RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 09 Juin 2011
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09564 JD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Juillet 2009 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 20502273
APPELANTE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Mme [T] [L] en vertu d'un pouvoir général
INTIMÉE
SARL JPS COURSES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-Pierre LE SERGENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P201
Monsieur le Directeur de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 4], non comparant
Régulièrement avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2011, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jeannine DEPOMMIER, Président chambre 6-12, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Greffier : Mlle Christel DUPIN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Madame Michèle SAGUI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
**********
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les faits de la cause sont exposés dans la décision déférée à laquelle il est expressément référé à cet égard.
Il sera rappelé que :
* à la suite d'un contrôle opéré au sein de la société SARL JPS COURSES, ci-après désignée JPS COURSES, en présence pour partie de M. [P], gérant, et du représentant du cabinet comptable EURODEC, l'UNION pour le RECOUVREMENT des COTISATIONS de SÉCURITÉ SOCIALE et d'ALLOCATIONS FAMILIALES de Paris et de la Région Parisienne, (l'URSSAF), a transmis le 5 janvier 2004 une lettre d'observations portant redressement de cotisations au titre des années 2001 et 2002 sur les 4 chefs suivants :
- régularisation de cotisations à hauteur de 1 351 euros pour cause d'application de l'exonération au delà de la limite de deux ans - du 5 juin 2002 au 31 décembre 2002- au titre du contrat initiative emploi de M. [H] recruté le 5 juin 2000,
- non soumission à la CSG et à la CRDS des contributions patronales au financement de la prévoyance pour un montant de 372 euros,
- "emploi de salariés non déclarés avec verbalisation" s'agissant des sommes présentées comme réglées au titre de factures de sous traitance émises par la SARL MEUBLES MEVLANA pour un montant de 55 822 euros en 2001 et 16 313 euros en 2002,
-"emploi de salariés non déclarés avec verbalisation" s'agissant des sommes présentées comme réglées au titre de factures de sous traitance émises par les sociétés TPM et CEL pour un montant de 95 124 euros en 2001 et 67 259 euros en 2002,
* l'URSSAF adressait à JPS COURSES une mise en demeure par lettre recommandée du 26 février 2004, pour un montant en principal de 236 241 euros outre 23 624 euros de majorations de retard provisoires,
* la commission de recours amiable ayant rejeté le 10 février 2005 sa contestation relative aux deux derniers chefs de redressement, JPS COURSES a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris,
*cette juridiction, par jugement contradictoire du 1er juillet 2009, a annulé la décision de la commission de recours amiable et dit sans objet la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 259 865 euros présentée par l'URSSAF,
* l'URSSAF a régulièrement interjeté appel par lettre recommandée postée le 9 novembre 2008 du jugement qui lui avait été notifié le 20 octobre précédent.
À l'audience du 6 mai 2011, l'URSSAF, fait développer par sa représentante ses écritures visant à voir infirmer le jugement entrepris, confirmer la décision de la commission de recours amiable et condamner l'intimée à payer la somme de 236 241 euros augmentée des majorations de retard à hauteur de 23 624 euros.
Elle reproche aux premiers juges d'avoir rejeté en bloc sa demande en paiement alors que les deux premiers chefs de redressement n'étaient pas contestés.
Elle explique qu'en raison de plusieurs anomalies relevées sur les factures produites par JPS COURSES des trois sous traitantes alléguées, après vérifications concernant ces dernières, les sommes ainsi comptabilisées ont été requalifiées en salaires et réintégrées dans l'assiette de cotisations.
Elle précise qu'un procès-verbal pour travail dissimulé par dissimulation d'activité et présentation de factures non probantes a été dressé le 6 février 2004 à l'encontre du gérant de JPS COURSES et transmis au procureur de la République de Paris ; selon elle, le fait qu'elle ne retrouve pas ce procès-verbal et qu'il n'y ait eu aucune suite pénale est sans effet sur le redressement opéré, dès lors que le procès-verbal comptable de contrôle d'assiette démontre l'existence d'une fausse sous-traitance cachant du travail dissimulé. Elle fait valoir que JPS COURSES n'a jamais produit les documents permettant de s'assurer que les sous traitantes s'acquittaient de leurs obligations prévues à l'article L 324-10 du code du travail et elle en déduit l'existence d'une dépendance économique de ces dernières envers la première. Selon elle, il appartient à l'intimée de prouver l'existence de contrats de sous traitance et elle énumère les anomalies relevées à l'occasion du contrôle.
JPS COURSES fait plaider oralement par son conseil ses conclusions écrites tendant à voir confirmer le jugement du 1er juillet 2009 ; elle conclut que la demande en paiement de l' URSSAF n'est justifiée que pour les cotisations non contestées soit la somme de 1 723 euros.
Elle soutient que l'URSSAF ne peut, en raison du manquement aux obligations de l'ancien article L 324-10 du code du travail par les sous traitantes, rechercher sa solidarité en qualité de donneur d'ordre pour le paiement des cotisations avec les prestataires qui exercent le travail dissimulé en l'absence de constat par procès-verbal de l'infraction et de rappel de cotisations auprès des trois sociétés prestataires.
Elle reproche à l'appelante de se référer "constamment à des documents et procès-verbaux, notamment d'audition ou attestations, qu'elle déclare ne pas détenir".
Elle conteste l'existence d'un lien de subordination avec les trois sous traitantes, qui ne sont pas des personnes physiques et par conséquent ne peuvent pas être liées par un contrat de travail ; selon elle, les anomalies relevées à l'encontre des trois sous traitantes sont peu convaincantes et ne sont pas de nature à établir un lien de subordination avec elle.
Elle affirme en ce qui concerne les factures de la SARL MEUBLES MEVLANA que :
-cette dernière a encaissé le montant des factures et le numéro SIRET inscrit sur les factures qu'elle-même a acquittées correspond à celui mentionné sur l'extrait Kbis
- les différences alléguées ne peuvent que correspondre aux mentions ajoutées par elle concernant l'identification des règlements,
- elle n'est pas en possession des 3 factures qui auraient été réglées à des personnes physiques en date des 3 mars 2001, 21 décembre 2001 et 28 novembre 2002, dates ne coïncidant pas avec les habitudes de cette sous traitante qui facturait en fin de mois.
En ce qui concerne la société TPM, elle argue de sa constitution régulière et de ce que l'utilisation d'une société de domiciliation ne caractérise pas une absence d'activité.
De même, elle écarte les arguments de l'URSSAF relatifs à la société CEL retenant que cette dernière n'a été radiée du registre du commerce et des sociétés que le 22 juillet 2002 soit postérieurement à la dernière facture datant du 30 avril 2002.
Enfin, elle conteste la taxation forfaitaire opérée par l'URSSAF retenant une base supérieure selon elle, au montant hors taxe du total des factures litigieuses.
Il est fait référence aux écritures déposées par l'appelante pour un plus ample exposé des moyens proposés par elle au soutien de ses prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en paiement de l'URSSAF au titre des deux chefs de redressement non contestés,
Les deux premiers chefs de redressement sont parfaitement justifiés et n'ont jamais été contestés ; c'est en conséquence à tort que les premiers juges ont rejeté la demande reconventionnelle de l'URSSAF les concernant.
Le jugement doit donc être infirmé sur ce point et la société condamnée à payer les sommes de 1351 et 372 euros augmentées des majorations de retard correspondantes.
Sur les deux derniers chefs de redressement,
Vu les articles L. 324-9, L. 324-10, L 324-12, L. 324-13-1, L. 324-14, L. 324-14-1 et R 324-10 du code du travail tels qu'ils existaient en 2001 et 2002,
Le travail totalement ou partiellement dissimulé est non seulement interdit mais aussi pénalement réprimé ; est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié le fait pour tout employeur de ne pas procéder aux déclarations obligatoires auprès des organismes de protection sociale ou de l'administration fiscale et de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 320 du code du travail (remise du bulletin de paie, déclaration d'embauche ).
La lecture du procès-verbal de contrôle rédigé par Mme [K] , inspecteur, révèle les difficultés qu'elle a rencontrées pour effectuer le contrôle, dans la mesure où après un avis du 18 juillet 2002 fixant rendez-vous pour le 16 septembre suivant, elle n'a finalement pu commencer ses opérations que le 15 juillet 2003.
Les pièces versées aux débats prouvent que cet inspecteur a réclamé des pièces à plusieurs reprises, oralement au cabinet comptable, puis par lettre du 23 juillet 2003 reçue le 28 suivant par l'intimée sollicitant notamment "les contrats de travail de l'ensemble du personnel, tous les bons des courses du mois d'avril et décembre 2002, un document prouvant la possession et la puissance du véhicule de chaque coursier, les documents ayant permis la vérification de la situation de chaque sous-traitant" ces derniers étant encore sollicités par lettre recommandée du 2 octobre 2003 avec avis de réception signé le 7 octobre 2003 par laquelle était accepté à nouveau un report du rendez-vous du 15 octobre 2003.
En ce qui concerne la SARL MEUBLES MEVLANA,
Le gérant de cette société déclarée par l'intimée comme étant sa sous-traitante a certifié à l'inspecteur n'avoir jamais travaillé pour JPS COURSES. Cette mention sur le procès-verbal de contrôle fait foi jusqu'à preuve contraire que l'intimée n'a pas rapportée, peu importe que le PV d'audition de ce gérant ne soit pas communiqué.
L'inspecteur a vérifié les factures effectivement émises par la SARL MEUBLES MEVLANA au cours des exercices 2001 et 2002 et présentées par le représentant légal de cette dernière, consulté les bilans et comptes de résultats ainsi que les grands livres permettant de valider les pièces produites. Il a constaté que les factures que lui communiquait la SARL MEUBLES MEVLANA ne ressemblaient pas à celles de JPS COURSES, en ce qu'elles omettaient la TVA, comportaient un cachet de la société avec un libellé différent plus complet et surtout un numéro SIRET non identique.
En ce qui concerne la SARL TPM,
Sur les factures remises par JPS COURSES, -dont les numéros se suivent malgré leur date de fin de mois à l'étonnement de l'inspecteur mentionné dans le procès-verbal de contrôle sans susciter aucune explication de la part de l'intimée-, l'adresse de la SARL TPM correspond à celle d'une société de domiciliation qui ne l'a eue comme cliente que jusqu'en 1998 et qui de surcroît avait déménagé en 2003 ; l'inspecteur n'a pas réussi à localiser cette SARL TPM et en a logiquement déduit qu'elle ne pouvait pas recevoir des courriers, commandes ou chèques des clients.
De plus, cette société n'est pas immatriculée à l'URSSAF et son gérant n'est pas inscrit au fichier des travailleurs indépendants.
En ce qui concerne la SARL CEL,
L'adresse figurant sur les factures remises par JPS COURSES portant une date entre le 31 mai 2001 et le 30 avril 2002 correspond à un immeuble d'habitation et aucune boîte à lettres ne porte le nom de l'entreprise ou de son gérant. La société inscrite à l'URSSAF le 15 mars 2000 a été radiée le 30 septembre 2001 pour défaut de production des déclarations des trois premiers trimestres 2001 et retour des courriers avec la mention PSA (partie sans laisser d'adresse) depuis début 2001.
L'inspecteur a encore souligné la similitude des deux écritures sur toutes les factures au nom de la SARL CEL avec celles des factures portant le cachet de la société MEVLANA produite par l' intimée.
JPS COURSES ne produit strictement aucune pièce pour contredire utilement le procès-verbal et caractériser la réalité de la sous-traitance avec les sociétés MEUBLES MEVLANA, TPM, et CEL dont elle se prévaut.
Elle ne conteste pas qu'elle n'a pas remis à l'inspecteur lors du contrôle les documents énumérés à l'article R 324-4 du code du travail qu'elle se devait d'exiger des sous-traitantes prétendues conformément à la législation de prévention des risques de travail dissimulé ; elle ne verse pas plus au débat devant la cour ces pièces ni n'offre de le faire.
Au regard de toutes les anomalies relevées sur les factures présentées par JPS COURSES , à l'absence de production de contrats de sous-traitance ou de toutes pièces justificatives de ceux-ci, l'inspecteur était en droit de remettre en cause l'existence d'une sous-traitance non prouvée et de considérer que les sommes prétendument versées au titre des prestations de sous-traitance non démontrées l'avaient été dans le cadre d'un travail dissimulé et devaient être réintégrées dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale. Le redressement ainsi opéré n'est pas subordonné à une quelconque procédure pénale ; l'argument tiré de l'absence d'un procès-verbal de travail dissimulé est des lors inopérant.
Le travail dissimulé a été reproché au gérant de l'intimée et non pas aux trois sociétés prétendument sous-traitantes ou aux représentants de ces dernières ; les développements de l'intimée concernant les trois sociétés MEUBLES MEVLANA, TPM, et CEL , faute de prouver l'existence de relations contractuelles avec elle-même, s'avèrent inutiles.
Enfin, il apparaît que les cotisations mises en recouvrement n'ont pas été fixées forfaitairement mais l'ont été à partir des factures litigieuses, non admises comme correspondant à de la sous-traitance.
Dans ces conditions le redressement opéré des chefs d'"emploi de salariés non déclarés avec verbalisation" s'agissant des sommes présentées comme réglées au titre de factures de sous traitance qui auraient été émises par la SARL MEUBLES MEVLANA et par les sociétés TPM et CEL est bien fondé et le jugement entrepris doit être infirmé.
PAR CES MOTIFS :
la Cour,
Déclare l'UNION pour le RECOUVREMENT des COTISATIONS de SÉCURITÉ SOCIALE et d'ALLOCATIONS FAMILIALES de Paris et de la Région Parisienne recevable et bien fondée en son appel ;
En conséquence,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er juillet 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;
statuant à nouveau,
Confirme la décision de la commission de recours amiable en date du 10 février 2005 ;
Condamne la société JPS COURSES au paiement de la somme de 236'241 €
augmentées des majorations de retard à hauteur de 23'624 €.
Le Greffier, Le Président,