Grosses délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 7
ORDONNANCE DU 18 OCTOBRE 2011
(n° ,9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21080
Décision déférée : Ordonnance rendue le 13 Octobre 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS
Nature de la décision : CONTRADICTOIRE
Nous, Line TARDIF, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;
assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;
Après avoir appelé à l'audience publique du 21 juin 2011 :
LES APPELANTS
- LA SNC PHARMACIE [P]
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 5]
- Monsieur [W] [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
- Madame [O] [I] épouse [P]
[Adresse 2]
[Localité 4]
- Madame [N] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentés par Me Eve OBADIA, avocate au barreau de PARIS, toque C1371
et
L'INTIMÉ
- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES
DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Dominique HEBRARD MINC, avocat au barreau de MONTPELLIER
Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 21 juin 2011, l'avocate des appelants et l'avocate de l'intimé ;
Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 11 octobre 2011 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
La minute de la présente ordonnance est signée par la déléguée du premier président et Fatia HENNI, greffier auquel la minute de la présente ordonnance a été remise.
*******
Avons rendu l'ordonnance ci-après :
La juridiction présidentielle a été saisie le 26 octobre 2010 d'un appel interjeté par M.[W] [P], Mme [O] [P] née [I], Mme [N] [I] et la SNC PHARMACIE [P] contre une ordonnance rendue le 13 octobre 2010 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris.
Cette décision, dans le cadre des dispositions de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, a autorisé les opérations de visite et de saisie dans les locaux et dépendances sis :
- [Adresse 3] susceptibles d'être occupés par la SNC PHARMACIE [P],
-[Adresse 2] susceptibles par [W] [D] [P], son épouse [O] [B] [P] née [I] et/ou [N] [I].
Les opérations autorisées par l'ordonnance critiquée étaient dirigées contre la SNC PHARMACIE [P] représentée par ses gérants [W] [P] et [O] [P] née [I], ayant son siège [Adresse 3] et pour objet social le commerce de détail de produits pharmaceutiques, SNC qui selon la requête est présumée minorer son chiffre d'affaires et son bénéfice en omettant sciemment de passer l'intégralité de ses écritures comptables et ainsi est présumée :
- s'être soustraite et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu (catégorie des bénéfices industriels et commerciaux BIC) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code Général des Impôts (articles 54 pour les BIC et 286 pour la TVA).
Les opérations de visite domiciliaire se sont déroulées le 14 octobre 2010 et ont été relatées par procès- verbaux de même date.
Les appelants ont formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie qui a été enrôlé sous le numéro RG 10/21085.
A l'appui de l'appel, le conseil des époux [P], de Mme [I] et de la SNC PHARMACIE [P] a déposé des conclusions écrites qu'il a développées à l'audience du 21 juin 2011, et dans lesquelles il invoque :
A) 'le caractère disproportionné des visites domiciliaires et la violation de l'article 8 de la Convention EDH' et contestant la régularité de l'ordonnance du 13 octobre 2010 affirme :
- d'une part après avoir cité des arrêts de la CEDH à savoir KESLASSY/ FRANCE, MASCHINO / FRANCE et ROEMEN & SCHMIT/LUXEMBOURG ainsi que trois arrêts de la Cour d'appel de Paris, que :
' 'la Cour de cassation n'a pourtant pas hésité à casser et annuler les ordonnances ainsi rendues par les Premiers présidents de Cour d'appel qui, attachés à ces principes, avaient annulé les ordonnances d'autorisation et les perquisitions fiscales mises en oeuvre sur leur fondement' et
' 'il y a lieu, dans ces circonstances, de s'interroger sur l'impartialité d'une Cour de cassation qui s'obstine depuis l'introduction du nouveau dispositif de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, à bafouer les principes défendus par la Cour et la Convention européenne des droits de l'Homme'.
- d'autre part que :
' il est fait référence 'à une information judiciaire -toujours en cours- ouverte suite à une plainte pour fraude fiscale déposée à l'encontre de tiers, Monsieur et Madame [X], couple de pharmaciens du Gard sans lien juridique, économique ou social aucun avec la SNC PHARMACIE [P],
' 'la seule lecture détaillée par le juge des libertés et de la détention des pièces présentées par l'administration aurait suffit à démontrer que le recours à la procédure de perquisitions fiscales était démesuré eu égard aux supposés éléments de 'preuve' présentés et aux 'présomptions' de 'fraude 'alléguées,'
' 'l'administration dispose, pour parvenir à ses fins dans le cadre des 'dossiers des pharmacies', de moyens autres que les perquisitions',
' 'de ce seul fait, tout démontre que la procédure de perquisitions ainsi mise en oeuvre était parfaitement disproportionnée au regard du but recherché et que la recherche d'informations comptables ne justifiait pas la mise en oeuvre d'une procédure aussi intrusive aux termes d'une instruction menée à la hâte, au surplus, exclusivement à charge à partir d'éléments parfaitement neutres'.
B) l'inexistence des présomptions de fraude et affirme :
' concernant le 'caractère matériel de fraude au sens de l'article L 16 B du LPF', qu'aucune omission dans la tenue de la comptabilité par la SNC PHARMACIE [P] n'a été alléguée par l'administration fiscale et retenue par le juge des libertés et de la détention,
' concernant l'absence de caractère probant des pièces présentées au juge des libertés et de la détention,
- que les appelants se sont conformés pleinement à leurs obligations déclaratives et que la 'seule présomption de fraude rapportée par l'administration fiscale' est le recours par les époux [P] dans le cadre de l'exploitation de leur officine au logiciel de gestion des officines de pharmacie commercialisé par la société ALLIADIS qui équipe 41% des pharmacies situées en France ;
- que la pièce 4 qui était annexée à la requête de la DNEF et adressée au JLD de Paris, faisait état d'une correspondance du juge d'instruction en charge du dossier des époux [X] adressée le 25 janvier 2010 à la Direction des services fiscaux du Gard à laquelle était jointe un fichier nommé 'listing-mot de passe.xls' figurant en annexe de la cote D388 du dossier d'information judiciaire qui renferme les coordonnées des pharmaciens en contrat avec ALLIANCE SOFTWARE qui ont demandé le mot de passe administrateur, mais que cette 'pièce jointe annoncée n'a pas été remise au JLD lequel n'a pu en vérifier ni la réalité ni la teneur', seule étant jointe une pièce 5 qui correspond à l'attestation de M.[R], inspecteur principal des impôts, qui fait l'analyse du fichier informatique décrit en pièce 4 ;
- que la pièce 2 qui était annexée à la requête de la DNEF et adressée au JLD, pièce initialement transmise par le juge d'instruction en charge du dossier pénal des époux [X] et qui est constitutive d'un rapport d'expertise relatif à l'usage par ces deux pharmaciens d'un logiciel de gestion d'officine édité par la société ALLIADIS et installé dans leur officine, rapport dont la lecture permet de constater que les noms d'un certain nombre des patients de la pharmacie sont expressément mentionnés et portés à la connaissance de tout tiers susceptible de prendre connaissance de ce rapport et ce en violation du secret professionnel des pharmaciens ;
' Concernant l'élément intentionnel de la fraude, qu''aucune des pièces présentées n'atteste d'une quelconque intention de frauder' ;
Il ajoute que le Premier président ne saurait se laisser abuser par l'argumentation de l'administration fiscale selon laquelle deux ordonnances rendues à la suite de requêtes similaires ont déjà fait l'objet de confirmation en appel, argumentation qui ne saurait prospérer comte tenu du principe de l'indépendance des procédures et de la condamnation de la pratique des ordonnances pré-rédigées par l'administration fiscale ;
Il est donc demandé au Premier président :
- de constater que la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales était manifestement disproportionnée au regard du risque de fraude fiscale insuffisamment démontrée par l'administration et, en cela, violait l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme ;
- de constater que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris n'a procédé à aucun contrôle du bien fondé de la demande d'autorisation et de l'existence de présomptions de fraude afin de rendre son ordonnance d'autorisation en date du 13 octobre 2010 ;
- d'écarter des débats la pièce n°2 en ce qu'elle viole le secret professionnel des pharmaciens ;
- d'écarter la pièce n°5 en ce qu'elle a été constituée de toutes pièces par l'administration fiscale.
En conséquence :
- de dire et juger que l'ordonnance d'autorisation rendue le 13 octobre 2010 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris est entachée d'irrégularité entraînant sa nullité avec toutes les conséquences de droit en découlant ;
- de condamner le directeur général des finances publiques au versement de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
La Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) s'oppose à ces prétentions et sollicite la confirmation de l'ordonnance rendue le 13 octobre 2010, le rejet de toutes autres demandes, fins et conclusions des appelants ainsi que la condamnation de ceux-ci au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
MOTIFS DE LA DECISION :
A) 'Sur le caractère disproportionné des visites domiciliaires et la violation de l'article 8 de la Convention EDH' :
Considérant que les appelants après avoir évoqué notamment les arrêts de la CEDH KESLASSY (8 janvier 2002) et MASCHINO (16 janvier 2009) indique qu''il en ressort que la CEDH estime certes par principe, que l'ingérence en cause - visites domiciliaires dans le cadre de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales français- est justifiée par des motifs légitimes mais il n'en demeure pas moins que, au regard des faits de chaque espèce, cette ingérence doit impérativement être nécessaire, c'est à dire proportionnée au but recherché, pour légitime qu'il soit, d'établissement d'une fraude fiscale dans le chef du contribuable visé' ;
Mais considérant,
- que les arrêts KESLASSY et MASCHINO visés par les appelants ont été suivis par l'arrêt ARCALIA (31 août 2010) qui a jugé que le grief tiré de l'ineffectivité du contrôle opéré par les juges des libertés et de la détention ne saurait prospérer dans la mesure où la cour d'appel sera amenée à effectuer un second contrôle des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa demande d'autorisation pour diligenter une visite domiciliaire et qu'aucun motif tiré du respect des droits de l'homme garantis par la Convention ou ses protocoles n'exigeait de poursuivre l'examen de la requête, par application de l'article 37 de la Convention ;
- que par ailleurs la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà jugé :
' dans un arrêt du 26 octobre 2010 (pourvoi n°09- 70509) qu'aucun texte ne subordonne la saisine de l'autorité judiciaire par l'administration fiscale pour l'application des dispositions de l'article L 16 B du LPF au recours préalable à d'autres procédures,
' et dans un arrêt du 8 décembre 2009 (pourvoi n°08-21017 Bull 2009,IV n°162) que ' les dispositions de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales(issues de la loi du 4 août 2008) ne contreviennent pas à celles des articles 8 et 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales', que 'par application de l'article L 16 B du LPF, il appartient au juge qui autorise une visite domiciliaire d'analyser les éléments fournis par l'administration qu'il retient ' et que 'justifie légalement sa décision le premier président qui relève les faits résultant de ces éléments à partir desquels il apprécie souverainement l'existence d'une présomption de fraude, sans être tenu de s'expliquer sur les éléments qu'il écarte, ni de justifier autrement de la proportionnalité de la mesure qu'il confirme';
Qu'il ressort donc de la jurisprudence tant européenne que nationale, que la visite domiciliaire est un procédé compatible avec l'article 8 de la Convention ESDH, dès lors que l'ordonnance qui l'a autorisée est entourée de garanties suffisantes et susceptibles de recours, ce qui est le cas en l'espèce ;
Que le principe d'une proportionnalité entre le droit de tout justiciable à un procès équitable et la violation du droit au respect du domicile repose sur les bases d'éléments de présomptions sérieuses, ce qui sera démontré ci-après ;
Que le moyen sera donc rejeté ;
B) 'Sur l'inexistence des présomptions de fraude' :
Considérant qu'aux termes de l'article L 16 B du LPF, les opérations de visite domiciliaire peuvent être autorisées lorsque le juge, saisi par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement de l'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, ou en passant ou en faisant passer ces écritures sciemment inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est exigée par le code général des impôts ;
Que le juge doit donc rechercher, au moyen des seuls éléments fournis par l'administration à l'appui de sa requête, s'il existe des présomptions d'agissements visés par la loi et justifiant la recherche de preuve au moyen d'une visite domiciliaire ;
Qu'il n'est pas tenu de constater l'existence de ces agissements frauduleux ;
Qu'en l'espèce, il résulte des éléments qui ont été soumis à l'appréciation du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris :
- que la SNC 'PHARMACIE [P]' constituée en juin 1999, exerce une activité de commerce de détail de produits pharmaceutiques au [Adresse 3] et que son capital social est détenu à parité par [W] [D] [P] et [O] [B] [P], qui en sont cogérants ;
- qu'au titre de l'impôt sur le revenu, catégorie des BIC, le chiffre d'affaires et le bénéfice déclaré par la SNC 'PHARMACIE [P]' sont :
' pour l'exercice clos le 31 août 2007, respectivement de 3 494 278 euros et 130 636 euros,
' pour l'exercice clos le 31août 2008, respectivement de 3 487 993 euros et 176 919 euros,
' pour l'exercice clos le 31 août 2009, respectivement de 3 633 722 euros et 102 168 euros,
- qu'au titre de la TVA, le chiffre d'affaires hors taxes déclaré par la SNC 'PHARMACIE [P]' pour les exercices clos les 31 août 2007, 2008 et 2009 s'élève respectivement à 3 466 548 euros, 3 473 214 euros et 3 614 635 euros ;
- que le 25 septembre 2008, le vice-président chargé de l'instruction près le Tribunal de grande instance de Nîmes a informé l'administration fiscale qu'une information judiciaire était en cours à l'encontre des époux [X] et qu'il pouvait y être présumé l'existence d'une fraude en matière fiscale ;
- que par la suite, toujours au titre du même dossier, il lui a transmis un rapport d'expertise informatique et l'a autorisée à prendre copie de tous documents utiles et à les présenter et utiliser, sans autre autorisation, à l'occasion de toute procédure fiscale ;
- que le 25 janvier 2010, il lui a transmis un fichier informatique nommé 'listing-mot de passe.xls' de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ;
- que des documents transmis par le vice-président chargé de l'instruction près le Tribunal de grande instance de Nîmes, il apparaît que la société Alliadis était l'éditeur du logiciel de gestion d'officines dénommé Alliance Plus, sur lequel a porté le rapport de l'expert judiciaire déposé entre les mains du magistrat instructeur, duquel il ressort que le dit logiciel disposait de fonctions permettant à son utilisateur de supprimer un certain nombre d'opérations de l'historique de caisse en cours ;
- qu'il en résultait la suppression pure et simple des sommes correspondantes de la caisse en cours, que seules les ventes payées en espèces concernant des marchandises non prescrites par ordonnance médicale pouvaient être traitées de la sorte et que ces suppressions de vente n'ont aucune incidence sur les stocks de marchandises qui restent débités des produits sortis même si l'opération a disparu ;
- que l'accès à cette fonction est subordonné à un mot de passe ;
- qu'ainsi, selon le rapport de l'expert, le logiciel commercialisé sous le nom d'Alliance Plus et édité par la société Alliadis comporterait des fonctionnalités permissives directement accessibles à l'aide d'un mot de passe administrateur et qu'en conséquence, il pouvait être présumé que le logiciel de gestion Alliance Plus permettait l'annulation d'une partie des recettes journalières espèces sans en conserver de traces informatiques ;
- que par ailleurs, le 25 janvier 2010, un listing de mots de passe communiqué par la société Alliadis, éditeur du logiciel Alliance Plus à ses clients a été officiellement transmis à l'administration fiscale et il est apparu que cette liste comportait les coordonnées de 2 649 pharmacies ayant demandé communication du mot de passe administrateur alors que le groupe Alliadis avait déclaré avoir 9 380 clients, ce qui permettait de présumer que la transmission du mot de passe ne s'effectuait pas de manière automatique mais résultait d'une demande expresse du client de la société Alliadis ;
- que la SNC 'PHARMACIE [P]' figurait sur la liste transmise à l'administration fiscale ;
Considérant que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a donc rendu son ordonnance au vu d'éléments lui permettant de présumer que la SNC 'PHARMACIE [P]' a utilisé ce mot de passe afin d'accéder aux fonctionnalités permissives du logiciel Alliance Plus pour minorer son chiffre d'affaires d'une partie de ses recettes espèces et qu'elle a ainsi omis sciemment de passer l'intégralité de ses écritures comptables afin de se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, étant précisé en réponse aux arguments soulevés par les appelants :
1) sur l'examen par le juge des pièces qui lui ont été présentées et sur son contrôle effectif :
- que 'les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en application du LPF sont réputés établis par le juge qui l'a rendue et signée et que le nombre et l'importance des pièces produites ne peuvent à eux seuls laisser présumer que celui-ci s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude fiscale'(cass.com. 14 décembre 2010 pourvoi n°10-13601) ;
- et que ' les circonstances que l'ordonnance soit rédigée dans les mêmes termes que celles rendues par d'autres présidents ou qu'elle soit rendue le même jour que celui de la présentation de la requête ne sont pas de nature à l'entacher d'irrégularité'(cass.com 11 mars 2000 pourvoi n°98-30236) ;
2) sur le respect des obligations déclaratives des appelants :
- qu'il n'a jamais été soutenu que la SNC PHARMACIE [P] ou ses cogérants à titre personnel ne déposaient pas l'ensemble de leurs déclarations fiscales, le problème étant la sincérité de celles-ci compte tenu de l'existence de la fonctionnalité permissive d'un logiciel accessible grâce à un mot de passe qui lui avait été attribué ;
3) sur l'absence de production de la liste des 2649 noms :
- qu'il ressort des pièces 1, 2 et 3 jointes à la requête de l'administration fiscale, que le vice-président chargé de l'instruction au TGI de Nîmes a, au visa de l'article L 101 du LPF, informé l'intimé de l'existence d'une information ouverte à l'encontre des époux [X] et a autorisé ses services à prendre connaissance et, le cas échéant, copie de tous documents utiles qui pourront être présentés à l'occasion de toute fiscale concernant ceux-ci ;
- qu'il ressort de la pièce 4 que ce magistrat a réitéré son autorisation et a communiqué à l'administration fiscale un fichier nommé 'listing mot de passe xls' figurant en annexe de la cote D 388 du dossier d'information judiciaire en exposant que cette liste est d'une part issue directement des saisies de fichiers opérées sur commission rogatoire par les enquêteurs de la section de recherches de Nîmes en présence de monsieur [S] [Y], directeur de la société 'Alliance Software' dans les locaux de la société Pharmastock et d'autre part, dressée par les officiers de police judiciaire ... renferme les coordonnées de pharmaciens en contact avec Alliance Software qui ont demandé le mot de passe administrateur, la société Alliance Software étant la société d'édition du logiciel Alliance + dépendant du groupe Alliadis ;
- que s'il est vrai que l'administration n'a pas remis au JLD du TGI de Paris, ce listing, elle lui a remis en pièce 5, l'attestation établie par Monsieur [E] [R], inspecteur principal des impôts à la Direction des enquêtes fiscales, qui certifie avoir consulté le 7 juin 2010 le fichier informatique dénommé listing-mot de passe.xls comportant 2 649 lignes de noms transmis à l'administration fiscale le 25 janvier 2010 par monsieur Lionel Mathieu vice- président chargé de l'instruction au TGI de Nîmes et atteste avoir relevé le nom des époux [P] et de la pharmacie [P], ses coordonnées et son mot de passe ;
Qu'il ne saurait donc être contesté que le nom de la SNC [P] figurait bien sur la liste des 2649 noms en cause puisque selon la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre criminelle en date du 17 mai 2001 (cass.crim pourvoi n° 99-30113), 'l'Administration peut mettre en oeuvre l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales pour rechercher la preuve de la fraude d'un contribuable en se fondant sur des éléments régulièrement constatés par elle' ;
Qu'en l'espèce, il ne saurait donc être fait grief à l'Administration d'avoir produit au soutien de sa demande, l'attestation établie par M.[R] et il ne saurait être fait droit à la demande des appelants d'écarter la pièce 5, en ce qu'elle a été constituée de toutes pièces par l'administration fiscale ;
4) Sur la violation du secret professionnel des pharmaciens :
Considérant que les appelants soutiennent que le rapport d'expertise communiqué par le magistrat instructeur (pièce 2 jointe à la requête) contient des informations couvertes par le secret professionnel, à savoir les noms d'un certain nombre des patients de la pharmacie et qu'en conséquence cette pièce doit être écartée des débats ;
Mais considérant que cette pièce a été transmise à l'administration par application des dispositions de l'article L 101 du LPF et que par ailleurs les seuls noms des clients de la pharmacie en cause qui figurent dans ce rapport sont seulement rattachés à des pièces comptables sans aucune information médicale ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à leur demande de voir écarter la pièce n°2 en ce qu'elle viole le secret professionnel des pharmaciens ;
5) Sur l'élément intentionnel de la fraude :
Considérant que les appelants soutiennent que la mise en oeuvre de la procédure de l'article L 16 du LPF semble relever plus d'un tirage au sort pour avoir été l'une des 9300 pharmacies clientes de la société Alliadis que d'une réelle démonstration de l'existence de présomptions de fraude commises par cette société ;
Mais considérant qu'il ressort des éléments du dossier que les présomptions de fraude reposent d'une part que le fait que la SNC [P] faisait partie de la liste des 2649 noms et d'autre part sur le fait que seuls certains des clients de la société Alliadis se sont vus attribuer un mot de passe et qu'il pouvait être présumer que la transmission de ce mot de passe ne s'effectuait pas de manière automatique mais résultait d'une demande expresse du client ;
Que le moyen sera donc rejeté ;
Que du tout, il s'évince que c'est à juste titre que le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a considéré qu'il existait des présomptions selon lesquelles la SNC omettait sciemment de passer l'intégralité de ses écritures comptables.
Qu'il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 13 octobre 2010 entreprise.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable en la forme l'appel interjeté par Monsieur [W] [P], Madame [O] [P], Madame [N] [I] et la SNC PHARMACIE [P],
Au fond les déboute de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 13 octobre 2010, par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris,
Y ajoutant, condamne les appelants à payer à Monsieur le Directeur général des finances publiques la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
LE GREFFIER
Fatia HENNI
LA DÉLÉGUÉE DU PREMIER PRESIDENT
Line TARDIF