RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 16 Juin 2011
(n° 11 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08570
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES - Section ENCADREMENT -
RG n° 08/072
APPELANTE
Association APSI
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Philippe TROUCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0084 substitué par Me Paule BENISTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D 299
INTIMÉE
Madame [Z] [O]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne
assistée de Me Sylvia FOURMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1247
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Françoise FROMENT, président
Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller
M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 18 mars 2011
Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure
L'Association APSI est une association qui gère notamment des centres médico-psycho-pédagogiques pour adultes et enfants.
Mme [Z] [O] a été embauchée par l'Association APSI le 1er mars 2004, selon un contrat à durée indéterminée pour assurer les fonctions de directrice de l'institut psychothérapeutique de rééducation [5] à [Localité 3] (Itep) ainsi que du service éducatif spécialisé et de soins à domicile (Sessad) [5] à [Localité 4]. En 2006, ses fonctions sont étendues à un second SESSAD.
Par lettre du 21 mars 2007, l'Association APSI fait part à Mme [O] de la survenance de graves dysfonctionnements dont elle attribue l'origine à ses carences et insuffisances professionnelles. Elle est alors déchargée des deux Sessad et son activité est limitée à l'Itep.
Un avenant à son contrat de travail avalisant cette modification lui est présenté à sa signature avec un délai de réflexion de 8 jours pour donner son accord. Mme [O] ayant émis des réserves, par courrier du 1er avril 2007, concernant la modification proposée, l'Association APSI a prononcé sa mise à pied à titre conservatoire immédiate, l'a convoquée pour le 25 avril 2007 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Le 3 mai 2007, Mme [O] est licenciée pour insuffisance professionnelle et est dispensée de l'exécution de son préavis qui lui est payé.
L'entreprise compte plus de 10 salariés.
La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
Estimant son licenciement injustifié, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-St-Georges de demandes tendant en dernier lieu à obtenir le paiement d'une indemnité sans cause réelle et sérieuse, avec exécution provisoire, outre une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre reconventionnel, l'Association APSI a réclamé le paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par décision en date du 7 septembre 2009, le conseil de prud'hommes a dit le licenciement de Mme [O] dénué de cause réelle et sérieuse et condamné l'Association APSI à lui payer la somme de 29 397,24 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a débouté les parties pour le surplus et condamné l'Association APSI aux dépens.
L'Association APSI a régulièrement fait appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle demande à la cour de juger le licenciement de Mme [O] fondé sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de toutes ses prétentions.
Mme [O] conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et à son infirmation sur le montant de l'indemnité accordée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle demande que l'Association APSI soit condamnée à lui payer la somme de 55 000 € à ce titre, outre la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, l'Association APSI étant condamnée aux dépens.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 3 mai 2011, reprises et complétées à l'audience.
Motivation
Par courrier du 3 mai 2007, l'Association APSI a notifié à Mme [O] son licenciement pour insuffisance professionnelle dans les termes qui suivent :
'- votre manque de disponibilité
- de mauvaises méthodes de travail
- des décisions peu réfléchies prises dans l'urgence
- une mauvaise gestion du personnel
- de graves lacunes dans la gestion administrative et financière
- des interventions humiliantes auprès des cadres de l'établissement et des salariés en présence des jeunes pris en charge
- interventions personnelles auprès des jeunes pris en charge allant à l'encontre du projet éducatif et pédagogique convenu par l'équipe pluridisciplinaire.
Vos carences professionnelles et votre insuffisance professionnelle ont entraîné de graves dysfonctionnements dans la bonne marche des services et une désorganisation institutionnelle........En l'état, la situation ne permet plus la poursuite du contrat de travail même pendant la durée du préavis. Toutefois par bienveillance......votre préavis vous sera payé à échéance, outre une indemnité conventionnelle de licenciement....'
Faisant valoir que l'Association APSI n'a pas respecté l'article 33 de la convention collective applicable en matière de procédure disciplinaire, Mme [O] conclut que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Elle précise que la procédure de licenciement engagée par l'employeur a un caractère disciplinaire dès lors qu'il a prononcé une mise à pied conservatoire et qu'il a rompu sans préavis la relation de travail. Elle ajoute que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée et qu'en tout état de cause, les griefs reprochés ne sont pas fondés.
L'Association APSI qui conteste les allégations de Mme [O] affirme que le licenciement prononcé sur le fondement de l'insuffisance professionnelle n'a pas le caractère disciplinaire que lui revendique la salariée et qu'en conséquence l'article 33 invoqué n'est pas applicable en l'espèce.
La cour rappelant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, relève que les griefs invoqués au soutien du licenciement, pour certains se rattachent à l'insuffisance professionnelle (manque de disponibilité, mauvaises méthodes de travail, mauvaise gestion du personnel,..) tandis que d'autres revêtent un caractère disciplinaire (interventions humiliantes auprès des cadres de l'établissement et des salariés en présence de jeunes pris en charge et interventions personnelles auprès des jeunes pris en charge allant à l'encontre du projet éducatif et pédagogique convenu par l'équipe pluridisciplinaire).
Il s'ensuit qu'en présence de griefs relevant du cadre disciplinaire, l'employeur devait emprunter la voie d'une procédure de licenciement disciplinaire.
Or à cet égard, l'article 33 de la convention collective applicable prévoit que 'sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions disciplinaires telles qu'une observation, un avertissement ou une mise à pied'.
Il convient donc de constater que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige et qui se réfère aux insuffisances et carences professionnelles de la salariée, ne mentionne pas le reproche d'une faute grave à l'encontre de Mme [O], nonobstant la mise à pied conservatoire ordonnée, dont il ne résulte pas en l'espèce qu'elle revête un caractère disciplinaire et nonobstant la rupture immédiate de la relation de travail, laquelle, assortie du règlement de l'indemnité de préavis, ainsi que de l'indemnité conventionnelle de licenciement, est intervenue dans des circonstances qui caractérisent l'absence de faute grave.
Il s'ensuit qu'en application de l'article 33 précité, entreprise en dehors de toute faute grave, une procédure de licenciement ne pouvait être valablement engagée à l'encontre de Mme [O] en l'absence de précédentes sanctions disciplinaires prononcées contre elle.
Il s'en déduit que Mme [O] qui n'avait jusqu'alors jamais été sanctionnée ne pouvait faire l'objet d'une procédure de licenciement disciplinaire.
En conséquence, le licenciement prononcé en violation de l'article 33 précité est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Cette situation donne à Mme [O] au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse que la cour compte-tenu des éléments produits aux débats est en mesure d'évaluer au montant retenu à juste titre par les premiers juges, qu'il convient donc de confirmer.
Le jugement déféré est, en conséquence, confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- condamne l'Association APSI aux dépens ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamne l'Association APSI à payer à Mme [Z] [O] la somme de 2 500 €.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT