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23/09/2011 | FRANCE | N°10/04521

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 23 septembre 2011, 10/04521


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2



ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2011



(n° 220, 8 pages)











Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04521.



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS 12ème Chambre - RG n° 2008063601.













APPELANTE :



SAS BERTIN TECHNOLOGI

ES

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1],



représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître Valérie LEDOUX plaidant pour le Cabinet RACINE, av...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2011

(n° 220, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04521.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS 12ème Chambre - RG n° 2008063601.

APPELANTE :

SAS BERTIN TECHNOLOGIES

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour,

assistée de Maître Valérie LEDOUX plaidant pour le Cabinet RACINE, avocat au barreau de PARIS, toque L 301.

INTIMÉE :

S.A. SOFRESUD

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège [Adresse 2],

représentée par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour,,

assistée de Maître Jean-Pierre GASNIER plaidant pour la SELAFA FIDAL, avocat au barreau de MARSEILLE.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur GIRARDET, président,

Madame NEROT, conseillère,

Madame REGNIEZ, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame NEROT, conseillère, en l'empêchement du président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société BERTIN Technologies (ci-après BERTIN) a pour activité l'étude, le développement, la réalisation et la fabrication de produits à fort contenu technologique, en particulier dans le domaine de la défense. Elle est notamment spécialisée dans les systèmes optroniques d'aide à la surveillance.

Elle a répondu en juillet 2002 à un appel d'offres du 16 avril 2002 de la DGA (Délégation Générale pour l'Armement du Ministère de la Défense) pour un marché d'étude portant sur la réalisation et les évaluations d'une maquette de 'démonstration d'un système de Désignation d'Objectif d'Urgence futur - DOU' destiné à équiper les frégates multi-missions de la Marine Nationale dites FREMM.

Par courrier du 30 septembre 2002, la DGA lui a demandé des éléments complémentaires afin de 'finaliser la mise au point du marché proposant une réunion au plus tôt pour procéder à une notification en fin d'année'.

Une société concurrente, la société SOFRESUD copropriétaire avec l'Etat Français de deux brevets relatifs à des systèmes DOU avait également répondu à l'appel d'offres et a, par lettre du 2 décembre 2002 envoyée à la sous-direction achats de la DGA, indiqué qu'elle avait appris officieusement que le marché pourrait être notifié très prochainement à un autre industriel et qu'elle se trouverait extrêmement fragilisée par la perte d'un marché aussi stratégique pour cette activité que celui du PEA 'DOU future'.

Par lettre également du 2 décembre 2002, elle indiquait à la société BERTIN qu'elle était copropriétaire exclusive avec l'Etat français de deux brevets (n° 97 00497 et 0105768) et que dans le cadre des études en cours, il conviendrait de 'veiller à ne pas proposer de dispositif de désignation de cible qui entrerait dans le champ couvert par notre propriété industrielle'.

Afin de lever toute difficulté, la société BERTIN s'est adressée à un cabinet spécialisé, la société EGYP, puis a transmis à la société SOFRESUD les rapports de ce cabinet de conseil en propriété industrielle des 12 et 16 décembre 2002 concluant à une absence de contrefaçon. Une réunion a eu lieu entre la société BERTIN et SOFRESUD le 31 mars 2003. La société SOFRESUD a alors écrit à la DGA en mentionnant notamment que la 'solution proposée par la société BERTIN paraît effectivement contrefaire la revendication 1 du brevet 9700497".

D'autres tentatives d'entente ont eu lieu en juin 2003. Auparavant, la société BERTIN avait proposé par une lettre en mai 2003 à la société SOFRESUD de désigner un expert pour donner son avis sur l'existence d'une contrefaçon, attirant son attention sur le fait que cela déterminait la position de la DGA qui devait se prononcer sur la poursuite de leurs relations avant fin juin 2003.

La société SOFRESUD a répondu de manière négative en juin 2003, estimant que le dispositif BERTIN contrefaisait son brevet et que l'expert dont le nom était avancé n'était pas qualifié pour donner un avis éclairé sur cette question.

C'est dans ces circonstances que la société BERTIN a introduit un référé aux fins de nomination d'expert en juillet 2003 qui a été rejeté.

En octobre 2003, la société BERTIN a été convoquée à une réunion au Comité Richelieu pour régler le différend existant entre les deux sociétés à laquelle elle ne s'est pas rendue, estimant que des négociations n'étaient plus possibles et que la société SOFRESUD agissait ainsi pour gagner du temps.

La société BERTIN a assigné à jour fixe en non déclaration de contrefaçon devant le tribunal de grande instance, la société SOFRESUD et l'Etat Français. Dans le cadre de cette procédure, la société SOFRESUD a formé une demande reconventionnelle en contrefaçon.

Par jugement du 22 juin 2004, il a été fait droit à la demande de la société BERTIN, la société SOFRESUD étant déboutée de ses demandes.

Cette décision a été notifiée à la DGA par la société BERTIN le 20 juillet 2004 par une lettre lui indiquant qu'il n'existait plus d'obstacle à la notification du contrat DOU et qu'elle était dans l'attente d'un déblocage rapide de la situation.

Par décision du 3 novembre 2004, la DGA a déclaré sans suite la procédure d'appel d'offres, pour motif d'intérêt général.

La procédure judiciaire s'est poursuivie, la société SOFRESUD ayant interjeté appel du jugement qui a été confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 8 septembre 2006.

Le pourvoi en cassation formé par la société SOFRESUD à l'encontre de cet arrêt n'a pas été admis.

Estimant que la perte de ce marché était due au comportement déloyal de son concurrent qui n'a eu de cesse de chercher à retarder la solution du différend alors qu'elle pouvait en mai 2003 accepter une expertise amiable, le libre choix d'un expert lui ayant été donné, la société BERTIN a assigné la société SOFRESUD devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de ces agissements fautifs.

Par jugement du 19 janvier 2010, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société BERTIN de ses demandes.

Par ses dernières écritures en date du 4 mai 2011, la société BERTIN demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de condamner la société SOFRESUD à lui payer la somme de 281 421 euros HT au titre de la perte de marge et des frais correspondant au marché de réalisation du démonstrateur de DOU qui lui avait été attribué par la DGA et qui n'a pu être notifié et exécuté à cause des agissements déloyaux de la société SOFRESUD, de la condamner à lui payer au titre de la perte de chance subie de se voir attribuer le marché de la fourniture en série des DOU, à titre principal, la somme de 1 388 377 euros HT et, à titre subsidiaire, celle de 624 770 euros HT, la condamner à lui payer la somme de 35 356 euros HT en remboursement des frais engagés par elle auprès de ses conseils en propriété industrielle, celle de 200 000 euros en réparation de l'atteinte à la réputation et à l'image de marque subie du fait des agissements déloyaux de la société SOFRESUD ainsi que celle de 15.000 euros HT en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ses écritures du 11 mai 2011, la société SOFRESUD demande de confirmer le jugement et à titre infiniment subsidiaire, de dire que le lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice n'est pas établi, débouter la société BERTIN de ses demandes et, si le lien de causalité devait être retenu, dire que le préjudice ne peut s'analyser qu'en une perte de chance et ramener ce préjudice à de plus justes proportions ; débouter la société BERTIN de ses demandes d'indemnisation du préjudice résultant des pertes de marges et de ses demandes relatives à l'indemnisation de l'atteinte à son image et condamner la société BERTIN à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Considérant que l'appelante fait grief aux premiers juges de s'être fondés sur une interprétation qui ne correspond pas à la réalité des faits et des pièces produites aux débats ;

Qu'ainsi, le tribunal a :

1- déduit de la longueur des discussions qui ont eu cours entre les parties que chacune d'entre elles n'était pas certaine de la réalité de ses droits alors que les pièces mises aux débats ne démontrent nullement que les parties auraient 'négocié' pendant près de deux ans mais qu'au contraire des discussions n'ont eu lieu que durant six mois, les accusations de contrefaçon ayant été formulées en décembre 2002 et la procédure de référé introduite en juillet 2003 et qu'en outre elle n'a accepté de discuter avec la société SOFRESUD que dans le but de démontrer sa bonne foi et l'absence de contrefaçon et de ne pas retarder la notification du marché par la DGA qui avait déjà pris plusieurs mois de retard ; que selon elle, il était manifeste que son dispositif n'était pas une contrefaçon de celui de la société SOFRESUD ;

2- affirmé que la société SOFRESUD s'était méprise, tout comme la DGA, sur l'étendue de ses droits et qu'il n'est pas établi qu'elle l'aurait fait de mauvaise foi, ou dans un dessein différent de la protection dû au titre alors que, d'une part, la DGA ne s'est pas ralliée à la position de la société SOFRESUD, et a en outre soutenu l'initiative de la société BERTIN en ce qui concerne l'expertise amiable qu'elle sollicitait, et que, d'autre part, l'attitude de la société SOFRESUD révèle un comportement de mauvaise foi, ayant en réalité fait pression sur la DGA pour que le marché échappe à son concurrent (courrier du 2 décembre 2002, accusation de contrefaçon à l'encontre de BERTIN, utilisation du terme 'paraît contrefaire' dans une lettre du 3 avril 2003 envoyée à la DGA et télécopies des 4 juin et 20 juin 2003 envoyées à BERTIN contenant l'affirmation selon laquelle son système est une contrefaçon du brevet dont elle est co-propriétaire avec la DGA, obstructions de la société SOFRESUD à la nomination d'un expert amiable) ; que contrairement à ce que prétend la société SOFRESUD, sa bonne foi ne saurait être démontrée par sa volonté de trouver un compromis avec elle, alors que ce compromis n'avait pour finalité que d'obtenir un partage du marché sans trancher la question de la contrefaçon, ce qui laissait subsister une suspicion sur son concurrent ;

3- retenu que la saisine du Comité Richelieu ne pouvait être considérée comme un acte de dénigrement, alors qu'en avisant cette association de professionnels de l'existence d'un conflit en raison d'une contrefaçon, accusations infondées, la société SOFRESUD a porté atteinte à son crédit et à son image ; qu'elle ajoute qu'il ne peut lui être fait reproche de ne pas avoir été présente lors du rendez-vous, aucun rapprochement n'étant possible puisqu'il n'y avait pas eu de décision sur l'existence ou non d'une contrefaçon ;

4- énoncé que 'la DGA renonçait à donner suite, non parce qu'elle aurait confié un marché semblable à la société SOFRESUD ou à qui que ce soit d'autre, mais parce que l'opportunité de lancer cette affaire n'était plus avérée ; qu'il en résulte que le marché n'existant plus, il n'était pas évident que ce dernier aurait bénéficié de ce marché même s'il avait été mené à son terme par la DGA' alors qu'elle n'a jamais prétendu que la DGA avait renoncé à donner suite au marché dans le but de le confier à la société SOFRESUD ou à un tiers, mais seulement que l'abandon du marché était dû au délai trop long qui s'était écoulé depuis décembre 2002 alors que la question qui se posait était de savoir si, en l'absence des accusations portées par la société SOFRESUD, la DGA aurait ou non notifié le marché à la société BERTIN en décembre 2002 ;

Qu'elle ajoute qu'il est inexact de dire que la société BERTIN ne rapportait pas la preuve de ce que le marché du DOU lui avait été attribué alors qu'elle a été retenue comme attributaire de l'appel d'offres par le document intitulé 'mise au point' du 30 septembre 2002 et qu'en s'abstenant, alors qu'elle prétendait que le système BERTIN était contrefaisant, d'agir en justice, la société SOFRESUD a eu une stratégie d'enlisement, son véritable objectif étant de bloquer la notification du marché à son concurrent et d'avoir ainsi manqué de loyauté ;

Que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, elle estime qu'est établi le comportement fautif et déloyal de la société SOFRESUD à son égard qui a bloqué le processus de notification du marché par la DGA par des accusations de contrefaçon sans fondement, par son refus d'une expertise amiable ou judiciaire, par son abstention à agir en justice pour obtenir la cessation des actes prétendument contrefaisants ;

Considérant que la société SOFRESUD fait essentiellement valoir qu'en décembre 2002, dans la lettre envoyée à la DGA, elle n'a nullement fait mention de contrefaçon, qu'elle n'a à aucun moment fait obstruction, attirant seulement l'attention de la société BERTIN sur les droits qu'elle avait en raison de deux brevets ; qu'en juin 2003 un accord a été signé y compris avec la DGA pour permettre des échanges d'informations techniques entre les parties et que la DGA était ainsi parfaitement au courant des difficultés en sa qualité de copropriétaire ; qu'elle n'a à aucun moment eu d'affirmation péremptoire ou n'a nullement proféré des accusations de nature à jeter le discrédit sur la société BERTIN ; qu'il ne peut davantage lui être reproché d'avoir cherché à bloquer le dossier ; que la décision était du ressort de la DGA qui n'était pas un simple tiers dans ce dossier puisqu'elle est copropriétaire des brevets qui étaient invoqués comme étant susceptibles d'être opposés au dispositif de la société BERTIN ;

Considérant ceci exposé que dès lors qu'aucun des documents mis aux débats ne révèle que le Comité Richelieu aurait été avisé du différend existant entre les parties par la société SOFRESUD, le grief de dénigrement ne peut être retenu à son encontre ;

Mais considérant que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, les faits ci-dessus exposés mettent en évidence que la société SOFRESUD n'était pas satisfaite que le marché lui échappe ainsi que cela ressort de la lettre du 2 décembre 2002 envoyée à la DGA par laquelle elle rappelle que sa société 'en tant que PME du domaine défense a très lourdement investi depuis 1995 pour trouver une solution à la 'Désignation d'Objectif d'Urgence' et se trouverait extrêmement fragilisée par la perte d'un marché aussi stratégique pour cette activité que celui du PEA 'DOU future'' ; qu'elle a par ailleurs pu légitimement croire dans un premier temps que le système proposé lors de l'appel d'offres-et dont elle n'avait pas connaissance- pouvait être une contrefaçon de ses brevets qui protégeaient des systèmes relevant du même domaine et attiré l'attention de son concurrent sur ce point ; que néanmoins, alors que la société BERTIN a agi en toute transparence, soumettant son système à une analyse au regard des brevets de la société SOFRESUD et en transmettant les conclusions du cabinet de conseil en propriété industrielle à son concurrent, puis en cherchant un accord avec ce dernier cela de décembre 2002 à mars 2003, date à laquelle a eu lieu une réunion entre ces sociétés, à l'issue de cette réunion, la société SOFRESUD a envoyé une lettre à la DGA co-propriétaire des brevets par laquelle elle l'informait de ce que le système lui paraissait une contrefaçon ; qu'elle n'a pas utilisé de terme affirmatif mais a cependant émis une opinion qui n'a pu que conduire la DGA à ne pas poursuivre l'appel d'offres ;

Considérant que par la suite, en mai 2003 pour lever toute difficulté, la société BERTIN a pris l'initiative de proposer une expertise amiable et d'indiquer le nom d'un expert tout en mentionnant que la société SOFRESUD pouvait en désigner un autre ; que cette proposition a été écartée au motif que le nom avancé était celui d'un expert non spécialisé en ce domaine ; que la société SOFRESUD n'a donné aucun autre nom d'expert alors qu'elle avait été avisée par la société BERTIN de l'urgence à donner une réponse sur cette désignation amiable, la DGA devant notifier la décision en juin 2003 ;

Considérant que du fait de ce refus et du blocage que cela entraînait, la société BERTIN a dû engager une procédure judiciaire ; qu'elle n'avait pas, contrairement à ce que soutient la société SOFRESUD, d'autre choix possible dans la mesure où la conclusion du marché était suspendu ;

Considérant qu'ainsi, la société SOFRESUD ne peut valablement prétendre avoir agi avec une totale bonne foi, à compter de mai 2003, date à laquelle il lui avait été fait une proposition de nomination d'expert qu'elle a refusée sans motif valable ; que ce refus révèle au contraire l'attitude fautive de la société SOFRESUD, concurrent direct de la société BERTIN, qui, comme elle l'avait exprimé dans la lettre du 2 décembre 2002, cherchait à avoir ce marché ;

Considérant que ces éléments factuels mettent en évidence le comportement fautif de la société SOFRESUD à l'égard de la société BERTIN à qui la société DGA avait donné une réponse positive à l'appel d'offre ; que le jugement sera en conséquence infirmé ;

Considérant en ce qui concerne la réparation du préjudice résultant du comportement déloyal, la société BERTIN invoque la perte de marge et les frais engagés sur la réalisation de la maquette de démonstration du DOU, la perte de chance sur le marché subséquent de la fourniture en série des DOU, les frais réglés par elle à ses conseils en propriété industrielle et l'atteinte portée à sa réputation et à son image ;

Sur la perte de marge et les frais sur le marché de la réalisation de la maquette de démonstration du DOU :

Considérant qu'aux termes de la proposition financière du 2 juillet 2002, le prix total du marché de réalisation de la maquette de démonstration s'élevait à 755 231,95 euros HT, la part revenant à la société BERTIN s'élevant à la somme de 679 069,05 euros HT (le surplus étant facturé et payé directement au sous-traitant, la société THALES NAVAL France ; que le taux de marge brute dégagé par la société BERTIN (et non contesté) ressortait à 37,2 %, soit la somme de 252.613,69 euros qu'elle aurait obtenue si le marché lui avait été attribué ; que le comportement déloyal l'ayant privée de ce marché, il lui sera alloué cette somme en réparation du préjudice subi ; que les frais également engagés pour répondre à l'appel d'offres dont il est justifié par le commissaire au compte seront également mis à la charge de la société SOFRESUD ; qu'ainsi, cette dernière est redevable au titre de la perte de marge et des frais de la somme totale de 281 421 euros HT ;

Sur la perte de chance sur le marché subséquent :

Considérant que la société BERTIN soutient que la phase de réalisation du démonstrateur DOU devait être suivie d'une seconde phase, celle de la fabrication en série aux fins d'équipement des frégates ; qu'elle expose que le cahier des charges établi par la DGA dans le cadre de ce marché prévoyait qu'après la clôture des essais d'évaluation, le titulaire fournira également une proposition technique et financière pour l'industrialisation et la série de 17 à 20 équipements, le prix unitaire de ces équipements pour une série de 20 s'élevant à 205 000 euros TTC soit un chiffre d'affaires total de 4 100 000 euros ;

Mais considérant qu'ainsi que le fait valoir à juste titre la société SOFRESUD, la DGA ne s'était pas engagée pour la fabrication, ce qui n'était qu'au stade d'un projet ; que dans la mesure où il est mis aux débats un document de la DGA montrant qu'en réalité le programme de construction de FREMM a été moins important que celui indiqué et qu'il n'est pas davantage établi que la DGA aurait fait choix pour la fabrication de la société BERTIN, cette dernière ne saurait se prévaloir d'une perte de chance ; que cette demande sera rejetée ;

Sur les frais réglés par la société BERTIN à ses conseils en propriété industrielle :

Considérant que les frais ainsi réclamés sont directement liés au comportement fautif de la société SOFRESUD qui a obligé la société BERTIN à engager des frais importants dont elle justifie à hauteur de 35.356 euros HT; qu'il convient de faire droit à cette demande ;

Sur l'atteinte à la réputation et à l'image de la société BERTIN :

Considérant qu'il n'est pas établi qu'un préjudice a été causé à l'appelante, aucun élément ne permettant d'affirmer que sa réputation aurait été ternie à l'égard de la DGA ou à l'égard de tiers ; que cette demande sera rejetée ;

Considérant que des raisons d'équité commandent d'allouer à l'appelante la somme de 10 000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que la société SOFRESUD a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société BERTIN TECHNOLOGIES,

La condamne à payer à la société BERTIN TECHNOLOGIES la somme de 281 421 euros HT au titre de la perte de marge et des frais correspondant au marché de réalisation du démonstrateur DOU qui lui avait été attribué et qui n'a pu être notifié et exécuté à cause des agissements déloyaux de la société SOFRESUD,

La condamne à lui payer la somme de 35 356 euros HT en remboursement des frais engagés par la société BERTIN auprès de ses conseils en propriété industrielle,

La condamne à payer à la société BERTIN TECHNOLOGIES la somme de 10 000 euros HT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société SOFRESUD aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/04521
Date de la décision : 23/09/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°10/04521 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-23;10.04521 ?
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