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17/03/2011 | FRANCE | N°09/06036

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 17 mars 2011, 09/06036


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 17 Mars 2011

(n° 11 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06036



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de MEAUX Section ENCADREMENT RG n° 07/00711





APPELANTE



SELARL DES CORDELIERS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par M. [L] [G] (Co-gérant) en vertu d'un pouvoir

spécial

assisté par Me Romain SUTRA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171





INTIMEE

Madame [Y] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne

assistée de Me Laetitia SI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 17 Mars 2011

(n° 11 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06036

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2009 par le conseil de prud'hommes de MEAUX Section ENCADREMENT RG n° 07/00711

APPELANTE

SELARL DES CORDELIERS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par M. [L] [G] (Co-gérant) en vertu d'un pouvoir spécial

assisté par Me Romain SUTRA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171

INTIMEE

Madame [Y] [X]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne

assistée de Me Laetitia SIMONIN, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 6 décembre 2010

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Mme [Y] [X] a été engagée par la SCP Les Cordeliers à compter du 3 octobre 2003, par contrat à durée indéterminée, en qualité de vétérinaire assistante.

Son temps de travail est réparti de la manière suivante :

- 10 nuits environ par mois (de 19 heures à 8 heures) et un dimanche sur 4 (de 8 heures à 19 heures) d'astreinte ;

- 8 heures par semaine d'assistanat réparties en matinée ou après-midi.

Sa rémunération s'est établie comme suit, qui comprend les congés payés :

- 38,11 € par nuit d'astreinte

- 76,22 € par dimanche

- 45,73 € par matinée

- 60,98 € par après-midi

à laquelle s'ajoute un intéressement sur le chiffre d'affaires réalisé pendant les heures d'astreintes de 20% nets.

Par courrier en date du 18 avril 2007, Mme [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail au motif que la SCP Les Cordeliers lui refuse de payer les heures de garde qu'elle effectue la nuit et le dimanche, ce depuis son embauche.

La SCP Les Cordeliers compte moins de 11 salariés.

Mme [X] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Meaux de demandes tendant en dernier lieu à obtenir le paiement d'un rappel de salaire, d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité pour travail dissimulé, outre la remise des documents sociaux conformes, les intérêts au taux légal capitalisés et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.

Par décision en date du 14 mai 2009, le conseil des Prud'Hommes, faisant partiellement droit à la salariée, a condamné la SCP Les Cordeliers à lui payer les sommes suivantes :

- 55 525,94 € à titre de rappel de salaires concernant les gardes de nuit et du dimanche

- 5 552,60 € au titre des congés payés afférents

- 8 918,83 € à titre d'indemnité de congés payés

- 11 740,41 € à titre d'indemnité de préavis

- 1 174,04 € au titre des congés payés afférents

- 1 500,16 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la convocation devant le bureau de conciliation.

- 17 500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 900 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement

Le conseil des Prud'Hommes a, en outre, ordonné la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte, débouté Mme [X] pour le surplus et condamné la SCP Les Cordeliers aux dépens.

La SCP Les Cordeliers a régulièrement fait appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle conclut au débouté de Mme [X] et à sa condamnation à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle demande que soient réduites les sommes allouées à la salariée.

Mme [X] sollicite la confirmation de la décision déférée. Elle demande en conséquence la condamnation de la SCP Les Cordeliers à lui payer, outre les sommes allouées en première instance, celle de 23 480,82 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé et celle de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclame enfin la somme de 3 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 3 février 2011, reprises et complétées lors de l'audience.

A l'audience, Mme [D] [W] a comparu comme témoin.

MOTIVATION

L'article L 3121-1 du code du travail dispose que 'la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles'.

Selon l'article L 3121-5 du même code, 'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif'.

Se référant au contrat de travail de la salariée, la SCP Les Cordeliers soutient que Mme [X] ne devait être présente à la clinique que pour les consultations d'urgence, et qu'elle n'effectuait pas de gardes. Il n'a jamais été question, selon elle, que les vétérinaires ou les assistants vétérinaires assurent les gardes et se trouvent dans l'obligation de demeurer présents dans la clinique durant leurs astreintes. Elle explique que les clients doivent téléphoner avant de se déplacer. Cet appel est automatiquement transféré lorsque le salarié n'utilise pas la salle de repos facultative mise à sa disposition, soit par le téléphone portable du salarié d'astreinte, soit sur le téléphone portable de l'un des associés qu'il met à la disposition dudit salarié. Elle ajoute qu'il en est de même, lorsque le client se rend directement au cabinet, la sonnerie du portier renvoie directement le client sur le numéro de portable programmé pour les astreintes.

Elle précise que la société Vot qui a procédé à l'installation téléphonique au sein de la clinique atteste que celle-ci permet le transfert d'appels, y compris ceux du portier.

Contestant ces allégations ainsi que la valeur probante des attestations produites par la SCP Les Cordeliers, Mme [X] fait valoir que les périodes d'astreinte, contrairement à ce qu'indique le contrat de travail, exigent une présence en continu dans la clinique. Elle affirme avoir été à la disposition permanente de son employeur. Elle conteste que son employeur ait mis à sa disposition un téléphone portable et que le renvoi d'appels ait été possible et ajoute qu'en pratique, elle répondait de manière permanente à la sollicitation des clients.

Il ressort des débats, de manière constante, et indépendamment de la possibilité avérée ou non, de procéder à un renvoi des communications téléphoniques, que le vétérinaire chargé des astreintes, les nuits et les week-end, avait pour mission de répondre aux appels téléphoniques reçus par la clinique, de leur donner suite, de procéder aux consultations d'urgence et, le cas échéant, lorsque le cas se présentait de veiller sur les animaux hospitalisés et d'assurer la surveillance et le suivi nécessaires.

Mme [X] a ajouté lors de l'audience, sans être contredite par l'employeur, également présent, qu'il lui avait été fait interdiction de quitter la clinique lors desdites astreintes, un local de repos étant mis à disposition.

Il s'ensuit donc que ces permanences téléphoniques et la gestion des urgences s'accompagnent d'un suivi et d'une surveillance régulière ou constante des animaux hospitalisés. L'assistant vétérinaire, qui reste ainsi en permanence à la disposition de son employeur, accomplit un travail effectif sur toute la durée de la nuit ou du week-end.

Au soutien de sa réclamation d'un rappel de salaire à ce titre d'un montant de 55 525,94 € , Mme [X] produit aux débats un décompte établi sur la base du minimum conventionnel, que l'employeur conteste dans son principe comme dans son montant, au sujet duquel il fait valoir qu'il ne peut être dû davantage que 20 453,03 €, déduction faite des sommes déjà allouées au titre des congés payés, de la prime exceptionnelle et des sommes demandées en application de la convention collective des personnels salariés des cabinets et cliniques vétérinaires dont, selon l'employeur, se prévaut à tort la salariée.

Il ressort des débats que la convention collective des personnels salariés des cabinets et des cliniques vétérinaires, qui concerne les personnels non vétérinaires, exclut de son champ d'application les salariés qui relèvent de l'autorité ordinale des vétérinaires et en particulier les vétérinaires salariés de ces cabinets ou cliniques, comme Mme [X].

Il s'ensuit que la majoration de 15% appliquée, à tort, par Mme [X], en vertu de ce texte, et qui s'élève à la somme de 8 328,89 €, selon le décompte de l'employeur non sérieusement contesté, doit être défalquée du montant réclamé. Il en est de même de la prime exceptionnelle correspondant à l'intéressement afférent aux interventions réalisées pendant les heures d'astreinte, qui s'élève, pour la période considérée à la somme de 17 855,19 €. Selon ce que mentionne, en annexe 2, le courrier du 15 mars 2007 adressé par le conseil de la salariée à son employeur, la demande de Mme [X] comprend, à juste titre, les indemnités de congés payés afférentes aux salaires dus pour la période considérée.

Il se déduit de ce qui précède que la SCP Les Cordeliers reste devoir à Mme [X] sur la totalité de la période considérée, la somme de 29 341,86 €, en considérant son salaire brut mensuel s'élevant au montant de 2 798,35 €, selon le décompte réalisé par la salariée qui n'est pas sérieusement contestée.

Corrélativement, il convient de débouter Mme [X] de sa demande complémentaire de congés payés d'ores et déjà pris en compte dans le rappel de salaire ainsi alloué.

- Sur la prise d'acte

En application de l'article L 1231-1 du code du travail, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Les faits reprochés à l'employeur doivent être suffisamment graves pour que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige.

Par courrier du 18 avril 2007, adressé à son employeur, Mme [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, en raison des salaires impayés par son employeur malgré ses demandes répétées, ce, motif pris du refus de son employeur de reconnaître les heures dites 'd'astreinte' comme du temps de travail effectif et de les rémunérer en conséquence.

En l'espèce, le fait pour l'employeur de n'avoir pas rémunéré sa salariée dans son intégralité constitue un manquement à ses obligations découlant du contrat de travail justifiant la prise d'acte de Mme [X] .

Il s'ensuit que la prise d'acte de Mme [X] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à Mme [X] au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement que le conseil des Prud'Hommes, qu'il convient de confirmer, a exactement évalués.

Compte-tenu notamment de l'ancienneté de Mme [X], il convient d'évaluer à la somme de 17 500 € le préjudice subi par Mme [X] du fait de son licenciement.

- Sur le travail dissimulé

En application de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur notamment de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L 8223-1 du code du travail sanctionne le travail dissimulé, 'd'une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à 6 mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable'.

En l'espèce, l'employeur qui emploie des assistants vétérinaires la nuit, en les plaçant à sa disposition de manière permanente et immédiate, en les payant à un montant qui est celui des astreintes, caractérise son intention de recourir au travail dissimulé.

Il s'ensuit que la demande de Mme [X] à ce titre doit être accueillie et la Scp Des Cordeliers condamnée à lui payer la somme de 6 mois de salaire, représentant un montant de 16 790,10 €.

- Sur la remise des documents sociaux

Compte-tenu de ce qui précède, il convient d'ordonner la remise à Mme [X] des documents sociaux dans les termes retenus par les premiers juges, qu'il convient en conséquence, de confirmer.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

- confirme le jugement déféré en ses toutes ses dispositions sauf celles relatives au rappel de salaire et les congés payés afférents, à l'indemnité de congés payés et au travail dissimulé ;

Statuant à nouveau sur ces chefs :

- condamne la SELARL DES CORDELIERS à payer à Mme [Y] [X] la somme de 29 341,86 € au titre des rappels de salaire ;

- la condamne à payer à Mme [Y] [X] la somme de 16 790,10 € au titre du travail dissimulé ;

- déboute Mme [Y] [X] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- condamne la SELARL DES CORDELIERS aux dépens ;

- la condamne à payer à Mme [Y] [X] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/06036
Date de la décision : 17/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°09/06036 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-17;09.06036 ?
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