COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 6
ARRET DU 22 AVRIL 2011
(no 161 ,4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03230
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 25 Janvier 2011 -Juge des enfants de PARIS - RG no B10/0099
APPELANTE
Mademoiselle Jennifer X... ...75018 PARIScomparante et assistée de Me Pascal OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2074
AUTRES PARTIES :
Monsieur Lassana Z...Chez Monsieur Madi Z......93200 SAINT DENIScomparant
MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL DE PARIS-ASE76/78 rue de Reuilly75583 PARIS CEDEX 12représenté par Me Emmanuelle DA COSTA, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Sibylle BARREYRE DE PANTHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0331
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Avril 2011, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :Monsieur Jean DUSSARD, PrésidentMadame Evelyne DELBES, Conseillère, entendue en son rapportMadame Sylvie MAUNAND, Conseillèredésignés pour exercer les fonctions de délégués à la Protection de l'enfance, par ordonnance du Premier Président,qui en ont délibéré
En présence de Mademoiselle Mélanie B..., élève avocat dans un centre régional de formation professionnelle d'avocats effectuant un stage au parquet général de cette juridiction, qui a assisté au débats en vertu de l'article 12-2 de la loi No71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Greffier, lors des débats : Mme Isabelle FERNANDEZ
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur LECRUBIER , avocat général, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- CONTRADICTOIRE- prononcé en chambre du conseil par Monsieur Jean DUSSARD, Président- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Jean DUSSARD, président et par Mme Isabelle FERNANDEZ, greffier présent lors du prononcé.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme Jennifer X... de l'ordonnance rendue le 25 janvier 2011 par le juge des enfants de Paris qui a confié son fils, Antony Z..., à l'Aide Sociale à l'Enfance de Paris jusqu'au 31 juillet 2011, a dit que la mère bénéficiera d'un droit de visite médiatisé et qu'un rapport devra lui être adressé un mois au plus tard avant la fin de la mesure et a ordonné l'exécution provisoire. ****
Il convient de rappeler que par requête du 8 mars 2010, le Procureur de la République de Paris a saisi le juge des enfants de la situation d'Antony Z..., âgé de 3 ans et demi comme étant né le 30 août 2006, à la suite d'un signalement conjoint du service social scolaire, de la PMI et du service social de secteur. Ceux-ci rapportaient des problèmes de langage et de motricité d'Antony et leur total déni par la mère, Mme X.... Ils signalaient le comportement inadapté, voire violent de celle-ci, qui, après les vacances de la Toussaint, avait fait irruption, durant deux semaines et plusieurs fois par jour, dans l'école pour voir la directrice et se plaindre des mauvais traitements et de la négligence dont son fils aurait été l'objet de la part de sa maîtresse. Ils ajoutaient qu'au retour des vacances de Noël, Mme X... avait indiqué que son fils était désormais inscrit dans une école privée et que l'intéressée ne s'était plus manifestée auprès d'eux.
Le 13 avril 2010, le juge des enfants a ordonné une mesure d'investigation et d'orientation éducative confiée à l'Association Vers la Vie.
Dans une note datée du 5 octobre 2010, celle-ci indiquait qu'elle n'avait pas pu mener à bien sa mission, Mme X... ne se présentant à aucun des rendez-vous qui lui étaient donnés et refusant de rencontrer l'éducatrice spécialisée et la psychologue chargée de la mesure d'IOE.
La Brigade des mineurs, alors chargée par le juge des enfants de vérifier les conditions de vie du mineur, s'est rendue au domicile de Mme X... le 19 octobre 2010, sans pouvoir rencontrer l'intéressée ni l'enfant, une personne se présentant comme le mari de Mme X... ayant interdit l'accès de l'appartement aux enquêteurs.
Le 17 mai 2010, le service social de secteur indiquait au juge des enfants que Mme X... s'était présentée effondrée pour dire qu'elle souhaitait que son fils soit placé au plus vite, n'étant plus à même de le prendre en charge et que l'intéressée n'avait plus, depuis lors, répondu à ses convocations.
C'est dans ces circonstances qu'a été prise la décision déférée, le juge des enfants estimant nécessaire une mesure de placement provisoire, au regard de l'impossibilité d'évaluer les conditions de prise en charge et le développement d'Antony, et compte tenu des éléments du signalement quant aux inquiétudes à cet égard, du comportement inadapté de la mère et de son refus de collaborer avec les services sociaux.
A l'audience devant la cour, Mme X..., assistée de son conseil, qui a déposé des conclusions, sollicite l'infirmation de l'ordonnance dont appel. Elle expose que par jugement du 18 avril 2008, le juge aux affaires familiales de Paris a rappelé que l'autorité parentale sur l'enfant est exercée en commun par les deux parents, a fixé la résidence habituelle d'Antony chez elle, a réservé le droit de visite et d'hébergement du père et a fixé la contribution mensuelle de celui-ci à l'éducation et à l'entretien de l'enfant à 200 euros ; que par jugement du 9 juillet 2009, le même juge a fixé le droit de visite et d'hébergement du père et a réduit sa contribution mensuelle à 100 euros; que par arrêt du 5 janvier 2011, la cour d'appel de Paris, réformant cette décision, a dit que le droit de visite et d'hébergement du père s'exercerait durant sept mois de façon médiatisée. Rappelant les termes du dernier alinéa de l'article 375-3 du code civil, elle fait plaider qu'une décision de placement ne peut intervenir postérieurement ou concomitamment à une décision du juge aux affaires familiales ayant statué sur les droits de visite et d'hébergement qu'en présence de faits nouveaux, absents en l'espèce. Elle fait valoir que la décision de placement contestée doit être annulée puisqu'elle se fonde sur des faits antérieurs à l'arrêt du 5 janvier 2011 qui a confirmé que la résidence de l'enfant est fixée à son domicile. Elle conclut subsidiairement qu'il n'y a pas lieu de placer Antony qui n'est pas en danger auprès d'elle. Elle fait valoir que son fils est régulièrement suivi, depuis sa naissance par le Dr C..., pédiatre, qui a établi, le 13 avril 2011, un certificat aux termes duquel il indique qu'Anthony est en parfaite santé et que son développement est satisfaisant ; qu'il est inscrit, depuis février 2010, dans une école privée bilingue, le Petit Cours, situé tout près de chez lui et où il apprend l'anglais ; que le bilan pédagogique du premier trimestre de l'année scolaire 2010-2011 montre qu'il est un petit garçon tout à fait normal, qu'il participe à l'oral et qu'il a des résultats très satisfaisants ; qu'aucune difficulté n'a été constatée depuis qu'il évolue dans cette école où il s'épanouit pleinement ; que le placement le prive de cet enseignement et est susceptible de compromettre son apprentissage des langues ; que son ancienne nourrice, sa grand-mère maternelle, sa grand-tante et un ami de la famille, attestent tous de la qualité des soins qu'elle lui prodigue et des rapports qu'ils entretiennent ; qu'Antony, qu'elle n'a pu voir qu'une fois, le 4 avril, vit très mal leur séparation. Elle indique qu'elle ne s'oppose pas à une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert.
M. Z... indique qu'il souhaite voir son fils à l'entretien duquel il contribue à hauteur de 100 euros par mois.
Le représentant du Conseil de Paris a déposé des conclusions aux termes desquelles il sollicite la confirmation de l'ordonnance dont appel.
Le Ministère public a présenté ses observations orales.
SUR CE
Considérant que les faits signalés au juge des enfants et ayant servi de fondement à la décision critiquée sont postérieurs au jugement du 18 avril 2008 aux termes duquel le juge aux affaires familiales a statué sur l'autorité parentale et fixé la résidence habituelle d'Antony chez sa mère ; que la demande en nullité de l'ordonnance rendue le 25 janvier 2011 par le juge des enfants de Paris ne peut donc pas prospérer ;
Considérant que le Conseil de Paris verse aux débats une note sociale datée du 7 avril 2011 qui révèle que, depuis la date à laquelle Mme X... a cessé tout contact avec les services sociaux, Antony a été inscrit dans une école privée dont la directrice, contactée par l'ASE, indique qu'ayant relevé les difficultés d'élocution de son petit élève et la nécessité d'une prise en charge orthophonique, elle a mené, auprès de Mme X..., un travail devant lui permettre d'accepter cette orientation pour son fils et qui était sur le point d'aboutir lorsque le placement est intervenu ; que la directrice précisait encore qu'Antony avait des résultats scolaires très satisfaisants, que Mme X... s'était organisée pour pouvoir l'accompagner et venir le rechercher à l'école le plus souvent possible et qu'elle s'était rapprochée de l'équipe pédagogique pour savoir ce qu'elle pourrait faire, à la maison, pour aider son fils à progresser ; que la note sociale met en évidence qu'Antony, dont le pédiatre indiquait, dans un certificat du 13 avril 2011, qu'il avait acquis la propreté, a régressé sur ce plan depuis son placement ;
Considérant que la cour ne peut que constater qu'Antony bénéficiait, avant son placement, d'un suivi médical régulier par un médecin spécialiste, qui atteste de sa parfaite santé et de son bon développement, et d'une scolarisation dans un milieu épanouissant et adaptée, où sa maman a été conseillée et accompagnée pour la prise en charge de son problème d'élocution ; qu'aucun des éléments du dossier ne permet de retenir qu'il serait en danger auprès de sa mère qui a trouvé un hébergement stable chez ses parents et a signé, le 8 avril 2011, un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet qui lui assure un revenu personnel lui permettant d'assumer matériellement la charge de son enfant ; que la difficulté de Mme X... à comprendre les démarches des services sociaux et à participer aux mesures d'investigations ordonnées ne sont pas de nature à caractériser un danger pour l'enfant et à justifier son placement, étant observé que l'appelante a fait, à cet égard, des progrès et qu'elle indique ne pas être opposée, le cas échéant, à la mise en place d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert ;
Considérant qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée et, statuant à nouveau, de dire n'y avoir au placement provisoire du mineur Antony Z...;
Considérant qu'il y a lieu de renvoyer M. Z... aux dispositions de l'arrêt du 5 janvier 2011 qui a fixé les modalités de son droit de visite sur Antony que la cour, statuant sur l'appel interjeté par Mme X... de l'ordonnance de placement provisoire du juge des enfants, n'est pas compétente pour modifier ;
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu au placement provisoire du mineur Antony Z...,
Ordonne en conséquence la mainlevée du placement de l'intéressé,
Rejette toute autre demande,
Ordonne le retour du dossier au juge des enfants de Paris,
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.