RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 01 Mars 2011
(n° 13 , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05954
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de FONTAINEBLEAU section encadrement RG n° 08/00161
APPELANT
Monsieur [D] [G]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS, toque D164
INTIMÉE
SAS VETIR
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Pierre PALANDRE, avocat au barreau de SAINT ETIENNE, toque : CASE70
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte BOITAUD, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur [D] [G], engagé par la société VETIR à compter du 1er juin 1991 en qualité de directeur de magasin au sein du groupe ERAM, puis gérant directeur de l'établissement GEMO de [Localité 6], son épouse étant adjointe de direction, a écrit le 20 mars 2008 à M.[W], directeur commercial, avec copie à l'inspection du travail, la médecine du travail et aux délégués syndicaux, en ces termes:
' En poste au GEMO mixte de [Localité 6] depuis son ouverture le 20 septembre 2000, nous vous avons fait part, mon épouse et moi-même lors de votre passage dans notre magasin courant 2003 de notre souhait de nous rapprocher de la région du Sud Est de la France pour des raisons familiales.
Accueillant favorablement notre requête, vous vous êtes engagé à nous trouver un magasin dans la région souhaitée en rapport avec nos compétences ( C.A identique ou supérieur à celui de [Localité 6]), nous donnant l'espoir d'une affectation rapide.
Toujours en poste au magasin de [Localité 6] à ce jour et après bientôt huit ans d'une gestion correcte, au niveau des résultats et aux regards de nos directeurs régionaux successifs concernant notre travail au point de vente, cela fait maintenant cinq ans que vous nous avez donné l'espoir d'une affectation dans la région du Sud Est de la France correspondant à nos attentes.
Deux propositions nous ont été faites courant 2007, mais celles-ci étaient loin de nous garantir le maintien de nos conditions salariales actuelles.
Est-il illogique de refuser une dévalorisation salariale en contreparties d'une mutation dans une région souhaitée (pour raisons familiales comme précisées ci-dessus)'
Lors d'un entretien téléphonique avec M.[H] courant octobre 2007, celui-ci s'est engagé à son tour à nous trouver une solution correspondant à nos attentes avant fin 2007.
Prenant ces engagements avec sérieux, nous avons décidé de vendre notre bien immobilier sur la région et par conséquent nous avons quitté celui-ci le 3 février .
Suite aux faux espoirs, nos engagements et ceux de M.[H] et de vos promesses non tenues, notre santé psychologique se détériore chaque jour un peu plus.
Actuellement sous anxiolytiques et sous antidépresseurs, j'ai fait la démarche de prendre conseil auprès d'un professionnel en psychologie afin qu'il puisse m'aider à évacuer mon stress et mes angoisses liés à cette situation.
Depuis bientôt dix huit ans à servir la société GEMO, fort de bons résultats, je croyais que la politique de l'entreprise concernant la promotion interne pour les plus méritants nous donnait l'espoir que notre requête aurait une chance d'aboutir et finalement nous donne le sentiment de ne pas être considéré à notre juste valeur humaine et professionnelle.
Je vous demande donc M.[W] de cesser de donner de faux espoirs et d'arrêter de vous engager sur des situations que vous ne pouvez ou ne voulez faire aboutir et d'apercevoir que, derrière chaque gérant directeur se cache un être humain.'
Par lettre du 11 avril 2008, M.[G] était licencié pour faute grave pour avoir écrit la lettre du 20 mars 2008 ci-dessus reproduite, avoir tenu par cette lettre des propos accusatoires 'totalement injustifiés' et pour avoir adressé copie de cette lettre à un certain nombre de collègues, sans même le préciser sur cette lettre , révélant ainsi une 'intention malveillante'.
Par jugement du 15 mai 2009, le conseil de prud'hommes de Fontainebleau a débouté M.[G] de sa demande d'indemnisation.
M.[G] a relevé appel de cette décision.
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées et reprises oralement le 19 janvier 2011.
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Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande formulée par les époux [G] dans leurs courriers des 23 octobre 2006 et 25 mars 2007, renouvelée en juin 2007, d'une mutation dans 'les régions du sud de la France', plusieurs propositions de mutation leur ont été faites dans le Sud de la France, d'abord à [Localité 4] en août 2007 puis à [Localité 5], cette dernière proposition datant du mois de décembre 2007; que ces propositions ont été refusées par M.[G], la première en raison du chiffre d'affaires susceptible d'être affecté par l'installation à proximité d'une enseigne concurrente, l'autre parce que le magasin n'appartenait pas à la chaîne GEMO et ne se situait pas dans le sud-est de la France; que par ces propositions, l'employeur manifestait sa volonté de rechercher des solutions de nature à satisfaire, dans la mesure du possible, les exigences du directeur de magasin; que les termes employés par M.[G] dans sa lettre adressée en copie, étaient excessifs et non conformes à la réalité et l'envoi en copie critiquable comme le souligne la société;
Considérant toutefois que s'il s'agissait pour M.[G] de faire ainsi pression sur son employeur dans le but d'obtenir une mutation, l'acte de malveillance n'est pas caractérisé; que la sanction immédiate de la perte de l'emploi infligée à un directeur qui comptait dix huit années de bons services au sein de l'entreprise, était disproportionnée; que cette brusque rupture injustifiée ouvre droit à réparation;
Considérant qu'en application de l'article L1235-3 du code du travail qu'à la date du licenciement M.[G] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 4017,88 €; qu'il convient d'évaluer à la somme de 30 000 € , le montant des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse; que les autres demandes en paiement de rappel de salaire sur mise à pied et d'indemnités sont fondées; qu'il y est fait droit;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement ,
CONDAMNE la société VETIR à payer à M.[G]:
- 2182,50 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied
- 218,25 € à titre de congés payés afférents
- 13095 € au titre de l'indemnité de préavis
- 1309 € à titre de congés payés afférents
- 18551,25 € à titre d'indemnité de licenciement
- 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
MET les dépens à la charge de la société VETIR.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE