Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 24 FEVRIER 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/14543
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007045632
APPELANTE
S.A.S LAVAZZA FRANCE
ayant son siège : [Adresse 4]
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Bénédicte de GAUDRIC, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, plaidant pour la SELARL de GAUDRIC,
INTIMES
Maître [B] [S] en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société CVR CAFE
demeurant : [Adresse 2]
représenté par la SCP BLIN, avoués à la Cour, dépôt du dossier,
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral de Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
L'EURL CVR Café exploite un fonds de commerce de bar, brasserie sous l'enseigne 'Hirondelle Café' situé [Adresse 3].
Le 1er juin 2004 elle a passé avec la société Lavazza France une convention d'approvisionnement, aux termes de laquelle la première s'est engagée à acheter 4.500 kilos de café sur cinq années, soit 18 kilos par semaine, et la seconde lui a remis une somme de 9.368,27 € TTC en contrepartie de la promotion de ses produits.
Le 21 décembre 2004, la société CVR Café a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire rendu par le tribunal de commerce de Paris et la société Lavazza France a déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers. Par courrier du 28 février 2005, Maître [R], en qualité d'administrateur judiciaire de la société CVR Café a fait part à la société Lavazza France de la poursuite du contrat d'approvisionnement dans le cadre du redressement judiciaire ; après avoir livré les marchandises, celle-ci a émis 10 factures sur la période du 23 décembre 2005 au 17 mars 2006 pour un montant de 3.575,63 €, qui a été réglé en six mensualités, conformément à une ordonnance de référé du 20 décembre 2006.
Reprochant à la société CVR Café un non respect de son engagement d'achat, la société Lavazza France l'a fait assigner, aux côtés de Maître [R] ès qualités, par acte du 3 juillet 2007 devant le tribunal de commerce de Paris, lequel par jugement du 14 mai 2008 a débouté la société Lavazza France de toutes ses demandes.
Puis selon jugement du 30 septembre 2008, la société CVR Café a été placée en liquidation judiciaire et Maître [S] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société CVR Café.
Par conclusions récapitulatives du 23 décembre 2010, la société LAVAZZA France, appelante, demande à titre principal la nullité du jugement entrepris, au premier motif que le tribunal a retenu les conclusions écrites de ses adversaires en date du 31 octobre 2007 alors que s'agissant d'une procédure orale ,ceux-ci n'étaient ni présents à l'audience ni représentés, au second motif, que le tribunal a retenu l'argumentation de Maître [R], ès qualités, selon laquelle il ne représente plus la société CVR Café redevenue in bonis du fait du jugement de continuation, la présente procédure ayant été engagée après l'homologation du plan de continuation de sorte qu'il doit être mis hors de cause, alors que Maître [R], ès qualités, n'était ni présent ni représenté à l'audience et au troisième motif que les premiers juges ont soulevé d'office un moyen sans l'avoir soumis à la discussion.
Elle estime son appel recevable, contrairement aux allégations de Maître [S] ès qualités, lequel en première instance n'a pas soulevé l'irrecevabilité de sa mise en cause. Elle soutient que le plan de continuation a été résolu par jugement du 30 septembre 2008 alors que l'appel est en date de juillet 2008. Elle prétend que le jugement a été signifié à la fois à la société CVR Café par l'intermédiaire d'un employé et à l'administrateur judiciaire.
A défaut, elle poursuit l'infirmation du jugement. Elle considère que sa créance est une créance privilégiée relevant des dispositions de l'article L 621-32 du code de commerce. Elle sollicite en conséquence la condamnation de la société CVR Café et de Maître [S] en qualité de liquidateur à lui verser :
- à titre de provision, la somme de 6.755,06 € TTC avec intérêts au taux pratiqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente , majoré de 7 points de pourcentage, soit 10 % à compter du lendemain de la date d'échéance figurant sur chacune des factures, en application des dispositions de l'article L 441-6 alinéa 3 du code de commerce - les sommes de 1.500 € pour résistance abusive et de 4.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 24 novembre 2010, Maître [S] intervenant volontaire en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société CVR Café, intimé formant appel incident, soulève l'irrecevabilité de l'appel de son adversaire dirigé à son encontre alors que la société CVR Café était redevenue in bonis, ainsi qu'il ressort du jugement du 14 mai 2008 et qu'il n'avait par conséquent aucune qualité pour représenter cette société ayant un droit propre. Il fait également valoir que la société Lavazza ne produit pas l'acte introductif d'instance qu'elle aurait fait délivrer à l'encontre de la société CVR Café, et qu'en conséquence la preuve n'est pas apportée que cette société a été assignée régulièrement en première instance. Il souhaite la nullité de l'acte introductif d'instance faute d'avoir été délivré régulièrement à l'égard de la société CVR Café ainsi que la nullité de la procédure subséquente.
A titre subsidiaire, il demande qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte à justice sur la demande adverse au fond. Il réclame l'allocation d'une indemnité de 1.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité de l'appel
Considérant que Maître [R], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société CVR Café, soulève l'irrecevabilité de l'appel au motif qu'il a été dirigé à son encontre alors que la société CVR Café était redevenue in bonis du fait du jugement de continuation du 4 octobre 2006 ;
Mais considérant qu'il ressort de la déclaration d'appel du 18 juillet 2008 que la société Lavazza a fait appel tant à l'encontre de la société CVR Café, prise en la personne de ses représentants légaux qu'à l'endroit de Maître [R] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société CVR Café ;
Que la société Lavazza a donc bien dirigé son appel à l'encontre de cette dernière société, redevenue in bonis ; que ce moyen est inopérant ;
Sur la nullité de l'acte introductif d'instance et de la procédure subséquente
Considérant que Maître [R], ès qualités, oppose la nullité de l'acte introductif d'instance dès lors que la société CVR Café n'a pas été régulièrement assignée en première instance puisqu'elle se trouvait alors in bonis et ne pouvait être représentée par lui ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que la société Lavazza a fait assigner par deux actes du 3 juillet 2007 tant la société CVR Café à son siège social [Adresse 3] et à la personne de M.[V], employé se déclarant habilité à recevoir l'acte, que Maître [R] à son adresse professionnelle [Adresse 1] en sa qualité d'administrateur judiciaire et à la personne de Mme [T], secrétaire ayant accepté de recevoir la copie ;
Que cette argumentation ne saurait donc être retenue ;
Sur la nullité du jugement du 14 mai 2008
Considérant que la société Lavazza invoque la nullité du jugement du 14 mai 2008 au premier motif que le tribunal y a évoqué la teneur des conclusions écrites de ses adversaires, bien que, s'agissant d'une procédure orale, ils n'étaient ni présents ni représentés et au second motif que les juges ont soulevé d'office un moyen non soumis à la discussion ;
Mais considérant que de la seule lecture du jugement rendu contradictoirement, il apparaît que les deux défendeurs ,assistés de Maître Laskier avocat, ont comparu par la Sep Sevellec, Cresson, Ruelle avocats associés; qu'en application des dispositions de l'article 457 du code de procédure civile cette décision a la force probante d'un acte authentique ;
Que par ailleurs les premiers juges n'ont fait qu'une application de l'article 9 du code de procédure civile, en retenant que la société Lavazza n'apportait pas la preuve de ses demandes ;
Que le jugement du 14 mai 2008 ne saurait encourir de nullité ;
Sur le fond
Considérant qu'aux termes du contrat d'approvisionnement du 7 juin 2004, il a été convenu :
- à l'article 3 que le client s'engage à acheter les produits Lavazza du 1er juin 2004 au 31 mai 2009 correspondant à 4.500 kilos de café pendant la durée de la convention, soit 18 kilos par semaine, que l'ensemble des ventes réalisées par Lavazza ne pourra être inférieur à 4.500 kilos de café Lavazza de la gamme Prémium,
- à l'article 4 qu'en cas de résiliation de la convention ou dans le cas où les quantités seraient inférieures au minimum fixé à l'article 3, la société Lavazza facturera la valeur non amortie à raison de X euros HT du kilo de café restant à fournir au jour de la résiliation, que la somme à régler à la société Lavazza sera calculée sur la base de 1,74 € HT par kilo de café restant à fournir au titre des dispositions de l'article 3, au jour de la résiliation ;
Que si Maître [R] a sollicité le 28 février 2005 la poursuite du contrat d'approvisionnement dans le cadre du redressement judiciaire de la société CVR Café, il se contente dans ses dernières écritures de s'en rapporter à justice sur les prétentions de son adversaire, sans développer aucun moyen, et, ne conteste pas qu'à compter du mois de mars 2006 la société CVR Café a cessé de s'approvisionner de sorte qu'au 19 avril 2006 les achats de café ne s'élevaient qu'à 1.254 kilos ; que deux mises en demeure de payer avec accusés de réception en date des 19 avril et 9 novembre 2006 adressées à la société CVR Café sont demeurées vaines ;
Qu'il s'ensuit que celle-ci n'ayant pas respecté son engagement d'acheter 4.500 kilos restait donc devoir 3.246 kilos, au coût du kilo de 1,74 € HT, soit 2,081 € TTC, d'où un montant restant dû de 6.754,92 € TTC ;
Qu'il n'y a pas lieu d' ajouter à cette somme des intérêts au taux pratiqué par la banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage , soit 10 % à compter du lendemain de la date d'échéance figurant sur chaque facture en application des dispositions de l'article L 441-6 alinéa 3 du code de commerce, faute pour la société Lavazza de justifier de la communication à son acheteur de son barème de prix et de ses conditions de vente faisant mention dudit taux ;
Qu'il n'est pas contestable que cette créance de 6.754,92 € de la société Lavazza née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective devait, en application de l'article L 621- 32 du code de commerce paragraphe 1, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juin 1994 applicable à l'espèce ( article 40 de l'ancienne loi du 25 janvier 1985) être payée à son échéance si l'activité s'était poursuivie ; que la société CVR Café ayant été mise en liquidation judiciaire, cette créance conformément à l'article précité en son paragraphe 2 sera payée par priorité à toutes les autres créances, à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L 143-10, L 143-11, L 742-6 et L 751-15 du code du travail, des frais de justice, de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d'un droit de rétention ou constituées en application du chapitre V du titre II du livre V, ainsi que l'admet le mandataire judiciaire ;
Considérant qu'il ne saurait être alloué à la société Lavazza des dommages et intérêts pour procédure abusive, la défense en justice de ses intérêts légitimes constituant un droit qui pour l'intimé n'a pas dégénéré en abus ;
Considérant qu'aucune circonstance d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en faveur de la société Lavazza ; qu'il ne saurait être fait droit à la demande de Maître [S], ès qualités, sur ce même fondement ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit l'appel de la société Lavazza recevable,
Rejette les moyens de nullité soulevés par les parties,
Condamne Maître [S], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société CVR Café à payer, à la société Lavazza la somme de 6.755, 06 € TTC dans les conditions prévues à l'article L 621-32-5° du Code de commerce alors applicable,
Déboute la société Lavazza de toutes ses autres demandes,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Maître [S] ,ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier
A. BOISNARD
La Présidente
C. PERRIN