Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 01 MARS 2011
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/17884
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 03/01204
APPELANT
Monsieur [Y] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par la SCP NARRAT-PEYTAVI, avoué
Assisté de Me Nicolas LECOQ-VALLON, avocat
INTIMEE
Cie d'assurances AVIVA VIE venant aux droits de ABEILLE VIE prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoué
Assisté de Me Bernard VATIER, avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 janvier 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique REYGNER, Président et par Mme Sophie BADIE conseiller
Rapport a été fait par Mme Sophie BADIE, conseiller, en application de l'article 785 du code de procédure civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique REYGNER, président
M. Christian BYK, conseiller
Mme Sophie BADIE, conseiller
Greffier, lors des débats :
[R] [P]
ARRET :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Mme Dominique BONHOMME-AUCLERE, greffier présent lors du prononcé.
****
M.[Y] [K] a souscrit auprès de l'assureur ABEILLE Vie, aux droits de laquelle vient l'assureur AVIVA VIE, le 29 décembre 1992 un contrat d'assurance vie "SELECTIVALEURS CROISSANCE" n°0000930995B et le 4 novembre 1993 un contrat d'assurance vie 'SELECTIVALEURS' n°0000939831F, libellé en unités de compte sur des supports composés pour partie d'actions; les bénéficiaires MM. [Z], [U] et [W] [K] ayant accepté ces contrats sont les enfants de M.[Y] [K] et de Mme [I] [K] , son épouse, également signataire d'un contrat le 28 février 1997.
Les conditions générales de ces contrats permettaient à l'assuré d'arbitrer «à cours connu» les sommes investies sur divers supports financiers à caractère spéculatif, la valeur liquidative retenue étant celle de la dernière bourse de la semaine précédant l'échange pour les supports dont la valeur liquidative est calculée chaque semaine et la fixation la plus récente pour les autres valeurs ;
M.[Y] [K] a abondé régulièrement ses contrats, les montants en étant respectivement de 1.5417 € au 28 septembre 2002 après un rachat partiel de 498.560,58 € pour le premier, et de 2.183.897,43 € au 8 octobre 2002 pour le second , il a aussi effectué de nombreux arbitrages jusqu'en novembre 1997 où les facultés d'arbitrage ont été restreintes à l'initiative de l'assureur AVIVA VIE et par la mise en 'uvre fréquente de la clause dite des 5% autorisant l'assureur à reporter les demandes d'arbitrage, celui-ci, en définitive, modifiant les supports le 1er janvier 1998.
M.[Y] [K] a en outre emprunté des sommes à la banque SOFINCO, filiale de la société Abeille Vie, soit le 21 juillet 1997 une somme de 1.700.000 francs ou 259.163,32€ reversé sur le premier contrat à hauteur de 1.000.000 de francs ou 152.449,01 € et le 13 octobre 1997 1.000.000 de francs ou 152.449,01 €.
Après avoir signé le 24 juillet 1998, un avenant proposé par l'assureur, aux termes duquel il choisissait un support 'VICTOIRE PROFIT OFFENSIF', axé principalement sur des actions, recevait un 'chèque-découverte Profil' de 100 F ou 15,24€ et renonçait au système d'arbitrage à cours connu, la valeur liquidative étant désormais la dernière valeur fixée au moment de la réception de la demande, M.[Y] [K] s'élève contre les modifications des obligations contractuelles.
Par jugement du 18 septembre 2007, assorti de l'exécution provisoire, et dont M.[Y] [K] est appelant par déclaration du 23 octobre 2007 limitant son appel, l'assureur AVIVA VIE étant appelant à titre incident, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par une assignation du 24 décembre 2002 délivrée par M.[Y] [K] et son épouse, leurs enfants étant intervenants volontaires, a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par la société AVIVA VIE, et déclaré irrecevables ses dernières conclusions du 28 juin 2007,
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de [M], [U] et [W] [K],
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [L] [K],
- déclaré recevable l'action de M.[Y] [K],
- dit que la société AVIVA VIE a commis une faute en dénaturant les contrats souscrits par le demandeur les 29 décembre 1992 et 4 novembre 1993,
- déclaré valables les avenants signés par M.[Y] [K] et son épouse,
- sursis à statuer sur le préjudice subi par M.[Y] [K],
- ordonné une mesure d'expertise confiée à M. [V] [T] aux fins de détermination du nombre minimun et de la liste des supports que l'assureur AVIVA VIE devra rétablir ainsi que la perte de chance subie par M.[Y] [K] depuis le 1er janvier 1998,
- déclaré valable la clause dite des 5%,
- rejeté la demande en paiement de dommages et intérêts formée par M.[Y] [K] et son épouse pour résistance abusive,
- rejeté le surplus des demandes des parties,
- condamné la société AVIVA VIE à payer à M.[Y] [K] la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions du 31 décembre 2009 de M.[Y] [K] qui demande de :
- déclarer recevable son appel partiel,
sur l'appel incident de l'assureur AVIVA VIE:
- dire et juger que son action n'est pas prescrite,
subsidiairement
déclarer que son action en annulation de la clause emportant renonciation au système de l'arbitrage à cours connu dans les avenants du 24 juillet 1998 n'est pas prescrite,
sur son appel:
- infirmer partiellement le jugement en ses dispositions tendant à la réparation d'une perte de chance - déclarer que son préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance mais en un dommage certain correspondant à la non-prise en compte par l'assureur des arbitrages effectivement réalisés sur les contrats en cause à cours connu,
- déclarer que l'assureur AVIVA VIE lui a causé un préjudice pour la période s'étalant du 1er janvier 1998 jusqu'au jugement entrepris,
- confirmer la désignation de l'expert et y ajoutant dire que sa mission ne saurait consister dans l'évaluation d'une perte d'une chance mais dans la reconstitution d'un préjudice certain en l'absence de tout aléa dans le cadre du fonctionnement de la clause d'arbitrage à cours connu du 1er janvier 1998 jusqu'à la date du prononcé de la nullité des avenants,
- infirmer le jugement en ce qu'il a admis la validité de l'avenant,
- déclarer la nullité pour dol des avenants sur le fondement de l'article 1116 du code civil,
subsidiairement :
- prononcer la nullité des dispositions contenues dans les paragraphes «valeurs liquidatives des parts ou actions» des avenants des 24 juillet 1998,
- ordonner la restitution de la totalité des supports composés d'actions sur les contrats «Sélectivaleurs'» et «Sélectivaleurs Croissance» -supports précisément listés-, ou tout support équivalent, sous astreinte de 20.000 € par jour de retard;
- déclarer qu'il pourra reprendre les arbitrages à cours connus sur les supports composés d'actions,
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré valable la clause dite «du seuil des 5 %»,
- déclarer cette clause nulle ou inopposable,
subsidiairement si la cour devait considérer cette clause valide et opposable:
- prendre acte de son application par l'assureur AVIVA VIE moyennant un calcul hebdomadaire,
en tout état de cause :
- condamner l'assureur AVIVA VIE à lui payer les sommes de :
250.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
12.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions du 6 décembre 2010 de l'assureur AVIVA VIE qui demande de :
- sur son appel incident :
- infirmer le jugement en ses dispositions rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, et déclarant que la liste des supports était contractuelle et leur modification abusive,
- déclarer prescrite l'action de M.[Y] [K],
- le débouter de ses demandes de restitution de supports et d'indemnisation de préjudice,
- le débouter de l'ensemble de ses demandes,
à titre subsidiaire:
- confirmer le jugement en ses dispositions déclarant valables les avenants du 24 juillet 1998,
en tout état de cause:
- condamner M.[Y] [K] au paiement d'une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance, y compris les frais d'expertise, et d'appel avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 17 janvier 2011.
Sur ce:
Sur la prescription:
Considérant que la société AVIVA VIE reprend le moyen formé en première instance tiré de la prescription biennale de l'action aux termes de l'article L 114-1 du code des assurances ; qu'elle soutient que l'absence de mention du délai de prescription dans le contrat ne fait pas échec à la prescription biennale, l'article R 112-1du code des assurances, selon lequel les polices d'assurance doivent mentionner la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance renvoyant au 5° de l'article L 310-1 de ce code qui concerne les entreprises d'assurance de toute nature à l'exception des assurances sur la vie qui sont visées au 1° dudit article; qu'en outre le 5° de l'article L 310-1 a été abrogé par la loi du 8 août 1994 ; que l'article R 112-1 en renvoyant au 5° de l'article L 310-1 du code des assurances, abrogé par la loi du 8 août 1994, ne renvoie donc à aucun texte ; qu'elle soutient que l'article R 112-1 de ce code, n'est pas applicable au contrat en cause, s'agissant d'un contrat d'assurance vie; que même le décret du n° 2006-740 du 27 juin 2006 n'impose cette mention que dans les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R 321-1 alors que les entreprises d'assurances sur la vie sont visées en 20°de cette énumération; qu'ainsi, les entreprises qui contractent des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, spécifiquement visée à l'alinéa 1 de l'article L 310-1, restent exclues du champ d'application des dispositions de l'article R 112-1 ;
Qu'elle ajoute subsidiairement que l'article R 112-1-1 du code des assurances ne prévoit pas de sanction en cas de manquements aux obligations qu'il pose et ne saurait faire obstacle à la prescription établie par l'article L 114-1 ; qu'une telle sanction jurisprudentielle ne repose sur aucun fondement légal; qu'en tout état de cause, une telle modification ne pourrait remettre en cause rétroactivement la portée des obligations souscrites par les parties; que l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme préserve la sécurité juridique, sauf impérieux motif d'intérêt général qui n'existe pas en l'espèce; que ce principe doit être d'autant plus mis en 'uvre que les contrats litigieux n'étaient lors de leur souscription régis par aucune norme ni décision jurisprudentielle imposant la mention de la prescription biennale qui est quant à elle d'ordre public ;
Mais considérant que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a retenu que les contrats Sélectivaleurs et Sélectivaleurs Croissance souscrits en 1992 et 1993 ne comportent pas cette mention ainsi que le soutient M.[Y] [K] en produisant à cet effet les conditions générales en sa possession dépourvues de telles mentions;
Considérant que l'article R 112-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue du décret du 20 septembre 1990, prévoit que les entreprises mentionnées au 5° de l'article L 310-1 doivent indiquer, notamment, les dispositions relatives à la prescription; que la loi du 4 janvier 1994 «modifiant le code des assurances (partie législative), en vue notamment de la transposition des directives n° 92-49 et n° 92-96 des 18 juin et 10 novembre 1992 du Conseil des communautés européennes» a refondu l'article L 310-1 du code des assurances, et, modifiant la classification des catégories des entreprises soumise au contrôle de l'Etat, a supprimé le 5°, de sorte que ce qui relevait de cette catégorie se trouve englobé dans les 1ères, 2èmes et 3èmes catégories; que le contrôle de l'Etat doit pouvoir s'appliquer indifféremment à une compagnie qui pratique l'assurance dommage et à celle qui pratique à la fois l'assurance vie et l'assurance dommage conformément à cette nouvelle classification; qu'il s'ensuit que l'assurance vie se trouve soumise aux dispositions de l'article R 112-1 et partant à l'obligation de mentionner les stipulations relatives à la prescription; que les modifications apportées par le décret n°2006-740 du 27 juin 2006 invoquées par l'assureur AVIVA VIE sont sans incidence sur le présent litige;
Que contrairement à l'analyse qu'en fait l'assureur AVIVA VIE l'absence de sanction spécifique du manquement à l'obligation de mention relative à la prescription de l'article R 112- 1 du code des assurances, n'est en rien exclusive de son inopposabilité à l'assuré, assurant une nécessaire cohérence des textes applicables en matière d'information de l'assuré; qu'aux termes de la jurisprudence la plus récente, l'inobservation des dispositions de l'article R 112-1 est sanctionnée par l'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L 114-1 du code des assurances;que cette interprétation de la loi et des règlements aux fins de leur donner une cohérence dont ils sont dépourvus par l'abrogation du 5° de l'article L.310-1 n' est pas contraire aux exigences de sécurité et de lisibilité du droit de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme; que les exigences de sécurité juridique et la protection de la confiance légitime invoquées pour contester l'application d'une solution régissant le droit d'agir résultant d'une évolution jurisprudentielle, ne sauraient consacrer un droit acquis à une jurisprudence constante, dont l'évolution relève de l'office du juge dans l'application du droit, quand bien même les contrats sont comme en l'espèce antérieurs à cette évolution de jurisprudence;
Que la fin de non recevoir tirée de la prescription biennale est en conséquence rejetée et l'action de M.[Y] [K] déclarée recevable; qu'il s'en suit que le jugement est confirmé de ce chef ;
Sur la modification du contrat:
Considérant que les conventions doivent être exécutées de bonne foi dans les conditions que les parties ont librement définies et acceptées ;
Considérant que la société AVIVA VIE fait grief au jugement d'avoir retenu une modification des supports, abusive par dénaturation du contrat, alors que les contrats souscrits par M.[Y] [K] ne lui permettaient pas d'arbitrer sur une liste de supports définie, mais seulement d'user de la faculté de changer de supports dans des conditions définies par l'assureur; qu'aucune liste de support n'était attachée aux contrats lors de la souscription; que les supports ont évolué à la hausse comme à la baisse; que les listes actuelles ne présentent pas de différence substantielles par rapport aux premières listes émises ; que la modification du contrat était le corollaire nécessaire à la faculté offerte de changer de support ;
Considérant qu'aux termes des conditions générales du contrat:«La liste et le nombre des supports sont susceptibles d'évoluer. Si, pour une raison de force majeure, Abeille vie se trouvait dans l'impossibilité d'acquérir les parts ou actions du support financier choisi, elle s'engage à le remplacer par un support de même nature en préservant vos intérêts» ;
Mais considérant qu'ainsi que le soutient M.[Y] [K], au cours de l'année 1998, les SICAV et Fonds Communs de Placements composés d'actions ont été supprimés pour ne laisser subsister que des supports obligataires ou monétaires, 7 supports au lieu de 17 pour le contrat «Sélectivaleurs» et 9 supports au lieu de 16 pour le contrat «Sélectivaleurs Croissance»; que le seul support comportant des actions, «la SICAV Victoire», ne contenait que partiellement des actions; que dans un premier temps la possibilité d'arbitrage n'a pas été supprimée mais s'est trouvée fortement réduite par la disparition de certains supports, faisant perdre une grande partie de l'intérêt du contrat ; qu'ensuite la société ABEILLE VIE réintroduisait en juillet 1998 un certain nombre de supports, mais seulement au profit des assurés qui acceptaient de signer l'avenant qu'elle proposait par lequel elle supprimait la clause d'arbitrage à cours connu, qu'elle recherchait en fait la protection de ses seuls intérêts ; qu'ainsi en juillet 1998, elle offrait dans cette hypothèse 17 supports essentiellement en actions pour le contrats «Sélectivaleurs» et 15 pour le contrat «Sélectivaleurs Croissance»;
Que l'utilisation de la clause prévoyant que "la liste et le nombre des supports sont susceptibles d'évoluer" peut être qualifiée d'abusive si elle conduit à modifier le contrat; que le "guide pratique" de l'assureur diffusé auprès de la clientèle décrit les avantages du contrat en ces termes : "vous bénéficiez d'une grande diversité de supports, des plus sûrs aux plus spéculatifs (...) c'est vous qui décidez : orientation fortement spéculative ou équilibre harmonieux entre sécurité et performance", ce qui démontre que l'investissement pouvait être spéculatif; que la clause d'arbitrage à cours connu constituait une des spécificités essentielles du contrat offrant aux assurés la faculté d'arbitrer en toute liberté et en toute connaissance de cause, sans courir le moindre risque boursier; que le jeu de la clause à cours connu, qu'il avait librement décidé d'insérer dans les contrats proposés à sa clientèle, a eu pour principale conséquence de faire supporter à l'assureur ABEILLE VIE la charge financière des plus-values réalisées par celle-ci; qu'au demeurant l'assureur ne démontre, ni même ne prétend en appel, que les demandeurs auraient développé une semblable pratique purement spéculative des supports ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la modification massive de la liste des supports éligibles, sans contrepartie, avait pour seul but de neutraliser le jeu de la clause d'arbitrage à cours connu; que cette modification caractérise un abus de l'assureur ABEILLE VIE dans l'exercice de la faculté que lui conférait la clause du contrat de modifier unilatéralement la liste des supports ; que la société ABEILLE VIE a, unilatéralement, supprimé ou déclaré inéligibles certains supports pour les remplacer par des supports à dominante obligataire ou monétaire n'offrant plus la même volatilité, altérant ainsi profondément le contrat tel que l'avait conclu M.[Y] [K] ;
Considérant que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu que M.[Y] [K] était en droit de réclamer l'exécution par l'assureur AVIVA VIE du contrat tel que souscrit ;
Sur la validité des deux avenants du 24 juillet 1998:
Considérant que ce n'est qu'après avoir supprimé les supports en actions que l'assureur ABEILLE Vie a offert à M.[Y] [K] de signer les avenants lui proposant un rétablissement d'une partie de ces supports en lui indiquant que l'arbitrage ou le rachat de ces supports se ferait, soit, sur le cours de la dernière bourse de la semaine de réception de la demande lorsque la demande parvenait jusqu'au mardi minuit, soit sur le cours de la dernière bourse de la semaine suivant la réception de la demande lorsque celle-ci ne parvenait qu'à compter du mercredi; que cette offre avait pour effet de supprimer la clause «d'arbitrage à cours connu» ;
Considérant que l'assureur AVIVA VIE expose que l'avenant modifiant la liste des supports est régulier et qu'il ne porte pas atteinte à la nature du contrat ou à l'intérêt des assurés ; que l'évolution économique a entraîné à partir de 1997 une grande volatilité de certains titres; qu'il a légitimement estimé nécessaire de modifier la liste des supports pour en retirer les supports devenus d'une volatilité incompatible avec le besoin de sécurité des souscripteurs qui pour la plupart agissaient à l'encontre de leurs intérêts en s'abstenant d'arbitrer leurs supports; qu'il a ainsi mis en place une politique diversifiant les profils de gestion adaptés aux différents comportements d'arbitrage des souscripteurs; qu'il ne peut lui être reproché d'avoir rempli l'obligation de prudence qui lui est imposée par la loi; que M.[Y] [K] en a été parfaitement informé par les clauses de l'avenant et le tableau explicatif ;
Mais considérant que l'article A 132-4 du code des assurances impose à l'assureur de remettre à l'assuré, lors de la souscription du contrat, une liste de supports éligibles au contrat tout en précisant les actifs la composant, que dès lors cette liste qui a été remise à M.[Y] [K], est contractuelle;
Que par l'envoi de la plaquette publicitaire précisant qu'à compter de juillet 1998 les supports seraient réduits à 7 et ne comporteraient plus de supports en action et dans le même document en verso en offrant une gamme de supports enrichie soit 14 supports complémentaires dont 7 composés d'actions par la souscription d'une formule «Vie Universelle», l'assureur ABEILLE Vie a monnayé la restitution des supports d'actions, jugés ci-dessus, abusivement supprimés ou déclarés inéligibles en contrepartie de la suppression de la faculté l'arbitrage «à cours connu»; que cette modification des obligations contractuelles répond au seul intérêt de l'assureur sans aucune contrepartie pour l'assuré; que la présentation trompeuse d'avantages dérisoires pour l'assuré renonçant à la faculté essentielle «d'arbitrage à cours connu» mais présentant en réalité l'avantage pour l'assureur de régulariser une modification abusive des supports est constitutive d'une man'uvre dolosive et déterminante de la volonté ainsi trompée de M.[Y] [K] de récupérer des supports volatiles mais surtout d'abandonner ses facultés d'arbitrage «à cours connu» ; que la société AVIVA VIE ne peut arguer de l'obligation de prudence et de sécurisation de l'épargne pour justifier ce comportement, alors que M.[Y] [K] n'a fait que réclamer l'application du contrat qu'il avait souscrit; que l'avenant ainsi signé le 24 juillet 1998 est déclaré nul ; que le jugement est en conséquence confirmé de ce chef ;
Que la société AVIVA VIE devra donc rétablir les supports tels qu'ils existaient lors de la conclusion des contrats ou par équivalents sur la liste des supports existants en 1992 et 1993 afin que la clause d'arbitrage à cours connu reprenne sa pleine efficacité; que la mesure d'expertise ordonnée avec exécution provisoire permettra de réunir les éléments techniques aux fins de déterminer le nombre minimum et la liste des supports permettant de rétablir les principales caractéristiques des unités de comptes choisies par M.[Y] [K] lors de la souscription des contrats ainsi qu'aux fins de rétablir l'efficacité de la clause d'arbitrage «'à cours connu»; que les parties sont renvoyées aux opérations d'expertise ;
Sur la validité ou l'opposabilité de la clause dite des 5%:
Considérant que M.[Y] [K] poursuit la nullité ou l'inopposabilité de la clause des 5 %, déclarant :
- que cette clause, dont les conditions d'application sont incontrôlables par les souscripteurs, n'a été stipulée qu'au profit d'ABEILLE VIE et doit s'interpréter conformément aux dispositions de l'article 1162 du code civil ;
- qu'elle est imprécise faute d'indiquer, d'une part, si les demandes d'arbitrage à prendre en compte sont celles du seul assuré ou si elles intègrent d'autres assurés, signataires du même contrat, d'autre part, si la période de référence à retenir pour l'application du seuil des 5 % est un mois calendaire ou un mois glissant ;
- que l'imprécision de cette clause a permis à ABEILLE VIE de l'appliquer de façon discrétionnaire en privilégiant certains assurés au détriment d'autres;
- qu'en 1998 la société AVIVA VIE a systématiquement opposé cette clause à ses demandes d'arbitrage ;
- que, subsidiairement, il demande de prendre acte de l'acceptation par ABEILLE VIE de son application moyennant un calcul hebdomadaire et non mensuel et pour ses seuls arbitrages, comme pratiqué dans les faits et comme elle l'a admis dans sa note interne intitulée 'méthode de mise en 'uvre de la clause des 5 %' ;
Mais considérant qu'aux termes de la clause des 5 %: «Si au cours d'un mois, les demandes d'arbitrage portant sur les parts ou actions d'un support excédaient 5 % de son capital, la date d'arbitrage de ce support pourrait être différée pour une durée maximum de 6 mois afin de préserver les intérêts de nos assurés» ;
Que cette clause, qui fait suite dans le contrat à la clause d'arbitrage «à cours connu», ne présente pas de caractère abusif, dès lors qu'elle ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat mais qu'elle est simplement destinée à planifier un nombre pouvant se trouver brutalement important de demandes d'arbitrage ; qu'il en résulte que ce seuil de 5 % doit être apprécié à partir de la somme totale des arbitrages effectués par l'ensemble des souscripteurs sur un même support, cette disposition étant modératrice des effets de la clause de cours connu ; qu'il est manifeste que, compte tenu de son libellé, elle s'applique de mois en mois ; que rien n'indique que sa mise en 'uvre par la société AVIVA VIE sur des supports restitués excèdent les limites de l'équilibre contractuel ;
Qu'ainsi le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;
Sur le préjudice de M.[Y] [K] à compter du 1er janvier 1998 et la mission de l'expert :
Considérant que M.[Y] [K] qui déclare qu'il avait usé fréquemment de la faculté d'arbitrage à cours connu, demande que son préjudice soit évalué aux plus-values non réalisées depuis la modification des supports en janvier 1998 eu égard à son habitude d'arbitrage systématique des supports susceptibles d'un rendement supérieur aux frais d'arbitrage correspondant; qu'il soutient que son préjudice ne peut s'analyser en une perte de chance, dans la mesure où la reconstitution des arbitrages auxquels il aurait procédé n'est pas soumise à aléa puisqu'elle consiste à appliquer une méthode d'arbitrage selon laquelle il achète ou vend un OPCVM chaque fois qu'une plus-value hebdomadaire significative se produit ;
Mais considérant que M.[Y] [K], qui justifie avoir procédé à de nombreux arbitrages, ne peut affirmer qu'il aurait systématiquement et sans faille procédé à des arbitrages chaque fois qu'une plus-value hebdomadaire se serait produite, qu'il subsiste un aléa sur les décisions qu'il aurait prises; que, dès lors, son préjudice correspond à une perte de chance de réaliser des plus-values supérieures à celles qu'il a effectivement obtenues ;
Que la mission telle que définie par le jugement répond aux objectifs de reconstitution des listes de supports et d'efficacité de la clause d'arbitrage permettant l'exécution des contrats et d'évaluation du préjudice résultant de sa perte de chance de n'avoir pu arbitrer en tenant compte de sa pratique antérieure;
Qu'il s'en suit que le jugement est confirmé de ce chef ;
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive:
Considérant que les éléments de l'espèce ne caractérisent pas l'existence d'un abus dolosif de la société AVIVA VIE dans l'exercice de ses droits, distinct de celui qui est réparé par la restitution des supports et de la clause d'arbitrage à cours connu ainsi que par l'évaluation de la perte de chance d'arbitrage en résultant; que la demande de M.[Y] [K] en paiement de dommages et intérêts sur ce fondement est rejetée ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:
Considérant que tenu aux dépens la société AVIVA VIE ne peut prétendre au paiement de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; que sur ce fondement elle est condamnée à payer une somme complémentaire de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel; que le jugement est confirmé en ses dispositions statuant sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance ;
PAR CES MOTIFS
- Déclare l'appel principal de M.[Y] [K] et l'appel incident de la société AVIVA VIE recevables,
- Confirme le jugement sauf en ses dispositions déclarant valables les avenants du 24 juillet 1998 signés par M.[Y] [K],
statuant de nouveau de ce chef:
- Déclare nuls les avenants signés le 24 juillet 1998 par M.[Y] [K],
- Renvoie les parties aux opérations d'expertise qui sont confirmées,
y ajoutant :
- Rejette la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par M.[Y] [K],
- Rejette la demande formée par la société AVIVA VIE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne la société AVIVA VIE à payer à M.[Y] [K] une somme complémentaire de 2.000€ au titre des frais irrépétibles exposés en appel et aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,