Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 3
ARRÊT DU 24 MARS 2011
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/14974
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2009 -Tribunal d'Instance de PARIS 16ème arrondissement - RG n° 11-08-001246
APPELANTE :
- Madame [B] [V] [J] veuve [U]
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistée de Me Sophie SEGOND, plaidant pour la SELARL SEGOND VITALE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1963
INTIMÉS :
- Madame [E] [I]
demeurant [Adresse 1]
- Monsieur [X] [I]
demeurant [Adresse 1]
- Mademoiselle [W] [I]
demeurant [Adresse 2]
- Mademoiselle [M] [I]
demeurant [Adresse 1]
- Monsieur [G] [I]
demeurant [Adresse 1]
- Mademoiselle [T] [I]
demeurant [Adresse 1]
- Monsieur [P] [I]
demeurant [Adresse 1]
tous représentés par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
assistés de Me Philippe LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R 054
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, conseillère chargée du rapport et Madame Michèle TIMBERT, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Isabelle REGHI, faisant fonction de présidente en remplacement de Madame Nicole PAPAZIAN, présidente, empêchée en application de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Paris du 17 décembre 2010
Madame Michèle TIMBERT, conseillère
Madame Claude JOLY, conseillère, en remplacement de Madame Isabelle REGHI en application de l'ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Paris du 17 décembre 2010
qui en ont délibéré
Greffière
lors des débats et du prononcé : Mademoiselle Béatrice PIERRE-GABRIEL
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle REGHI, faisant fonction de présidente et par Mademoiselle Béatrice PIERRE-GABRIEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS DE LA PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé du 15 février 1965, Mme [C], aux droits de qui sont venus Mmes [E], [W], [M] et [T] [I] MM. [X], [G] et [P] [I] (ci-après les consorts [I]), a donné en location à M. [U] et Mme [J] un appartement situé [Adresse 3].
M. [U] est décédé en 1979.
Par acte du 22 septembre 2008, les consorts [I] ont donné congé à Mme [J].
Par acte du 5 décembre 2008, les consorts [I] ont fait assigner Mme [J] en validation de congé et en expulsion devant le tribunal d'instance du 16ème arrondissement de Paris qui, par jugement du 12 mai 2009, a :
- validé le congé,
- ordonné l'expulsion de Mme [J],
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [J] au montant du loyer et des charges,
- débouté les parties de toute autre demande,
- condamné Mme [J] au paiement de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 1er juillet 2009, Mme [J] a fait appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 3 février 2011, Mme [J] demande :
- l'infirmation du jugement,
- de dire les demandes irrecevables pour autorité de chose jugée,
- la condamnation des les consorts [I] à payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 € pour procédure abusive,
subsidiairement :
- de débouter les consorts [I] de leur demande aux fins de reprise sur le fondement de l'article 10 9° de la loi du 1er septembre 1948,
- la fixation de l'indemnité d'occupation mensuelle au montant du dernier loyer hors charges à compter du 1er janvier 2011,
- de débouter les consorts [I] de l'ensemble de leurs demandes,
- leur condamnation à payer la somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par maître Olivier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 24 janvier 2011, les consorts [I], formant appel incident, demandent :
- la confirmation du jugement,
- la fixation du montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à 1 332 € à compter de la décision,
- le débouté des demandes de Mme [J],
- sa condamnation à payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par la SCP Hardouin, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 3 février 2011.
CELA EXPOSE, LA COUR,
Considérant que Mme [J] oppose la fin de non-recevoir à la demande de validation du congé, tirée de l'autorité de la chose jugée ; qu'elle fait valoir que les consorts [I] ont été déboutés, par deux décisions irrévocables des 26 octobre 2006 et 12 juillet 2007 rendues par la Cour d'appel de Paris, de deux demandes en validation de congé pour reprise délivrés les 30 mars 2004 et 27 septembre 2005 ; que la présente demande, tendant à la validation du congé délivré sur le fondement de l'article 10 9° et visant à obtenir son expulsion des lieux, tend aux mêmes fins que les demandes précédentes, le seul changement de fondement juridique ne pouvant suffire à caractériser la nouveauté de la cause ;
Considérant que les consorts [I] répliquent que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet du jugement ; que, dans l'instance précédente, il s'agissait d'exercer un droit de reprise alors que, dans la présente instance, il est demandé que soit reconnue l'absence du droit au maintien dans les lieux de Mme [J] ; que ce n'est qu'au cours de la procédure précédente qu'ils ont appris que Mme [J] était propriétaire d'un appartement à [Localité 4], ce qui constitue une circonstance nouvelle ; qu'enfin, dans le cadre de l'instance précédente, Mme [J] avait la qualité de locataire, alors que dans la présente instance, elle a la qualité d'occupante maintenue dans les lieux ;
Considérant qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ;
Considérant que, nonobstant le fait que le seul congé produit aux débats est le congé délivré le 22 septembre 2008 fondé sur les dispositions de l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948, la présente instance tend à dénier à Mme [J] le droit au maintien dans les lieux sur le fondement de l'article 10 9° de la même loi ; que les articles 10 et 19 de la loi du 1er septembre 1948 ont pour objet d'énumérer les motifs pour lesquels le droit au maintien dans les lieux ne peut être opposé au propriétaire, peu important que le congé de l'article 4 ait été préalablement ou non délivré ; que ces dispositions tendent donc aux mêmes fins, la dénégation du bénéfice du droit au maintien dans les lieux ; que ce n'est qu'en présence de faits nouveaux venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice que la demande des consorts [I] sur le fondement de l'article 10 9° de la loi du 1er septembre 1948, après une précédente demande sur le fondement de l'article 19 de la loi, serait recevable ; que, toutefois, en se contentant d'invoquer le fait qu'ils n'ont appris qu'au cours de l'instance précédente que Mme [J] était propriétaire d'un appartement et pouvait donc se voir opposer les dispositions de l'article 10 9° de la loi du 1er septembre 1948, alors que la qualité de propriétaire de Mme [J] des lieux situés à [Localité 4] était née antérieurement à la délivrance du 1er congé délivré le 30 mars 2004, les consorts [I] ne font état d'aucune circonstance nouvelle ayant eu pour effet de modifier la situation antérieure ; qu'ils sont donc irrecevables à agir en validation de congé et dans leurs demandes qui y sont afférentes ;
Considérant que Mme [J] sollicite l'allocation de dommages et intérêts pour l'acharnement procédural, marqué par le cumul de congés irréguliers, et les manoeuvres dolosives dont ont fait preuve les consorts [I] en tentant de contourner les décisions de justice, ce qui, compte tenu de son âge de 74 ans et de son état de santé, a été cause d'un stress important ; qu'elle demande également l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que s'il est constant que les consorts [I] n'ont pas multiplié les procédures à bon escient, ce qui a certainement pu perturber Mme [J] et la contraindre à assurer sa défense, il ne peut leur être reproché d'avoir pratiqué un acharnement procédural ou commis un dol, alors qu'ils ne cherchaient qu'à bénéficier des avantages liés à leur qualité de propriétaires, ni commis une faute de nature à faire dégénérer en abus leur droit d'agir en justice ; que les demandes de Mme [J] doivent donc être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner les consorts [I] à payer à Mme [J] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que les consorts [I] doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déclare Mmes [E], [W], [M] et [T] [I] MM. [X], [G] et [P] [I] irrecevables en leur demande de déchéance du droit au maintien dans les lieux de Mme [J] et les demandes afférentes, pour autorité de chose jugée ;
Déboute Mme [J] de ses demandes à titre de dommages et intérêts ;
Condamne Mmes [E], [W], [M] et [T] [I] MM. [X], [G] et [P] [I] à payer à Mme [J] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués en cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE