Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 02 FEVRIER 2011
(n° 37 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/29124
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 1er décembre 2009 emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de PARIS 5ème chambre section A le 5 mars 2008 sur appel d'un jugement rendu le 30 mai 2006 par le Tribunal de commerce de PARIS sous le n° RG 2004033936
DEMANDEURS A LA SAISINE
S.A. TRANSAL
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour
assistée de Me DEBON-LACROIX Marie-Françoise, avocat au barreau de PARIS
toque C 1434
SAS DHL HOLDING FRANCE venant aux droits de la SA DANZAS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Me DOLLFUS Franck, avocat au barreau du HAVRE
plaidant pour la SCP MICHALEK et DOLLFUS, avocats
DEFENDEURS A LA SAISINE
Société de droit allemand ALLIANZ VERSICHERUNG AG
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 12]
[Localité 7]
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me VICTOR-GRANZER Brigitte, avocat au barreau de PARIS - toque C2176
SA BRUKER BIOSPIN
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 13]
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me VICTOR-GRANZER Brigitte, avocat au barreau de PARIS - toque C2176
SAS DHL EXPRESS FRANCE venant aux droits de DHL HOLDING
anciennement DUCROS SERVICES RAPIDES, elle-même venant aux droits de DANZAS SA
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Luc COUTURIER, avoué à la Cour
assistée de Me DOLLFUS Franck, avocat au barreau du HAVRE
plaidant pour la SCP MICHALEK et DOLLFUS, avocats
Société CALBERSON
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour
assistée de Me LE BOURGEOIS Christine, avocat au barreau de PARIS - toque C1851
plaidant pour la SELARL CLB avocats
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 décembre 2010 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.LE FEVRE, président, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
- M.LE FEVRE, président de chambre, président
- M.ROCHE, président de chambre
- M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 30 mai 2006 du Tribunal de Commerce de PARIS qui a, dans un litige de transport entre d'une part la société de droit allemand ALLIANZ VERSICHERUNG AG assureur de la SA BRUKER BIOSPIN qui avait confié à la SA DANZA, commissionnaire de transport, du matériel électronique de LYON à WISSEMBOURG, en Alsace, par voie terrestre, qui a été endommagé en raison d'un accident survenu au cours du transport, d'autre part ladite société DANZAS, la SA CALBERSON, transporteur et la SA TRANSAL, transporteur substitué, a retenu la faute lourde de la société TRANSAL, dont le véhicule a été accidenté, causant des dommages à la marchandise, a condamné solidairement les sociétés CALBERSON, DANZAS et TRANSAL à payer à la société ALLIANZ VERSICHERUNG qui avait dédommagé son
assuré la somme de 263 844 € à la charge pour celle-ci de reverser 30 % à son co-assureur VICTORIA VERSICHERUNG AG, outre 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à la société BRUCKER BIOSPIN 500 €, montant de la franchise, et a ordonné l'exécution provisoire ;
Vu l'arrêt de cette Cour autrement composée du 5 mars 2008 qui, sur appel de la SA TRANSAL a confirmé le jugement quant aux condamnations de DANZAS et TRANSAL au profit d'ALLIANZ VERSICHERUNG et BRUCKER BIOSPIN, l'infirmant partiellement, a déclaré les société DANZAS et CALBERSON irrecevables à demander l'application de l'article TRANSAL 133-3 du Code de commerce, a déclaré les sociétés ALLIANZ VERSICHERUNG et BRUCKER BIOSPIN irrecevables en leurs demandes contre CALBERSON ; a condamné CALBERSON et TRANSAL solidairement à garantir à DANZAS, TRANSAL à garantir CALBERSON, et à payer 15 000 € à ALLIANZ, 3 000€ à CALBERSON et 3 000 € à DANZAS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'arrêt du 1er décembre 2009 de la Cour de cassation qui a cassé partiellement l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de PARIS, seulement en ce qu'il avait condamné solidairement les sociétés DANZAS et TRANSAL à payer 263 844 € à ALLIANZ VERSICHERUNG et 500 € à BRUCKER BIOSPIN et prononcé des condamnations à garantie, au visa de l'article 1150 du Code civil et au motif que la Cour d'appel s'était déterminée par des motifs impropres à caractériser la faute lourde du transporteur, rejetant le moyen présenté par la SAS DHL HOLDING FRANCE, aux droits de DANZAS, et par CALBERSON faisant grief à l'arrêt de les avoir déclares irrecevables à demander l'application de l'article L133-3 du Code du commerce;
Vu la saisine de cette Cour par la société TRANSAL et ses conclusions du 3 décembre 2010 par lesquelles elle demande notamment à la Cour de constater que DANZAS était le voiturier final et que DHL à ses droits se prévaut de forclusion de l'article L133-3 du Code du commerce; subsidiairement dire que la compagnie ALLIANZ et BRUCKER BIOSPIN n'établissent pas que le transporteur ait commis une faute lourde ; faire application du contrat type ; limiter la responsabilité à 4 500 € ; condamner ALLIANZ et BRUCKER BIOSPIN à restitution compte tenu de l'exécution provisoire et au paiement de 10 000 € pour la procédure de première instance et 20 000 € pour la procédure d'appel ;
Vu les conclusions du 23 novembre 2010 de la SAS CALBERSON qui demande notamment à la Cour de constater qu'il a été définitivement jugé que les demandes d'ALLIANZ et BRUCKER BIOSPIN à son encontre étaient irrecevables comme prescrites; que DHL EXPRESS se prévaut de la forclusion tirée de l'article L133-3 du Code de commerce ; subsidiairement dire que la faute lourde alléguée à l'encontre du transporteur n'est pas démontrée ; limiter l'indemnité à 4 500 € en application du contrat type général; condamner TRANSAL à la garantir et réclame 12 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 28 octobre 2010 de la SAS DHL EXPRESS aux droits de DHL HOLDING anciennement DUCROS SERVICES RAPIDES aux droits de DANZAS SA qui demande à la Cour de dire l'action principale d'ALLIANZ et BRUCKER BIOSPIN éteinte à l'égard de TRANSAL et de DHL/DANZAS en application de l'article L133-3 du Code commerce ; subsidiairement dire que le transporteur n'a pas commis de faute lourde; limiter l'indemnité à 4 500 € et réclame 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les conclusions du 29 novembre 2010 des sociétés ALLIANZ VERSICHERUNG AG et BRUCKER BIOSPIN SA qui demandent à la Cour de confirmer le jugement quant aux condamnations de DHL EXPRESS aux droits de DANZAS et TRANSAL ; débouter les demanderesses à la saisine de toutes leurs demandes ; condamner DHL EXPRESS et TRANSAL in solidum à leur payer 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant sur l'application de l'article L133-3 du Code du commerce que la Cour de cassation a rejeté le moyen des sociétés DHL et CALBERSON faisant grief à l'arrêt susvisé du 5 mars 2008 de les avoir déclarées irrecevables à demander l'application de l'article L133-3 du Code du commerce au motif que la fin de non recevoir tirée de cet article ne profite par voie de conséquence au commissionnaire de transport ou au voiturier ayant sous-traité le transport que dans la mesure où l'action contre le voiturier effectif ou le transporteur sous-traitant qui exécute les opérations de transport se trouve elle-même éteinte ; qu'ayant constaté que la société TRANSAL n'avait pas opposé TRANSAL la fin DANZAS de non recevoir, la Cour d'appel en avait exactement déduit que les sociétés DANZAS et CALBERSON ne pouvaient l'opposer aux sociétés ALLIANZ et BRUCKER BIOSPIN ;
Considérant que, pour la première fois devant la Cour de renvoi, DHL EXPRESS aux droits de DANZAS soulève la fin de non recevoir en une qualité nouvelle, celle de voiturier ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de l'accident, le camion de TRANSAL a été 'réduit en épave' selon les termes d'ALLIANZ et BRUCKER BIOSPIN ; que TRANSAL n'a pas procédé à la livraison ; que c'est DHL qui a pris le relais de TRANSAL défaillante et a procédé elle-même à la dernière partie du transport et à la livraison ; qu'elle a ainsi agi en qualité de 'voiturier effectif' ; que le fait qu'elle ait eu en outre et simultanément la qualité de commissionnaire de transport ne la prive pas des droits afférents à sa qualité de voiturier ; qu'il s'en suit qu'elle est recevable à opposer, pouvant le faire en tout état de cause, la fin de non recevoir triée de l'article L133-3 du Code du commerce ;
Considérant toutefois qu'elle n'y est pas fondée ; que ce n'est que le 24 juillet 2003 que la livraison a eu lieu ; que le destinataire a apposé des réserves sur la lettre de voiture ; 'manque un colis-colis endommagés', réserves contre-signées par le chauffeur de DHL EXPRESS et donc acceptées ; que dès le 25 juillet, BRUCKER BIOSPIN adressait au Directeur régional de [Localité 11] de DHL EXPRESS une lettre recommandée AR ayant pour objet 'déclaration de sinistre' rappelant que le matériel réparti en 6 colis pour un poids total de 850 kg avait été enlevé le 17 juillet, que l'accident avait eu lieu dans la nuit du 17 au 18 juillet, se plaignant de n'en avoir pas été avisé avant le 22, indiquant que les colis endommagés avaient été livrés le 24 juillet et réclamant un avoir concernant les frais de transport ainsi que 'les frais de dédommagement couverts par votre assurance'; que la lettre a, selon le cachet de la poste de [Localité 13], été envoyée le 26 juillet ; qu'il importe peu qu'elle n'ait été présentée au destinataire que le 2 août ; que les formalités prévues par l'article L133-3 du Code du commerce ont été accomplies ;
Considérant sur la nature de la faute du transporteur TRANSAL que la Cour de cassation a déclaré que les motifs de l'arrêt précité étaient impropres à caractériser la faute lourde mais que la Cour de renvoi demeure libre d'apprécier la nature de la faute, de la qualifier et d'en tirer les conséquences ;
Considérant qu'il est constant et qu'il résulte des procès-verbaux de gendarmerie que l'accident s'est produit sur la bretelle de sortie 16 A de l'autoroute près de [Localité 10] le 17 juillet 2003 à 5 H 35, le conducteur s'étant engagé à une vitesse excessive, 110km/h selon le tachygraphe, sur la bretelle d'autoroute avant de finir la course en contrebas de la route dans les arbustes, le camion se couchant sur le côté, le conducteur étant légèrement blessé et les marchandises entièrement déversées ;
Considérant que l'excès de vitesse dans une bretelle d'autoroute était considérable et le défaut de maîtrise particulièrement grave et caractérisé ; que TRANSAL l'explique, sans que ce soit établi, par un assoupissement du chauffeur qui aurait pris la bretelle de manière involontaire ; mais que l'assoupissement ou l'inattention au volant d'un camion roulant à 110 km/h ne sont pas des justifications mais des fautes dont il faut rechercher les causes pour en apprécier la gravité;
Considérant que chauffeur s'est arrêté à [Localité 9] à 21 H selon TRANSAL, 22 H selon la déclaration du chauffeur à la gendarmerie aux termes de laquelle il avait circulé avec un autre camion le même jour entre 18 H 30 ET 22 H ; qu'ALLIANZ remarque qu'il aurait dû partir à 17 H40 et était en retard ; qu'il est reparti à 2 H40, soit après moins de 5H de sommeil alors qu'il avait déjà roulé avant de se reposer 3 H 30 ; que l'accident a eu lieu alors que le chauffeur roulait depuis près de 3 heures ; que la distance à parcourir était de 336 km ; que le camion devait arriver avant 6 H à [Localité 8], dans la banlieue de [Localité 11] ; qu'il devait parcourir 336 km en moins de 3 H20 soit plus de 100 km/h, en moyenne, ce qui est manifestement déraisonnable, même si l'essentiel du trajet se faisait sur des voies rapides; que selon TRANSAL, la consigne était un départ à 2 H15 et non 2 H40 ; que le chauffeur est parti avec 25 minutes de retard, manifestement en raison d'un repos nocturne insuffisant, résultant lui-même du retard de la veille, et a tenté de rattraper son retard, ce qu'il a fait en partie, mais n'a pu faire, en raison d'un horaire rigide, qu'avec une forte tension, mettant en péril tant la sécurité publique que celle de son camion, de la marchandise et la sienne propre ;qu'il a ainsi pris dans risques excessifs et inconsidérés, comportement au demeurant induit par le rythme stressant, ne tenant pas compte des nécessités biologiques du chauffeur, imposé par la société TRANSAL sans considération de prudence, laquelle a ainsi, elle-même et par son chauffeur, commis des fautes d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude à l'accomplissent de la mission qu'elle avait acceptée ; qu'il s'ensuit ainsi que des motifs non contraires du Tribunal que la Cour adopte expressément, quant à la caractérisation de la faute, que la limitation de responsabilité ne peut recevoir application ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations, sauf à l'encontre de la SA CALBERSON, la prescription de l'action d' ALLIANZ et BRUCKER à son encontre étant définitivement jugée ;
Considérant qu'il est équitable d'accorder à ALLIANZ et BRUCKER BIOSPIN 10 000€ supplémentaires pour leurs frais irrépétibles afférents au présent arrêt, les condamnations en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens prononcées par l'arrêt partiellement cassé n'étant pas atteintes par la cassation, de laisser aux autres parties la charge de leurs frais irrépétibles ;
Considérant qu'il y a lieu d'accorder garantie à DHL contre CALBERSON et TRANSAL, à CALBERSON contre TRANSAL, en ce qui concerne la condamnation principale et les dépens mais non en ce qui concerne les frais irrépétibles en raison de l'importance des développements infondés dans les conclusions des parties ; qu'eu égard à ces développements et au moyen infondé tiré de l'article L133-3 du Code de commerce, les dépens afférents au présent arrêt seront à la charge de DHL EXPRESS et TRANSAL ;
PAR CES MOTIFS
Dit recevable la fin de non recevoir tirée de l'article L133-3 du Code de commerce présentée par DHL EXPRESS.L'en déboute.
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé des condamnations, sauf à l'encontre de la société CALBERSON.
Condamne les sociétés CALBERSON et TRANSAL in solidum à garantir la société DHL EXPRESS des condamnations principales et aux dépens prononcées contre elle ; la société TRANSAL à garantir la société CALBERSON de la même manière.
Condamne les sociétés DHL EXPRESS et TRANSAL in solidum à payer aux sociétés ALLIANZ VERSICHERUNG AG et BRUCKER BIOSPIN unies d'intérêt la somme supplémentaire globale de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Met à la charge des sociétés DHL EXPRESS et TRANSAL les dépens d'appel afférents au présent arrêt qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT