Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 28 AVRIL 2011
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/16692
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Août 2008 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 08/290
APPELANT:
Monsieur [V] [H] [P]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Maître Nadine CORDEAU, avoué à la Cour
assisté de Maître Christian LASSIEUR, avocat au barreau de MELUN
INTIMÉE:
Société anonyme SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP HARDOUIN, avoué à la Cour
assistée de Maître Bernard DUMONT, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU et plaidant pour la SCP DUMONT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2010, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude APELLE, Président.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Ce magistrat a rendu compte de la plaidoirie dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Claude APELLE , Président
Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseiller
Madame Françoise CHANDELON , Cconseiller
Greffier, lors des débats : Melle Guénaëlle PRIGENT
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile comme elles ont été avisées des dates de prorogation du délibéré.
- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère au lieu et place de Madame Marie-Claude APELLE, Présidente empêchée et par M. Sébastien PARESY, greffier auquel la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [V] [P] est appelant d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Melun le 4 août 2008, qui : l'a condamné à payer à la Société générale la somme de deux cent quatre-vingt-trois mille trois cent trois euros et quatre-vingt-quinze centimes (283.303,95 €) avec les intérêts au taux contractuel à compter du 19 décembre 2007 ; a ordonné la capitalisation des intérêts ; a débouté M. [P] de ses demandes ; a débouté la Société générale de sa demande relative aux frais d'inscription hypothécaire judiciaire; a prononcé l'exécution provisoire de la décision ; a condamné M. [P] à payer à la Société générale la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; l'a condamné aux dépens.
I.- Faits et rapports contractuels constants. Rappel de la procédure :
Début 2000, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité [R] Rungis Primeurs (ci-après, l'E.U.R.L. [R] Rungis Primeurs), dont le gérant était M. [R] [P], a sollicité de la Société générale un prêt destiné à acquérir une concession sur le marché d'intérêt national de Rungis.
Par acte sous seings privés du 17 mars 2000, la Société générale a consenti à l'E.U.R.L. [R] Rungis Primeurs un prêt d'un million huit cent mille francs (1.800.000 F), correspondant à deux cent soixante-quatorze mille quatre cent huit euros et vingt-trois centimes (274.408,23 €), au taux de 6,60% l'an, remboursable en cent dix-neuf mensualités.
Suivant acte sous seings privés du 13 mars 2000, M. [V] [P], père de M. [R] [P], s'est porté caution de l'E.U.R.L. [R] Rungis Primeurs en garantie du contrat de prêt susvisé pour un montant de deux millions six cent mille francs (2.600.000 F), soit trois cent quatre-vingt-seize mille trois cent soixante-sept euros et quarante-quatre centimes (396.367,44 €).
Par jugement du 17 janvier 2002, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de l'E.U.R.L. [R] Rungis Primeurs.
Le 21 janvier 2002, la Société générale a déclaré sa créance à hauteur de deux cent quatre-vingt-quatre mille neuf cent soixante-douze euros et quatre-vingt-dix-huit centimes (284.972,98 €).
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 janvier 2002, la Société générale a mis M. [V] [P] en demeure de lui régler la somme de deux cent quatre-vingt-cinq mille deux cent quatre-vingt-treize euros et cinquante centimes (285.293,50 €).
Il est constant que M. [V] [P] a réglé à la Société générale la somme de quatre-vingt-neuf mille cinq quatre-vingt-treize euros et vingt-deux centimes (89.593,22 €).
La vente d'un bien de M. [V] [P], sur lequel la Société générale avait été autorisée à prendre une inscription d'hypothèque provisoire, a permis à la Société générale de percevoir la somme de trente-et-un mille cinq cent quatre-vingt-dix-sept euros et treize centimes (31.597,13 €).
Suivant acte d'huissier de justice du 9 avril 2004, la Société générale a fait assigner M. [V] [P] en paiement devant le tribunal de grande instance de Melun.
Cette procédure a abouti au jugement entrepris.
II.- Prétentions et moyens des parties :
A.- M. [V] [P] :
Aux termes de ses écritures signifiées le 6 septembre 2010, valant conclusions récapitulatives conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, M. [V] [P] demande à la Cour : d'infirmer le jugement entrepris ; statuant à nouveau, de dire que la Société générale a engagé sa responsabilité en accordant inconsidérément un crédit sans s'assurer des capacités de remboursement de l'emprunteur, alors que les circonstances lui permettaient de prévoir l'échec de l'opération, transférant ainsi des risques anormaux sur la caution ; dire que la Société générale a manqué à son obligation de contracter de bonne foi et a fait preuve de réticence dolosive à l'égard de la caution relativement à la situation lourdement obérée de la caution ; de condamner en conséquence la Société générale à lui payer la somme de deux cent quatre-vingt-trois mille trois cent trois euros et quatre-vingt-cinq centimes (283.303,95 €) à titre de dommages-intérêts ; condamner cette banque à lui payer la somme de trois mille euros (3.000 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; la condamner aux dépens.
Au soutien de ses demandes, M. [P] fait valoir les arguments qui seront résumés comme suit :
1.- Sur la responsabilité de la Société générale en raison des fautes commises à l'égard du débiteur principal :
M. [P] rappelle d'abord des principes consacrés en droit :
a.- commet une faute le banquier qui accorde un prêt pour acquérir un fonds de commerce dont les revenus des années antérieures sont inférieurs aux annuités du prêt ;
b.- commet une faute la banque qui consent un crédit en considération des garanties offertes par la caution plutôt qu'au vu des résultats de l'entreprise, de la situation du débiteur, de ses capacités et des perspectives de l'exploitation.
En fait, la Société générale connaissait parfaitement la situation catastrophique de la société Pigma Fruits, cessionnaire de la concession, puisqu'elle était sa banque. Elle a délibérément consenti un soutien abusif en prêtant à l'acquéreur, l'E.U.R.L. [R] Rungis Primeurs, les fonds nécessaires à l'acquisition d'un fonds dont la situation était lourdement obérée et trouvé en M. [V] [P], alors à la tête d'un patrimoine important, la caution idoine.
M. [P] souligne les éléments suivants :
a.- La Société générale connaissait l'effondrement du chiffre d'affaires de la société Pigma Fruits, qui, entre l'exercice 1997 et celui de 1999, avait été divisé par deux, et celui de son résultat ' le cédant avait eu un bénéfice quasi inexistant en 1997 et 1998 (646 € en 1997, 36,54 € en 1998) et de lourdes pertes 1999 (un déficit de 167.330,41 €). C'est d'ailleurs pourquoi la banque a pris une inscription de nantissement sur le fonds de commerce le 20 janvier 2000, cinq jours avant la signature de la promesse de vente, le 25 janvier 2000.
b.- La Société générale a méconnu les dispositions de la promesse de vente, stipulant qu'aucune inscription supplémentaire ne devait apparaître lors de la signature de l'acte d'acquisition.
c.- La banque a prêté de l'argent au cédant juste avant la cession pour le sauver d'une situation de trésorerie gravement obérée et permettre la cession ' sans risque pour la Société générale, garantie par M. [V] [P], qui était solide financièrement.
d.- Un transfert de risque sur la caution ne peut servir de cause à l'octroi d'un crédit. Or, la banque savait parfaitement que la situation de l'emprunteur, l'E.U.R.L. [R] Rungis Primeur, ne lui permettait pas de faire face à la charge de l'emprunt, de sorte que le risque était purement et simplement transféré sur la caution. Or, un tel transfert ne peut servir de cause à l'octroi d'un crédit.
d.- La situation prévisionnelle arrêtée au 30 septembre 2000 aurait dû plus encore dissuader la banque de prêter, puisqu'il en ressortait un nouveau déficit (138.651,66 F) et une situation nette déficitaire sur plus de deux ans inférieure à la moitié du capital social, impliquant la dissolution de la société cédante par application de l'article 223-42 du Code de commerce.
e.- La Société générale a fait l'aveu de sa connaissance du caractère inexorablement compromis du projet d'acquisition, puisqu'elle écrit, en page 5 de ses conclusions : «'La Société générale avait effectivement connaissance de résultats et même de la perte enregistrée... au cours des trois derniers exercices'».
f.- La banque ne peut prétendre avoir pu se fier à un état prévisionnel, au demeurant assez indigent, établi par un expert-comptable, alors qu'elle avait connaissance des pertes enregistrées antérieurement. En outre, cet état prévisionnel, d'une part, indiquait qu'il n'avait pas pris en compte les intérêts des emprunts contractés par l'acquéreur, d'autre part, que la masse salariale était particulièrement élevée.
La Société générale a donc fait l'impasse sur deux des éléments les plus déterminants pour apprécier les chances de l'acquisition projetée.
Il se déduit de ces données que la Société générale a été, soit gravement fautive en consentant à la société [R] Rungis Primeurs un crédit qu'elle était hors d'état d'assumer, soit particulièrement malicieuse en poussant la société [R] Rungis Primeurs à acquérir, puisque de toute manière sa créance sur l'emprunteur serait couverte par le consentement consenti par M. [V] [P].
2.- Sur la responsabilité de la Société générale en raison des fautes commises à l'égard de la caution :
La Société générale a engagé sa responsabilité civile par les fautes
suivantes :
a.- Elle a exigé un cautionnement excédant ce qui était dû par l'emprunteur, en méconnaissance de l'article 2290 du Code civil, soit deux millions six cent mille francs (2.600.000 F) en garantie d'un prêt d'un million huit cent mille francs (1.800.000 F). À ce jour, la Société Générale se prévaut d'une créance de deux cent quatre-vingt-quatre mille neuf cent soixante-douze euros et quatre-vingt-dix-huit centimes (284.972,98 €).
Compte tenu des règlements déjà effectués par M. [P] (121.190,35 €), la dette de la caution serait donc de :
- 121.190,35 € + 283.303,95 € = 404.494,30 €, soit 2.653.308,88 F,
somme excédant le montant de la caution souscrite (2.600.000 €) comme celui du prêt accordé à l'emprunteur (1.800.000 F).
La preuve est ainsi faite que la banque a prêté sans souci des facultés de l'emprunteur, en fonction seulement de l'engagement très important de
M. [P].
b.- La banque a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, en faisant souscrire à M. [V] [P] un engagement excessif, puisque dépassant largement le montant du crédit garanti, et disproportionné à ses facultés, qu'il s'agisse des revenus ou des biens.
c.- La banque a manqué à l'obligation d'information annuelle des cautions prévue par l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier. M. [P] fait observer que, contrairement à ce qu'elle soutient, la Société générale ne démontre pas avoir adressé les lettres annuelles d'information.
M. [P] fait observer que les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article 1315 du Code civil en admettant que la banque pouvait se constituer unilatéralement une preuve en invoquant des lettres simples, dont rien ne justifie l'envoi, a fortiori la réception.
Le défaut d'information régulière de la caution détermine la perte du droit aux intérêts, mais également l'imputation des règlements effectués par la caution sur le principal, conformément à l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier.
3.- Sur l'obligation imputant à la Société générale de produire un décompte :
Il doit être fait injonction à la Société générale de produire un décompte tenant compte de la déchéance des intérêts pour la période 2001-2007 et de l'imputation sur le principal des paiements faits par M. [P].
4.- Sur la réparation du dommage causé par les manquements de la banque :
Le dommage causé par les fautes sus-spécifiées sera réparé par la somme de deux cent quatre-vingt-trois mille trois cent trois euros et quatre-vingt-quinze centimes ((283.303,95 €), avec les intérêts au taux contractuel à compter du 19 mars 2004.
B.- La Société générale :
Par écritures signifiées le 20 août 2010, valant conclusions récapitulatives conformément à l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, la Société générale demande à la Cour de : débouter M. [P] de toutes ses demandes ; confirmer le jugement entrepris ; y ajoutant, condamner M. [P] à lui payer la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) par application de l'article 700 du Code de procédure civile ; le condamner aux dépens.
La Société générale développe l'argumentation suivante :
1.- Sur les manquements envers l'emprunteur imputés à la banque intimée :
La Société générale fait préalablement observer qu'elle n'est pas intervenue à la promesse de vente passée.
Elle réfute ensuite les griefs formulés par M. [P] :
a.- Il n'est nullement établi que la Société générale avait connaissance de la situation prétendument obérée de la société [R] Rungis Primeur à la date où M. [V] [P] s'est engagé comme caution.
b.- Au contraire, la banque a consenti son concours sur la foi de comptes provisionnels établis par un expert-comptable, professionnel compétent et fiable, qui faisaient apparaître des résultats tout-à-fait satisfaisants pour les trois années à venir, d'un niveau permettant de faire face sans difficultés aux échéances du prêt.
c.- La situation de la société [R] Rungis Primeur n'était pas irrémédiablement compromise à la date où M. [V] [P] s'est engagé comme caution, puisque la date de la cessation a été fixée au 31 août 2001, soit plus d'un an après cet engagement.
2.- Sur les prétendues fautes commises à l'égard de la caution :
a.- S'agissant de l'application des dispositions de l'article 2290 du Code civil, l'engagement de M. [P] n'est aucunement supérieur à celui du débiteur principal, puisque son cautionnement garantit non seulement le capital emprunté, mais encore le paiement des intérêts et des frais.
b.- Les dispositions de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier n'imposent pas à l'établissement de crédit d'adresser les lettres d'information à la caution par lettre recommandée avec accusé de réception.
Or, M. [P] a admis dans un premier temps avoir reçu les courriers d'information, critiquant seulement le fait qu'ils ne lui avaient pas été envoyés par forme recommandée.
Les intérêts sont donc dus, sauf pour 2002, la Société générale ne contestant pas ne pouvoir justifier de l'information pour cette année.
SUR CE,
I.- Sur la demande en paiement de la Société générale :
Considérant qu'en application de l'article 1134, alinéa 1er, du Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Considérant qu'aux termes de l'acte de cautionnement souscrit le 13 mars 2000, M. [V] [P] s'est engagé à garantir le principal emprunté par l'E.U.R.L. [R] Rungis Primeurs, soit deux millions six cents mille francs (2.600.000 F), correspondant à trois cent quatre-vingt-seize mille trois cent soixante-sept euros et quarante-quatre centimes (396.367,44 €), mais aussi les intérêts, frais, accessoires, indemnité de résiliation ou soulte actuarielle ; que les dispositions de l'article 2290 du Code civil, qui énoncent que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ne sont pas méconnues dès lors que la somme demandée par le créancier n'excède pas la somme de ces cinq postes après déduction des paiements faits par le débiteur principal et/ou la caution ;
Considérant que, si l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier n'impose pas à l'établissement de crédit de forme particulière pour délivrer les informations dues à la caution, il ne lui en incombe pas moins, conformément à l'article 1315 du Code civil, de rapporter la preuve d'avoir adressé les courriers conformes à la loi ;
Considérant que la Société générale produit les copies des courriers simples d'information adressés à M. [V] [P] pour la période en cause, sauf en ce qui concerne l'année 2002, pour laquelle la banque ne conteste pas ne pas être en mesure de justifier de l'information ; qu'il n'est pas contesté que le texte des lettres d'information répond aux exigences légales ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que, dans ses écritures signifiées en première instance, M. [P] a admis avoir reçu les lettres d'information, mais contesté leur validité au motif qu'elles ne lui avaient pas été adressées par courriers recommandés avec demande d'avis de réception ;
Que cette reconnaissance non équivoque par le débiteur de l'exécution de l'obligation d'information du fait de la réception de cette information vaut aveu judiciaire au sens de l'article 1356 du Code civil ;
Qu'il n'y a donc lieu ni à déchéance des intérêts pour les autres années en cause, ni à imputation des paiements faits par la caution en priorité sur le principal, pas plus qu'à enjoindre à la Société générale de produire un décompte ;
Considérant qu'il résulte des pièces produites aux débats (contrats de prêt et de cautionnement, échéancier, déclaration de créance, décompte établi en fonction de la déchéance du droit aux intérêts pour l'année 2002), que M. [P] est débiteur, après déduction des sommes qu'il a versées et de celle reçue par la banque à la suite de la vente d'un de ses biens immobiliers, de la somme de deux cent quatre-vingt-trois mille trois cents trois euros et quatre-vingt-quinze centimes (283.303,95 €) ;
Considérant que les intérêts sont dus au taux contractuel de 6,60% l'an à compter du 19 décembre 2007 ;
Considérant qu'en application de l'article 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors que le créancier en fait la demande ;
Considérant qu'en l'état de ces énonciations, il échet, confirmant le jugement entrepris, de condamner M. [V] [P] à payer à la Société générale la somme de deux cent quatre-vingt-trois mille trois cent trois euros et quatre-vingt-quinze centimes (283.303,95 €), avec les intérêts dus au taux contractuel de 6,60% l'an à compter du 19 décembre 2007 et capitalisation des intérêts échus pour au moins une année entière ;
II.- Sur les demandes en dommages-intérêts formées par M. [V]
[P] :
Considérant que M. [P] soutient que la Société générale avait connaissance de la situation gravement obérée de la société [R] Rungis Primeurs à la date où a été recueilli son engagement de caution ;
Mais considérant qu'il est démontré que la banque a consenti son concours sur la foi de comptes provisionnels établis par un expert-comptable, qui faisaient apparaître des résultats tout-à-fait satisfaisants pour les trois années à venir, soit trois fois supérieurs au montant des remboursements pour le premier exercice, et six fois supérieurs pour les deux suivants ; qu'en outre, si l'exercice du cédant avait été déficitaire pour 1999 (- 167.330,41 €), il avait été bénéficiaire, fût-ce faiblement pour les exercices 1997 et 1998 (646 € en 1997, 36,54 € en 1998), et que les pertes importantes pour 1999 ont été nécessairement prises en compte pour la détermination du prix d'acquisition et du montant du prêt sollicité ; que ces résultats ne révèlent nullement une situation irrémédiablement compromise à la date de l'engagement ; que la cession du fonds de commerce laissait le passif à la charge du seul cédant, de sorte que la situation de l'E.U.R.L. [R] Primeurs Rungis ne pouvait être compromise par des dettes antérieures ; qu'enfin, la date de la cessation des paiements de l'E.U.R.L. [R] Primeurs Rungis a été fixée au 31 août 2001, soit plus d'un an après l'engagement de M. [V] [P], souscrit le 13 mars 2000, de sorte que cette donnée ne peut révéler une situation gravement compromise de l'emprunteur à la date où la caution s'est engagée ;
Considérant que la Société générale n'étant pas partie à la promesse de vente passée entre la société Pigma Fruits et l'E.U.R.L. [R] Primeurs Rungis, il ne peut lui être reproché d'avoir méconnu la stipulation prévoyant qu'aucune inscription supplémentaire ne devait apparaître lors de la signature de l'acte d'acquisition ; qu'au demeurant, l'E.U.R.L. [R] Primeurs Rungis a ensuite consenti à passer l'acte d'acquisition ;
Considérant que M. [P] ne produit pas aux débats les justificatifs de ses revenus et des biens dépendant de son patrimoine, de sorte qu'il ne démontre pas la réalité d'une disproportion entre son engagement et ses facultés ;
Considérant qu'aucun manquement de la banque n'étant démontré, il échet de débouter M. [P] de sa demande de dommages-intérêts ;
III.- Sur les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de la Société générale les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ; que M. [P] sera condamné à lui payer la somme de mille euros (1.000 €) au titre des frais exposés en cause d'appel, l'indemnité allouée pour ceux de première instance étant confirmée ;
Que M. [V] [P], du fait de sa succombance, sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et le jugement entrepris confirmé sur ce point ;
IV.- Sur les dépens :
Considérant que M. [V] [P], partie succombante, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [V] [P] à payer à la Société générale la somme de mille euros (1.000 €) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Condamne M. [V] [P] aux dépens de la présente instance, avec bénéfice, pour Me Hardouin, avoué, de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