Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 25 JANVIER 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18290
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juillet 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/04153
APPELANTE
SAS FONCIÈRE RICHELIEU
représentée par son liquidateur amiable M. [D] [F]
ayant son siège [Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Nicolas FLACHET, avocat au barreau de PARIS, toque P572
INTIMES
Monsieur [V] [B]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assisté de Me Nathalie HAUCHARD, avocat au barreau de PARIS, toque C802
substituant Me Bernard FAULIOT C431
Madame [E] [J] épouse [B]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assistée de Me Nathalie HAUCHARD, avocat au barreau de PARIS, toque C802
substituant Me Bernard FAULIOT C431
Maître [A] [I]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assisté de Me Stéphanie BACH, avocat au barreau de PARIS, toque P499
(SCP RONZEAU)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nicole MAESTRACCI, Présidente
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseillère
Madame Evelyne DELBES, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nicole MAESTRACCI, présidente et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement rendu le 22/7/2009 par le tribunal de grande instance de Paris qui, en ordonnant l'exécution provisoire, a condamné la société Foncière Richelieu, représentée par Monsieur [F], en sa qualité de liquidateur amiable, à payer aux époux [B] la somme de 166.679 € à titre de dommages-intérêts, a déclaré sans objet les réclamations formées contre Monsieur [A] [I] et les a rejetées, a condamné la société Foncière Richelieu à payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel formé par la société Foncière Richelieu à l'encontre de ce jugement ;
Vu les conclusions signifiées le 4/11/2010 par l'appelante qui demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter les époux [B] de leurs demandes, et de les condamner au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 1/10/2010 par Monsieur [V] [B] et Madame [E] [J] épouse [B] qui demandent à la cour de condamner, in solidum, Monsieur [D] [F], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société Foncière Richelieu, et Monsieur [A] [I], à leur payer la somme de 176.734 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de leur préjudice pour réticence dolosive, et celle de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 15/6/2010 par Monsieur [A] [I] qui demande à la cour de confirmer le jugement déféré, ce faisant, de débouter les époux [B] de toutes les demandes formées contre lui, de dire qu'il n'a commis aucune faute dans le cadre de ses fonctions susceptibles d'engager sa responsabilité civile professionnelle de notaire, et que la preuve d'un préjudice certain, réel et actuel, ayant un lien de causalité avec un manquement de l'étude, n'est pas rapportée, à titre subsidiaire, de condamner la société Foncière Richelieu à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, en tout état de cause, de condamner les époux [B], et tout succombant, au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant que suivant acte notarié en date du 4/8/2004, reçu en la forme authentique par Maître [I], notaire à [Localité 10], la société Foncière Richelieu a cédé à Monsieur et Madame [B] les 100 parts qu'elle détenait dans le capital de la SCI Burel Mougins, moyennant le prix principal et forfaitaire de 1.525 €, et le rachat par Monsieur [B] du compte courant que la société Foncière Richelieu possédait dans la SCI, au prix forfaitaire de 206.000 € ; que cet acte faisait suite à un protocole d'accord en date du 9/4/2004 et à un avenant en date du 28/6/2004 ; que le protocole prévoyait la cession de la totalité des parts sociales de la SCI moyennant certaines conditions suspensives ; que, notamment, les époux [B] se sont obligés à 'apporter en compte courant à la SCI la somme de 1 million d'euros soit par un apport en numéraire, soit par le prix de la vente de l'une ou l'autre des villas édifiées par ladite société'; que 'dans ce dernier cas ...(il était prévu qu'ils devraient ) verser la différence entre le prix de vente et le montant de l'apport en compte courant, la somme versée devra servir exclusivement aux remboursements des dettes de la SCI '; que l'avenant constatait la réalisation de l'apport en compte courant par la vente d'une villa qui appartenait à la SCI ; que l'acte notarié précise que le cessionnaire 'renonce expressément à demander toute garantie de passif' ; que le 28/2/2006, la SCI Burel Mougins a reçu, de l'administration fiscale, une notification de proposition de rectification, puis a transigé à hauteur de 176.734€ , suite à une vérification de comptabilité pour la période du 1/1/2002 au 31/8/2004 ; que la SCI, qui a obtenu une remise de 10.055 € au titre des majorations de retard, s'est acquittée de sa dette en deux paiements d'un montant respectif de 156.679 €, le 17/1/2007, et de 10.000 € le 16/4/2007 ; que par exploits du 9/3/2007, les époux [B] ont assigné la société Foncière Richelieu et Monsieur [I], notaire à [Localité 10], pour obtenir condamnation de la société au paiement de la somme de 176.734 € à titre de dommages-intérêts, sous forme d'une réduction de prix, en réparation de leur préjudice pour dol concernant une acquisition immobilière en vertu de l'article 1116 du code civil, et subsidiairement, celle du notaire, dans les mêmes termes, par application des dispositions des articles 1382 et 1383 du même code ; que par la décision déférée, les premiers juges ont fait droit à la demande formée à l'encontre de la société Foncière Richelieu au motif que 'la renonciation à la garantie de passif est inopposable au cessionnaire qui peut légitimement réclamer les sommes payées à l'administration fiscale, alors que la cédante aurait dû prendre en compte le changement de modification de l'objet social qu'elle ne pouvait ignorer, étant associée unique, et s'étant elle- même, sans que cela fasse l'objet d'une contestation, chargée des déclarations de TVA' ; qu'ils n'ont pas examiné la responsabilité du notaire, qui n'était, aux termes des demandes formulées, que subsidiaire ;
Considérant que, devant la cour, les époux [B] réclament la condamnation in solidum de la société Foncière Richelieu et du notaire ;
Considérant que l'administration fiscale a relevé :
- s'agissant de la situation juridique de la SCI Burel Mougins, que celle-ci a été constituée le 21/7/2000 ; que son activité a été ainsi définie au greffe du tribunal de commerce de Paris : 'marchand de biens, tous achats reventes de biens immobiliers ou mobiliers, toute activité liée à la gestion de biens, à la promotion immobilière, à la location immobilière de quelque nature que ce soit, de centre d'affaires, toutes opérations d'investissements immobiliers et mobiliers, toutes études de réalisations, constructions, rénovation, de négoce, de promotion immobilière' ; que lors du dépôt de ses déclarations (2065), la société s'est placée sous le régime de l'imposition de ses activités à l'impôt sur les sociétés et, dans ses actes d'acquisition, sous le régime des marchands de biens ; qu'ayant déposé un permis de construire dans le délai de 4 ans de l'acquisition des terrains, elle relevait de fait du régime de l'article 257.7 du code général des impôts qui dispose que sont soumises à la TVA les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles ; que l'activité de la société a été modifiée, le 9/4/2004, par décision de l'associée unique par la suppression de l'activité de marchand de biens et de promoteur ; que cette modification a été publiée aux Petites Affiches du 23 au 29 avril 2004 et transcrite au greffe du tribunal de commerce d'Antibes, le 26/4/2004 avec effet au 9/4/2004 ; que l' associée unique de la SCI a vendu l'ensemble de ses parts et cédé son compte courant, le 4/8/2004 ; qu'elle a déposé une liasse fiscale 2065, pour ses activités commerciales arrêtée au 31/8/2004; que depuis cette date, elle a déposé une déclaration 2072, pour la période allant du 1/9/2004 au 31/12/2004 pour son activité de gestion patrimoniale ;
- s'agissant de la situation patrimoniale de la société, que le 28/4/2004, les travaux de construction de deux villas ont été achevés ; que le 14/6/2004, la SCI a cédé , moyennant 1.060.000 € TTC, une villa sise sur un terrain de 2667 m2 et est restée propriétaire d'un terrain de 2611 m2, sur lequel une villa, dite 2, était construite ;
- s'agissant du régime fiscal, que la société a déposé les déclarations 2065 dans les délais ; qu'une mise en demeure a été adressée, le 12/12/2005, afin que la société dépose une déclaration correspondant à la fin de l'activité passible de l'impôt sur les sociétés, conformément aux dispositions des articles 221.5 et 202 ter II du code général des impôts, qui prévoient qu'une situation doit être arrêtée, en cas de changement de régime fiscal, au cas particulier du passage d'une activité commerciale à une activité patrimoniale rendant obligatoire un arrêté au regard de l'impôt sur les sociétés ; que cette déclaration a été déposée le 2/1/2006, postérieurement à une situation liquidative arrêtée au 31/8/2004 ; que lors de la réalisation des immeubles, la SCI a déduit la TVA sur les constructions et aménagements des immeubles et a donc abandonné, de fait, sur ces opérations, le bénéfice du régime de marchand de biens ; que la vente de la villa 1 a été placée dans le champ d'application de la TVA sur la totalité du prix lors de sa vente ;
- s'agissant de la TVA, que l'entreprise avait quitté en totalité le secteur taxable à la TVA par l'abandon de son activité commerciale, le 9/4/2004 ; que la détention de biens par un assujetti ou ses ayants droit en cas de cessation de son activité économique taxable devait être imposée au titre de la livraison à soi même (LASM), sans déduction possible, lorsque ces biens ont ouvert droit à déduction complète ou partielle lors de leur acquisition ou de leur affectation, au visa de l'article 257.8° 1 du code général des impôts ; qu'en conséquence, une livraison à soi même des villas à leur coût de revient au 9/4/2004 devait être réalisée pour chacune d'elles ; que la base d'imposition de la LASM correspondait au coût de revient ou à la valeur d'achat des biens concernés et que le taux de TVA applicable aux opérations réalisées à compter du 1/4/2000 était fixé à 19,6 % ; qu'ainsi le montant total de la LASM devait être établi à la somme de 260.692 € ;
- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, qu'en s'abstenant de verser au Trésor public la TVA afférente aux opérations visées par la présente notification, la société avait réalisé un profit égal au montant des rappels de TVA (soit 26.785€ + 129.494 € ) ; que ce profit devait être annulé par le bénéfice de la déduction en cascade ( en l'espèce - 260.692 € ) prévu par l'article L 77 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que les époux [B], qui ont transigé avec l'administration fiscale à hauteur de 166.679 €, reprochent à la société Foncière Richelieu, d'avoir décidé, sans les en informer, 'pour une raison inconnue, de modifier fondamentalement les activités de la société en supprimant de son objet social l'activité de marchand de biens', d'avoir, ce faisant, modifié en profondeur son régime fiscal puisqu'elle renonçait ainsi au bénéfice du régime particulier et avantageux prévu à l'article 1115 du code général des impôts en faveur des marchands de biens, qu'elle quittait le secteur taxable à la TVA prévu par l'article 257.7 du code général des impôts et ne pouvait plus prétendre déduire la TVA, qu'elle a payée, de celle dont elle devient redevable au titre de la livraison à soi- même et qu'elle devient taxable au titre des sociétés non soumises à l'impôt sur les sociétés ; qu'ils prétendent que la société a manqué à son devoir général de bonne foi prévu par l'article 1134 du code civil et a ainsi commis une réticence dolosive qui rend toujours excusable l'erreur provoquée ; qu'ils soutiennent qu'en l'espèce, la société Foncière Richelieu était tenue de porter à leur connaissance les événements qu'ils avaient intérêt à connaître pour l'exécution du contrat, étant au surplus souligné que le cédant était un professionnel de l'immobilier, en activité depuis près de 20 ans, et qu'il ne pouvait prétendre à cet égard avoir ignoré la fiscalité en la matière ; qu'ils exposent que, dans la liste des conformités qu'ils attendaient du vendeur, figurent les affirmations selon lesquelles 'toutes les provisions nécessaires ont été faites afin de couvrir toutes les moins values, pertes et charges probables, notamment de nature fiscale, pour la période prenant fin à la date des présentes et que la société a toujours respecté la législation fiscale, qu'elle est présentement à jour de toutes obligations pécuniaires quelconques découlant de son application et qu'il n'existe aucun contentieux quelconque, actuel ou prévisible, que la société n'est engagée, à la date de ce jour, dans aucun procès ni menacée de l'être devant les juridictions civile, commerciale, administrative ou arbitrale, que la société n'est pas assujettie à la taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale des immeubles comme souscrivant une déclaration n° 2072 auprès du service des impôts dont dépend la société' ; qu'ils déclarent que c'est au regard, et en suite de ces déclarations, qu'ils ont signé une renonciation à garantie de passif à leur désavantage ; qu'en réalité la situation réelle de la société au moment de la cession n'était pas celle décrite ; que le cédant s'est rendu coupable de réticence dolosive ayant amené les acquéreurs à contracter à des conditions qu'ils n'auraient pas accepté autrement et alors qu'ils ne disposaient pas des informations sur la situation réelle de l'entreprise leur permettant d'exprimer un consentement éclairé ;
Considérant que la société Foncière Richelieu explique qu'en tant que vendeur, elle est soumise à trois obligations, de renseignement, de conseil et de garantie, cette dernière se limitant, en l'espèce, à la seule existence des parts ; qu'elle n'a reçu aucune demande d'information ; que le prix de cession des parts était fixé à 1.525 € ; qu'une recherche destinée à prévenir les conséquences éventuelles de la cession sur le régime fiscal de la SCI serait sans proportion avec ce prix plus que modeste, et rendrait cette opération considérablement désavantageuse pour elle ; qu'elle insiste sur le fait que les acquéreurs ont renoncé expressément à solliciter toute garantie et qu'ils bénéficiaient de l'expertise du notaire instrumentaire ;
Considérant que selon l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention, lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté ; que le droit de demander la nullité du contrat n'exclut pas l'exercice par la victime des manoeuvres dolosives d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir, de leur auteur, réparation du préjudice subi ; que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ;
Considérant que la cour ne peut que relever que la modification de l'objet social est concomitante à la signature du protocole d'accord intervenu le 9/4/2004 ; qu'il apparaît certain que cette transformation est intervenue, comme le soutiennent, tant la société Foncière Richelieu, que le notaire, à la demande expresse des acquéreurs des parts sociales, qui envisageaient d'acquérir la villa subsistant à l'actif de la SCI, non pas pour poursuivre l'activité de marchand de biens initiale de la société mais pour l'occuper à titre de résidence principale ; que les époux [B], qui contestent ce fait, ne contredisent pas l'affirmation selon laquelle il est de notoriété publique qu'ils ont occupé à titre privé l'habitation et ne prouvent pas non plus qu'ils étaient aptes, à la date de cession, à exercer l'activité professionnelle abandonnée, alors que Madame [B] se déclare sans profession et que Monsieur [B] met en avant son incompétence en matière immobilière en arguant de sa profession de garagiste ; qu'ils ne fournissent non plus aucune explication au fait que le siège social de la SCI a été immédiatement transféré [Adresse 9], à l'adresse du bien immobilier ; qu'en outre la cour relève que, dans l'acte notarié (page 2), l'objet actuel de la SCI est défini comme étant ' la propriété, la gestion, l'administration et la dispositions des biens immobiliers qui pourraient lui être apportés et de tous ceux dont elle pourrait devenir propriétaire par voie d'acquisition, échange ou autrement, (qu'il est prévu que ) la société peut également acquérir aux fins ci-dessus, tous titres, parts sociales et actions donnant vocation à la jouissance de biens immobiliers, plus généralement, toutes opérations de quelque nature qu'elles soient, se rattachant à l'objet sus-indiqué, de nature à favoriser directement ou indirectement le but poursuivi par la société, son existence ou son développement'; que l'activité de marchands de biens n'apparaît donc pas ; que les époux [B] ont en outre reconnu avoir reçu ( page 13 de l'acte notarié) , 'les documents se rapportant à la constitution de la société et aux modifications statutaires subséquentes ... le registre des procès verbaux des assemblées générales' ; qu'ont été annexés à l'acte, d'une part, un extrait K Bis de la société (page 13 de l'acte notarié), délivré le 28/7/2004, d'autre part, une copie certifiée conforme du bilan établi à la date du 15/6/2004 (page 8) ; qu'il est constant que la modification d'objet social a été transcrite au registre du commerce et des sociétés, le 26/4/2004 ; que, par la lecture du bilan, les époux [B] étaient à même de vérifier la réalité des affirmations faites par la société Foncière Richelieu ; qu'ils ont indiqué, dans l'acte,' avoir pris connaissance tant de la comptabilité de la SCI que du bilan établi à la date du 15/6/2004, et (déclaré) faire (leur) affaire personnelle de la situation de la société et (renoncé) expressément à demander une garantie de passif ' ; qu'il importe là de souligner que les époux [B] ne font état d'aucune manoeuvre dolosive, de la part de la société Foncière Richelieu, qui les auraient déterminés à renoncer à toute garantie de passif ;
Considérant que le cocontractant, qui invoque le dol, doit établir l'existence de manoeuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier son consentement et prouver que le défaut d'information avait pour objet de le tromper et de l'amener à contracter ; qu'en l'espèce, non seulement les époux [B] ne prouvent pas l'intention dolosive qui, en tout état de cause, ne résulte pas du seul manquement aux exigences légales d'information, mais en outre ils ne démontrent pas la réticence, ni même le manquement à cette obligation ; qu'ainsi, comme le souligne pertinemment la société Foncière Richelieu, la réticence dolosive n'est pas caractérisée ;
Considérant, en conséquence, que le jugement déféré doit être infirmé et que les époux [B] doivent être déboutés des demandes formées contre la société Foncière Richelieu ;
Considérant que les époux [B] recherchent également la responsabilité civile professionnelle de Maître [I], notaire, dont ils affirment qu'ils les a mis en relation avec la société Foncière Richelieu et leur a conseillé l'opération, et rappellent qu'il est intervenu comme unique rédacteur et doit donc être réputé avoir été le conseil de toutes les parties ; qu'ils prétendent que Maître [I] a manqué à son obligation de conseil et n'a pas attiré leur attention sur les risques juridiques, économiques ou fiscaux de l'acte de cession ; qu'ils affirment que le rédacteur devait s'assurer de l'équilibre du contrat, passé entre des non professionnels et un professionnel, et les renseigner sur la portée exacte de leurs engagements ;
Considérant que le notaire soutient que l'existence d'une faute, d'un préjudice, d'un lien entre les deux, n'est pas rapportée ; qu'il a été seulement requis de recevoir en la forme authentique l'acte de cession par la société Foncière Richelieu au profit des époux [B] résultant d'actes sous seing privé signés antérieurement, les 9/4/2004 et 28/6/2004 ; qu'il n'a été sollicité, par aucune des parties, ni dans le cadre des négociations, ni lors de la signature de leur accord ; que quatre mois se sont écoulés entre la régularisation du protocole d'accord et la signature de l'acte authentique de vente ; qu'ainsi, lorsque l'acte a été reçu en la forme authentique, les parties étaient définitivement engagées dans les conditions convenues entre elles, hors son intervention ; qu'il déclare qu'on ne saurait valablement lui reprocher d'avoir passé sous silence le changement de régime fiscal lié à la décision d'abandon de l'activité de marchand de biens, faute d'information donnée sur ce point par la société Foncière Richelieu, et alors que cette modification est intervenue à la demande expresse des acquéreurs des parts sociales ; qu'il explique qu'il ne pouvait utilement conseiller la souscription d'une garantie de passif, alors qu'il est incontestable que les parties l'avaient exclue, comme en atteste la clause figurant en page 5 de l'acte de cession sous-seing privé ; qu'il ajoute que Monsieur [B] n'est pas un néophyte, qu'il a déjà effectué des achats et cessions de parts sociales au titre de son activité professionnelle de garagiste, et qu'il a déjà constitué des sociétés civiles ou anonymes ayant leur siège en France ou au Luxembourg ; que les parties ont, en tout état de cause, reçu lecture de l'acte authentique avant de le parapher et de le signer et, par leurs signatures, ont reconnu l'exactitude des informations données ; que toutes les pièces nécessaires ont été, soit remises aux acquéreurs, soit annexées à l'acte ; qu'il poursuit en disant que le préjudice invoqué ne peut être imputable qu'au manquement de la société Foncière Richelieu qui aurait fait des déclarations erronées ; que la restitution du prix de vente ne constitue pas un préjudice indemnisable par le notaire ; qu'un rappel de droits par l'administration fiscale n'est pas constitutif d'un préjudice ayant un lien de causalité avec le manquement reproché au notaire, ce qui justifie, à titre subsidiaire, que la société Foncière Richelieu, qui doit supporter les conséquences du redressement, le garantisse en cas de condamnation ;
Considérant que le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier les actes établis par les parties ; qu'en l'espèce, au surplus, l'affirmation selon laquelle la cession était définitivement conclue, dans tous ses détails, antérieurement à son intervention, par la volonté des parties, de sorte qu'il avait été ainsi privé de la possibilité de les conseiller utilement, est inexacte en ce qui concerne la clause de renonciation à garantie de passif ; qu'en effet le protocole d'accord du 9/4/2004 prévoit simplement et, seulement à propos de la cession du compte courant, à la page 5 de l'acte, que le 'cédant cède, sans autre garantie que celle de l'existence et la légitimité de la créance cédée et de la solvabilité de la société débitrice, à Monsieur [B], qui accepte, le montant de sa créance contre la SCI Burel Mougins, au titre du compte courant .., moyennant le prix forfaitaire et transactionnel de 206.000 €'; qu'à la page 8 de l'acte notarié figure, immédiatement après celles relatives aux conditions de la cession et au prix, et avant celle consacrée à la cession de créance (compte courant), la clause intitulée ' renonciation à garantie de passif' qui est ainsi libellée : ' le prix visé ci-dessus a été fixé en considération du bilan établi par la société émettrice des parts cédées à la date du 15/6/2004 dont une copie certifiée conforme par le gérant demeurera annexée aux présentes après mention . Le cédant déclare : que ce bilan reflète la situation comptable réelle, active et passive de la société à ladite date, que depuis cette date jusqu'à celle de la signature des présentes, l'exploitation des biens sociaux a été bénéficiaire et que la société n'a pris aucun engagement réel ou potentiel et n'a encouru aucune charge, autres que ceux résultant de la gestion normale et courante des biens sociaux, que les biens sociaux figurant sur le bilan susvisé ne font l'objet d'aucun gage, nantissement, hypothèque, servitude ou droit quelconque, ni d'aucune mesure d'expropriation, que ces biens sont exploités et gérés selon les usages et conformément à la réglementation en vigueur, que toutes les provisions nécessaires ont été faites, afin de couvrir les moins values pertes et charges probables, notamment de nature fiscale, pour la période prenant fin à la date des présentes, que ces biens sont valablement assurés, auprès de compagnies notoirement solvables, pour leur valeur à neuf, ainsi que pour tous risques habituellement assurés, eu égard à leur nature et à leur emploi, que la société n'a donné à ce jour aucune garantie, caution, aval pour l'exécution d'engagements contractés par des tiers, des associés ou gérant, que la société n'a pas d'employés, que le cédant n'a lui même donné à ce jour aucune garantie quelconque pour l'exécution d'engagements contractés par la société, que la société a toujours respecté la législation fiscale, qu'elle est présentement à jour de toutes obligations pécuniaires quelconques découlant de son application et qu'il n'existe aucun contentieux quelconque, actuel ou prévisible, que la société n'est engagée à la date de ce jour dans aucun procès, ni menacée de l'être devant les juridictions civiles civile, commerciale, administrative ou arbitrale . Le cessionnaire, après avoir pris connaissance, tant de la comptabilité de la société SCI Burel Mougins, que du bilan établi à la date du 15/6/2004, déclare faire son affaire personnelle de la situation de la société et renonce expressément à demander toute garantie de passif' ; qu'il ne peut être sérieusement contesté que cette clause, totalement nouvelle, ne constitue pas la simple reprise d'une convention préalable, mais a été ajoutée par le notaire ; que celui-ci, non seulement ne démontre pas avoir attiré l'attention des acquéreurs sur les conséquences d'une telle renonciation et sur les risques qu'elle leur faisait courir mais qu'il revendique son abstention ; que la faute du notaire est d'autant plus caractérisée que les pièces annexées à l'acte induisaient un changement inéluctable de régime fiscal pour l'avenir et laissaient planer une incertitude sur la réaction de l'administration fiscale quant au sort des opérations immobilières réalisées concomitamment au changement d'activité professionnelle de la SCI ; que le danger pour les acquéreurs, qui s'interdisaient tout recours contre le vendeur, était d'autant plus grand que la lecture du bilan annexé à l'acte révélait l'absence totale de provision ; qu'en l'espèce, le notaire a totalement manqué à son devoir de conseil, de vigilance mais également d'information ; qu'il n'a pas éclairé les acquéreurs sur la portée, les conséquences, les effets de son acte ; qu'il s'ensuit qu'il doit répondre personnellement, et sans pouvoir obtenir d'être garanti contre cette condamnation, de toutes les conséquences directes de sa carence, qui est seule à l'origine du préjudice subi par les époux [B], qui se sont trouvés dans l'impossibilité d'exercer tout recours contre le vendeur, même en l'absence de toute tromperie de sa part ;
Considérant en conséquence que Maître [A] [I] doit être condamné à payer la somme de 176.734 € aux époux [B];
Considérant que Maître [A] [I], qui succombe et sera condamné aux dépens, ne peut prétendre à l'octroi de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; que l'équité commande qu'il soit condamné à verser à ce titre 4.000 € à chacune des parties ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute les époux [B] de toutes leurs demandes formées à l'encontre de la société Foncière Richelieu,
Condamne Maître [A] [I] à verser, aux époux [B] la somme de 176.734 € , à titre de dommages-intérêts, et celle de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Foncière Richelieu la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties,
Condamne Maître [A] [I] aux dépens de première instance et d'appel et admet, pour ces derniers, les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
M.C HOUDIN N. MAESTRACCI