Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 14 OCTOBRE 2011
(n°256, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23876
Décision déférée à la Cour : jugement du 7 décembre 2010 - Tribunal de commerce de PARIS - 15ème chambre - RG n°2009049061
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.S. PRINTEMPS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS, avoué à la Cour
assistée de Me Jean-Michel ISCOVICI, avocat au barreau de PARIS, toque B 165
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.R.L. LB CONSEILS, prise en la personne de son gérant en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoué à la Cour
assistée de Me Dominique DUMAS plaidant pour la SCP DEGROUX - BRUGERE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 386
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, Président
Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Françoise CHANDELON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU
Renaud BOULY de LESDAIN a préalablement été entendu en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Considérant que le 13 octobre 2006, un contrat d'audit et d'optimisation de gestion location était conclu entre, d'une part, la société PRINTEMPS et, d'autre part, la société LB CONSEILS qui était spécialisée dans l'audit et l'optimisation de la gestion locative et qui devait se charger de vérifier l'application des clauses et conditions des baux pour le compte des locataires ;
Considérant que ce contrat prévoyait une rémunération fixe forfaitaire de 1200 € hors taxes par site d'exploitation (il y en avait deux) et une rémunération variable hors taxes égale à 15 % des sommes dont le remboursement était obtenu «quelle que soit la forme sous laquelle elles seront constatées» sur les loyers, charges, taxes locatives indûment facturés et payés depuis l'origine du bail jusqu'au 31 décembre 2005 et de 20% au titre des années 2006 et suivantes ;
Considérant qu'il était stipulé que la rémunération variable serait due au mandataire sur les sommes effectivement acquises, amiablement ou judiciairement, sous quelque forme que ce soit et aussi que «dans le cas où le mandant ne suivrait pour des raisons dont il n'aura pas à justifier au mandataire les recommandations de ce dernier et ce malgré les justifications qui lui sont apportées, le mandant s'engage à verser» les rémunérations variables prévues ;
Considérant qu'à la suite du refus de la société PRINTEMPS de payer à la société LB CONSEILS diverses factures pour un montant d'1 600 000 € TTC en rémunération de réclamations d'un montant de 6 500 000 € hors taxes au titre des charges sur travaux lourds de restructurations indues pourtant expressément approuvées par le locataire, la société LB CONSEILS assignait la société PRINTEMPS, par exploit du 27 juillet 2009,devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des sommes de :
- 345 000 € hors taxes au titre de dommages intérêts pour perte de change,
- 20 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,
- 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société PRINTEMPS a relevé appel de la décision rendue le 7 décembre 2010 par le tribunal de commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à la société LB CONSEILS, avec exécution provisoire, sur le fondement de l'article 1134 du Code civil :
- 345 000 € à titre de dommages intérêts après requalification de la perte de chance alléguée en application de la rémunération contractuelle prévue,
- 10 000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,
- 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces condamnations ayant été, par la suite, consignées entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris par ordonnance du premier président du 2 février 2011 ;
Considérant que la société PRINTEMPS demande à la cour de :
- annuler la décision déférée au motif que les premiers juges, au mépris de l'article 16 du code de procédure civile, ont modifié d'office le fondement de la demande sans permettre aux parties de répliquer après réouverture des débats («perte de chance» en «rémunération contractuelle»),
- dire que le contrat du 13 octobre 2006 est nul en application des articles 1131 et 1133 du code civil comme portant atteinte aux dispositions protectrices de la pratique du droit énoncées dans la loi du 31 décembre 1971, la société LB CONSEILS se livrant à des activités de «consultations juridiques» sans habilitation,
- subsidiairement, débouter la société LB CONSEILS de ses demandes fondées sur les articles 1147 et 1149 du code civil à défaut de démontrer un manquement contractuel, un dommage et un lien de causalité entre les deux étant, en outre, observé que la clause de rémunération variable constitue un mode de fixation unilatérale du prix d'une prestation manifestement abusif puisqu'il ne fait dépendre son montant que de l'appréciation subjective d'une des deux parties au contrat, en l'occurrence, le prestataire,
- en toute hypothèse, autoriser le bâtonnier en tant que séquestre à se libérer des sommes consignées entre ses mains ;
Considérant que la société LB CONSEILS conclut, pour sa part, à la confirmation de la décision déférée sauf à porter les condamnations à :
- 692 000 € hors taxes à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice subi pour perte de chance d'obtenir sa rémunération contractuelle,
- 50 000 € pour résistance abusive,
- 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant qu'elle fait essentiellement valoir que :
- le tribunal a considéré qu'elle avait des chances sérieuses de percevoir sa rémunération en cas de procès et qu'aucune nullité ne peut être trouvée dans la requalification faite par lui sur le fondement du tarif contractuel,
- la convention du 13 octobre 2006 est totalement étrangère aux opérations visées à l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 qui régit l'activité consistant à «donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui», activité définie par la jurisprudence comme étant une «prestation intellectuelle personnalisée distincte de l'information à caractère documentaire, qui tend à fournir un avis, parfois un conseil qui concourt par les éléments qu'il apporte à la prise de décision de son bénéficiaire»,
- c'est sur le bien-fondé de ses demandes qu'elle a rempli le contrat signé avec la société PRINTEMPS sans protestation de la part de celui-ci ;
SUR CE
Considérant qu'en préférant faire droit à la demande d'indemnités sur la rémunération prévue au contrat plutôt que sur la perte de chance d'obtenir cette indemnité en cas de procès, les premiers juges sont restés dans les limites de la demande et sur le fondement du contrat conclu entre les parties ; qu'il ne peut donc leur être reproché d'avoir fondé leur décision sur «un moyen de droit qu'ils auraient relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations» ; que dans ces conditions, une méconnaissance des dispositions de l'article 16 du nouveau code de procédure civile ne peut être retenue à l'encontre de la décision déférée ;
Considérant qu'à l'exception de rares termes ou expressions éventuellement ambigus ou maladroits, les prestations de la société LB CONSEILS sont toujours restées hors des limites du périmètre des activités protégées par la loi du 31 décembre 1971 ; qu'il est d'ailleurs constant que la société PRINTEMPS disposait de son propre service juridique, très charpenté, qui suivait, autorisait ou refusait les avis et les propositions de la société LB CONSEILS sous, d'ailleurs, le contrôle permanent d'un professeur de droit réputé ;
Considérant que les travaux réalisés par la société LB CONSEILS pour le compte de la société PRINTEMPS étaient, par principe, soumis à la discussion et/ou aux critiques du client, comme, par conséquent, la facturation elle-même de ces travaux ; qu'en l'espèce, la qualité des travaux fournis par la société LB CONSEILS comme leur facturation n'ont jamais été contestés sérieusement ; que le contrat conclu entre les parties ne peut donc encourir les reproches énoncée par la société PRINTEMPS dans ses conclusions résumées ci-dessus ; qu'en conséquence, la société LB CONSEILS est fondée à réclamer la somme sollicitée en première instance - et dans les limites de celle-ci - à la société PRINTEMPS sur le fondement de la perte de chance d'obtenir une indemnité dans le cas où il y aurait eu procès et par référence au contrat initialement conclu entre les parties ;
Considérant que la société PRINTEMPS a bénéficié des travaux de la société LB CONSEILS pendant de longs mois en les approuvant et sans les rémunérer du moindre centime ; que la décision des premiers juges sera confirmée en ce qui concerne la résistance abusive ;
PAR CES MOTIFS
Dit que la décision déférée n'a pas méconnu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ;
Confirme la décision déférée ;
Condamne la société PRINTEMPS à payer à la société LB CONSEILS une indemnité complémentaire de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Autorise le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, en tant que séquestre, à se libérer des sommes allouées par le jugement déféré au profit de la société LB CONSEILS ;
Condamne la société PRINTEMPS aux dépens avec le bénéfice de distraction au profit de l'avoué adverse.
Le Greffier Le Président