RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 septembre 2011
(n° 16 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/09783
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 Octobre 2009 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY section commerce RG n° 08/01493
APPELANTE
SA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE TRANSPORT GONDRAND FRÈRES
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083 substitué par Me Amélie FAVEREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0083
INTIME
Monsieur [Y] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté par Me Carole DUTHEUIL-LECOUVE, avocat au barreau du VAL D'OISE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 mai 2011, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, Conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [Y] [U] est entré au service de la société anonyme Société française de Transports Gondrand Frères - ci-après dénommée société GONDRAND - à compter du 29 septembre 1986, en qualité de manutentionnaire spécialisé. Il a été promu sous-chef de quai le 1er avril 1990 et chef de quai le 31 janvier 2005.
[Y] [U] a été élu membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - CHSCT - en juin 2006.
Le 18 décembre 2007, la société GONDRAND lui notifiait un avertissement dans les termes suivants :
'Monsieur,
Depuis un certain temps, nous avons constaté un relâchement dans l'exercice de vos fonctions, malgré l'investissement de la Direction dans votre emploi.
Cette situation a pris une telle ampleur que nous sommes obligés de vous notifier par la présente un manque de professionnalisme dans l'exécution de vos tâches au quotidien, malgré un degré d'autonomie conditionné par votre statut.
Notre activité générale de commissionnaire de transport, agrée en douane a doublé en un an, ce qui veut dire, qu'il n'y a plus de place pour les méthodes du passé et au laxisme existant.
Une nouvelle organisation des conditions de travail s'est avérée nécessaire au sein du service quai correspondant à notre croissance. Pour faire suite à ce nouveau réaménagement, nous vous avons proposé un nouveau poste de travail avec changement d'horaire en espérant un engagement de votre part en adéquation avec votre qualification professionnelle, à savoir : Chef de quai Transit/Import Entrepôt.
Vous semblez ne pas comprendre les exigences de notre métier et les sujétions afférentes à cette profession. Vous adoptez sur votre lieu de travail une attitude qui manque d'enthousiasme et d'initiative évident qui rend difficile le travail au quotidien de chacun.
Les règles élémentaires d'une gestion de marchandises en transit import ou export, sur notre quai, sont de les faire repartir le plus rapidement possible pour une destination finale.
Cette lettre est un avertissement que nous versons à votre dossier en espérant qu'il aura l'impact nécessaire à une prise de conscience de votre part'.
[Y] [U] adressait alors à son employeur un arrêt de maladie qui allait être renouvelé jusqu'à la rupture de son contrat de travail.
Le 21 avril 2008, [Y] [U] saisissait le conseil de prud'hommes de Bobigny d'une demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur de son contrat de travail.
Lors de l'audience de conciliation du 28 juillet 2008, l'affaire était renvoyée à l'audience de jugement du 23 février 2009.
[Y] [U] prenait acte de la rupture de son contrat de travail le 31 août 2008, par courrier adressé à la société GONDRAND dans les termes suivants :
'Monsieur,
Je vous informe par la présente que je prends acte, à compter de ce jour, de la rupture de mon contrat de travail aux torts de l'employeur pour cause de non-paiement des heures supplémentaires, travail dissimulé et harcèlement moral.
Je vous prie de bien vouloir me transmettre par retour mon solde de tout compte ainsi qu'une attestation mentionnant les périodes durant lesquelles j'ai été détaché pour la Société GONDRAND auprès du Commissariat à l'Energie Atomique de [Localité 6].
Je vous demande également d'annuler l'assurance obsèques que j'avais contractée par l'intermédiaire de la Société et dont les montants sont prélevés sur mon salaire.
Sauf erreur de ma part, le solde de mes congés concernant l'année 2007 s'élève à : 7 jours de congés payés + 1 jour de fractionnement + 1 jour d'ancienneté + 1 RTT non prise en décembre 2007".
La société GONDRAND écrivait à [Y] [U], par lettre du 8 septembre 2008:
'Monsieur,
Nous accusons réception de votre courrier daté du 31 août 2008 aux termes duquel vous nous indiquez prendre acte de la rupture de votre contrat de travail aux torts de l'entreprise.
Nous ne pouvons que prendre acte de votre décision mais considérons, pour notre part, qu'il s'agit d'une démission, les faits que vous imputez à l'entreprise étant dénués de tout fondement. Nous l'indiquerons au conseil de prud'hommes de Bobigny lors de l'audience de jugement.
Nous vous adresserons votre solde de tout compte dès qu'il sera établi, ainsi que les documents sociaux afférents'.
Par jugement du 27 octobre 2009, le conseil de prud'hommes de Bobigny a fixé la rupture du contrat de travail de Monsieur [Y] [U] aux torts de la Société à la date de sa saisine, soit au 21 avril 2008. Il a condamné la société GONDRAND au versement des sommes suivantes :
- 1 463,40 € à titre d'heures supplémentaires,
- 146,34 € à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 136,96 € à titre de solde de congés payés sur les heures supplémentaires déjà réglées,
- 5 154 € à titre d'indemnité de préavis,
- 515,40 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 10 308 € à titre d'indemnité légale de licenciement,
-23 193 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-15 462 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
-10 308 € à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur,
- 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été frappée d'appel par la société GONDRAND qui demande à la cour de prendre acte de ce qu'elle reconnaît devoir à [Y] [U] la somme de 429,68 € net à titre d'heures supplémentaires et de 282,26 € brut à titre de congés payés, de juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par [Y] [U] intervenue par lettre en date du 31 août 2008 doit produire les effets d'une démission et de réformer en conséquence la décision entreprise.
A titre subsidiaire, l'employeur sollicite une réduction importante des prétentions de Monsieur [U].
[Y] [U] a formé un appel incident.
Il sollicite la fixation :
- de l'indemnité pour travail dissimulé à la somme de 16 506,94 €,
- de l'indemnité de licenciement à la somme de 18 088,90 €,
- de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 41 267,37 €,
- de l'indemnité pour violation du statut protecteur à 74 281,27 €.
Par ailleurs, [Y] [U] sollicite la condamnation de la société GONDRAND à lui payer des dommages-intérêts à hauteur de 16 506,94 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et enfin 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées par le greffier et reprises oralement à l'audience du 10 mai 2011.
SUR QUOI, LA COUR
Sur la rupture du contrat de travail
[Y] [U] soutient que la rupture de son contrat de travail doit être prononcée aux torts de son employeur, au triple motif :
- du non-respect de ses temps de pause entre octobre 2007 et le 18 décembre 2007,
- des modalités illégales de paiement - en frais de déplacement - d'heures supplémentaires effectuées certains samedis matin en 2006 et jusqu'en avril 2007, générant une somme due évaluée à 1 453,40 €, outre les congés payés y afférents, et s'analysant en travail dissimulé,
- d'un harcèlement moral caractérisé par des agissements de Monsieur [H], qui dirigeait la succursale de [Localité 5] à laquelle il était affecté, ayant eu des répercussions sur son état de santé comme en attesterait le médecin du travail.
La société GONDRAND conteste le fait que [Y] [U] aurait été privé de ses temps de pause au cours des deux mois et demi visés dans la lettre de prise d'acte de rupture, soit plusieurs mois après sa cessation effective de travail et la saisine par le salarié du conseil de prud'hommes dans le cadre de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. L'employeur souligne que [Y] [U] réclame une somme de 302 € brut en compensation des temps de pause dont il aurait été privé, de sorte qu'à supposer même établi ce grief, il ne saurait constituer un manquement gravement fautif susceptible de justifier une prise d'acte de rupture.
La société GONDRAND reconnaît que [Y] [U] a travaillé 35 samedis, à raison de quatre heures par samedi, et indique que ces heures lui ont été réglées 'sous une mauvaise qualification', en frais de déplacement. Elle se reconnaît débitrice d'une somme de 429,68 € net à titre d'heures supplémentaires et de 282,26 € brut à titre de congés payés et fait valoir qu'il n'y a pas là un acte suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de rupture, le salarié cherchant à 'exploiter' plusieurs mois après les modalités 'peu judicieuses' de rémunération des quelques heures supplémentaires en cause ainsi accomplies, pour tenter de soutenir une prise d'acte qui, en réalité, s'analyse en une démission et alors qu'une régularisation de salaire est intervenue à première demande du salarié pour la période réclamée, et cela, plusieurs mois avant la prise d'acte de la rupture.
Enfin, la société GONDRAND conteste tout fait de harcèlement moral et souligne que [Y] [U] ne cite aucun fait précis susceptible d'être ainsi qualifié, se contentant de produire des attestations relatant de façon vague et imprécise que le directeur de la succursale lui aurait ' mal parlé'.
