Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 9 FEVRIER 2011
(n° 45 , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/22867
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2008
Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2006F00431
APPELANTES
S.A.R.L. DEVELOPPEMENT [S] DS
nouvelle dénomination de DEVELOPPEMENT [B] [S] - DAS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 10]
[Localité 6]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me DELMONTE Christophe, avocat au barreau de TOULON
plaidant pour la SCP INGLESE-MARIN, avocats
S.A.R.L. HFS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 10]
[Localité 6]
représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour
assistée de Me DELMONTE Christophe, avocat au barreau de TOULON
plaidant pour la SCP INGLESE-MARIN, avocats
INTIMES
Maître [G] [M] pris en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SARL SOLYROD
[Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me MARTIN Guillaume, avocat au barreau de DIJON
plaidant pour la SELARL LEGI CONSEILS BOURGOGNE
Maître [K] pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL SOLYROD
[Adresse 1]
[Adresse 9]
[Localité 7]
représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me MARTIN Guillaume, avocat au barreau de DIJON
plaidant pour la SELARL LEGI CONSEILS BOURGOGNE
Monsieur [H] [R]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me MARTIN Guillaume, avocat au barreau de DIJON
plaidant pour la SELARL LEGI CONSEILS BOURGOGNE
S.A.R.L. SOLYROD
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par la SCP DUBOSCQ - PELLERIN, avoués à la Cour
assisté de Me MARTIN Guillaume, avocat au barreau de DIJON
plaidant pour la SELARL LEGI CONSEILS BOURGOGNE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 novembre 2010 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.ROCHE, président de chambre, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
- M.LE FEVRE, président de chambre, président
- M.ROCHE, président de chambre
- M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 25 novembre 2006 par lequel le Tribunal de commerce de CRETEIL a notamment :
dit les parties demanderesses mal fondées en leur demande en nullité de la convention de sous-licence pour dol et les en a déboutées, dit la convention de sous-licence dépourvue de cause, en a prononcé la résolution, condamné solidairement les sociétés DEVELOPPEMENT [B] [S]- DAS et HFS à payer à la société SOLYROD les sommes de 167 263,53 euros et 8 934,12 euros, débouté M. [R], la société SOLYROD, Me [M], ès qualité d'administrateur judiciaire de la société SOLYROD, de leur demande d'exclusion de la société
DEVELOPPEMENT [B] [S] - DAS du capital de la société SOLYROD, dit n'y avoir lieu de prononcer la dissolution de la société SOLYROD et débouté les sociétés DEVELOPPEMENT [B] [S] - DAS et HFS de leur demande à ce titre, débouté ces dernières
de leur demande reconventionnelle de condamner la société SOLYROD à leur payer la somme de 103 811,38 euros, et les a dites mal fondées en leur demande de dommages-intérêts;
Vu l'appel interjeté par les sociétés HFS et DEVELOPPEMENT [S] DS, nouvelle dénomination de DAS, et leurs conclusions du 22 septembre 2010 auxquelles se sont jointes en qualité d'intervenant volontaires MM [D] et [U] [S] ainsi que Mme [T] [S] et tendant à faire, notamment :
- recevoir les consorts [S] en leur intervention volontaire accessoire au soutien des appelantes ;
-confirmer le jugement en ce qu'il a dit les parties demanderesses mal fondées en leur demande de nullité de la convention de sous-licence pour dol et les en a débouté et débouté M. [R], la société SOLYROD ainsi que me [M] et Me [F] de leur demande d'exclusion de la société DS du capital de la société SOLYROD,
-le réformer pour le surplus,
-dire que l'action engagée est irrecevable pour défaut de droit d'agir de la société SOLYROD en application des articles 30, 31 et 122 du Code de procédure civile, que l'action en nullité de la convention de sous-licence pour dol et pour défaut d'objet et de cause est prescrite en application des articles 1304 du Code civil et 122 du Code de procédure civile et que l'action des intimés est également prescrite en application de l'article L235-9 du Code de commerce,
-en tout état de cause, débouter purement et simplement les intimés de l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la société DS et de la société HFS, dire que les demandes tirées du vice du consentement sont infondées,
à titre reconventionnel,
-condamner solidairement la société SOLYROD et M. [R] à payer à la société DS une somme de 265 745,26 euros représentant le montant de la créance de la société DS au titre des redevances impayées déclarées au passif de la procédure de redressement judiciaire (109 322,33 euros TTC) et les redevances impayées pour exploitation de la convention de sous-licence de marque et de savoir-faire postérieurement à sa résiliation (156 422,93 euros TTC) outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
-condamner solidairement les intimés au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 15 octobre 2010 présentées par M. [R], la société SOLYROD ainsi que par Mes [M] et [K] en leur qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires de cette dernière et tendant à faire:
-déclarer irrecevable l'intervention volontaire des consorts [S] ;
à titre principal,
-prononcer la nullité de la convention de sous-licence pour dol aux torts exclusifs de la société DS,
- condamner solidairement les sociétés DS et HFS à rembourser à la société SOLYROD la somme de 167 263,53 euros TTC au titre des droits de redevances indûment perçues ; -les condamner solidairement à lui payer la somme de 8 934,12 euros en remboursement des frais de fourniture et de pose de l'enseigne,
- subsidiairement,
- constater que la société DS a manqué à ses obligations de transmission du savoir-faire et d'assistance technique et commerciale,
-prononcer la résolution de la convention de sous-licence,
-condamner la société DS à rembourser à la société SOLYROD les sommes susmentionnées de 167 263,53 euros TTC et de 8 934,12 euros,
-en tout état de cause,
- dire que la société DS a eu un comportement déloyal et contraire à l'intérêt social et ordonner, en conséquence, son exclusion de la société SOLYROD à compter de la date de la notification de la décision à intervenir et la cession forcée de ses parts sociales aux autres associés moyennant un prix fixé par expert,
-déclarer irrecevables ou en tous cas mal fondées toutes les demandes des sociétés DS et HFS et des consorts [S] et les en débouter,
- condamner solidairement les sociétés DS et HFS à payer à la société SOLYROD et à M. [R] 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
Par acte sous seing privé en date du 25 août 1998 M. [R] a conclu, pour le compte de la société SOLYROD, alors en cours de formation, avec les sociétés HFS et DAS une convention de sous-licence portant sur la transmission d'un savoir-faire concernant la fabrication artisanale de produits de boulangerie et le droit d'utilisation de la marque PETRIN RIBEIROU.
Ladite convention de sous licence fut conclue sous les conditions suspensives :
- de l'immatriculation de la société SOLYROD ;
- de l'ouverture d'un magasin dans lequel la sous-licence sera exploitée.
Ces conditions s'étant réalisées le 9 novembre 2001, la convention d'une durée de 5 ans a pris effet à cette date pour être finalement dénoncée à son échéance du 9 novembre 2006 par la société SOLYROD.
Aux termes de cet acte, en contrepartie de la mise à disposition du savoir faire, reposant selon DAS et HFS, sur un procédé secret de panification, M. [R], au nom de la société en formation SOLYROD, a versé la somme de 260 000 F HT, soit 313 560 F TTC au titre du droit d'entrée et pris l'engagement de payer une redevance égale à 13% du chiffre d'affaires HT annuel, redevance assise non seulement sur la vente des produits du concept PETRIN RIBEIROU, mais également sur la vente des produits hors concept. Il a versé en outre 1 F au titre de la concession de marque.
Par ailleurs, comme cela était demandé par l'animateur du réseau de franchise PETRIN RIBEIROU, M. [U] [S], la société SOLYROD, au capital de 23 000 euros, a été constituée avec comme associés minoritaires détenant 26% des parts (130 parts sur 500), la société DAS devenue DS (25%) et M. [B] (1%).
Ayant constaté pendant la période d'exécution de la convention ainsi conclue l'émergence d'un mouvement de dissidence au sein d'un nombre significatif de franchisés et estimant
avoir été lui-même trompé sur la réalité du savoir faire concédé, M. [R] a décidé de cesser de payer les redevances prévues et s'est, par acte du 6 mars 2006, joint à la société SOLYROD pour assigner les sociétés HFS et DS devant le Tribunal de commerce de CRETEIL en vue de faire prononcer la nullité de la convention de sous-licence ainsi que l'exclusion de la société DS du capital de la société SOLYROD.
En cours de procédure, soit le 3 octobre 2007, la société SOLYROD a été placée en redressement judiciaire, Me [M] étant désigné en qualité d'administrateur de celle-ci et Me [K] en qualité de mandataire judiciaire.
C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire des consorts [S] :
Considérant qu'aux termes de l'article 330 du Code de procédure civile : 'l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétention d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie' ;
Considérant que les consorts [S] doivent tous, en tant que détenteurs des parts sociales de la société HFS, être regardés comme ayant un intérêt à soutenir les prétention de cette dernière à laquelle avait été initialement concédé, le 31 décembre 1993, le savoir faire afférent à un procédé de fabrication d'un pain au levain 'à l'ancienne', objet du présent litige ; que, par ailleurs, [T] et [D] [S], tous deux propriétaires de la marque concédée dans le cadre
de la convention de sous-licence susmentionnée conclue le 25 août 1998, ont également, de ce fait même, intérêt à intervenir pour la conservation de leurs droits de propriété intellectuelle;
Sur le défaut de 'droit à agir' imputé à la société SOLYROD :
Considérant que si les appelantes soutiennent, tout d'abord, que la société SOLYROD serait irrecevable 'à agir contre un de ses membres qui forme sa collectivité', il convient de souligner que la présente procédure a pour objet de faire constater la nullité ou, du moins, la résolution du contrat de franchise en exécution duquel l'intéressé a versé différentes sommes au titre du droit d'entrée et des redevances ; que la circonstance que le franchiseur soit un associé minoritaire de ladite société est sans influence sur la recevabilité de son action sauf à méconnaître directement le principe d'autonomie de toute personne morale, laquelle est nécessairement distincte de ses membres ou associés ;
Considérant que si, en deuxième lieu, les appelantes prétendent qu'en tout état de cause M. [R] 'n'aurait pas qualité pour représenter la société SOLYROD en l'absence de mandat ad hoc délivré par son assemblée générale', il sera rappelé qu'en vertu des dispositions de l'article L223-18 du Code de commerce : 'dans les rapports entre associés, les pouvoirs du gérant sont déterminés par les statuts et, dans le silence de ceux-ci, par l'article L221-4. Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi ait prévu expressément aux associés' ;
Considérant que ledit article laisse ainsi aux associés le soin de fixer l'étendue des pouvoirs du gérant de la société à responsabilité limitée ; qu'en l'espèce l'article 14 des statuts de la société SOLYROD énonce : 'vis à vis des tiers, chacun des gérants peut faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société et dispose des mêmes pouvoirs que s'il était gérant unique. Dans ses rapports avec ses associés, à titre de mesure d'ordre intérieur non opposable aux tiers, il ne pourra, sans autorisation préalable de l'assemblée générale ordinaire des associés prise à la majorité des 3/4 des parts sociales :
- vendre ou acheter tous fonds de commerce ;
- concourir à la formation d'une société ou faire apport à une société où la responsabilité de la société serait indéfinie et/ou solidaire ;
- nantir le fonds de commerce de la société' ;
qu'il ressort des dispositions précitées que' sous réserve de ces trois opérations, le gérant a tous pouvoirs pour agir au nom de la société ; que notamment il a compétence pour ester en justice pour le compte de cette dernière et ce sans avoir à recueillir l'agrément préalable des associés ; que M. [R] avait, dès lors, tout pouvoir pour engager la présente instance non seulement à titre personnel, ce que ne contestent pas les appelantes, mais aussi au nom de la société considérée, laquelle est aussi recevable à agir ;
sur la prescription opposée tant à M. [R] qu'à la société SOLYROD :
Considérant que les sociétés HFS et DS soutiennent que l'action contentieuse considérée
entraîne une remise en cause de l'objet même de la société SOLYROD et doit, dès lors, être analysée comme une action en nullité du contrat de société, laquelle se prescrit dans les trois ans de la signature des statuts ; que toutefois la nullité recherchée et sollicitée du contrat de sous-licence est sans effet sur le contrat de société lui-même, engagement distinct et spécifique, créateur d'une personne morale et nécessairement autonome par rapport à une convention de franchise ; qu'au surplus l'objet social de ladite société n'était nullement limité à la seule exploitation du contrat de sous-licence mais visait, selon les statuts eux-mêmes de l'intéressée, 'toutes opérations industrielles, commerciales, financières, civiles, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou à tout objet similaire ou connexe' ; qu'ainsi, l'action aux fins de nullité du contrat de sous-licence ne saurait en aucune manière avoir pour objet ou pour effet d'entraîner la disparition de l'objet social de la société SOLYROD ;
Considérant que si les appelantes excipent également de la prescription de cinq ans de l'article 1304 du Code civil, il échet de souligner que les statuts de la société SOLYROD ont été signés le 25 mai 2001 et il est constant que l'ouverture du magasin exploité par cette dernière a eu lieu le 9 novembre suivant ; que, dans ces conditions, l'assignation délivrée le 6 mars 2006 est intervenue moins de cinq ans après l'entrée en vigueur de la convention litigieuse dont la nullité est sollicitée et dont la conclusion était précisément subordonnée, ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, à la double condition suspensive de l'immatriculation de la société et de l'ouverture du magasin ;
AU FOND,
Sur la validité du contrat de sous-licence
Considérant qu'aux termes de l'article 1131 du Code civil : 'l'obligation sans cause ou sur fausse cause ne peut avoir aucun effet' ;
Considérant que tout contrat de franchise est nul dès lors qu'il porte sur un savoir-faire dépourvu d'originalité et ne se distinguant pas des règles de l'art que le franchisé était en mesure d'acquérir par ses propres moyens ;
Considérant, en l'espèce, que la convention de sous-licence critiquée définissait le savoir-faire transmis comme 'comprenant un secret de fabrique objet de la présente convention décrit en annexe A, laquelle comprend :
- une notice explicative dudit savoir-faire, laquelle présente un caractère général, une explication chronologique des différentes phases de la fabrication du pain ;
- la description d'une journée de travail ;
- les principes de calcul du levain ;
- une explication imagée du procédé de fabrication ;
- la liste du matériel nécessaire' ;
que l'annexe A précisait à ce sujet : 'il est évident que le caractère original et donc nouveau de ce savoir-faire repose sur la suppression de certaines phases traditionnellement connues dans la boulangerie. Cette suppression sera synonyme de faibles besoins en personnel et par voie de conséquence, le moyen d'obtenir une meilleure rentabilité par rapport aux chiffres de la profession (...) Schématiquement, depuis 4 000 ans faire du pain, c'est pétrir, peser, bouler, façonner, apprêter, cuire... Notre savoir-faire c'est pétrir et cuire' ; que, par suite, l'élément essentiel et déterminant de la conclusion de l'engagement litigieux résidait, dans l'esprit des parties, dans la mise à disposition d'un savoir-faire consistant en un secret de panification permettant de produire pain et viennoiserie avec une main d'oeuvre réduite et en générant de ce fait une importante marge brute ;
Considérant, toutefois, qu'alors que le savoir-faire se doit d'être un ensemble secret, substantiel, identifié d'informations non brevetées résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci et que, selon les appelantes, l'originalité du procédé reposerait sur la suppression de certaines phases dans la confection du pain, notamment celles de pesage-divisage ainsi que le façonnage, et sur l'utilisation de la 'pousse-contrôlée', il ressort de l'examen des pièces du dossier, et notamment des énonciations des rapports réalisés par M. [J] les 22 septembre 1999 et 3 avril 2000, que ledit procédé n'est que l'adaptation des méthodes traditionnelles à fin d'assurer des gains de productivité en termes d'heures de travail et de permettre de différer la formation de la pâte et est largement connu au sein du milieu de la boulangerie ; que s'agissant plus précisément de la suppression des phases de pesage-divisage et de façonnage M. [J] n'y voit 'aucune originalité ni d'ailleurs d'avantage réel dans l'ensemble du processus de travail décrit, seule l'absence de façonnage de la bande de pâte découpée sur la plaque pourrait, en théorie s'apparenter à un gain de temps par rapport au travail communément pratiqué. C'est néanmoins un faux argument, ce morceau de pâte n'ayant pas été découpé par une machine calibrée, n'a pas été pesé et c'est donc au moment de la vente à la
clientèle qu'il faudra peser individuellement chaque baguette pour savoir à quel prix la vendre'; que par ailleurs, le même expert souligne que « depuis 1960, la conservation de la pâte grâce au froid positif, encore appelée « pousse contrôlée » est utilisée de façon généralisée par les boulangers» avant de conclure que « c'est abuser la crédulité de non professionnels de leur faire croire qu'ils achètent un secret de fabrication qui leur donnera un avantage concurrentiel décisif» ;
Considérant que le directeur de l'Institut National de la Boulangerie estime pour sa part, dans un rapport du 24 mars 2006, et après en avoir explicité les multiples raisons, que « le mode de fabrication du pain PETRIN RIBEIROU apparaît comme n'étant ni secret ni substantiel ni original » ; que si les appelantes opposent à ces arguments et rapports les observations de l'expert [I], lequel maintient que le savoir-faire concédé serait original et inconnu des concurrents, il ressort cependant de l'ensemble des autres éléments du dossier que les originalités qu'il énumère correspondent uniquement à de simples tours de main d'ores et déjà connus des professionnels et insusceptibles, à ce titre, de procurer un quelconque avantage concurrentiel décisif à leur détenteur ; qu'au demeurant, l'annexe A au contrat de sous-licence, qui a été régulièrement versée aux débats, n'est que le résumé banal d'un traité de boulangerie et n'est aucunement démonstrative de la réalité du savoir-faire allégué ; que, par ailleurs, l'inexistence dudit savoir-faire est confirmée par l'absence de toute formation technique et commerciale effective ainsi que de toute réelle assistance fournie par le franchiseur en cours d'exécution du contrat ; qu'enfin le concept marketing invoqué par les appelantes, lequel ferait partie intégrante du savoir-faire transmis et consisterait en « la préparation du pain devant le client, l'implantation dans des zones urbaines de moyennes dimensions, la présence systématique d'un parking devant la boutique, des horaires d'ouverture très souples, et l'absence d'invendus grâce au système de production » ne présente pas davantage de véritable caractère d'originalité particulière et se retrouve dans de nombreuses autres boulangeries ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'absence de toute substantialité et de tout caractère secret du ' savoir faire' litigieux prive de cause le contrat de sous-licence dont s'agit et justifie que soit prononcée la nullité de celui-ci, les parties devant être en conséquence remises en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion ; que les sociétés DS et HFS seront solidairement condamnées à payer à la société SOLYROD la somme de 167 263,53 euros correspondant au montant du droit d'entrée et des redevances versées par cette dernière, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2006, date de l'assignation, le dispositif des conclusions des intimés contenant une demande implicite de confirmation du jugement de ce chef, et celle de 8 934,12 euros au titre des frais de fourniture et de pose de l'enseigne PETRIN RIBEIROU, laquelle devra être retirée du fait de la disparition de la convention ayant lié les parties ;
Sur la demande d''expulsion' de la société DS du capital de la société SOLYROD
Considérant que les parties intimées sollicitent l'exclusion de la société DS du capital de la société SOLYROD à compter de la date de la notification de la décision à intervenir et la cession forcée de ses parts sociales aux autres associés moyennant un prix fixé par expert ;
Considérant que si, comme dit ci-dessus, la nullité du contrat de sous-licence est sans effet sur l'existence du contrat de société et la personnalité juridique de la société SOLYROD, compte tenu de la définition de la société résultant des articles 1832 et suivants du code civil, qui permet qu'une société soit constituée ou se maintienne avec un seul associé, la qualité d'associé implique la volonté de cet associé de profiter de l'économie pouvant en résulter; qu'en l'espèce, la recherche du profit économique pouvant résulter de l'exploitation de la boulangerie demeure pour la société SOLYROD, mais que la nullité du contrat de sous-licence a fait perdre, tout 'affectio societatis' à la société DS, aux termes même de son argumentation ; qu'elle n'a plus aucune volonté de profiter de l'économie pouvant résulter de l'exploitation de la boulangerie, ou autre activité de la société SOLYROD ; que ses intérêts sont entièrement opposés à ceux de cette dernière ainsi que cela résulte du présent litige et notamment des demandes reconventionnelles ; que le fait de se maintenir, en ces circonstances, dans la société, contre la volonté du ou des associés majoritaires, avec un pourcentage de 25 % lui permettant de peser sur les décisions sociales et de connaître les secrets d'affaires de l'entreprise, est étranger à toute rationalité économique et constitue une faute grave portant atteinte à l'intérêt social ;
Considérant toutefois que la Cour ne saurait prendre directement la décision d'expulsion; qu'il appartient à la société de prendre les décisions affectant le contrat de société ; que la Cour l'autorisera seulement à passer outre à l'opposition abusive de l'associé minoritaire qui peut d'ailleurs ne pas se maintenir compte tenu du présent arrêt ; qu'au surplus le droit de propriété doit être respecté ; que les parts doivent être rachetées à un prix déterminé de gré à gré ou à dire d'expert ;
Sur les prétentions reconventionnelles des sociétés appelantes :
Considérant, tout d'abord, que la convention de sous-licence ayant été ci-dessus annulée les sociétés DS et HFS ne sauraient utilement réclamer ainsi qu'elles l'avaient déjà fait en première instance le versement de redevances demeurées impayées à la date d'effet de la dénonciation dudit engagement ;
Considérant, par ailleurs, que si, en cause d'appel, les appelantes réclament également le versement des redevances impayées pour exploitation de la convention de sous-licence de marque et de savoir faire « postérieurement à sa résiliation » et si elles soutiennent à cet effet que « la société SOLYROD a toujours exploité le contrat, objet social de la société qui détermine son activité et ce même sous la gestion de l'administrateur judiciaire et sous le contrôle du mandataire judiciaire » et se serait ainsi rendue coupable d'une violation des dispositions des articles L120-1 et L121-1 du Code de la consommation, de concurrence déloyale et de contrefaçon, il échet de rappeler qu'aux termes de l'article 564 du Code de procédure civile, : « les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait » ; qu'en l'occurrence, cette demande en paiement de redevance est nouvelle pour n'avoir pas été formulée en première instance, et ne vise aucunement à faire échec à la demande aux fins de nullité ou de résolution de la convention de sous licence, seul objet initial de l'instance, et n'est pas davantage justifiée par la survenance d'un fait nouveau ; qu'elle ne pourra, dès lors, qu'être déclarée irrecevable en application de l'article précité ; qu'enfin les demandes tendant à voir constater « les abus de pouvoir de l'organe de direction de la société SOLYROD » ou « la violation des statuts » de celle-ci ne sont articulés avec aucune prétention indemnitaire présentée de ces chefs et ne peuvent, dès lors, être considérées comme des chefs de demandes contentieuses ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de dire recevable
l'intervention volontaire à l'instance des consorts [S], de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de débouter les parties du surplus de leurs prétentions respectives;
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que l'équité commande de condamner in solidum les sociétés DS et HFS à payer à M.[R] ainsi qu'à la société SOLYROD la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Dit recevable l'intervention volontaire à l'instance des consorts [S].
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité du contrat de sous-licence et rejeté la demande d''expulsion' en qualité d'associé, de la société DS.
Prononce la nullité dudit contrat pour défaut de cause, au lieu de sa résolution.
Autorise la société SOLYROD à procéder à la réduction de son capital par rachat ou annulation des parts de la société DEVELOPPEMENT [S], nonobstant toute opposition de celle-ci, en lui payant le prix déterminé de gré à gré ou à dire d'expert.
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions respectives.
Condamne in solidum les sociétés DS et HFS aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Les condamne sous la même solidarité à payer à M. [R] ainsi qu'à la société SOLYROD la somme de 5 000 euros au titre des frais hors dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT