RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRET DU 10 Mars 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/01932
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Décembre 2008 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 13] section RG n° 07-00221
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ET MARNE CPAM 77
[Adresse 14]
Rubelles
[Localité 10]
représentée par Mlle [U] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEES
Madame [C] [T] épouse [E] [A]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 995 substitué par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P229
Mademoiselle [S] [A]
[Adresse 1]
[Localité 9]
représentée par Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 995 substitué par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P229
Mademoiselle [V] [A]
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 995 substitué par Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P229
SOCIETE GUNNEBO FRANCE, anciennement SOCIETE FICHET BAUCHE
[Adresse 2]
[Localité 11]
représentée par Me Karine MUZEAU-COUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
Monsieur le Directeur Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale
Service juridique
[Adresse 6]
[Localité 7]
régulièrement avisé - non représenté
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 12]
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : M. Fabrice LOISEAU, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Madame Michèle SAGUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard ;
Il sera rappelé que :
M. [E] [A] a travaillé du 19 avril 1973 au 13 juillet 1978 en qualité de serrurier au sein de l'usine de [Localité 15] à [Localité 13] appartenant à la société Lutermax, dont l'activité a été rachetée en 1976 par la société Fichet Bauche devenue ensuite la société Gunnebo France.
Cette entreprise produisait des portes coupe feu en amiante.
M. [E] [A] a, le 20 mai 2004, fait auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Seine et Marne-la Caisse- une déclaration de maladie professionnelle reconnue comme telle le 18 juin 2006 par cet organisme, s'agissant d'un mésothéliome.
M. [E] [A] est décédé le [Date décès 4] 2005 des suites de cette maladie.
La demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur présentée par les ayants droit de M. [E] [A] le 18 janvier 2007 n'ayant pu aboutir à une conciliation, les intéressés ont saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de [Localité 13] le 19 mars suivant.
Par jugement du 19 décembre 2008, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a :
- déclaré la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [E] [A] par la CPAM inopposable à la société Gunnebo France ,
- fait droit à la demande d'inscription au compte spécial de cette maladie
- dit que la maladie professionnelle de M. [E] [A] est la conséquence de la faute inexcusable de la société Gunnebo France
- fixé au maximum la majoration de la rente servie à Mme Veuve [E] [A] et à Mlle [V] [A] ;
Fixé la réparation des préjudices extra-patrimoniaux de M. [E] [A] comme
suit :
- 60.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice moral,
- 60.000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances physiques,
- 30.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice d'agrément,
- 10.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice esthétique ;
Fixé l'indemnisation du préjudice moral des ayants droit comme suit :
- 91.500 euros pour Mme Veuve [E] [A],
- 40.000 euros pour Melle [V] [A],
- 30.000 euros pour Melle [S] [A] ,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la société Gunnebo France à payer à chacun des demandeurs la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Par déclaration du 17 février 2009 la Caisse interjeté appel de cette décision.
L'appelante a fait déposer le 12 janvier 2010 et développer oralement par son représentant des conclusions sollicitant ce qui suit :
- infirmer le jugement,
- déclarer opposable à la société Gunnebo France la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [E] [A] .
Dans leurs dernières conclusions, déposées au greffe le 31 janvier 2011 et soutenues oralement à l'audience par leur conseil, les consorts [E] [A] demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
Y ajoutant, allouer, au titre de l'action successorale, l'allocation forfaitaire prévue à l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale
- fixer les intérêts au taux légal à compter du jugement pour la majoration des rentes de conjoint survivant et d'orphelin, de la tentative de conciliation pour les arrérages échus, et de la date d'exigibilité pour les arrérages à échoir,
- condamner la partie succombant à payer à chacun des consorts [E] [A] la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe le 28 janvier 2011 et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société Gunnebo France demande à la Cour de:
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [E] [A] par la CPAM inopposable à la société Gunnebo France, avec les conséquences s'attachant à cette décision, et notamment quant à la faute inexcusable de l'employeur,
- juger que l'ensemble des conséquences financières de cette décision devra demeurer à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens et arguments proposés par les parties au soutien de leurs prétentions ;
SUR QUOI LA COUR
Sur l'opposabilité à la société Gunnebo France de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie dont est décédé M. [E] [A]
Considérant que seule est en débat cette question, hormis les demandes complémentaires faites par les consorts [E] [A], qui ne sont du reste pas discutées ;
Considérant qu'en application de l'article R 441-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la caisse primaire assure l'information de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de lui faire grief ;
Considérant qu'en l'espèce cette procédure a été diligentée à l'encontre de la société Dafa, dernier employeur de M. [E] [A] ;
Considérant que la société Gunnebo France en déduit que la décision de la caisse primaire de prendre en charge la maladie et le décès de M. [E] [A] ne lui est pas opposable en raison de l'irrégularité de la procédure d'instruction et du principe du contradictoire figurant dans les article R 441-1 et R 441-14 du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en effet ce n'est qu'en mars 2007 que la société Fichet Bauche a, via la procédure de reconnaissance de faute inexcusable, appris celle afférente à la maladie professionnelle, la société Gunnebo France n'ayant pour sa part jamais été informée de l'instruction diligentée sur ce point et, partant, n'ayant jamais eu accès aux éléments du dossier ; que ce faisant, la Caisse, qui agit auprès d'un employeur qui n'était pas effectivement concerné a privé de ses droits celui chez qui la victime avait pu être exposée au risque, et à qui les conséquences allaient en être imputées ; qu'ainsi, faute d'avoir respecté les dispositions de l'article R 441-1 désignant l'employeur comme celui à qui la décision est susceptible de faire grief, la Caisse n'est pas fondée à lui opposer la décision prise par elle ce qui, par voie de conséquence, prive également la décision afférente à la faute inexcusable de toute incidence à l'égard de la société Gunnebo France ;
Mais, considérant que, ainsi que le relève elle même la société Gunnebo France, les dispositions nouvelles de l'article R 441-11 du Code de la Sécurité Sociale sont applicables au 1° janvier 2010 ; que, dans l'espèce en cause, la demande de reconnaissance d'une faute inexcusable a été, dans les années 2004 à 2006, valablement instruite à l'égard du dernier employeur, quand bien même ce ne serait pas dans son entreprise que le salarié aurait été exposé au risque ; qu'il en découle que la Caisse n'était pas tenue à information envers la société Gunnebo France et que c'est à tort que le jugement a fait droit aux demandes de cette dernière ;
Considérant en conséquence que le jugement est infirmé de ce chef ;
Considérant ainsi que la société Gunnebo France reste tenue des conséquences de sa faute inexcusable ;
Sur les demandes complémentaires des consorts [E] [A]
Considérant que s'agissant de l'allocation forfaitaire prévue à l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale, le fait que les consorts [E] [A] ne s'en soient pas prévalus en première instance, ne s'oppose pas à sa recevabilité en cause d'appel dès lors que l'allocation forfaitaire constitue une demande accessoire à celles déjà soumises devant les premiers juges et consécutives à la même faute inexcusable ; qu'il y a donc lieu d'y faire droit ;
Considérant que les intérêts sont dus au taux légal à compter du jugement pour la majoration des rentes de conjoint survivant et d'orphelin comme le demandent les intimés et, s'agissant des arrérages échus à compter de la date de la tentative de conciliation-18 janvier 2007 ;
Considérant que les arrérages à échoir ne font pas l'objet d'une condamnation laquelle ne pourrait résulter que de leur éventuel non paiement, hypothèse qui ne peut se présumer ;
qu'en conséquence cette demande est sans objet ;
Considérant que l'équité ne commande pas de condamner la société Gunnebo France à payer une somme au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable et bien fondé,
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Gunnebo France la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [X] [E] [A],
Statuant à nouveau,
Déclare opposable à la société Gunnebo France la reconnaissance de la maladie professionnelle de M. [X] [E] [A],
Y ajoutant quant aux sommes allouées aux consorts [E] [A] :
Alloue, au titre de l'action successorale, l'allocation forfaitaire prévue à l'article L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale ;
Fixe les intérêts au taux légal à compter du jugement pour la majoration des rentes de conjoint survivant et d'orphelin, et du 18 janvier 2007 pour les arrérages échus ;
Rejette toutes autres demandes.
Le Greffier, Le Président,