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24/02/2011 | FRANCE | N°08/07599

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 24 février 2011, 08/07599


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 24 Fevrier 2011



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/07599



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/14785





APPELANT



Monsieur [J] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté par Me Chantal BODI

N-CASALIS, avoué à la Cour

assisté de me Nicolas BERNARD , avocat au barreau de Paris, K 49



INTIMÉE



S.A. LA BANQUE POSTALE pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 24 Fevrier 2011

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/07599

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/14785

APPELANT

Monsieur [J] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Chantal BODIN-CASALIS, avoué à la Cour

assisté de me Nicolas BERNARD , avocat au barreau de Paris, K 49

INTIMÉE

S.A. LA BANQUE POSTALE pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour

assistée de Me Sandrine DOREL, avocat au barreau de Paris , toque : G661

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Claude APELLE, Président

Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller

Madame Françoise CHANDELON, Conseiller

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère au lieu et place de Madame Marie-Claude APELLE, Présidente empêchée, et par Mme Marie-Claude GOUGE, Greffier auquel la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Par courrier du 3 décembre 2004, La Banque Postale a informé Monsieur [J] [Z], de la signification, le 1er décembre 2004, par le Trésor Public de [Localité 4] d'un avis à tiers détenteur pour un montant de 4.733 euros.

L'avis à tiers détenteur a eu pour conséquence de rendre les sommes se trouvant alors sur son compte courant postal et son livret A indisponibles pendant un délai de 15 jours ouvrables.

Le 7 décembre 2004, Monsieur [J] [Z] a procédé au règlement des sommes réclamées, incluant une pénalité de 10%, bien que contestant le bien fondé de l'avis à tiers détenteur, et a obtenu la mainlevée de celui-ci auprès de l'administration fiscale qui en a informé La Poste, par télécopie, le jour même.

Les sommes ont à nouveau été rendues disponibles le 10 décembre 2004 pour le livret A et le 14 décembre 2004 pour le compte courant.

Se plaignant de ce que ces délais d'indisponibilité des sommes sur ses comptes l'ont contraint à annuler une mission de conseil qu'il devait, de longue date, effectuer au Liban, et qui devait être suivie de cinq autres missions, en tant qu'expert technique spécialisé dans l'équipement hospitalier, par acte d'huissier du 13 octobre 2006, Monsieur [J] [Z] a fait assigner la société anonyme La Banque Postale, venant aux droits de La Poste, en indemnisation de ses préjudices matériel et moral du fait des fautes commises par la banque, devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 6 février 2008, a:

-dit que La Banque Postale a failli à son obligation de diligence en tardant à lever l'indisponibilité des comptes de Monsieur [Z],

-débouté Monsieur [Z] de ses demandes en dommages-intérêts,

-condamné la défenderesse à payer à Monsieur [Z] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la défenderesse à supporter la charge des dépens.

Suivant déclaration du 15 avril 2008, Monsieur [J] [Z] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures signifiées le 10 juillet 2008, Monsieur [J] [Z] a conclu au bien fondé de ses demandes, à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu à l'encontre de La Banque Postale venant aux droits de l'établissement public national La Poste un défaut de diligence pour avoir tardé à lever l'indisponibilité de ses comptes et tout particulièrement de son compte courant, en ce qu'il condamné La Banque Postale à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à l'infirmation de l'ensemble des autres dispositions du jugement, à la condamnation de la société La Banque Postale, venant aux droits de La Poste, à lui verser la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant comme suit: 5.000 euros au titre de l'indemnisation de la perte des rémunérations concernant sa vacation prévue au Liban du 8 au 21 décembre 2004, 50.000 euros au titre de l'indemnisation de la perte de chance quasi certaine d'effectuer dans les cinq années à venir des vacations d'ores et déjà budgétées par la société Quintiles, 5.000 euros au titre de l'indemnisation de la perte de chance quasi certaine de gérer ponctuellement des dossiers en qualité de 'Senior Technical Advisor' pour le compte de la société Quintiles, 5.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral, 5.000 euros au titre de l'indemnisation du pretium doloris et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, en toute hypothèse, à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 19 février 2010, la société anonyme La Banque Postale, venant aux droits de La Poste, a sollicité, formant appel incident, que Monsieur [Z] soit dit mal fondé en son appel, l'infirmation du jugement, en ce qu'il a cru devoir retenir à sa charge un manquement de La Poste à son obligation de diligence, qu'elle soit déchargée de toute condamnation, la condamnation de Monsieur [Z] à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 septembre 2010.

