RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 19 Mai 2011
(n° 9 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07460
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section ENCADREMENT RG n° 07/07302
APPELANT
Monsieur [W] [X]
[Adresse 6]
[Adresse 1]
[Localité 5]
comparant en personne
INTIMEE
SAS CDR CREANCES
C/O Caisse des Dépôts et Consignations
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Julien SENEL, Vice-Président placé, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise FROMENT, président
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 6 décembre 2010
Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Rappel des faits et de la procédure
M. [W] [X] a commencé sa carrière bancaire en 1965. Il a été successivement salarié de :
- la BANQUE NATIONALE DE PARIS, devenue BNP PARIBAS, du 4 août 1965 au 18 avril 1980,
- la BANQUE VERNES du 15 avril 1980 au 9 juin 1980,
- la BANQUE PARISIENNE DE CREDIT, devenue FORTIS BANQUE, du 11 juin 1980 au 29 octobre 1985,
- l'UNION DE BANQUE A PARIS, devenue HSBC, du 28 octobre 1985 au 15 janvier 1989.
A compter du 16 janvier 1989, Monsieur [X] a été embauché par la SOCIETE DE BANQUE OCCIDENTALE, 'SDBO', filiale du CREDIT LYONNAIS, en qualité de Directeur de l'Agence Centrale, moyennant une rémunération brute mensuelle de 4.146 € outre une prime annuelle fixée contractuellement à une somme minimale de 3.000 €.
Par protocole du 5 avril 1995, signé entre l'Etat Français et le CREDIT LYONNAIS, pour éviter la faillite du CREDIT LYONNAIS, alors première banque française, les 200 milliards de francs de créances litigieuses (30 milliards d'euros) détenues par le CREDIT LYONNAIS et ses 13 filiales (dont la SDBO) ont été apportés au CONSORTIUM DE REALISATION SA (CDR SA), société holding puis distribuées auprès de ses différentes filiales (CDR CREANCES, CDR IMMOBILIER, CDR PARTICIPATIONS etc.), chacune spécialisée dans le traitement et l'apurement de ces créances ainsi que la réalisation du processus de liquidation des filiales. Le nombre de salariés transférés au CDR SA et à ses filiales était, à cette époque, de l'ordre de 850 personnes.
Par décision du 28 juillet 1995, la Commission européenne, appelée à se prononcer sur l'aide accordée par l'Etat français au Crédit Lyonnais, a précisé que '80% des actifs devront être cédés dans les cinq ans et, si les conditions de marché le permettent, au moins 50% de ces mêmes actifs devraient être cédés d'ici trois ans'.
Par décision de l'Assemblée Générale Extraordinaire de CDR CREANCES du 13 novembre 1996, la SDBO, dont Monsieur [W] [X] était alors le « Directeur des Affaires spéciales », a été absorbée par CDR CREANCES.
Par courrier du 31 octobre 1996, la SDBO et CDR CREANCES avaient rappelé à Monsieur [X] que son contrat de travail était repris en application des dispositions de l'article L122-12 du Code du travail et que, ce faisant, il conservait sa qualification, sa rémunération et son ancienneté d'origine.
Le CONSORTIUM DE REALISATION (CDR SA), maison-mère de CDR CREANCES, est une Société Anonyme de nature commerciale, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris depuis le 21 novembre 1990. La durée de la société est fixée au 21 novembre 2089. Elle a fusionné avec la société CDR finance le 28 novembre 2002 avec effet rétroactif au 1er janvier 2002. Son activité déclarée était « l'acquisition, reprise et gestion d'actifs et d'engagements détenus directement ou indirectement par le Crédit Lyonnais, gestion d'actifs d'ordre et pour compte de tiers via des mandats spécifiques ». C'était une structure de cantonnement et de défaisance d'actifs à risques du Crédit Lyonnais (créances, participations et actifs immobiliers).
Son actionnaire de premier rang était l'Etablissement Public de Financement et de Restructuration ci dessous 'EPFR', créé par la Loi du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs, avec pour mission légale de gérer le soutien financier apporté par l'Etat au Crédit Lyonnais dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci dénommée CDR et plus concrètement d'analyser les demandes d'apports en fonds de sa filiale en contrepartie des pertes réalisées et comptabilisées chaque fin d'exercice et de transmettre ses demandes au Ministère des finances et de l'industrie à Bercy. L'EPFR est elle-même filiale et sous l'administration et la responsabilité de l'Agence des Participations de l'Etat français, ci dessous 'l'APE', elle-même sous la tutelle du Ministère des finances et de l'industrie à Bercy.
De 1996 à 2001, le CDR était organisé autour d'une société holding (CDR), d'une banque du groupe (CDR Finance) et de quatre filiales opérationnelles :
- CDR Participations, qui traitait le portefeuille des participations minoritaires dans des sociétés,
- CDR Entreprises, qui était en charge des participations majoritaires dans des entreprises,
- CDR Immobilier, qui gérait les actifs immobilier,
- CDR Créances, qui traitait les crédits des filiales bancaires transférées au CDR.
Ces six sociétés formaient une UES commune.
CDR CREANCES est une SAS de nature commerciale, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris depuis le 22 avril 1940, immatriculée le 1er septembre 1954. La durée de la société est fixée jusqu'au 22 avril 2039. Son activité déclarée est « la poursuite des opérations de crédit en cours y compris si nécessaire leur rééchelonnement, l'acquisition de tous biens mobiliers et immobiliers, de créances, de titres ou droits sociaux par tous moyens ainsi que l'octroi de prêts participatifs et l'exercice de l'activité de marchand de biens ».
Le siège social de CDR CREANCES et du CDR mentionné sur les extraits K-bis produit est au [Adresse 3], siège social de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, ci-dessous 'CDC'.
Au sein de CDR CREANCES, Monsieur [X] a successivement exercé les responsabilités suivantes :
- 1995 à 1997 : Directeur Adjoint de la filière " Gestion des créances FRANCE ", responsable du recouvrement de 1.500 dossiers douteux pour un encours de 15 milliards de francs (effectif de 20 personnes) ;
- 1998 à 2001 : Directeur de la filière "Créances immobilières", responsable de 1.000 dossiers pour un encours de créances douteuses de 16 milliards de francs dont 400 procédures judiciaires et 270 filiales (effectif de 30 personnes) ;
- 2002 au 31 décembre 2006 : Directeur à la Direction Financière de CDR SA -Responsable de "l'attribution du périmètre juridique du groupe" (750 filiales) par processus de cessions, liquidations, fusions, fusions simplifiées, Transmission Universelle de Patrimoine, dissolutions etc.
Par avenant à son contrat de travail en date du 13 juillet 1999, son emploi au sein de CDR Créances n'étant pas stable compte tenu du caractère non pérenne de l'entreprise, Monsieur [X] a obtenu qu'un 'bonus de fidélisation' de 41 161 € soit 270 000 francs lui soit versé le 13 juillet 2001 s'il n'avait pas démissionné à cette date, ou prorata temporis, en cas de licenciement avant cette date. Le contrat de travail ayant perduré, le bonus a été versé. Par avenant à son contrat de travail en date du 13 février 2002, un second bonus de fidélisation, d'un montant de 31 055 €, a été prévu si, au 30 juin 2003, il n'avait pas pris l'initiative de rompre le contrat de travail. Ce bonus était acquis prorata temporis en cas de rupture anticipée à l'initiative de la société pour quelque motif que ce soit sauf faute lourde ou grave. Ce second bonus a été réglé à son échéance.
Durant toutes ces périodes, Monsieur [X] était également mandataire social et administrateur de 82 sociétés (SA, SAS, SARL, SCI, SNC, SEP, SCCV etc...), dont certaines avaient leur siège social en Angleterre, Belgique, Espagne et Pays-Bas.
Ces sociétés, provenant des filiales du Groupe CREDIT LYONNAIS, présentaient des structures financières obérées et avaient en cours de nombreuses procédures civiles, administratives et pénales.
Monsieur [X] a, à ce titre, encouru les risques et les responsabilités attachées à ces mandats sociaux notamment au regard du droit des sociétés, du droit du travail, du droit pénal.
Monsieur [X] est encore mandataire social dans quatre sociétés et ce, malgré ses protestations et réserves formulées auprès de Monsieur [F], Président de CDR SA.
Un ensemble de mesures d'accompagnement de la réduction des effectifs visant au reclassement du personnel ayant été approuvé par le comité central d'entreprise du CDR le 29 avril 1998, mesures formalisées et reprises dans un accord collectif signé le 20 octobre 1998 par le Président du CDR agissant pour le compte de l'UES CDR d'une part, les délégués syndicaux FO, CFDT et SNB d'autre part, complété ultérieurement par quatre avenants, 9 projets de réorganisation et plans de sauvegarde de l'emploi ont été mis en oeuvre entre 1998 et 2006. Les effectifs ont ainsi décrus progressivement de 444 salariés pour le groupe CDR en 1998 à 24 salariés en 2006.
Dans le cadre de ces réorganisations, liées à la décroissance de l'activité du CDR, dont la mission était par essence temporaire, CDR Finance et CDR Immobilier ont été absorbés par CDR SA en janvier 2002, puis en juin 2004, CDR Participations a fait l'objet d'une TUP vers CDR SA.
Le 8 novembre 2004, le Ministre des finances a adressé une lettre de mission rédigée notamment en ces termes : « c'est pourquoi l'Etat, en sa dualité d'actionnaire, vous confirme son souhait de confier rapidement la gestion opérationnelle des structures de défaisance à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Cette évolution devrait permettre tout à la fois de rationaliser le dispositif actuellement en place, en mutualisant les compétences et les moyens des structures existantes, et d'assurer progressivement la transition vers un dispositif plus resserré en termes d'entités opérationnelles et de moyens mis en 'uvre. Dans le schéma envisagé, le CDR restera, filiale à 100% de l'EPFR, avec ses instances de gouvernances propres ».
II était alors prévu, dans un premier temps, un renforcement des effectifs du CDR, par du personnel détaché de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS.
Le 6 avril 2005, le Conseil d'administration de CDR SA a approuvé la signature d'un contrat d'assistance avec la CDC « élaboré par les services du CDR et de la CDC, avec l'accord de l'Agence des Participations de l'Etat ».
Ce Conseil d'administration était destinataire également d'une note, datée du 30 mars 2005, faisant état que : ' Progressivement tous les collaborateurs actuels du CDR sont appelés à quitter l'entreprise à plus ou moins bref délai dans le cadre du plan permanent de sauvegarde de l'emploi. Aucun transfert de personnel n'est prévu dans les structures d'accueil de la CDC, celle-ci étant libre toutefois, si elle le juge bon et à ses conditions, de recruter un collaborateur que le CDR aurait licencié.
A l'exception du directeur financier, qui n 'étant que détaché n 'aura pas vocation à bénéficier du plan de sauvegarde de l'emploi du CDR, aucun collaborateur de la CDC n 'a vocation à remplacer à temps plein un collaborateur du CDR '.
Courant 2006, la suppression des postes restant au sein du CDR et de CDR Créances et la reprise de la gestion résiduelle des activités par la CDC à partir du 1er janvier 2007 ont été envisagées. Un projet de réorganisation du CDR dans le cadre de la cessation de son activité et un projet de licenciements économiques ont été présentés au Comité d'Entreprise le 26 juin 2006. Il prévoyait la suppression à la fin du premier trimestre 2007 de la totalité des postes de travail. Le Comité d'entreprise s'est fait assister du cabinet Syndex pour examiner ce projet. Ce dernier a présenté un rapport le 21 juillet 2006 et le Comité a été réuni aux fins de consultation le 31 août 2006. Lors de cette réunion, le comité a refusé d'émettre un avis sur le projet de licenciement économique et a demandé la suspension de la procédure de licenciement collectif en sollicitant du CDR qu'il explore toutes possibilités de reclassement dans la sphère d'influence de l'Etat ou au sein de la CDC.
Face au refus de la direction du CDR, le comité d'entreprise a introduit une action en référé devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, lequel, par ordonnance du 31 août 2006, a notamment jugé que les conditions de reclassement des salariés fixées par le plan de sauvegarde de l'emploi ne faisaient pas apparaître de trouble manifestement illicite. Toutefois, constatant une irrégularité dans la rédaction de la convocation à la réunion du comité le 31 août 2006, il a enjoint au Président du CE du CDR de convoquer dans les formes et délais légaux le comité d'entreprise aux fins de donner son avis sur les projets de réorganisation dans le cadre de la cessation de l'activité du CDR et de licenciements pour motif économique et plan de sauvegarde de l'emploi, et ordonné la suspension de la procédure de licenciements pour motif économique tant que le CE du CDR n'aura pas donné son avis sur lesdits projets.
Le CE a été convoqué sur cet ordre du jour et la consultation s'est achevée le 26 octobre 2006.
Les licenciements dans le cadre du plan de cessation d'activité ont été notifiés en décembre 2006, sauf pour les salariés protégés. Monsieur [X] a été licencié dans ce cadre le 18 décembre 2006.
Le 31 décembre 2006 et bien que la mission du CDR ne soit pas entièrement achevée puisque la charge de travail était planifiée jusqu'en 2014, il a été décidé de :
- maintenir les organes sociaux CDR SA et sa filiale CDR CREANCES, l'EPFR et l'APE, en l'état c'est-à-dire avec ses gouvernances en cours ;
- licencier les 24 derniers salariés, pour la plupart « seniors » âgés de plus de 50 ans,
- transférer l'entière gestion des dossiers toujours en vie au personnel salarié des différents services de la CDC ce qui générera, selon le Rapport de la Cour des comptes 2008, la disparition d'une connaissance approfondie de l'historique parfois très complexe des dossiers.
Par lettres du 26 décembre 2006 adressées au Directeur Administratif et Financier du CDR SA et au Président du CDR CREANCES, Monsieur [X] a contesté les motifs de son licenciement ainsi que les modalités de calcul de ses indemnités consécutives.
A l'occasion de son départ, Monsieur [X] a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement de 132.492,06€ et une indemnité supplémentaire de licenciement de 144.172,40€, outre une indemnité de préavis de 22.082€ bruts, une prime de performance de 10.000€ bruts et une indemnité compensatrice de congés payés de 14.945,53 € bruts, soit la somme nette de 302.807,79 euros, versée le 31 janvier 2007 au titre de son solde de tout compte.
Contestant son licenciement, Monsieur [W] [X] a saisi le 26 juin 2007 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir la société CDR créances condamnée à lui verser avec exécution provisoire les sommes suivantes :
- rappel de salaires sur l'indemnité conventionnelle mesure d'accompagnement : 40 480 €
- rappel de salaires sur indemnité conventionnelle et complémentaire : 31 542 €
- dommages et intérêts pour licenciement économique injustifié : 150 000 €
- article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : 2 000€.
L'audience de conciliation a eu lieu le 8 novembre 2007.
Le 4 juin 2008, le Conseil a renvoyé l'affaire en audience de départage.
Monsieur [X] a précisé par conclusions du 4 juin 2008 ses demandes en demandant au Conseil de dire que son ancienneté bancaire courait depuis le mois d'août 1965, que sa prime annuelle devait être prise en compte pour la détermination du salaire de référence et en sollicitant des intérêts légaux à compter du 31 janvier 2007, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil, pour les sommes réclamées à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ainsi qu'à titre de complément d'indemnité conventionnelle et complémentaire de licenciement.
L'audience de départage a eu lieu le 5 juin 2009.
Par jugement de départage notifié le 27 août 2009, le Conseil a débouté M. [W] [X] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société Consortium de Réalisation Créances (CDR Créances) de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et a condamné M. [X] aux dépens.
M. [W] [X] a régulièrement relevé appel de la totalité de cette décision, le 8 septembre 2009.
M. [W] [X] a, lors de l'audience du 25 mars 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles il sollicite l'infirmation du jugement et statuant à nouveau demande à la Cour de condamner le CDR CREANCES à lui payer les sommes de :
- 40.480 € au titre de complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement (ancienneté) majorée des intérêts légaux à compter du 31 janvier 2007, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil,
- 31.542 € à titre de complément de l'indemnité conventionnelle et complémentaire de licenciement (intégration de prime) majorée des intérêts légaux à compter du 31 janvier 2007, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du Code civil,
- 150.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement, pour ceux le concernant, sera directement poursuivi par Me Frédéric BURET, Avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du C.P.C.
Représentée par son conseil, la société Consortium de Réalisation Créances (CDR Créances) a, lors de l'audience du 25 mars 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite la confirmation du jugement déféré et donc demande de débouter Monsieur [X] de ses demandes, ainsi que sa condamnation à lui payer 1500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les dépens.
Il a été enjoint à Monsieur [X] par courrier du 1er avril 2011 de produire pour le 22 avril 2011 les k-bis actuels ou statuts de l'APE, l'EPFR, le CDR SA et le CDR Créances SA, en application de l'article 445 du Code de procédure civile, et de communiquer copie de ces documents à son adversaire conformément au principe du contradictoire dans le même délai.
Ces documents sont parvenus au greffe de la Cour le 13 avril 2011.
MOTIFS ET DÉCISION
1) Sur la demande de sursis à statuer du CDR Créances
Si Monsieur [X] entendait s'opposer à une demande de sursis à statuer de la part du CDR Créances, force est de constater que cette demande n'est pas formulée dans les dernières conclusions et n'a pas été reprise à l'audience ; elle est donc sans objet.
2) Sur la demande de prise en compte de l'intégralité de l'ancienneté au titre d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement
Monsieur [X] affirme qu'il a perçu des indemnités de licenciement sur la base de 18,5 mois de salaire, alors que son ancienneté, par application des dispositions de l'Accord sur les mesures d'accompagnement de la réduction des effectifs visant au reclassement du personnel d'octobre 1998 et de ses avenants, applicables au licenciement collectif économique du personnel du CDR, lui permettent de prétendre au maximum de 24 mois.
Le CDR Créances s'y oppose en faisant valoir que le principe est que l'ancienneté prise en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement s'apprécie à compter de l'entrée dans l'entreprise et qu'il n'en va autrement qu'en présence de stipulation conventionnelle ou contractuelle contraire. Il soutient principalement que ni le contrat de travail, ni l'accord collectif sur les mesures d'accompagnement, ni la convention collective à laquelle cet accord renvoie ne comporte de disposition venant lui accorder la reprise de son ancienneté bancaire pour le calcul de son indemnité de départ.
Aux termes de l'article L 1234-9 du code du travail, le salarié lié par contrat de travail à durée indéterminée et qui est licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité minimum de licenciement.
L'article L.1234-1 (ancien L.122-6), dispose que «Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :
1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;
2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;
3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.
En l'espèce, s'agissant de la convention collective applicable, à compter du 1er juillet 1997, l'ensemble des sociétés de l'UES CDR ont appliqué les dispositions de la convention collective nationale du personnel des banques du 20 août 1952.
Une nouvelle convention collective a été signée dans le secteur bancaire le 10 janvier 2000. A cette date, 'étant donné le contexte particulier du CDR dont la durée de vie est limitée', il a été convenu par accord d'entreprise que l 'ensemble du personnel de l'UES CDR continuerait de bénéficier de l'ancienne convention collective des banques 'jusqu'à l'extinction du CDR', sous réserve de dispositions légales plus favorables.
Or, cette convention distingue l'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de la prime d'ancienneté, qui est une ancienneté professionnelle, de l'ancienneté à retenir pour le calcul de l'indemnité de licenciement, qui est une ancienneté dans l'entreprise. Ces indemnités n'ont en effet par la même finalité, s'agissant d'une part de valoriser l'expérience professionnelle des agents, et d'autre part de compenser la perte de l'emploi dans l'entreprise.
L'article 58 de cette convention disposant que l'indemnité de licenciement est calculée sur la base des 'semestres complets de service dans l'entreprise', la prise en compte de l'ancienneté dans la profession pour le calcul de l'indemnité de licenciement est exclue.
S'agissant du plan de sauvegarde de l'emploi, l'Accord sur les mesures d'accompagnement de la réduction des effectifs visant au reclassement du personnel du CDR en date d'octobre 1998 et ses avenants, mentionnent « le versement d'une indemnité de départ égale à un 1/2 mois de salaire brut par semestre de service accompli à la date du départ du CDR dans la limite de 24 mois, tout semestre commencé étant considéré comme acquis'. ' L'ancienneté prise en compte est celle acquise au CDR et dans les sociétés constitutives de celui-ci formant désormais l'UES'.
Cependant, s'agissant du complément d'indemnité pour réparer le préjudice professionnel résultant de la perte d'emploi versé en sus de cette indemnité conventionnelle, le plan de sauvegarde de l'emploi précise que l'ancienneté prend pour référence, soit la date d'embauche au CDR, soit pour les collaborateurs déjà présents dans les sociétés constitutives de l'UES avant la création du CDR, le 5 avril 1995, date de signature du protocole entre l'Etat et le Crédit Lyonnais ayant prévu la création du CDR, étant admis que tout semestre commencé est considéré comme acquis.
Ainsi, les signataires de l'accord ont exclu toute reprise de l'ancienneté antérieure au 5 avril 1995 pour le calcul de l'indemnité de départ.
S'agissant du contrat de travail, Monsieur [X] est entré au service de CDR Créances le 13 novembre 1996 à la suite du transfert à cette société du contrat de travail qui le liait à la SDBO. Si une note du 31 octobre 1996 visant l'article L 122-12 du code du travail, lors de la fusion de la SDBO avec le CDR CREANCES, précisait : 'vous poursuivrez votre activité dans les conditions suivantes : votre statut individuel demeurera inchangé. Ainsi, vous conserverez votre qualification, votre rémunération et votre ancienneté', force est de constater que le contrat de travail avec la SDBO transféré à CDR Créances ne fait pas état d'une reprise générale de l'ancienneté acquise auprès des employeurs précédents la SDBO.
Certes, le contrat mentionne 228 'points d'ancienneté' pour le calcul de sa rémunération.
Cependant, ces points d'ancienneté renvoient à l'application de la prime d'ancienneté prévue par la convention collective des banques. Aucune disposition contractuelle ne prévoyant de reprise générale et sans restriction de l'ancienneté professionnelle, en l'absence de preuve d'une commune intention autre des parties, il convient de dire que la prise en compte de ladite ancienneté pour le calcul et le paiement de la prime d'ancienneté est sans incidence sur l'indemnité de licenciement.
Dans ces conditions, comme l'a exactement apprécié le Conseil de Prud'hommes, le seul fait que la SDBO ait déterminé le montant de la rémunération du salarié en tenant compte de son ancienneté acquise auprès de l'Union des Banques de Paris n 'établit pas sa volonté de reprendre l'ancienneté du salarié dès lors que d'une part, la convention collective qui s'imposait à elle prévoit la prise en compte de l'ancienneté dans la profession pour le calcul de la rémunération du salarié, que celle à prendre en considération dans le cadre des licenciements collectifs et d'un licenciement individuel est celle calculée dans l'entreprise et que le contrat de travail du salarié lors de son embauche par la SDBO fait référence à un début d'activité à la date du 16 janvier 1989 sans aucune référence à une reprise d'ancienneté antérieure; pour le même motif, le fait que le CDR Créances ait tenu compte des points d'ancienneté du salarié acquise dans la profession n 'établit pas sa volonté de reprendre cette ancienneté au titre de la rupture ; en conséquence, le CDR a justement tenu compte de l'ancienneté du salarié à compter du 16 janvier 1989 pour le calcul de l'indemnité de départ et de l'indemnité complémentaire ; Monsieur [X] sera donc débouté de cette demande et le jugement confirmé sur ce point ;
3) Sur la demande de prise en compte des primes pour la détermination du salaire de référence, base de calcul des indemnités de licenciement
Monsieur [X] affirme que la prime perçue du fait de sa constance et du procès verbal du Comité d'entreprise du 1er août 2002, fait partie intégrante du salaire annuel et devait être prise en compte dans le calcul de son indemnité de licenciement. Il demande donc la prise en compte de la prime de 9.000€, versée en février 2006, dans le salaire de référence, base de calcul des indemnités conventionnelle (24 mois) et complémentaire (18 mois) de licenciement.
A l'appui de sa demande, il invoque :
- le procès verbal du Comité d'Entreprise du 1er août 2002 qui précise 'en cas de besoin, le DHR (M. [H] [K], Directeur du Personnel) délivre aux salariés, qui en font la demande, une attestation prouvant que ladite prime vient s'ajouter aux salaires de l'exercice 2002" ;
-l' 'Accord sur les mesures d'accompagnement de octobre 1998", fixant l'indemnité complémentaire à 16 mois et ses avenants :
- l'article 1er de l'Avenant de l'Accord d'entreprise d'octobre 1998, joint aux Accords sur les mesures d'accompagnement qui précise : 'II est convenu que l'ensemble des mesures d'accompagnement de la réduction des effectifs approuvé par le Comité Central d'Entreprise le 29 avril 1998 et ratifié par l'Accord d'entreprise du 29 octobre 1998 constitue un complément aux dispositions de la Convention collective en réparation des préjudices causés aux salariés du groupe CDR qui seront amenés à être licenciés pour motif économique, à titre individuel ou collectif, que ce soit dans le cadre de nouveaux plans sociaux ou non, et ce jusqu 'à la cessation de l'activité du CDR' ;
- l'article 6 de l'Avenant de l'Accord d'entreprise d'octobre 1998, joint aux Accords sur les mesures d'accompagnement qui ajoute : ' Le CDR s'engage à maintenir, pour son personnel, les dispositions actuelles de la Convention collective nationale de Travail du personnel des banques relatives aux indemnités de licenciement pendant toute la durée de mise en 'uvre de l'accord du 29 octobre 1998 à moins que les dispositions de la Convention collective qui viendraient s'y substituer ne soient plus favorables aux salariés en ce qui concerne les indemnités de licenciement, l'appréciation du caractère plus ou moins favorable se faisant au cas par cas' ;
- le préambule de l'avenant n° 4 décidant 'de supprimer la limitation du nombre de mois d'indemnité complémentaire du CDR à 16 mois' soit, à la date du licenciement à 18 mois.
Le CDR Créances s'oppose à cette demande en exposant que les indemnités de départ versées aux salariés licenciés dans le cadre de la cessation d'activité du CDR résultent d'une part des dispositions de la convention collective des banques dans sa version du 20 août 1952 dont il a fait une application volontaire, et d'autre part des dispositions de l'accord collectif sur les mesures d'accompagnement de la réduction des effectifs visant au reclassement du personnel, prévoyant une majoration de l'indemnité conventionnelle et ne déterminant pas de modalités de calcul autonomes.
L'article 58 de la convention collective des banques dispose que : ' pour les gradés et les cadres, le montant de l'indemnité est égal, par semestre de services dans l'entreprise et en sus de l'indemnité de délai-congé, à un demi mois de traitement calculé sur la base du dernier traitement perçu, avec un maximum de dix-huit mois de traitement pour les gradés et de deux ans de traitement pour les cadres.
L'indemnité de licenciement est calculée sur le traitement sans supplément d'aucune sorte (gratifications, allocations familiales, à l'exception de la prime d'ancienneté).Seuls les semestres complets de services entrent en compte pour sa détermination. L'indemnité de licenciement est calculée sur le traitement final de l'agent licencié et non sur la moyenne des traitements mensuels qu'il a reçus depuis un certain nombre de mois.
Toutefois, en cas de suppression d'emploi, l'indemnité de licenciement est calculée sur la base du traitement conventionnel annuel, y compris les gratifications prévues à l'article 53, si ce mode de calcul est plus favorable'.
La convention distingue donc l'indemnité versée en cas de licenciement pour motif personnel, calculée sur la base du dernier salaire excluant les gratifications, et l'indemnité versée en cas de licenciement économique calculée alternativement comme l'indemnité de droit commun ou sur la base du traitement conventionnel annuel incluant les 'gratifications' prévues à l'article 53.
Cet article prévoit notamment que 'les gratifications de fin d'année ou, s'il y a lieu, les participations qui en tiennent lieu ne peuvent être, réserve faite de l'application des dispositions de l'article 32a, inférieures à un mois d'appointements bruts, ces gratifications étant calculées sur le traitement que l'entreprise doit à l'agent pour le mois de décembre ou en cas de licenciement celui que la banque doit pour le dernier mois effectué, sans qu'il y ait lieu de défalquer les jours d'absence de l'agent au cours de ce mois, ni, inversement, de faire entrer en ligne de compte les heures supplémentaires effectuées par lui au-delà de l'horaire normal pratiqué dans l'établissement. Ce traitement s'entend sans déductions autres que celles des cotisations à la sécurité sociale ou aux organismes de retraites, ni supplément d'aucune sorte.
Est également prévu le paiement d'une gratification supplémentaire égale à un mois d'appointement bruts au taux en vigueur au mois de décembre de l'exercice considéré, en un ou plusieurs versements, au titre de cet exercice à tous les agents.
Le contrat de travail de Monsieur [X] prévoyait une rémunération sur la base de 14,5 mois. Il justifie en outre avoir perçu, à l'issue de chaque exercice, de celui 1996 à celui 2006, un ' versement exceptionnel ' au montant variable en fonction selon lui du taux de récupération des créances douteuses, sous sa responsabilité.
Les gratifications consistent ainsi en un treizième mois, un quatorzième mois, outre une prime de vacances représentant un demi-mois de salaire, soit deux mois et demi de salaire. Le salaire à prendre en compte est celui du mois de décembre 'sans supplément d'aucune sorte' et ' à l'exclusion des primes et indemnités diverses', soit le salaire de base aux taux en vigueur au mois de décembre.
Il résulte du rapprochement des articles 58 et 53 de la convention collective qu'en cas de licenciement économique, l'indemnité de licenciement doit être calculée sur la plus favorable des assiettes suivantes :
- le traitement final du salarié, compris comme le salaire de base majoré de la prime d'ancienneté, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération,
- le traitement conventionnel annuel incluant les gratifications prévues à l'article 53.
Dans l'un et l'autre cas, les primes exceptionnelles accordées par l'employeur n'ont pas à être intégrées dans l'assiette de calcul.
Ainsi, comme l'a exactement jugé le Conseil de Prud'hommes, la prime versée au salarié au mois de décembre 2006, même si elle a été versée régulièrement chaque année depuis 1996, n'a pas à être prise en compte pour le calcul de l'indemnité de départ et de l'indemnité complémentaire dès lors qu'elle ne constitue pas une gratification prévue par l'article 53 de la Convention collective des banques du 20 août 1952. En effet, les documents produits démontrent qu'il s'agit d'une prime exceptionnelle, versée en contrepartie des efforts accomplis par le salarié durant l'année écoulée dont le montant est variable, les modalités de calcul non définies et qui dépend des résultats de l'entreprise alors que les gratifications prévues par l'article 53 s'imposent à l'employeur et sont calculées sur le traitement que l'entreprise doit à l'agent pour le mois de décembre.
Monsieur [X] sera donc débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.
4) Sur la demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de reclassement et de l'absence de motivation de la lettre de licenciement
En l'espèce, la lettre de licenciement, dont la motivation fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :
"Cher Monsieur,
A la suite de la procédure de consultation du comité d'entreprise sur le projet de réorganisation et de licenciement collectif pour motif économique qui s'est achevée le 12 octobre 2006, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique.
Les motifs qui nous conduisent à vous notifier votre licenciement sont ceux qui ont été discutés devant le comité d'entreprise à l'occasion de la procédure de consultation et qui sont rappelés ci-après.
Dans le cadre de la mission temporaire qui lui a été confiée, le CDR a été amené depuis 1998 à mettre en place des projets de réorganisation et de plans de sauvegarde de l'emploi, qui ont eu pour effet de réduire régulièrement et sensiblement le nombre de salariés afin d'adapter le périmètre de la structure à la diminution constante de l'activité du CDR en raison de l'avancement des dossiers.
Le contrat d'entreprise 2002-2005, adopté le 6 février 2002 par le Conseil d'Administration, prévoyait que la quasi-totalité des actifs transférés au CDR par le Crédit Lyonnais auraient été cédés à la fin de l'année 2005.
Dans le cadre de la mise en 'uvre de ce contrat d'entreprise, le CDR s'est rapproché des services de la Caisse des Dépôts et Consignations, et des groupes de travail ont été constitués pour étudier l'assistance que la CDC pourrait apporter au CDR dans sa gestion liquidative.
C'est dans ces conditions qu'un contrat d'assistance CDR/CDC a été conclu en avril 2005 permettant au CDR d'aborder dans de bonnes conditions la dernière phase de sa mission.
La réalisation de la quasi-totalité des actifs à fin 2006 et le passage en-dessous de la taille critique permettant d'éviter les risques de dysfonctionnement ont conduit les Pouvoirs Publics à demander que soit étudié le transfert de la gestion résiduelle des activités à la CDC à partir du 1er janvier 2007.
En effet, les résultats du CDR pour 2006 démontrent l'abaissement de son activité sons un seuil ne nécessitant plus l'existence d'une structure dédiée.
A titre d'illustration, la valeur brute diminuera de 839 M€ à 410 M€ en 2006, soit une diminution de 51,13,% par rapport à 2005 et de 68,5% par rapport à 2004 et sur les 2.600 procédures contentieuses dans lesquelles le CDR était impliqué, il ne subsistera, au 31 décembre 2006, qu'une centaine de contentieux judiciaires, soit une baisse de 96,16% de l'activité par rapport à la création du CDR et de 66% au regard de l'activité contentieuse 2005.
C'est dans ce contexte d'achèvement de la mission confiée par l'Etat que la mise en 'uvre du dernier plan de sauvegarde de l'emploi et la suppression des 24 derniers postes de travail dont celui que vous occupez en qualité de Responsable/Gestion Après Réalisation n 'ont pu être évitées en raison de la réorganisation de notre société.
Au surplus, nous sommes contraints de constater que cette ultime étape de la mission confiée au CDR entraîne la suppression de l'ensemble des postes au sein du Groupe. Ainsi, il ne nous est malheureusement pas possible de vous proposer un poste de reclassement, fût-ce au prix d'une modification de votre contrat de travail.
Le point de départ du préavis de trois mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu commencera à courir à compter du Ier janvier 2007.
Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l'exécution de ce préavis et que vous percevrez l'indemnité compensatrice correspondante.
Vous pourrez bénéficier des prestations de l'Antenne Orientation Reclassement (AOR), dans le cadre du FSE du CDR. (...)
En vous remerciant de votre collaboration au sein de notre entreprise, nous vous prions d'agréer, Cher Monsieur, nos plus sincères salutations'.
Aux termes de l'article L.1235-10 du code du travail «Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciements concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L, 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés. La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe (...) » ; aux termes de l'article L.1233-61 du même code «Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, lorsque le projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.
Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile » ;
Monsieur [X] affirme qu'il a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse parce que d'une part le CDR CREANCES n'a pas effectué de recherche de reclassement, ce qu'il reconnaît d'ailleurs dans la lettre de licenciement du 18 décembre 2006, et d'autre part la lettre de licenciement n'est pas motivée.
A) Sur l'obligation de reclassement
Monsieur [X] soutient notamment :
* en premier lieu, que :
- le CDR s'inscrit dans un groupe au sein duquel un reclassement était possible,
- l'EPFR était le principal actionnaire du CDR SA,
- l'APE, l'EPFR et le CDR étaient étroitement liés et constituaient un groupe de reclassement, ces trois entités ayant une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, que les activités exercées par ce groupe relevaient du même domaine d'activité et que la réorganisation devait être appréciée en regard de cet unique secteur d'activité.
*en second lieu, que :
- le CDR est une structure de cantonnement qui poursuit sa mission car CDR SA et sa filiale SAS CDR CREANCES n'ont pas cessé leur activité mais la poursuivent tout en marquant une diminution d'activité,
- CDR et CDR CREANCES existent toujours en tant que sociétés et l'intégralité de l'activité du CDR se poursuit en sous-traitant la gestion résiduelle des dossiers à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS par la signature d'un contrat d'assistance,
- la gestion des actifs du Crédit Lyonnais n'était pas la seule activité du CDR ; son objet social prévoyait aussi la gestion pour compte de tiers ; il existait alors d'autres sociétés de défaisance de même type, le Comptoir des Entrepreneurs et le GAN, qui auraient pu être regroupées au sein du CDR.
- la lettre de licenciement ne pouvait prétendre à une "mission temporaire du CDR" alors qu'elle précisait que le CDR entrait dans " la dernière phase de sa mission" et qu'il subsistait au 31 décembre 2006, une valeur de dossier à recouvrer de " 410 millions d'euros et une centaine de contentieux judiciaires ".
*en troisième lieu, qu'un reclassement était possible au sein de l'EPFR et de l'APE :
- le CDR, pourtant tenu de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe APE, n'a jamais entendu réellement et sérieusement offrir de reclassement aux 24 salariés licenciés dans l'une des 55 sociétés composant le groupe APE, la moitié de ces salariés étant des "seniors" présentant une difficulté certaine de retrouver un emploi, ne serait-ce qu'en proposant la mise en place d'un Contrat à Durée Déterminé " CDD emplois seniors " d'une durée de 18 mois renouvelable une fois, mis en place, à cette même époque, par les services du Ministère du travail, ce qui lui aurait permis de poursuivre son activité professionnelle jusqu'au terme de ses années de cotisation retraite.
- l'APE s'es comportée comme un dirigeant de fait, par ses fonctions et ses responsabilités, et son pouvoir d'obliger le CDR à signer avec la CDC un contrat d'assistance,
- le CDR pouvait lui proposer un reclassement fusse au prix d'une modification du contrat de travail au vu de ses dernières notations professionnelles, démontrant sa compétence et son expérience.
* en quatrième lieu, que son reclassement a été volontairement écarté car :
- il a été décidé de retirer aux salariés du CDR les missions qu'ils exécutaient pour les confier à la CDC et ils se sont vus écartés de tout reclassement,
- sa demande de reclassement a été rejetée,
- de 'discrets et curieux' reclassements sont intervenus, concernant notamment Madame [G] [M], ancienne salariée du CDR, ayant fait l'objet d'un licenciement fin février 2004 reclassée en tant qu'Administrateur de la SOCIETE DE GESTION DE GARANTIES ET DE PARTICIPATIONS, dont le siège social est identique au siège social de la CDC et M. [W] [S], ancien salarié du CDR, appelé par le CDR, en mai 2007, pour assurer la présidence d'une filiale CEDP (ex Groupe Bernard TAPIE).
En réponse, la société CDR CREANCES soutient notamment qu'elle a mis en oeuvre une réorganisation entraînant la suppression des 24 derniers postes dont celui de Monsieur [X] dans le cadre d'une cessation d'activité programmée par le législateur, qu'elle a engagé une démarche de reclassement sérieuse et loyale, les possibilités de reclassement interne ayant varié au cours du temps, et que les critiques de Monsieur [X] sur le périmètre de reclassement sont infondées.
Il est constant que le CDR a été conçu comme une structure de cantonnement et de défaisance d'actifs à risque du Crédit Lyonnais ayant pour mission de "gérer, céder ou liquider" ces actifs, détenue à 100% par l'EPFR qui a pour mission de gérer le soutien financier apporté par l'Etat au Crédit Lyonnais dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein du CDR, société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci.
Monsieur [X] n'ignorait pas que cette structure, créée par la loi, avait, par l'effet de la loi, vocation à disparaître depuis sa création et qu'elle s'était engagée depuis 1995 dans une cessation progressive et programmée d'activité. Il a d'ailleurs tiré partie de cette absence de pérennité pour négocier deux bonus de fidélisation et les partenaires sociaux avaient pris acte de cette situation dans les accords collectifs signés en juin 1998 et janvier 2000 organisant la décroissance des effectifs. Si au 7 avril 2011 le CDR figure toujours au registre du Commerce et des Sociétés, celui-ci indique que cette société a fusionné avec le CDR Finance avec effet rétroactif au 1er janvier 2002, le 28 novembre 2002. La réalité de la diminution progressive d'activité réalisée conformément aux objectifs fixés est établie par les déclarations de l'ancien Président du CDR devant la représentation nationale le 1er février 2006, M.[T] affirmant qu' au 'début de 2006, le CDR est entré en phase d'extinction avec l'appui logistique de la CDC'et par l'absence de remise en cause par les représentants du personnel de la réalité de l'achèvement des missions du CDR lors de la réunion du 12 octobre 2006 organisée sur l'ordre du jour fixé par le juge des référés.
La diminution constante d'activité a imposé des réorganisations qui se sont traduites par plusieurs plans sociaux et en dernier lieu par la signature d'une convention d'assistance avec la CDC. Les modalités de cette réorganisation relèvent du pouvoir de gestion de l'employeur. Elle a entraîné la suppression des 24 derniers postes, dont celui de Monsieur [X]. La réalité de ces suppressions a été reconnue par l'autorité administrative, qui a autorisé la rupture des contrats de travail de tous les salariés protégés inclus dans le dernier projet de licenciement collectifs. Sur recours de quatre anciens salariés protégés du CDR, le Tribunal administratif de Paris a confirmé ces décisions par jugements du 15 février 2011.
Or, la cessation d'activité constitue un motif économique de licenciement, dont il n'appartient pas à la Cour de contrôler la cause hors le cas de légèreté blâmable.
S'agissant de l'obligation de reclassement, lors des premiers licenciements, le CDR s'est placé au niveau du groupe auquel il appartenait pour y satisfaire. Lorsque le CDR, à l'origine filiale du crédit lyonnais, est devenu totalement indépendant de la banque, les opportunités de reclassement internes ont été exclusivement recherchées au sein de l'UES CDR, le reclassement au sein du Crédit lyonnais n'étant plus possible.
Dans son rapport public 2007, la Cour des comptes a d'ailleurs souligné 'le niveau élevé des rémunérations et (les) conditions très généreuses du plan social qui a eu pour effet de multiplier par deux ou par trois les indemnités conventionnelles'.
Lors du dernier plan de sauvegarde de l'emploi, compte tenu de la suppression des postes du CDR, il n'existait plus de possibilité de reclassement interne. Une convention spécifique a alors été signée avec la société chargée d'animer l'antenne orientation reclassement-AOR-afin de renforcer la mission d'aide au reclassement externe. Elle s'est réunie régulièrement pour faire le point sur l'état d'avancement des recherches des 20 salariés qui ont demandé à bénéficier de son aide sur les 23 licenciés. Monsieur [X] a alors fait part du fait qu'il avait le 'projet d'assurer dorénavant des formations bancaires et juridiques près d'organismes dédiés (CEGOS, OBCF) tout en poursuivant sa mission (de juge consulaire) prés le Tribunal de commerce' et a donc peu collaboré avec l'AOR.
S'agissant du périmètre de reclassement, le groupe de reclassement est constitué d'entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail et d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
L'employeur de Monsieur [X] n'avait pas l'obligation de rechercher un reclassement au sein de l'EPFR, de l'APE et des entreprises dont l'Etat est actionnaire, ceux-ci ne pouvant être considérés comme faisant partie d'un groupe de reclassement s'imposant au CDR dès lors que l'EPFR n'employant aucun salarié et l'APE ayant, selon le décret du 9 septembre 2004, pour seule fonction, entièrement différente de celles du CDR CREANCES, d'exercer la mission de l'Etat actionnaire dans les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou indirectement par l'Etat, il n'existe aucune permutabilité de personnel possible entre ces organismes et le CDR et que le seul lien capitalistique ne suffit pas à créer un groupe de reclassement. Il en est de même pour les entreprises relevant du périmètre de l'APE pour la seule raison que l'Etat y détient une partie du capital.
En outre, le CDR CREANCES n'avait pas l'obligation de rechercher un reclassement au sein de la CDC à laquelle il n'était lié que par un contrat d'assistance excluant juridiquement en soi toute permutabilité du personnel.
Il en résulte que l'employeur a sérieusement et loyalement exécuté sa démarche de reclassement dans les conditions imposées par la loi.
B) Sur la motivation de la lettre de licenciement
Monsieur [X] affirme que la lettre de motivation comporte des imprécisions et des contradictions, ce que conteste le CDR Créances.
Aux termes de l'article L.122-14-2 du Code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les raisons économiques et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail.
En l'espèce, la lettre vise d'une part le transfert à partir du 1er janvier 2007 de la gestion résiduelle des activités à la CDC et l'achèvement de la mission confiée par l'Etat et d'autre part, la suppression des 24 derniers postes dont celui occupé par le destinataire de cette lettre. Elle comporte de manière précise et non contradictoire l'énoncé d'un motif économique dont la nature et la réalité ne sont pas sérieusement contestables, et son incidence sur le poste occupé par le salarié .
Dès lors, le licenciement du salarié repose sur une cause économique réelle et sérieuse, et il convient de confirmer le jugement de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement ;
Déboute Monsieur [X] de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [X] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT