Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 3
ARRET DU 10 FEVRIER 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/10613
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2009 rendu par le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - 6ème Chambre Cabinet 7 - RG n° 05/07796
APPELANT
Monsieur [L] [Y]
Né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 8] (21)
demeurant [Adresse 4]
[Localité 9]
représenté et assisté par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour
INTIMÉE
Madame [Z] [E]
Née le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 9] ([Localité 7])
demeurant [Adresse 12]
[Localité 10]
représentée par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour
assistée de Me Marcel FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque B275,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2011, en chambre du conseil, l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposé, en présence de M. [Y], devant Odile MONDINEU-HEDERER, présidente chargée du rapport et Laurent DUVAL, vice-président placé.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Odile MONDINEU-HEDERER, présidente
Laurent DUVAL, vice-président placé
Edith DUBREUIL, conseillère
Greffière, lors des débats : Nathalie GALVEZ
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- RENDU par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Odile MONDINEU-HEDERER, présidente et par Nathalie GALVEZ, greffière.
********
[Z] [E] et [L] [Y] se sont mariés le [Date mariage 5] 1997 sans contrat préalable. Deux enfants sont issus de cette union :
[W] née le [Date naissance 2] 1999,
[O] née le [Date naissance 1] 2002.
Par ordonnance de non-conciliation du 14 mars 2006, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande instance de Créteil a notamment :
- rappelé que l'autorité parentale était exercée en commun par les deux parents,
- fixé la résidence des enfants au domicile de la mère,
- organisé le droit de visite et d'hébergement du père,
- fixé à 1.100 euros par mois et par enfant la part contributive du père à l'entretien de chaque enfant.
Par arrêt en date du 15 mars 2007 la cour d'appel de céans a :
- dit qu'à compter du 14 mars 2006 [Z] [E] bénéficierait de la jouissance gratuite du domicile conjugal,
- fixé à 1.000 euros par mois la pension alimentaire due par [L] [Y] au titre du devoir de secours,
- fixé à 800 euros par mois et par enfant la part contributive de [L] [Y] à leur entretien,
- condamné [L] [Y] à verser à [Z] [E] la somme de 2.000 euros pour frais d'instance,
- confirmé les autres mesures,
et par arrêt rectificatif du 7 juin 2007
- mis à la charge de [L] [Y] les dépens d'appel.
[Z] [E] à assigné son époux en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.
Par jugement contradictoire dont appel rendu le 21 janvier 2009, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Créteil a notamment:
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs du mari, avec ses conséquences de droit,
- condamné [L] [Y] à verser à [Z] [E] une prestation compensatoire de 36.000 euros,
- rappelé que l'exercice de l'autorité parentale sur les enfants était conjointe entre les deux parents,
- fixé la résidence des enfants chez la mère, et organisé de manière classique le droit de visite et d'hébergement du père,
- fixé à la somme de 600 euros par mois et par enfant la part contributive du père à leur entretien, avec indexation,
- condamné [L] [Y] aux dépens et à verser à [Z] [E] une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
[L] [Y] a interjeté appel de cette décision le 6 mai 2009.
Les enfants mineurs capables de discernement ont été informé de leur droit à être entendu mais n'ont pas fait de demande en ce sens.
Vu les dernières conclusions des parties, auxquelles la cour se réfère, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, en date des 13 décembre 2010 pour l'appelant et 23 novembre 2009 pour l'intimé, qui demandent à la cour:
[L] [Y] :
- infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau
à titre principal
- vu les dispositions des articles 257-2 du code civil et 1115 du code de procédure civile déclarer [Z] [E] irrecevable en ses demandes,
subsidiairement
- débouter [Z] [E] de sa demande de prestation compensatoire,
- le recevoir en ses demandes,
- prononcer le divorce aux torts partagés des époux,
- condamner [Z] [E] à lui verser la somme de 80.000 euros à titre de prestation compensatoire,
- la condamner au paiement de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral, et 180.000 euros à titre de préjudice matériel,
- ne pas homologuer le rapport de maître [U] notaire,
- lui donner acte de se qu'il s'oppose à la demande d'attribution préférentielle formée par [Z] [E],
- dire que la jouissance du domicile conjugal sera à titre onéreux et fixer à 550 euros l'indemnité d'occupation due par [Z] [E] à compter du 14 mars 2006,
- confirmer les mesures concernant l'exercice de l'autorité parentale sur les enfants, leur résidence habituelle et l'organisation du droit de visite et d'hébergement ,
- fixer à la somme de 300 euros par mois et par enfant la part contributive du père à leur entretien,
- condamner [Z] [E] à payer l'ensemble des taxes de l'appartement qu'elle occupe,
- lui accorder 5.000 euros pour frais d'instance,
- condamner [Z] [E] aux dépens et à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
[Z] [E] :
- déclarer [L] [Y] irrecevable et mal fondé en son appel le débouter de l'intégralité de ses demandes,
- vu les arrêts de la cour d'appel de Paris des 15 mars 2007 et 7 juin 2007,
- confirmer le jugement déféré,
- prononcer le divorce aux torts exclusifs du mari,
- confier les enfants à la mère,
- l'autoriser à conserver l'usage du nom marital,
infirmer la décision pour le surplus et statuant à nouveau
- lui donner acte de se qu'elle sollicite l'attribution préférentielle du domicile conjugal,
- condamner [L] [Y] à lui verser une prestation compensatoire sous la forme de l'abandon des droits de [L] [Y] sur le domicile conjugal situé à [Adresse 12], évalué à la somme de 182.500 euros et à titre subsidiaire une prestation compensatoire sous forme d'une rente viagère indexée de 2000 euros par mois ou le capital de 182.500 euros et en tout état de cause
- condamner [L] [Y] au paiement de 100.000 euros sur le fondement de l'article 266 du code civil,
- confirmer les droits de visite du père tels qu'organisés par l'ordonnance de non conciliation,
- condamner [L] [Y] à lui verser une provision ad litem de 10.000 euros ,
- le condamner aux dépens et au versement de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 décembre 2010 ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ,
Sur la procédure
Considérant que [L] [Y] invoque les dispositions de l'article 257-2 du code civil, que cependant c'est par une juste appréciation des dispositions de l'article 1115 du code de procédure civile que le premier juge a retenu que l'exeption soulevée ne figurait pas dans les premières écritures de [L] [Y] qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que [Z] [E] n'articule aucun moyen d'irrecevabilité ; que l'appel est régulier en la forme et formé dans le délai légal et donc recevable ;
Considérant que bien que l'appel soit général, les parties ne remettent pas en cause les dispositions du jugement relatives à l'exercice en commun de l'autorité parentale, la résidence habituelle des enfants chez la mère et l'organisation du droit de visite et d'hébergement du père, lesquelles, reposant sur une analyse pertinente du premier juge au vu des documents probants produits, doivent être confirmées ;
Sur le divorce
Considérant qu'en application de l'article 242 du code civil, il appartient à chaque époux qui sollicite le divorce de prouver les faits imputables à l'autre qui constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérables le maintien de la vie commune ;
Considérant que [Z] [E] reproche à son mari d'être égoïste et d'avoir abandonné le domicile conjugal pendant toute l'année 2005, de s'être désinterressé de l'éducation et de l'entretien des enfants et de s'être constitué un important patrimoine personnel; que pour sa part [L] [Y] accuse son épouse de n'avoir institué aucune communication entre eux, en refusant dès l'été 2004 de prendre des vacances avec lui et les enfants et en quittant régulièrement lors de ses retours au domicile conjugal celui-ci pour passer la fin de semaine de son côté dans un lieu inconnu de l'époux ; que chacun des époux conteste les griefs allégués par l'autre ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites par les parties et en particulier des attestations précises et concordantes présentées par [Z] [E] et des nombreux mail échangés entre les époux et non contestés par l'épouse que la situation conjugale s'est fortement dégradée au cours de l'été 2004 et plus particulièrement dans l'année 2005, [L] [Y] exerçant sa profession d'avocat à Londres sans l'accord explicite de son épouse, et [Z] [E] se refusant à être présente lors de ses retours durant les fins de semaines au domicile conjugal, chacun d'eux instituant ainsi des relations conflictuelles, agressives et déloyales l'un envers l'autre ;
Considérant qu'en conséquence, nonobstant les griefs soit non démontrés soit non pertinents, sont ainsi établis, à l'encontre de chaque époux, des faits qui ne s'excusent pas entre eux, constituant une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et justifiant le prononcé du divorce à leurs torts partagés, qu'en conséquence le jugement déféré sera infirmé sur ce point ;
Sur la prestation compensatoire
Considérant que le divorce met fin au devoir de secours mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible ;
Considérant que, dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération, notamment, l'âge et l'état de santé des époux, la durée du mariage, le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants, leur qualification et leur situation professionnelle au regard du marché du travail, leur situation respective en matière de pension de retraite et leur patrimoine tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial ;
Considérant que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera,; que c'est seulement à titre exceptionnel, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, qu'une rente viagère peut être accordée ;
Considérant que le mariage a duré 14 années à ce jour et la vie commune 8 ans ; que les époux sont âgés respectivement de 39 ans ; qu'ils ont eu deux enfants ; qu'ils ne font état d'aucun problème de santé ; qu'ils ont produit leur déclaration sur l'honneur ; qu'ils ont durant la vie commune tous deux perçu des revenus de leur travail et que leur qualification est sensiblement identique ;
Considérant que le patrimoine commun se compose du bien immobilier ayant constitué le domicile conjugal situé à [Localité 10], et de différents comptes, notamment de retraite ou d'épargne, dont le solde sera positif en considération du passif à acquitter et qui a vocation à être partagé entre les époux ;
Considérant que [L] [Y], qui exerce la profession de juriste à la direction juridique et fiscale de la caisse des dépôts et consignations, perçoit une rémunération de l'ordre de 6.000 euros par mois (contrat de travail du 20 mai 2007) ; que [Z] [E] est employée en qualité de chef de service par les Editions Gallimard et perçoit une rémunération de l'ordre de 4.400 euros par mois (bulletin de salaire de décembre 2009) ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments c'est par une juste appréciation du temps consacré par [Z] [E] à l'éducation des enfants et de la différence de revenus perçu par les époux au cours de la vie commune que le premier juge a fixé à un capital de 36 000 euros la prestation compensatoire que [L] [Y] devrait verser à [Z] [E] en compensation de la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux et a rejeté toutes autres demandes sur ce point;
Considérant que ni [L] [Y] ni [Z] [E] n'apporte devant la cour d'éléments nouveaux de nature à remettre en cause ces chefs de décision qui seront en conséquence confirmées ;
Sur le nom
Considérant qu'aux termes de l'article 264 du code civil, à la suite du divorce, chaque époux perd l'usage du nom de son conjoint mais peut le conserver soit avec l'accord de celui-ci, soit avec l'autorisation du juge, s'il justifie qu'un intérêt particulier s'y attache pour lui ou pour les enfants ; qu'il résulte des conclusions de [L] [Y] qu'il a donné à [Z] [E] son accord sur ce point; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
Sur les dommages-intérêts
Considérant que sur le fondement de l'article 266 du Code civil, lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci peut être condamné à des dommages-intérêts en raison du préjudice matériel et moral que la dissolution du mariage fait subir à son conjoint ; que l'époux, dont le divorce est prononcé aux torts partagés et qui a subi, du fait fautif de son conjoint, un préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage, peut en obtenir réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Considérant que le divorce étant prononcé aux torts partagés, les demandes de dommages-intérêts ne peuvent prospérer sur le fondement de l'article 266 du code civil ;
Considérant que [Z] [E] et [L] [Y] ne démontrent pas que les fautes commises par leur conjoint aient été source pour eux d'un préjudice particulier distinct de celui résultant de la dissolution du mariage ; que leurs demandes à titre de dommages-intérêts seront rejetées et la décision déférée confirmée de ce chef ;
Sur l'attribution préférentielle
Considérant que chacun des conjoints peut demander l'attribution préférentielle du local qui a servi effectivement d'habitation à la famille le jour de la demande en divorce ;
Considérant que cette attribution n'est jamais de droit en matière de divorce ; que la cour statuant en appel de la décision du magistrat conciliateur a accordé à [Z] [E] la jouissance gratuite de la résidence de la famille constituée par un appartement situé à [Localité 11] ; que cependant les parties sont éloignées en ce qui concerne l'évaluation du bien ; qu'il convient, en conséquence, de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de [Z] [E] sur ce point ;
Sur la demande de provision ad litem
Considérant que la cour de céans a accordé à [Z] [E] une somme de 2.000 euros par arrêt du 15 mars 2007 à titre de provision pour frais d'instance, que c'est par une juste appréciation du droit que les demandes présentées de ce chef par les parties devant le premier juge statuant sur le fond du divorce ont été écartées qu'il en est de même devant la cour et qu'il convient en conséquence de confirmer sur ce point la décision déférée ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Considérant que l'équité commande, compte tenu de la nature familiale du conflit, de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles et les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel, les dépens de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement entrepris uniquement sur les causes du divorce et statuant à nouveau de ce seul chef
Dit que le divorce des époux [G] est prononcé à leurs torts partagés,
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Rejette toute autre demande,
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE