COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 1er MARS 2011
(no 91, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/23303
Décision déférée à la Cour : jugement du 8 juillet 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 08/03458
APPELANT
Monsieur Christian Robert X......93460 GOURNAY SUR MARNEreprésenté par la SCP EDOUARD ET JEAN GOIRAND, avoués à la Courassisté de Me BARANES-BALDOCCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : D.1348qui a fait déposer son dossier par l'avoué
INTIME
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR6 rue Louise WeissBât. Condorcet Dir. Aff. Judiciaires - TELEDOC 35375703 PARIS CEDEX 13représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Courassisté de Me Philippe BLANCHETIER, avocat au barreau de PARIS, toque : B1121
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 janvier 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambreMme Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
MINISTERE PUBLICMadame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites
ARRET :
- contradictoire- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Le 8 octobre 2003, les services de police ont procédé à la saisie de la collection d'armes détenue par M. X... à son domicile, laquelle a été ensuite placée sous scellés et M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bobigny, lequel, par jugement du 26 novembre 2003, définitif, a condamné M. X..., des chefs de menace de mort et port d'arme de la 6 ème catégorie, à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis mise à l'épreuve, le relaxant du chef de détention d'armes de la 1ère ou 4 ème catégorie, sans statuer sur la restitution des armes placées sous scellés.
Le 8 avril 2005, M. X... a sollicité la restitution de sa collection d'armes, ce qui lui a été refusé le 8 novembre 2005 par le parquet de Bobigny, refus notifié le 29 décembre 2005, décision que M. X... a contesté par requête en date du 17 janvier 2006 et par jugement du 27 octobre 2006, le tribunal correctionnel de Bobigny a ordonné que les armes placées sous scellés soient restituées : or le service des séquestres a été dans l'impossibilité de les lui restituer, les armes ayant été remises aux domaines le 7 septembre 2004, puis aux services fiscaux le 30 novembre 2004 pour être vendues ou détruites.
Soutenant que le service des séquestres du greffe du tribunal de grande instance de Bobigny a commis une faute en disposant des armes placées sous son autorité et en le privant ainsi d'en obtenir la restitution, alors même que cette dernière a été ordonnée par le jugement du 27 octobre 2006, ce qui lui cause un préjudice aussi bien moral, en tant que collectionneur passionné, que financier, M. X... a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris l'agent judiciaire du Trésor et demandé la condamnation de l'Etat, pour dysfonctionnement du service public de la justice, à l'indemniser de son préjudice estimé à 15700 €.
Par jugement en date du 8 juillet 2009, le tribunal a débouté M. X... de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 17 novembre 2009 par M. X...,
Vu les conclusions déposées le 17 mars 2010 par l'appelant qui demande, sur le fondement de la responsabilité de l'Etat engagée pour dysfonctionnement du service de la justice, sans retenir l'application de l'article 1382 du code civil, la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à lui payer, en réparation de l'intégralité de son préjudice, la somme fixée provisoirement à 15700 €, la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 6 octobre 2010 par l'agent judiciaire du Trésor qui demande la confirmation, la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,
Vu les conclusions du procureur général en date du 25 octobre 2010 tendant à la confirmation du jugement déféré.
SUR CE :
Considérant que l'appelant reprend devant la cour son argumentation de première instance et fait notamment valoir que le greffe de la 15 ème chambre du tribunal de grande instance de Bobigny a reconnu l'erreur dans un soit-transmis du 9 février 2007 indiquant " Il apparaît que les scellés concernés ( 1 à 22 ) ont été remis à l'administration des domaines le 7 septembre 2004 puis aux services fiscaux le 30 novembre 2004 pour destruction"; qu'il considère, sans maintenir expressément sa demande de condamnation de l'Etat en application des dispositions de l'article 1382 du code civil, qualification qu'il laisse à l'appréciation de la cour, que sur le fondement de l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire, l'Etat est entièrement responsable du préjudice qu'il subit en raison des fautes commises quant à la conservation de scellés, en l'occurrence vendus et/ou détruits, lesquels manquements sont constitutifs d'un mauvais fonctionnement du service public de la justice ; qu'il ajoute que les dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale qui prévoient qu'après un délai de 6 mois, les objets non restitués deviennent propriété de l'Etat, s'appliquent "sous réserve des droits des tiers", lesquels en l'espèce n'ont pas été pris en compte ;
Considérant que l'intimé fait à juste titre observer que la responsabilité qui peut incomber à l'Etat pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le code civil pour les rapports de particulier à particulier, que cette responsabilité n'est ni générale, ni absolue, qu'elle a ses règles spéciales et que la responsabilité de droit commun basée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil ne peut être recherchée contre l'Etat ;
Considérant que l'appelant, qui invoque l'application de l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L 141-1 dudit code, doit établir l'existence d'une faute lourde ; que cette dernière est constituée en présence de "toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il investi" ;
Considérant que les circonstances de l'espèce relevaient de l'application les dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale qui sont les suivantes : "Lorsque la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets, le procureur de la République est compétent pour décider d'office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée. Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger ; la décision de non restitution peut être contestée dans le mois de sa notification par requête de l'intéressé devant le tribunal correctionnel " et au dernier alinéa " Si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans un délai de six mois à compter de la décision par laquelle la dernière juridiction a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent propriété de l'Etat, sous réserve des droits des tiers." ;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour approuve les premiers juges ont relevé que M. X... a attendu le 8 avril 2005 pour demander la restitution des armes saisies, soit bien après l'expiration du délai de 6 mois prévu à l'article 41-4 du code de procédure pénale susvisé, lequel délai a commencé à courir en l'espèce à compter du 26 novembre 2003 et était expiré le 27 mai 2004 ; que c'est donc le comportement du demandeur qui est à l'origine de la difficulté sans que la circonstance que par jugement du 27 octobre 2006 la restitution ait pourtant été ordonnée, ait une influence sur la démonstration d'un dysfonctionnement du service public ; qu'enfin M. X..., qui n'est pas un tiers mais le propriétaire des armes litigieuses, ne démontre pas davantage qu'il aurait été fait une mauvaise application des dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale susvisé ; qu'en conséquence en l'absence de faute du service, a fortiori de faute lourde, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'appelant succombant en toutes ses prétentions sera débouté de la demande par lui formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dont l'équité commande qu'il soit fait application au profit de l'intimé en lui allouant sur ce même fondement la somme de 2000 € ; que les dépens d'appel seront supportés par M. X....
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. Christian X... à payer à Mme l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Christian X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.