Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 16 MARS 2011
(n° 78 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/01062
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2008
Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007061354
APPELANTE
S.A. LES PARFUMERIES FRAGONARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me CLEMENT-BERNARD Nathalie, avocat au barreau de PARIS - toque L25
INTIMEE
S.A.S MCM exerçant sous l'enseigne POTIRON
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assistée de Me ELBAZ Roland, avocat au barreau de PARIS - toque C371
INTERVENANTS FORCES
Maître [Y] [L], es qualités d'administrateur de la société MCM
[Adresse 3]
[Localité 8]
Maître [P] [N], es qualités de mandataire judiciaire de la société MCM
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentés par la SCP GOIRAND, avoués à la Cour
assistés de Me ELBAZ Roland, avocat au barreau de PARIS - toque C371
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 1er février 2011 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.VERT, conseiller, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
- M.LE FEVRE, président de chambre, président
- M.ROCHE, président de chambre
- M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 23 octobre 2008 qui a notamment débouté la SA LES PARFUMERIES FRAGONARD, ci-après FRAGONARD, de ses demandes de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme formulées à l'encontre de la SAS MCM, et accordé à cette dernière 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu l'appel de la société FRAGONARD et ses conclusions du 24 janvier 2011 tendant à faire:
- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société MCM de sa demande de condamnation de FRAGONARD pour procédure abusive,
- dire que la société MCM s'est livrée à des actes de parasitisme à son encontre,
- interdire à la société MCM la fabrication et la distribution des modèles de pochons de voyage portant atteinte à ses droits, sous astreinte de 3 000€ par infraction constatée ou par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- ordonner la reprise par la société MCM de tous les modèles de pochons de voyage commercialisés et la remise à FRAGONARD de tous les modèles de pochons de voyage portant atteinte à ses droits,
- condamner la société MCM à lui payer la somme de 250 000 € à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques aux frais de la société MCM,
- condamner la société MCM aux entiers dépens de première instance et d'appel et à lui verser la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les conclusions de la SAS MCM du 1er février 2011 par lesquelles elle demande notamment à la Cour de:
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté FRAGONARD de l'ensemble de ses demandes,
- condamner cette dernière à lui verser la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts, aux entiers dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme supplémentaire de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant qu'il y a lieu de mettre hors de cause Maître [Y] dès lors que sa mission d'administrateur judiciaire de la société MCM a pris fin suivant jugement du 12 octobre 2010;
Considérant que FRAGONARD, fabricant et distributeur de parfums et cosmétiques mais également d'articles de décoration et de linge de maison, reproche à la société MCM, exerçant son activité de vente d'articles de décoration sous l'enseigne POTIRON (ci-après POTIRON), de s'être rendue coupable d'actes de parasitisme en se livrant à une commercialisation de pochons de voyage de moindre qualité et à des prix inférieurs reproduisant les caractéristiques principales de la collection de pochons FRAGONARD;
Considérant que le droit à la similitude résultant du principe de la liberté du commerce n'autorise pas les pratiques parasitaires venant fausser le jeu de la concurrence; que le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de son savoir-faire, ainsi que de sa notoriété;
Considérant que FRAGONARD soutient que la reprise par la société MCM des principales caractéristiques de ses pochons de voyage n'était nullement nécessaire et serait révélatrice de l'intention parasitaire de cette dernière de profiter des investissements et de la notoriété des pochons FRAGONARD; qu'en réponse, la société MCM invoque le caractère commun à tout pochon de voyage des attributs des articles FRAGONARD, ainsi que l'absence de notoriété établie de la marque en matière de pochons de voyage, celle-ci étant largement identifiée dans l'esprit du consommateur par sa commercialisation de parfums;
Considérant que l'établissement d'un acte de parasitisme requiert la démonstration d'efforts de création, d'investissements suffisants de la part de celui qui s'estime être victime de tels agissements anticoncurrentiels; qu'il ressort des différentes illustrations versées au débat que les prétendues caractéristiques propres aux pochons FRAGONARD sont en réalité communes à tous les pochons dits de voyage présents sur le marché des articles de décoration; qu'en particulier l'utilisation de coton blanc, la fermeture du pochon par un cordon, les dessins représentatifs de l'usage particulier de l'objet associés à des termes descriptifs ne peuvent être considérés comme résultant d'un effort particulier de création; qu'en conséquence la réalité et l'étendue des efforts intellectuels que FRAGONARD auraient déployés pour concevoir ses pochons ne sont pas démontrées; que le caractère banal de l'objet lui-même et de ses attributs écarte la démonstration d'un savoir-faire particulier; qu'au surplus la marque POTIRON verse aux débats des éléments venant attester des ses propres recherches en matière de pochons de voyage;
Considérant que, par ailleurs, FRAGONARD ne démontre pas que sa collection de pochons, par la publicité qui en a été faite et les investissements consacrés, était de nature à permettre au public d'identifier la marque; que FRAGONARD a établi sa notoriété de marque de luxe au travers de sa production de parfums et que le développement d'articles annexes tels que les pochons de voyage ne peut être considéré comme participant de manière significative à l'établissement de sa renommée; qu'il ressort de ces éléments que la prétendue volonté de POTIRON de profiter de la notoriété de FRAGONARD à travers la commercialisation de pochons de voyage n'est pas établie;
Considérant que le fait que la société MCM commercialise, dans ces circonstances, ses pochons à un moindre coût que la société FRAGONARD, n'est pas davantage constitutif d'un acte de parasitisme ou de concurrence déloyale;
Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, et au regard des motifs pertinents du premier juge, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté FRAGONARD de ses demandes en dommages et intérêt pour concurrence déloyale et parasitisme;
Considérant que la société MCM forme une demande de dommages et intérêts en raison du caractère selon elle manifestement abusif de la présente procédure; que cependant, comme estimé par les premiers juges, bien que succombant en ses prétentions la société FRAGONARD, en cherchant à faire valoir en justice ce qu'elle estimait être ses droits, n'a commis aucun abus de procédure et n'a fait qu'user des voies contentieuses et procédurales légalement à sa disposition; que la demande formée de ce chef sera donc rejetée;
Considérant en second lieu que POTIRON reproche à FRAGONARD de s'être rendue coupable d'actes de dénigrement ayant entraîné la rupture de ses relations commerciales avec l'un de ses principaux distributeurs, à savoir la société CASTORAMA; que dans courrier en date du 7 avril 2008 adressé par le conseil des PARFUMERIES FRAGONARD à la société CASTORAMA FRANCE, il est dénoncé des 'actes de contrefaçon' ou 'actes de concurrence déloyale' que la société MCM aurait commis à l'encontre de FRAGONARD résultant de la commercialisation des pochons litigieux ; que ce courrier met en demeure CASTORAMA de cesser la commercialisation des pochons fabriqués par la société MCM sous l'enseigne POTIRON;
Considérant qu'en matière de parasitisme, n'est pas en soi manifestement illicite une mise en garde adressée aux distributeurs des produits litigieux, notamment lorsqu'il s'agit d'obtenir des informations quant à la provenance de ces derniers ; que cependant, en l'espèce, FRAGONARD ne pouvait ignorer l'identité du fournisseur des pochons dans la mesure où elle avait, à la date du courrier adressé à CASTORAMA, déjà fait assigner la société MCM devant le Tribunal de commerce de Paris et connaissait par la même parfaitement l'identité de la société à l'origine de la commercialisation des produits litigieux; que le caractère non mesuré et particulièrement menaçant des propos tenus par FRAGONARD dans ce courrier confère à cette mise en garde un caractère illégitime; qu'au surplus FRAGONARD n'a, à aucun moment de la présente procédure, fondé ses demandes sur la commission d'actes de contrefaçon pourtant clairement reprochés à la société MCM dans son courrier adressé à CASTORAMA FRANCE; qu'ainsi, au regard du caractère excessif des propos employés par FRAGONARD, sans qu'aucune justification se rapportant à la défense d'intérêts légitimes ou à la recherche d'informations ne puisse être établie, celle-ci s'est rendue coupable d'un acte de dénigrement fautif;
Considérant qu'il est établi, au regard de l'attestation de l'expert comptable de la société MCM, qu'aucune commande n'a été passée à cette dernière par CASTORAMA postérieurement au 7 avril 2008; que le chiffre d'affaires réalisé par la société MCM avec CASTORAMA sur les sept premiers mois de l'année 2008 s'est élevé à 317 345,17 € et que ce chiffre d'affaires était de 407 217 euros HT pour l'année 2007; que cet acte de dénigrement a causé un préjudice d'image à la société MCM, cette dernière ayant subi une perte de chance de continuer ses relations commerciales avec la société Castorama; qu'au vu de ces éléménts il y a lieu d'évaluer le préjudice subi par la société MCM suite à cet acte de dénigrement à la somme de 50 000 euros; que la société FRAGONARD sera donc condamnée à payer cette somme à la société MCM à titre de dommages et intérêts;
Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société LES PARFUMERIES FRAGONARD à verser à la société MCM exerçant sous l'enseigne POTIRON la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel;
PAR CES MOTIF
Met hors de cause Maître [Y].
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société MCM exerçant sous l'enseigne POTIRON au titre du dénigrement.
Condamne la société LES PARFUMERIES FRAGONARD à verser à la société MCM exerçant sous l'enseigne POTIRON la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef.
La condamne à payer à la société MCM exerçant sous l'enseigne POTIRON la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de 1ère instance et d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT