COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 08 MARS 2011
(no 174 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/17730
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Juillet 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 10/56322
APPELANTS
SOCIETE GOOGLE INC société de droit américain, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux... - Mountain View94043 CALIFORNIE - ETATS UNIS
Monsieur Eric X... pris en sa qualité de directeur de la publication du site internet www.google.fr... - Mountain View94043 CALIFORNIE - ETATS UNIS
représentés par la SCP REGNIER BEQUET MOISAN, avoués à la Courassistés de Me NERI Alexandra plaidant pour le cabinet HERBERT SMITH LLP, avocats au barreau de PARIS, toque J 025
INTIMEE
SA ADOMOS prise en la personne de son président Monsieur Fabrice Z...75 Avenue des Champs-Elysées75008 PARIS
représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Courassistée de Me Nicolas HUC-MOREL, avocat au barreau de PARIS, toque D 1563
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambreMadame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle COUVET Véronique, greffier.
La société ADOMOS est un agent immobilier spécialisé dans la vente d'appartements neufs destinés à la location. Elle recherche des clients particuliers désirant investir dans l'immobilier principalement sur internet.
Le 25 mars 2010, elle a fait constater par huissier, lorsque le nom « adomos » est saisi par les internautes sur le moteur de recherches GOOGLE accessible à l'adresse http://www.google.fr, la présence au sein de la rubrique « Recherches associées à adomos» les termes « adomos arnaque ».
Sur autorisation donnée le 16 juin 2010, elle a fait assigner en référé, le 18 juin 2010, les sociétés GOOGLE INC., GOOGLE FRANCE et M. Eric X..., pris en sa qualité de directeur de la publication du site internet www.google.fr, aux fins de suppression sous astreinte des termes injurieux « adomos arnaque ».
Par ordonnance du 20 juillet 2010, le président du tribunal de grande instance de Paris a :
prononcé la mise hors de cause de la société GOOGLE FRANCE,
débouté M. Eric X... de sa demande de mise hors de cause,
ordonné à M. Eric X..., en sa qualité de directeur de la publication du site internet www.google.fr, et à la société GOOGLE INC., en sa qualité de civilement responsable, de supprimer ou faire supprimer, sous la rubrique « Recherches associées à adomos » la requête injurieuse « adomos arnaque » figurant sur le moteur de recherche GOOGLE accessible à l'adresse http://www.google.fr, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard, à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours suivant celui de la signification de l'ordonnance,
condamné in solidum M. Eric X..., ès qualités, et la société civilement responsable GOOGLE INC. aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'au paiement à la société ADOMOS de la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté la société GOOGLE INC. de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile,
constaté l'exécution provisoire de plein droit de l'ordonnance.
Appelants de cette décision, la société GOOGLE INC. et M. Eric X..., aux termes de leurs écritures déposées le 19 janvier 2011, demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a mis hors de cause la société GOOGLE FRANCE, et statuant à nouveau, de constater la prescription non interrompue des demandes fondées sur le caractère prétendument injurieux de la requête litigieuse au moins depuis le 1er mars 2010, de dire et juger, en conséquence, que l'action de la société ADOMOS est irrecevable, subsidiairement, de dire et juger que l'apparition des termes « adomos arnaque » sous la bannière « Recherches Associées à adomos » n'a entraîné aucune trouble manifestement illicite puisque premièrement les internautes sont parfaitement libres de faire une recherche sur Google à partir de la requête « adomos arnaque » renvoyant elle-même vers des sites licites et deuxièmement, cette requête complémentaire ne constitue pas un jugement de valeur de nature injurieuse de la part de GOOGLE, mais le simple énoncé d'une requête, soit une commande informatique servant à interroger le moteur de GOOGLE sur une thématique particulière, de débouter la société ADOMOS de sa demande de suppression sous astreinte comme n'étant pas nécessaire dans une société démocratique, au sens de l'article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, très subsidiairement, de dire que la société GOOGLE INC. n'est pas civilement responsable de l'injure alléguée, celle-ci n'ayant été proférée ni par l'un de ses préposés, ni par l'un de ses organes et que la responsabilité de M. Eric X... ne saurait non plus être admise, faute de fixation préalable de la requête litigieuse, au sens de l'article 93-3 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982, en tout état de cause, de débouter la société ADOMOS de toutes ses demandes, fins et conclusions et de condamner celle-ci à verser à la société GOOGLE INC. la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses écritures déposées le 23 novembre 2010, la société ADOMOS demande à la cour de lui donner acte de l'interruption de la prescription de son action, de confirmer l'ordonnance entreprise et de condamner solidairement la société GOOGLE INC. et M. Eric X... à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la société GOOGLE INC. et M. Eric X... font valoir que le point de départ du délai de prescription de trois mois fixé par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 est fixé à la date du premier acte de publication pour un message figurant sur un site Web, que l'apparition de la requête litigieuse en tant que « Suggestion de recherche » remonte au 1er décembre 2009, qu'elle ne peut plus dès lors faire l'objet de poursuite depuis le 1er mars 2010, son affichage en tant que « Recherche associée » ne constituant qu'une simple modalité de diffusion dans la continuité de la publication initiale ;
Considérant que la société ADOMOS répond que le litige est lié à la fonction « Recherches associées » et non à celle de « Google Suggests », qu'un constat d'huissier du 25 mars 2010 démontre que la requête « adomos arnaque » apparaît sous la rubrique « Recherches associées à adomos» et que depuis elle a interrompu régulièrement la prescription tous les trois mois ;
Considérant que l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 énonce que l'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par ladite loi se prescrivent après trois mois révolus, à compter du jour où ils ont été commis ;
Considérant que lorsque des poursuites pour injures sont engagées à raison de la diffusion, sur le réseau internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l'action prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, applicable à l'action devant le juge des référés, doit être fixé à la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau ;
Considérant qu'il résulte, en l'espèce, d'un procès-verbal dressé, le 1er décembre 2009, à la demande de la société ADOMOS mais versé aux débats par la société GOOGLE INC. et M. Eric X..., que l'huissier mandaté par l'intimée a constaté à l'adresse http://www.google.fr qu'en saisissant dans le champ de recherche le terme « adomos », apparaissait à l'écran la suggestion « adomos arnaque » ; que le point de départ de la prescription doit dès lors être fixé au plus tard à cette date ; que le délai de trois mois était par suite acquis lorsque la société ADOMOS a fait assigner, le 18 juin 2010, les appelantes en suppression des termes « adomos arnaque » qu'elle estimait injurieux ; que c'est vainement que l'intimée invoque le procès-verbal dressé toujours à sa demande, le 25 mars 2010, aux termes duquel l'huissier a constaté, toujours à l'adresse http://www.google.fr/, qu'en opérant la requête « adomos » dans le moteur de recherche Google apparaissait une page comportant la rubrique « Recherches associées à adomos » dans laquelle figuraient les termes « adomos arnaque » ; qu'il est, en effet, indifférent que ces derniers apparaissent à cette date sous cette rubrique et non plus comme suggestion ; que dès lors qu'ils sont identiques, c'est la date à laquelle ils ont été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau qu'il faut retenir ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a mis hors de cause la société GOOGLE FRANCE et de déclarer l'action de la société ADOMOS irrecevable pour cause de prescription ;
Considérant que la société ADOMOS qui succombe supportera les entiers dépens et versera à la société GOOGLE INC. et M. Eric X... la somme précisée au dispositif du présent arrêt au titre des frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a mis hors de cause la société GOOGLE FRANCE ;
Statuant à nouveau :
Déclare l'action de la société ADOMOS irrecevable comme prescrite ;
Condamne la société ADOMOS à verser à la société GOOGLE INC. et M. Eric X... la somme de 5 000 (cinq mille) euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société ADOMOS aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de l'avoué concerné en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER LE PRESIDENT