme étant irrecevables, les demandes à caractère indemnitaire formées à son encontre ;
Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que la SCI RO & CO était dépourvue d'intérêt à agir, dès lors que la substitution régularisée le 10 octobre 2008 par M. et Mme [X] à son profit dans les droits qu'ils détenaient de la promesse unilatérale de vente du 25 juin 2008 est intervenue alors que celle-ci était expirée depuis le 30 septembre 2008 à 17 heures et qu'elle ne pouvait donc produire l'effet recherché ;
Qu'au surplus, la SCI RO & CO, tiers à la promesse de vente et qui a engagé des frais avant le délai de réalisation de la condition suspensive, et la levée d'option c'est-à-dire sans avoir l'assurance que l'opération se réaliserait, a pris un risque qu'elle doit supporter seule ;
Considérant que la décision des premiers juges mérite confirmation en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes formées par la SCI RO & CO ;
Sur la réalisation de la condition suspensive
Considérant en droit que les conventions font la loi des parties,
Qu'aux termes de la promesse unilatérale de vente du 25 juin 2008, le promettant s'était engagé à justifier avant la réalisation des présentes, pour les biens affectés à un autre usage que l'habitation, de leur situation lors de la révision foncière du 1er janvier 1970 et a déclaré l'existence de tout permis éventuel ayant pu être délivrée postérieurement à cette date ;
Qu'il est acquis aux débats, que la société Holfra n'a pu produire la déclaration de l'affectation des locaux au 1er janvier 1970 dans le cadre de la révision foncière ;
Qu'elle a pas davantage produit le bail dont les lieux faisaient l'objet à la date du 1er janvier 1970 ;
Considérant qu'il ne peut être tiré de la clause précitée et de l'avenant de prorogation que les parties auraient exclu, de façon formelle, toute possibilité, pour la société Holfra, de justifier de la réalisation de la condition suspensive autrement que par la production de la déclaration d'affectation des locaux au 1er janvier 1970 ou celle du bail dont les locaux faisaient l'objet à cette date et que le fait d'invoquer les modes de preuves prévus à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, sans les en avoir informés, serait constitutif d'une réticence dolosive à l'égard des acquéreurs ;
Considérant en application des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance numéro 2005 -655 du 8 juillet 2005 «... » qu'un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 et que cette affectation peut être établie par tout de preuve ;
Que si d'après la circulaire du 22 mars 2006, le recours à la déclaration d'affectation établie lors de la révision foncière de 1970 ne revêt pas de caractère prééminent, force est d'observer que la preuve doit néanmoins être apportée de façon incontestable ;
Considérant en l'espèce que les pièces produites par la société Holfra avant le 30 septembre 2005 consistant en deux extraits du bottin du commerce de l'année 1970 mentionnant la présence de la société Holfra au [Adresse 1], un état locatif en date du 9 novembre 1978 qui se réfère à un bail ayant couru à compter du 1er janvier 1972, une attestation de l'ancien directeur de la société Holfra et des documents émanant de l'EDF sont subjectifs et s'ils laissent présumer la présence dans les lieux de la société Holfra à la date du 1er janvier 1970, en constituent une preuve imparfaite, insusceptible de lier l'administration quant à l'appréciation de la commercialité au 1er janvier 1970, étant observé que la décision du juge judiciaire ne s'impose pas à l'administration ;
Que d'ailleurs la société Holfra, dont le propre notaire reconnaissait le 11 septembre 2008 que cette dernière ne pouvait pas garantir aux acquéreurs l'affectation commerciale des lieux, n'a jamais proposé une telle garantie personnelle ;
Qu'enfin si le fait que la preuve de l'existence d'un bail commercial a finalement pu être administrée dans la mesure où le bien a été depuis revendu à un acquéreur, en l'occurrence à un descendant du propriétaire du lot considéré en1970 et qui disposait de par son ascendance de l'historique de la situation locative, cette preuve est tardive ;
Qu'en l'état de ces constatations, la condition suspensive est défaillie, la société Holfra n'ayant pas rapporté la preuve parfaite lui incombant au plus tard le 30 septembre 2008, de la commercialité des biens vendus au 1er janvier 1970 ce qui justifie la restitution aux consorts [X] de l'indemnité d'immobilisation séquestrée entre les mains de Mme [A], clerc de notaire ;
Considérant que la somme de 33'750 € séquestrée portera intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2008 date de la mise en demeure ;
Qu'il s'ensuit que la décision des premiers juges mérite infirmation ;
Considérant que la société Holfra qui succombe supportera les dépens et indemnisera M. et Mme [P] [X] des frais exposés à concurrence de la somme de 2500 € ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a déclaré les demandes formées par la SCI RO & CO irrecevables,
Statuant à nouveau,
Déclare le désistement de Madame [D] [X] parfait,
Déboute la société Holfra de sa demande tendant à dire réalisée la condition suspensive ainsi que de l'ensemble de ses demandes en découlant,
Ordonne la restitution à M. [P] [X] et Mme [W] [B] épouse [X] de l'indemnité d'immobilisation séquestrée entre les mains de Mme [A] clerc de notaire,
Condamne la société Holfra à leur payer les intérêts de la somme de 33 750 € au taux légal à compter du 14 octobre 2008,
Condamne la société Holfra à payer à M. [P] [X] et Mme [W] [B] épouse [X] la somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire,
Condamne la société Holfra aux entiers dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière,La Présidente,