****

Considérant que Monsieur [J] [Z] fait grief au jugement de l'avoir, tout en reconnaissant l'existence de fautes contractuelles commises par les services financiers de La Poste, débouté de ses demandes tendant à l'indemnisation de ses préjudices dus aux fautes contractuelles de La Poste, alors que cette dernière aurait manqué à son obligation générale de prudence et de diligence en ne rétablissant pas la disponibilité de ses comptes dès réception de la télécopie de mainlevée adressée par le Trésor Public le 7 décembre 2004 en début d'après-midi, ou, à tout le moins, à la première heure le 8 décembre 2004, alors que la seule justification de ce retard serait la lenteur de la banque dans le traitement comptable et non le caractère prétendument équivoque de la mainlevée, alors que la banque aurait manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant de lui dispenser des informations et des conseils utiles et nécessaires eu égard à sa situation, et que la banque aurait encore failli à son devoir d'information en s'abstenant de l'informer dès le 1er décembre 2004 par téléphone de la réception de l'ATD, ce qui lui aurait permis de disposer d'un délai plus long pour régulariser l'incident, alors que, du fait des manquements de la banque, il aurait été contraint d'annuler au dernier moment sa mission d'expertise au Liban, faute de disposer de moyens de paiement, que l'annulation de cette mission lui aurait causé un important préjudice financier, un préjudice moral, cette situation l'ayant plongé dans une profonde dépression dont les conséquences devront également être indemnisées;

Considérant que la société anonyme La Banque Postale fait valoir que La Poste n'aurait commis aucun manquement à son obligation de diligence, que l'avis à tiers détenteur n'aurait pas entraîné l'indisponibilité des comptes mais uniquement celle de la provision disponible sur le compte à vue et sur le livret A, que le délai de déblocage serait dû au caractère équivoque de la mainlevée, que Monsieur [Z] ne rapporterait pas la preuve d'un préjudice occasionné par le très bref décalage entre l'émission de la télécopie imparfaite et équivoque de l'administration fiscale et le rétablissement des avoirs sur les deux comptes, qu'elle n'a nullement manqué à ses obligations de conseil et d'information, qu'elle n'est tenue à aucune obligation de conseil en matière de compte de dépôt, que Monsieur [Z] disposait du service AUDIPOSET qui lui permettait de consulter à distance toutes informations relatives au fonctionnement de son compte, qu'en qualité de tiers saisi elle n'était nullement tenue de l'informer par téléphone et que Monsieur [Z] avait nécessairement reçu de l'administration fiscale une notification de l'avis à tiers détenteur ainsi qu'une mise en demeure préalable, que Monsieur [Z] ne rapporte nullement la preuve de la réalité de sa mission au Liban, qu'il disposait d'un découvert autorisé de 1.600 euros, que le total de ses avoirs sur ses comptes à La Poste lui aurait permis de mobiliser les sommes suffisantes pour son voyage et qu'il disposait d'une carte Visa international utilisable sans problème à l'étranger;

Considérant que, dans sa lettre du 3 décembre 2004, La Poste a informé Monsieur [Z] de ce qu'en raison de la signification d'un avis à tiers détenteur par la trésorerie de St Ouen pour un montant de 4.733 euros, elle rendait indisponible jusqu'au 21 décembre 2004 la totalité du solde figurant sur ses comptes soit 7.168,46 euros pour le compte courant et 17.779,48 euros pour le livret A, qu'au delà de ce délai les sommes supérieures à l'avis lui seront reversées et que les sommes égales ou inférieures à l'avis demeureront bloquées jusqu'au paiement de celui-ci dans un délai de deux mois ou jusqu'à la mainlevée ordonnée par le comptable; qu'elle précisait dans cette même lettre qu'il pouvait, soit contacter le comptable afin d'obtenir une éventuelle mainlevée, soit autoriser La Poste à régler immédiatement le comptable, soit demander à La Poste de laisser à sa disposition une somme dans le cadre du solde bancaire insaisissable;

Considérant qu'il est établi par la lettre du 2 septembre 2004 de la société Quintiles qu'une vacation d'expertise technique a été confiée par cette société à Monsieur [J] [Z] à Beyrouth, au Liban, avec présentation du projet sur place au plus tard dans la première quinzaine de décembre 2004, et que les frais de voyage à Beyrouth seront à la charge de la société ainsi que les frais de séjour dont il sera défrayé sur présentation des justificatifs correspondant à son retour;

Considérant que, par lettre du 27 janvier 2005, La Poste, en réponse à une demande d'explications de la part de Monsieur [Z], lui a confirmé qu'en cas d'avis à tiers détenteur sont rendues indisponibles les sommes figurant sur le compte bancaire ainsi que les sommes figurant sur tous autres comptes du débiteur qui représentent des sommes d'argent et qu'en conséquence a été bloquée une somme de 24.947,94 euros;

Considérant que, dans ce même courrier, La Poste a reconnu qu'elle a reçu, le 7 décembre 2004, par fax, un document de la Trésorerie de St Ouen mentionnant une main levée totale; qu'elle a indiqué qu'à réception de ce document, elle a procédé à la restitution des sommes bloquées, qu'elle a rendu disponibles les sommes saisies, les 10 décembre 2004 pour le livret A et 14 décembre 2004 pour le compte courant et que les délais de restitution sont dus aux délais de traitement comptable des opérations financières;

Considérant que, par lettre du 10 décembre 2004 ayant pour objet l'annulation du projet de vacations d'expertise technique pour le Moyen Orient, la société Quintiles a écrit à Monsieur [Z] en notant que tous les rendez-vous sur place étant organisés de longue date, il l'a mise dans le plus grand embarras par son désistement de dernière minute concernant la mission technique exploratoire qui devait se dérouler à Beyrouth du 8 au 22 décembre 2004 et dans laquelle il avait un rôle essentiel en tant qu'expert;

Considérant qu'il est donc établi par ces documents que Monsieur [Z] devait se rendre à Beyrouth pour une mission d'expertise se déroulant du 8 décembre au 22 décembre 2004, qu'il a été empêché de s'y rendre en raison de l'indisponibilité de la totalité des sommes se trouvant sur ses comptes courant et livret A à La Poste du fait de l'avis à tiers détenteur du 1er décembre 2004, reçu par La Poste le 3 décembre suivant, les frais qu'il devait engager pour sa mission au Liban, bien qu'étant pris en charge par la société Quintiles, ne lui étant remboursés qu'à son retour de mission; que, toutefois, dès le 7 décembre 2004, soit antérieurement au départ de Monsieur [Z], La Poste avait reçu de la Trésorerie de St Ouen un document faxé suffisamment précis et mentionnant la mainlevée totale de l'avis à tiers détenteur, et qu'elle a précisé dans sa lettre du 27 janvier 2005 qu'à réception de ce document elle a procédé à la restitution des sommes bloquées; qu'il s'ensuit que, dès le 7 décembre 2004, soit avant son départ, Monsieur [Z] aurait dû être en possession de ses comptes disponibles, ce qui n'a pas été le cas puisque La Poste, dans sa lettre du 27 janvier 2005, admet qu'elle n'a rendu disponibles les sommes saisies que le 10 décembre 2004 pour le Livret A et le 14 décembre 2004 pour le compte courant, soit postérieurement à la date du départ fixé pour le séjour au Liban de Monsieur [Z] qui était dans l'obligation de pourvoir au paiement de ses frais sur place;

Considérant que, dans ces circonstances, la faute de La Poste, consistant en l'absence de mise à disposition des fonds le 7 décembre 2004, sans que soit expliquée la nécessité d'un délai supplémentaire pour le traitement comptable des opérations financières, est démontrée, ainsi que le lien direct de cause à effet entre cette faute et l'annulation précipitée du départ de Monsieur [Z], et de son séjour professionnel prévu du 8 décembre au 22 décembre 2004;

Considérant qu'il est résulté de cette faute un préjudice pour Monsieur [Z] consistant en la perte d'une rémunération d'ores et déjà acquise pour la mission annulée du 8 au 22 décembre 2004, qui doit être évaluée à la somme de 5.000 euros au regard des termes de la lettre du 2 septembre 2004, en une perte de chance de bénéficier des vacations d'expertise technique déjà budgetées à hauteur de 10.000 euros l'année, pour les cinq prochaines années, ainsi qu'il ressort de cette même lettre, que la Cour évalue à la somme de 30.000 euros, en des soucis et tracas divers que la Cour évalue à la somme de 5.000 euros;

Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur [Z] une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les dispositions du jugement relatives à cet article étant confirmées;

Considérant que la société Banque Postale, qui succombe en ses prétentions, doit supporter les dépens d'appel, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Réforme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [Z] de ses demandes en dommages et intérêts.

Le confirme pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant

Condamne la société anonyme La Banque Postale à payer à Monsieur [J] [Z]:

-la somme de 5.000 euros au titre de l'indemnisation de la perte de rémunération,

-la somme de 30.000 euros au titre de la perte de chance de bénéficier de vacations d'expertise technique,

-la somme de 5.000 euros pour soucis et tracas divers.

Condamne la société anonyme La Banque Postale à payer à Monsieur [J] [Z] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Rejette toutes autres demandes.

Condamne la société La Banque Postale aux dépens d'appel qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par Maître Bodin Casalis, avoué.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 08/07599
Date de la décision : 24/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°08/07599 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-24;08.07599 ?
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