RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 septembre 2011
(n° 8 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08059
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Juin 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 08/04096
APPELANT
Monsieur [E] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Christophe WACQUET, avocat au barreau d'AMIENS substitué par Me Romain GUILLEMARD, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMÉE
SA APEX
siège social : [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Thierry DOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : R046
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, président
Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par [E] [I] d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 25 juin 2009 ayant condamné la société APEX à lui verser
3772,97 euros à titre de rappel de salaire
377,29 euros au titre des congés payés
11318,91 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
1131,89 euros au titre des congés payés y afférents
1131,89 euros à titre d'indemnité de licenciement
500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
et débouté le salarié du surplus de sa demande ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 9 mai 2011 de [E] [I] appelant, qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris et la condamnation de la société intimée à lui verser
10500 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2001
1050 euros au titre des congés payés
38000 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2002
3800 euros au titre des congés payés
20000 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2003
2000 euros au titre des congés payés
20000 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2004
2000 euros au titre des congés payés
6012,61 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied
601,26 euros au titre des congés payés
18037,83 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
1803,78 euros au titre des congés payés y afférents
1803,78 euros à titre d'indemnité de licenciement
72151,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
30000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
à titre subsidiaire la désignation d'un expert en vue de déterminer le salaire qu'il aurait perçu s'il avait été rémunéré en fonction du chiffre d'affaires réalisé,
et en tout état de cause 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 9 mai 20111 de la société anonyme S.A. APEX intimée qui sollicite de la Cour la réformation du jugement entrepris, conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelant à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que [E] [I] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 novembre 2000 par la société SOGEX ACTE; qu'à la date de son licenciement il occupait l'emploi de chargé de mission et percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 3772,97 € ;
Que l'appelant a été convoqué par lettre remise en main propre le 8 décembre 2004 à un entretien le 13 décembre 2004 en vue de son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement pour fautes graves lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 janvier 2005 ;
Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
«-D'une part avoir sollicité des billets d'avion pour vous même et votre famille pour un déplacement en Italie.
Vous avez fait adresser à Me [A] une lettre datée du 1er décembre 2004 mentionnant votre nom et le mien avec deux signatures pour ordre. J'ai découvert à cette occasion que vous demandiez "que soient mis à disposition tous les moyens nécessaires pour accomplir cette mission (déplacement aller-retour à Milan, hébergement pour deux personnes : pour moi-même et mon assistante)", alors que vous n'en avez pas. Ceci corrobore les affirmations de Me [A] qui, je vous le rappelle, est un mandataire de justice.
-Vous n'ignoriez pas qu'aucun courrier portant ma signature et d'autant plus pour un courrier de cette nature, ne peut être envoyé sans que je l'aie préalablement approuvé.
-D'autre part vous êtes manifestement sorti de votre rôle d'expert du comité d'entreprise en cherchant à aller proposer à la direction italienne du groupe une solution de sauvetage de Flodor et en donnant à croire à l'Administrateur judiciaire que vous pourriez y être associé alors même que vous n'avez pas présenté cette solution au comité d'entreprise et que vous ne vous êtes pas entretenu avec la direction du Cabinet
-Vous avez pu constater que Me [A] a adressé copie de sa lettre à diverses parties dont Monsieur le Procureur de la République, nous plaçant dans une position très délicate au regard des faits eux-mêmes et du respect impératif des règles déontologiques qui régissent notre activité.»
Que l'appelant a saisi le Conseil de Prud'hommes le 18 mars 2008 en vue d'obtenir des rappels de salaire et de contester la légitimité du licenciement ;
Considérant que [E] [I] expose que son licenciement est illégitime ; qu'il n'a jamais sollicité des billets d'avion pour lui même et sa famille en vue d'un déplacement en Italie ; que la société ne justifie pas ses affirmations ; qu'il n'a pas dépassé le cadre de ses fonctions ; qu'occupant un poste de cadre au forfait, il ne lui était pas nécessaire de bénéficier d'une délégation pour ses déplacements ; que le comité d'entreprise et la direction lui avaient demandé d'organiser la réunion litigieuse ; qu'il avait demandé que soit réexaminé son statut ; que les autres chargés de mission étaient exclusivement rémunérés sur commission à hauteur de 30% du chiffre d'affaires réalisé ;
Considérant que la société anonyme APEX substituée dans les droits de la société SOGEX ACTE soutient que l'appelant n'occupait pas l'emploi allégué de consultant chef de mission, fonction qui serait inexistante au sein de l'entreprise ; que les fautes imputées à l'appelant sont caractérisées ; que lors de l'entretien préalable, celui-ci n'a pas pu répondre à la question portant sur l'identité de l'assistant qui était susceptible de l'accompagner ; que ses différentes affirmations ne sont étayées par aucun élément de preuve ; que sa demande de rappel de salaire est dépourvue de fondement ;
Considérant en application de l'article L1234-1 du code du travail que les faits reprochés à l'appelant sur lesquels sont fondés les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont l'établissement du courrier en date du 1er décembre 2004 adressé à l'administrateur judiciaire de la société PERONNE INDUSTRIE, sollicitant des avantages personnels, sa transmission sans accord préalable de la société d'expertise comptable, et une initiative personnelle dans le cadre du sauvetage de ladite société et du groupe UNICHIPS auquel celle-ci appartenait ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'appelant a toujours suivi personnellement le groupe UNICHIPS en qualité d'expert de la société SOGEX ACTE, cabinet qui avait été mandaté tant par le comité d'entreprise dudit groupe depuis 1996 pour l'assister dans l'examen de ses comptes que par le comité d'établissement de la société PERONNE INDUSTRIE ; qu'il s'est impliqué encore davantage avec l'assentiment de [Z] [K], dirigeant de la société intimée, à la suite du déclenchement du droit d'alerte par le comité d'établissement ; que cette implication est démontrée par la résolution de ce comité en date du 30 novembre 2004, adressée au président du tribunal de commerce, à la suite de la réunion extraordinaire du même jour consécutive à l'examen des comptes de la société ; que les membres du comité y déplorent que l'appelant n'ait pas été convié à la table ronde organisée le 22 novembre 2004 ; qu'elle résulte également du courrier du comité transmis à [Z] [K] le 13 décembre 2004, lui indiquant qu'il avait demandé à l'appelant, en qualité de représentant de la société SOGEX-ACTE, l'organisation en urgence d'un entretien avec le dirigeant du groupe UNICHIPS, [S] [X], en vue de clarifier certains points, dont les perspectives d'évolution de l'usine de [Localité 5] ; que la démarche que devait effectuer l'appelant auprès des instances dirigeantes du groupe n'a nullement été critiquée par la société ; qu'elle n'excédait pas les responsabilités qui lui étaient confiées en tant que responsable de mission, telles que décrites par la grille de fonctions versée aux débats ; que dans le courrier en date du 9 décembre 2004 adressé à l'administrateur judiciaire, [Z] [K] rappelle que, dès le 15 septembre 2003, la société SOGEX ACTE avait demandé à rencontrer la direction du groupe et [S] [X] en particulier ; qu'elle ajoute que cet entretien, qui n'avait pu être obtenu malgré de nouvelles sollicitations, était destiné à aborder les perspectives de redressement de la société PERONNE INDUSTRIE et du groupe UNICHIPS, et s'inscrivait dans le cadre de la mission d'information dévolue à la société SOCEX ACTE conformément au mandat confié par les deux comités ; que dans ladite correspondance, elle n'émet aucune contestation sur la régularité matérielle du courrier en date du 1er décembre 2004,établi en son nom et au nom de celui de l'appelant par l'assistante de celui-ci, sur ses instructions, et adressé par fax à l'administrateur judiciaire ; qu'il n'est nullement démontré qu'une telle pratique susceptible de résulter d'un accord verbal n'était pas suivie au sein de la société en cas d'urgence ni que [Z] [K] se serait opposée au déplacement de l'appelant à Milan ; qu'enfin s'agissant des sollicitations contenues dans ce courrier, il ne peut être déduit du simple fait que l'appelant ne disposait pas d'assistante qu'il ait voulu en réalité faire bénéficier des membres de sa famille d'un avantage irrégulier consistant en un déplacement à Milan et un hébergement à l'hôtel ; qu'il résulte de l'attestation de [U] [O] qu'il était fréquent que dans le cadre des relations avec les clients les collaboratrices des consultants soient présentées par ceux-ci comme leurs assistantes ; que même si [S] [X] était susceptible de s'exprimer en français, il n'est pas démontré que l'importance des enjeux et la technicité de l'entretien ne nécessitaient pas la présence d'un interprète en langue italienne, rôle que devait jouer l'assistante selon l'appelant ; qu'en réalité il résulte du courrier précité en date du 9 décembre 2004, que la procédure disciplinaire, et en particulier la mise à pied à titre conservatoire, sont consécutives aux seules allégations contenues dans la correspondance du 2 décembre 2004 de l'administrateur judiciaire, selon laquelle l'appelant aurait sollicité un honoraire à titre personnel, allégations considérées comme dépourvues de fondement puisque non reprises dans la lettre de licenciement ; que selon l'attestation d'[H] [Y], il apparaît qu'il existait un conflit entre l'appelant et l'administrateur judiciaire en raison de la résolution votée par le comité d'entreprise qui mettait en difficulté ce dernier;
Considérant en conséquence que le licenciement de l'appelant, qui au demeurant repose principalement sur les seules affirmations contenues dans un courrier du 2 décembre 2004 précité, destiné manifestement à déstabiliser la société intimée, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant en application des articles L1221-1 et L3221-1 du code du travail que l'appelant qui a été embauché en qualité d'analyste occupait l'emploi de responsable de mission ; qu'il ne démontre pas que ses fonctions ne correspondaient pas au poste qu'il occupait et qui, selon la grille de fonctions versée aux débats, consistaient en la conception et la conduite de mission impliquant la responsabilité du suivi de clients et une nécessaire autonomie ; que le mode de rémunération que revendique l'appelant à savoir le versement exclusif de commissions calculées par rapport à la réalisation d'un chiffre d'affaires est fondé sur les seules affirmations de [U] [O] alors que celui-ci n'était pas placé dans un situation identique puisqu'il occupait par ailleurs un emploi d'enseignant chercheur universitaire ; que sont produits par l'intimée les contrats de travail de deux autres salariés, [L] [J] et [F] [V], occupant un emploi de responsable de mission et bénéficiant d'un mode de rémunération identique à celui de l'appelant ; qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement ayant débouté l'appelant de sa demande de rappel de salaire ;
Considérant que les premiers juges ont exactement évalué le rappel de salaire dû au titre de mise à pied conservatoire dépourvue de fondement, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents ;
Considérant qu'il résulte des mentions figurant sur l'attestation ASSEDIC délivrée à l'appelant que l'entreprise occupait 10 à 19 salariés à la date du 31 décembre 2004 ; que les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail sont donc applicables à l'espèce ; que l'appelant était âgé de près de 38 ans et bénéficiait d'une ancienneté de plus de quatre années au sein de l'entreprise à la date de son licenciement ; que cette mesure s'inscrit dans le cadre d'un conflit entre son employeur et l'administrateur judiciaire, dont il a été la victime, comme le démontrent les circonstances dans lesquelles a été décidée la mise à pied à titre conservatoire, les motifs de celle-ci et la convocation de l'appelant à un entretien le 20 décembre 2004 par fax en date du 15 décembre 2004 postérieurement à l'entretien préalable et antérieurement à la lettre de licenciement ; qu'il convient en conséquence de condamner la société au paiement de la somme de 30000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions légales précitées ;
Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme complémentaire de 3500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
REFORME le jugement entrepris ;
CONDAMNE la société anonyme SA APEX à verser à [E] [I] 30000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONFIRME pour le surplus le jugement entrepris ;
Y AJOUTANT
CONDAMNE la société anonyme SA APEX à verser à [E] [I] 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LA CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE