COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 1er MARS 2011
(no 92, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 23483
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 10344
APPELANT
Monsieur Gérard X...... 87100 LIMOGES représenté par Me ETEVENARD FRÉDÉRIQUE Suppléante Me HANINE, avoué à la Cour assisté de Me Viviane SIMON, avocat au barreau de PARIS, toque : A 778
INTIMES
Maître Philippe A...... 87000 LIMOGES représenté par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour assisté de Me Laurent DEVAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : R 225 Association DEVAUX ADDA
Maître Philippe C...... 75006 PARIS représenté par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués à la Cour, assisté de Me Noëlle BRANCA, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0470 substituant Me Jean Pierre DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS SCP DUFFOUR et ASSOCIES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 janvier 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La Cour,
Considérant que, par chèque du 26 décembre 1995 établi à l'ordre de la société Cabinet d'expertise comptable F..., M. Gérard X... a fait parvenir à ce cabinet la somme de 300. 000 francs sur laquelle 33. 267 francs correspondaient au prix d'acquisition de parts sociales de la société civile Y..., elle-même détentrice de 33 % des parts sociales de la société Cabinet F... ; qu'en fait, les sommes versées par M. X... au Cabinet F... ont été encaissées par la société civile Y... qui s'est trouvée ainsi débitrice de M. X... à hauteur de 266. 7733 francs ; Que, sur l'action engagée par M. X... et par jugement du 21 avril 2000, le Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société civile Y... à lui payer ladite somme de 266. 733 francs ; que, ne parvenant à recouvrer cette somme, M. X... a décidé d'agir contre M. F..., expert comptable, commissaire aux comptes et gérant de la société F... et de la société civile Y..., à qui il reprochait d'avoir, par un jeu d'écriture comptable, fait bénéficier la société civile Y... de la somme de 300. 000 francs réglée le 28 décembre 1995 ; Que M. X... a donc mandaté M. A..., avocat au barreau de Limoges, d'engager une action contre M. F... et la société F... devant le Tribunal de grande instance de Paris ; qu'en vertu des règles régissant la postulation, M. A... a chargé, au mois de janvier 2005, M. C..., avocat au barreau de Paris, de placer l'assignation au greffe du Tribunal ; qu'en réalité, M. C... n'a pas procédé à cette formalité et il n'en a informé M. A... qu'au mois de juin 2007 ; Qu'entre-temps, le 6 avril 2006, la société F... avait été placée en redressement judiciaire et tous les délais de déclaration de créance était expiré ;
Considérant que M. X... a donc recherché la responsabilité de M. A... et de M. C... devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 21 octobre 2009, a condamné M. A... à lui payer la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts, rejeté toutes autres demandes et condamné M. A... et M. C... à payer à M. X... la somme de 3. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;
Considérant qu'appelant de ce jugement, M. X..., qui en poursuit l'infirmation, demande que M. A... et M. C... soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 60. 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance et que M. A... soit condamné à lui restituer la somme de 2. 000 euros versée à titre d'honoraires ; Qu'à l'appui de ses prétentions, M. X... fait valoir que les deux avocats ont commis une faute dont ils doivent répondre dès lors que, si l'assignation avait été placée, un jugement aurait été rendu ; sur ce point, il fait encore observer que, sans nouvelles de M. C..., M. A... avait le devoir de s'inquiéter du placement de l'assignation et ce, bien avant le 17 décembre 2007 ; Que, sur la réalité du préjudice et du lien de causalité entre les fautes reprochées aux deux avocats et ce préjudice, évalué à 60. 000 euros, M. X... soutient qu'il a été privé d'une défense appropriée dans l'instance qu'il a engagée contre la société F... avec laquelle il avait des liens contractuels et seulement avec elle. A cet égard, il fait observer que la créance n'est apparue dans les comptes de la société civile Y... que sur la seule initiative de la société F... sans que lui, M. X..., ne donne son consentement de sorte que ce jeu d'écriture lui est inopposable ; qu'il en déduit que la juridiction saisie en aurait tiré toute conclusion utile ; Que M. X... fait encore valoir que l'action, introduite sur les conseils de M. A..., qui n'est pas censé donner des conseils inutiles à un client, était justifiée, voire indispensable à la sauvegarde de ses intérêts, dès lors que M. F... détenait la majorité du capital de la société F..., qu'il en était le président du conseil d'administration de même que, gérant de la société civile Y..., il en détenait la majorité du capital social ; Que M. X... ajoute que, malgré la procédure de redressement, la société F..., bénéficiaire d'un plan de continuation d'une durée de huit ans, poursuit son activité de sorte que toute discussion sur sa solvabilité est vaine et qu'en réalité, ceux qui ont régulièrement déclaré leur créance seront payés en huit annuités ; qu'il en déduit que, l'assignation n'ayant pas été placée et que la créance étant antérieure à la déclaration de cessation des payements, il est privé de toutes chances de percevoir toute somme que ce soit et que la société F... la seule responsable de la situation litigieuse ;
Considérant que M. A... conclut à l'infirmation du jugement en ce que les premiers juges l'ont condamné à payer à M. X... une somme de 2. 000 euros et à sa confirmation pour le surplus de ses dispositions ; Que l'intimé soutient d'abord qu'après avoir étudié le dossier et utilement conseillé M. X..., il a vainement relancé M. C..., son correspondant, pour obtenir des informations sur l'état de la procédure et que, partant, il n'a commis aucune faute alors surtout que M. X..., lui-même, s'est inquiété de la situation près de deux ans après la délivrance de l'assignation ; Qu'à titre subsidiaire, M. A... fait valoir qu'il n'existe, en la cause, aucun préjudice en lien avec la faute que lui reproche M. X... ; qu'il précise que, comme l'ont décidé les premiers juges, c'est la responsabilité de M. F... qui était recherchée et que la perte de chance de voir la société F... condamnée à payer à M. X... la somme de 60. 000 euros n'est pas démontrée dès lors qu'il ne prouve pas l'existence d'une créance contre cette société qui a transféré la somme litigieuse à la société civile Y..., elle-même condamnée au profit dudit M. X... qui dispose toujours d'une action personnelle contre M. F... ; Qu'enfin, M. A... soutient que les honoraires qu'il a perçus sont justifiés et qu'il ne saurait être condamné à les restituer en tout ou partie, fût-ce sous forme de dommages et intérêts ;
Considérant que M. C..., qui ne conteste pas avoir commis une faute en omettant de placer l'assignation dont il s'agit, conclut à la confirmation du jugement au motif que M. X... ne justifie pas d'un préjudice qui aurait un lien de causalité avec la faute ; qu'en particulier, il fait valoir que rien n'établit que M. X... aurait obtenu un jugement favorable avant l'ouverture de la procédure collective décidée à l'égard de la société F..., que le jugement du 21 avril 2000 démontre que M. X... est créancier de la société civile Y..., que M. X... dispose toujours d'une action contre M. F... et que, lui-même, M. C..., n'a aucunement approuvé une action sur laquelle M. A... exprime les plus expresses réserves ;
SUR CE :
Considérant que le mandat de représentation et d'assistance en justice impose à l'avocat d'accomplir tous les actes de procédure nécessaires à la régularité, à la validité et à l'efficacité de cette procédure ; qu'il met à la charge de l'avocat une obligation générale de diligence ; Considérant que, comme l'a très exactement énoncé le Tribunal de grande instance de Paris en de plus amples motifs qu'il convient d'adopter qu'une faute a été commise par M. C..., avocat postulant, qui la reconnaît, mais également par M. A... qui lui imposait, en l'absence de réponse de M. C..., d'aviser M. X..., son client, ou de pourvoir au remplacement du postulant ; qu'à cet égard, il y a lieu de souligner que, pour se libérer de son obligation de diligence, M. A... ne pouvait se limier à adresser des lettres de relance à son correspondant parisien ; qu'il a donc manqué à son obligation de diligence et, sous réserve de la démonstration de l'existence d'un préjudice, engagé sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; Considérant que, comme l'ont encore relevé les premiers juges, il résulte des productions que la responsabilité de M. F... était recherchée au premier chef dès lors que la gestion fautive de la société n'étant imputable qu'à son gérant, la perte de chance de faire condamner la société F... n'est pas démontrée ; que, plus précisément, M. X... ne prouve pas l'existence d'une créance contre cette société qui a transféré la somme litigieuse à la société civile Y..., elle-même condamnée au profit dudit M. X... qui dispose toujours d'une action personnelle contre M. F... ; Qu'il suit de là que cette prétendue perte de chance d'obtenir un titre exécutoire contre la société F... ou de faire inscrire la créance au passif de cette société est inexistante ; Considérant que, malgré la négligence commise, M. A... a effectué un travail et des démarches au profit de M. X... ; Qu'il suit de là qu'il n'y pas lieu de condamner M. A... à lui payer la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts ; Qu'en conséquence, il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il porte condamnation de M. A... et de débouter M. X... de toutes ses demandes ;
Et considérant que M. X..., d'une part, et M. A..., d'autre part, sollicitent une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, supportant les dépens en raison de la faute retenue contre lui, M. A... sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche et par application de ce texte, il sera condamné, avec M. C..., à payer à M. X... la somme de 3. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 21 octobre 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris mais seulement en ce qu'il porte condamnation de M. Philippe A... ;
Faisant droit à nouveau quant à ce :
Déboute M. Gérard X... de toutes ses demandes dirigées contre M. A... ;
Confirme le jugement en ses dispositions non contraires aux présentes ;
Déboute M. A... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et, par application de ce texte, le condamne, avec M. Philippe C..., à payer à M. X... la somme de 3. 000 euros ;
Condamne M. A... et M. C... aux dépens d'appel qui seront recouvrés par l'avoué de M. X..., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.