Selon l'employeur, c'est parce qu'il n'avait pas supporté de recevoir un avertissement relatif à la mauvaise qualité de son travail que [Y] [U] a tenté de 'monter' un dossier contre son employeur pour bénéficier d'un départ négocié, la rupture n'étant pas consécutive à des manquements gravement fautifs de son employeur mais conditionnée par la cessation de sa prise en charge au titre de la maladie par la caisse primaire d'assurance maladie et par la nécessité de prendre son nouvel emploi au sein du collège Henri Matisse, le 1er septembre 2008, soit le lendemain de sa prise d'acte.
La société GONDRAND observe que toutes les attestations versées aux débats par son salarié sont antérieures à sa saisine du conseil de prud'hommes et que Monsieur [U] ne s'était jamais plaint de harcèlement moral avant de recevoir l'avertissement ayant déclenché son arrêt de travail et alors qu'étant membre du CHSCT, il aurait pu aisément évoquer sa situation, et ce d'autant que, selon la thèse qu'il développe et les attestations qu'il produit, les faits dont il se dit victime auraient lieu au su et au vu de tous.
La société GONDRAND souligne encore le fait que [Y] [U] a tronqué sciemment des extraits des documents médicaux qu'il verse aux débats, alors que la lecture complète des éléments du dossier médical de l'intéressé permet de vérifier qu'il n'y a aucune constatation personnelle de la part du médecin du travail d'un quelconque fait de harcèlement moral, le médecin n'ayant pas même envisagé d'interroger l'employeur à ce sujet. Au surplus, le fait que l'assurance maladie ait arrêté de prendre en charge [Y] [U] en août 2008 - sans qu'une procédure ne soit diligentée devant la juridiction compétente - démontre à suffire que la pathologie qu'il invoque n'a jamais été reconnue.
Considérant que, dès lors que la prise d'acte de la rupture par un salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant, mais qu'il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte, en fondant sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ; qu'il importe donc d'examiner chacun des trois griefs allégués par [Y] [U] à l'encontre de son employeur ;
' Le grief de non-respect des temps de pause
Considérant que [Y] [U] reproche à la juridiction prud'homale d'avoir écarté ce grief en omettant de prendre en considération les attestations qu'il avait versées aux débats et en retenant celles de la société GONDRAND alors que la crédibilité des témoins de l'employeur était sujette à caution et que les attestataires ne parlaient pas de sa propre situation ;
Considérant qu'en réalité, en écrivant que 'l'ensemble du service quai a toujours bénéficié d'un temps de pause', Monsieur [K], superviseur import-export,vise nécessairement Monsieur [U] ;
Considérant surtout que les attestations multiples versées aux débats par [Y] [U] ne démontrent pas le grief allégué ;
Considérant que dans l'une de ses trois attestations - rédigées le 9 janvier 2008 pour les deux premières et le 18 janvier pour la troisième -, Monsieur [P] écrit : 'J'affirme qu'aucun temps de pause n'est organisé par Monsieur [H] pour le personnel de quai import travaillant en horaire continu. J'affirme qu'aucune pause ne peut être prise en présence de M. [H] qui ne permet pas au personnel de quai de rester inactif. Le personnel doit en permanence rester à la disposition de M. [H]' ;
Considérant que dans l'une des quatre attestations rédigées en faveur de [Y] [U], Monsieur [N] indique : 'Je certifie qu'aucun temps de pause n'est organisé par la Direction pour le personnel de quai import - et même de l'export - qui travaillait comme moi-même en horaire continu. J'atteste que M. [H] ne tolère pas de voir le personnel rester inactif et que chaque présence de calme d'activité à l'import doit être utilisée pour faire d'autres tâches [...] et non pas une pause' ;
Considérant que l'employeur fait remarquer à juste titre que les deux auteurs des sept attestations communiquées par le salarié reconnaissent eux-mêmes, dans d'autres passages de leurs déclarations, l'existence de pauses ; qu'en effet, Messieurs [N] et [P] ont, par ailleurs, attesté de ce que 'la fréquence de l'activité sur le quai n'était pas régulière', qu'ils n'avaient 'pas d'objectifs précis à part notre travail quotidien décharger les camions, dispatch de la marchandise et charger les camions affrétés' et que c'était justement alors qu'ils faisaient une pause dans le bureau du quai, que Monsieur [H] était venu interpeller Monsieur [U] le 14 décembre 2007 ;
Considérant qu'il y a lieu de considérer que la spécificité même de l'activité du quai, qui implique une alternance de périodes de forte activité, lors du chargement et du déchargement des camions, et de périodes de sous-activité une fois le chargement ou déchargement effectué, les salariés bénéficient collectivement et de manière automatique de temps de pause entre deux chargements ou déchargements ; que, comme l'indique avec pertinence la société GONDRAND, lorsque Monsieur [H], en sa qualité de dirigeant de la succursale de [Localité 5], descend sur le quai, c'est toujours au moment d'un chargement ou d'un déchargement, moment de forte activité où il n'est pas envisageable de tolérer l'inactivité du personnel sur le quai ;
Considérant que [Y] [U] ne rapporte pas la preuve de ce que son employeur l'aurait empêché de bénéficier du temps de pause obligatoire visé à l'article L.3121-37 du code du travail, de sorte qu'il aurait travaillé de façon continue de 5 heures à 12 heures 30, soit 7 heures 30 sans interruption, sur la période d'octobre 2007 au 18 décembre 2007 ;
' Le grief de non-paiement d'heures supplémentaires
Considérant que [Y] [U] critique les modalités de paiement des heures supplémentaires effectuées certains samedis matin ; qu'il reconnaît avoir été rémunéré sous la forme de remboursement de frais (indemnités kilométriques) des heures ainsi accomplies;
Considérant que la société GONDRAND verse aux débats la justification des notes de frais visées par le salarié entre janvier 2006 et avril 2007 pour une somme totale nette de 1776,78 € ; qu'un chèque était adressé chaque mois, durant la période litigieuse, à [Y] [U], rémunérant - d'une manière dont la société GONDRAND admet aujourd'hui qu'elle n'était 'pas appropriée' - les heures supplémentaires accomplies par ses salariés volontaires ;
Considérant que [Y] [U] n'a remis en cause la modalité de paiement de ces heures supplémentaires que le 15 février 2008, par l'intermédiaire de son Conseil ; qu'il ne visait alors que les heures accomplies en 2006, soit 17 samedis travaillés de 8 heures à 12 heures ;
Considérant que la société GONDRAND a tout aussitôt régularisé la situation en en informant expressément l'avocat de son salarié dès le 28 février 2008 et en faisant figurer, sur le bulletin de paie du mois de février 2008, 68 heures supplémentaires (soit 17 samedis x 4 heures) majorées au taux de 25 %, soit une somme globale brute de 1 369,62 €, déduction faite des remboursements de frais qui avaient été versés à Monsieur [U] en 2006, soit 1 480,26 € net ; que [Y] [U] n'a formé aucune objection à réception de son bulletin de paie de février 2008 ; que ce n'est que le 21 avril 2008, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, qu'il a réclamé une somme de 2 815,60 € à titre d'heures supplémentaires, omettant de décompter les indemnités kilométriques qu'il reconnaît avoir perçues - fût-ce indûment - à ce titre, tout autant que la somme réclamée par l'intermédiaire de son avocat qui lui avait été diligemment réglée ;
Considérant que la société GONDRAND a opéré le calcul des sommes dues pour la totalité des 35 samedis travaillés et rémunérés selon des modalités illégales, à raison de quatre heures par samedi, soit 140 heures supplémentaires qui devaient donner lieu :
- pour l'année 2006, au paiement d'une somme totale de 2 497,05 €,
soit : 31 samedis x 4 heures x 16,11 € (taux horaire) x 1,25 (majoration) = 2 497,05 €
- pour l'année 2007, au paiement d'une somme totale de 325,60 €,
soit : 4 samedis x 4 heures x 16,28 € (taux horaire) x 1,25 (majoration) = 325,60 €
soit un total de 2 822,65 € brut, représentant 2 206,46 € net, en tenant compte d'un taux de cotisations sociales de 21,83 % ;
Considérant qu'après déduction de la somme nette de 1 776,78 € payée sous forme d'indemnités de déplacement, il reste dû à [Y] [U] 429,68 € net, outre les congés payés sur l'ensemble des heures supplémentaires, soit une somme brute de 282,26 €;
Considérant que la somme modique ainsi due à [Y] [U] du fait de sa demande de régularisation du paiement d'heures supplémentaires selon les modalités légales ne peut justifier la prise d'acte de la rupture par le salarié de son contrat de travail, alors que le temps de travail accompli par [Y] [U] avait été intégralement rémunéré des heures effectuées au moment de leur accomplissement, que la régularisation était intervenue à première demande du salarié, et en considération du fait que le dernier samedi travaillé et rémunéré sur des bases non conformes aux dispositions légales était le samedi 28 avril 2007, de sorte que le manquement allégué - entre temps régularisé - se trouvait antérieur de plus d'une année à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de seize mois à la prise d'acte de la rupture ; que le manquement de l'employeur n'était dès lors pas de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail au demeurant suspendu par les arrêts de travail successifs transmis par [Y] [U] à la société GONDRAND ;
' Le grief de harcèlement moral
Considérant que pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, au visa des articles L. 1152-1 et L.1154-1 du code du travail, [Y] [U] allègue l'existence de remarques irrespectueuses et vexatoires de la part du directeur de la succursale ;
Considérant que la société GONDRAND conteste légitimement la crédibilité et la sincérité des attestations produites par le salarié en faisant notamment valoir :
- que Monsieur [F] a quitté la société en août 2006, soit près de deux ans avant la saisine de la juridiction prud'homale par [Y] [U],
- que Madame [Z] a été en congé sabbatique du 27 août 2006 au 31 juillet 2007, de sorte qu'elle a été absente sur quasiment toute la période dénoncée par le salarié en faveur duquel elle atteste, avant d'être licenciée pour une faute grave non contestée le 6 mai 2008,
- que Madame [G] [R], affirme, en sa qualité de cliente de la Société GONDRAND lorsqu'elle travaillait pour la société Aia Production, avoir été témoin de l'agressivité du supérieur hiérarchique de Monsieur [U] vis-à-vis de ce dernier le 17 décembre 2007, alors pourtant que les clients de la société ne sont jamais présents sur les quais au moment du chargement ou du déchargement de leurs produits, et qu'il résulte du planning des interventions qu'aucune opération n'a été effectuée pour la société Aia Production le 17 décembre 2007,
Considérant qu'en dépit de leur multiplicité, les attestations rédigées par Messieurs [N] et [P] - dont l'employeur souligne que, rédigées sur une courte période, elles aient été communiquées en fonction des nécessités procédurales, les privant ainsi de crédit -, sont trop lacunaires et imprécises pour confirmer la réalité des faits allégués par le salarié ; qu'elles ne relatent au surplus aucun fait précis ni même daté, à l'exception d'un événement qui serait survenu le 14 décembre 2007 ; que le directeur de la succursale serait alors ' venu interpeller Mr [U] en criant parce qu'il était assis sur une chaise dans le bureau du quai. Il a mis en doute devant tout le monde la façon de travailler de Monsieur [U] dont la fonction lui impose selon Mr [H], de se trouver là où il y a du travail. Il lui a alors ordonné d'aller aider au déchargement d'un camion grec situé sur le quai export' ;
Considérant qu'un tel fait ne pouvait constituer un 'harcèlement moral', à défaut de la répétition qui caractérise le harcèlement et alors qu'il n'avait pu porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, ni altérer sa santé, ni davantage compromettre son avenir professionnel ;
Considérant que la société GONDRAND a versé aux débats les comptes-rendus des réunions du comité d'établissement et les procès-verbaux des réunions du CHSCT dont était membre [Y] [U] ; qu'il apparaît qu'il n'a jamais évoqué dans ce contexte protégé les faits dont il se dit victime, alors que, selon la thèse qu'il développe et les attestations qu'il produit, les faits critiquables auraient eu lieu au su et au vu de tous ; que le médecin du travail, toujours présent à ces réunions, n'a pas davantage évoqué la situation de [Y] [U] qui invoque aujourd'hui la position de ce médecin, au prix de citations tronquées ;
Considérant que l'employeur souligne en effet que, le 9 mai 2007, le médecin du travail a noté, non pas 'traitement tranquillisant (1/2 Temesta) problèmes au travail', mais : ' Tout petit traitement tranquillisant', avant de déclarer Monsieur [U] 'apte sans aucune réserve' à son travail et sans jamais lui prescrire le moindre arrêt de travail ; que l'omission par le salarié de la mention 'aux dires du salarié' pour rendre compte dans ses écritures de la visite médicale du 10 janvier 2008 : 'problèmes de travail + ambiance particulièrement délétère, problèmes très variés, grosse pression aux dires du salarié avec les mêmes doléances que la fois précédente' conduit encore à exclure toute réelle incidence sur l'altération de sa santé des faits invoqués postérieurement à l'avertissement reçu et alors qu'il se trouvait en arrêt maladie ;
Considérant qu'au terme de l'examen de chacun des griefs invoqués par Monsieur [U], il apparaît que l'attitude prétendument fautive de l'employeur n'est pas établie ; que dans ces conditions, la rupture du contrat opérée par la lettre du 31 août 2008 ne peut s'analyser que comme une démission ; qu'il y a lieu de réformer le jugement sur ce point, de rejeter la demande tendant à ce que la prise d'acte de rupture du salarié produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter [Y] [U] de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail, celle-ci lui étant imputable ;
Sur les demandes de [Y] [U]
' La demande de paiement des temps de pause
Considérant que cette demande est rejetée, [Y] [U] n'ayant pas démontré qu'il n'avait pas bénéficié du temps de pause auquel il avait droit ; que le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny est confirmé sur ce point ;
' La demande de paiement des heures supplémentaires et des congés payés y afférents
Considérant qu'il y a lieu de retenir l'offre satisfactoire formée par la société GONDRAND, la justesse de son calcul ayant été vérifiée par la cour ; que le jugement entrepris est réformé sur ce point en son quantum, la société GONDRAND étant condamnée à payer à [Y] [U] une somme de 429,68 € net, outre 282,26 € brut au titre des congés payés sur l'ensemble des heures supplémentaires effectuées ;
' La demande d'indemnité au titre du travail dissimulé
Considérant que, par application de l'article L. 8221-5, 2°, du code du travail, 'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de [...] mentionner sur [un bulletin de paie] un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail' ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant de tels faits a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la société GONDRAND, le fait qu'elle ait réglé les salaires dus sous la forme dont elle soutient qu'elle avait été convenue entre les parties, mais qui ne correspondait pas aux exigences légales, ne suffit pas à exclure l'application du texte invoqué par [Y] [U] dès lors que les heures supplémentaires effectuées n'ont pas été mentionnées sur les bulletins de salaire correspondants, la rémunération étant intervenue sous forme d'indemnités kilométriques;
Considérant que l'employeur a intentionnellement dissimulé une partie du travail du salarié; que [Y] [U] est bien fondé à réclamer le paiement de l'indemnité forfaitaire de six mois de salaire pour travail dissimulé ; que le jugement est confirmé sur ce point, le quantum devant cependant être réformé, la demande étant justifiée à hauteur de la somme de 16 506,94 €, la rémunération moyenne mensuelle du salarié s'élevant à 2 751,15 € ;
' La demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral
Considérant que cette demande est rejetée, la preuve de l'existence d'un harcèlement moral n'étant pas rapportée ;
' La demande d'indemnité pour violation du statut protecteur
Considérant que la prise d'acte de la rupture de son contrat par un salarié protégé ne peut donner lieu au paiement d'une indemnité pour violation du statut protecteur que si elle est justifiée ; que la prise d'acte intervenue à l'initiative de [Y] [U] s'analysant en une démission, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité de ce chef, le jugement étant réformé sur ce point, sans qu'il y ait lieu d'examiner si [Y] [U] pouvait se prévaloir d'un statut protecteur acquis postérieurement à la date de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 21 avril 2008, le renouvellement des mandats au sein de la société GONDRAND étant intervenu par accord d'entreprise signé le 13 mai 2008 ;
PAR CES MOTIFS
RÉFORME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fait droit au principe de la demande de paiement d'heures supplémentaires et d'une indemnité pour travail dissimulé ;
CONDAMNE la Société française de Transports Gondrand Frères à payer à Monsieur [Y] [U] :
- une somme nette de 429,68 € à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 282,26 € brut au titre des congés payés sur l'ensemble des heures supplémentaires effectuées ;
- une somme de 16 506,94 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
DÉBOUTE [Y] [U] de toutes ses autres demandes ;
CONDAMNE la société GONDRAND aux dépens ;
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE