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20/10/2011 | FRANCE | N°09/07416

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 20 octobre 2011, 09/07416


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 20 Octobre 2011



(n° 5,9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07416



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - Section encadrement - RG n° 07/02321





APPELANT



Monsieur [E] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]



comparant et assisté de Maître Ol

ivier PLOTTON, avocat au barreau de TROYES







INTIMÉE



SAS [Localité 4] DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Maître Jean Marc POINTEL, avocat au barreau de ROUEN





COMPOSITI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 20 Octobre 2011

(n° 5,9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/07416

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - Section encadrement - RG n° 07/02321

APPELANT

Monsieur [E] [S]

[Adresse 3]

[Localité 2]

comparant et assisté de Maître Olivier PLOTTON, avocat au barreau de TROYES

INTIMÉE

SAS [Localité 4] DISTRIBUTION

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Maître Jean Marc POINTEL, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Président

Monsieur Thierry PERROT, Conseiller

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

GREFFIER : Madame Magaly HAINON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, président et par Madame Caroline SCHMIDT, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [E] [S] a été embauché par la société [Localité 4] Distribution exploitant le magasin Leclerc à [Localité 4] pour une durée indéterminée à compter du 1er février 2005 en qualité de responsable du rayon charcuterie, classification VII A, cadre et assimilés, aux conditions générales de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, moyennant un salaire brut forfaitaire de 2 900 € par mois pour un nombre de jours ne pouvant excéder 215 par an selon la clause inscrite au contrat de travail.

Après un avertissement en date du 14 juin 2007 sanctionnant un manque d'information sur les étiquettes de produits mis à la vente, le défaut d'information relatif à sa gestion des produits vendus et une inadaptation des conditions de stockage de certains produits, puis un entretien préalable à licenciement en date du 22 juin 2007 avec mise à pied conservatoire, il a été licencié pour faute grave par lettre du 6 juillet 2007 pour manquements aux pratiques d'hygiène et de qualité des produits vendus dans son rayon, insuffisance de management de son équipe et de gestion des stocks de marchandises.

Contestant son licenciement, M. [E] [S] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 16 avril 2009, le conseil de prud'hommes de Créteil a écarté la faute grave, dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, condamné la société [Localité 4] Distribution à payer les sommes suivantes:

- 8 970 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 897 € pour les congés payés afférents,

- 2 310,26 € en remboursement des salaires durant la période de mise à pied,

- 231,02 € pour les congés payés afférents,

- 997,07 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et a débouté les parties de toutes autres demandes.

M. [E] [S] a relevé appel le 1er septembre 2009.

Par dernières conclusions visées et développées à l'audience, il demande à la cour de procéder à divers constats auxquels il est référé, confirmer le jugement en ses dispositions portant condamnation à son profit, l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau , condamner la société [Localité 4] Distribution à lui payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes:

- 41 860 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,

- 10 000 € à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,

- 43 412,62 € au titre des dépassements d'amplitude horaire durant la période de février 2005 à juin 2007,

- 4 341,26 € pour les congés payés afférents,

- 21 706,31 € à titre d'indemnité pour les repos compensateurs non pris,

- 17 940 € à titre d'indemnité forfaitaire pour dissimulation des heures supplémentaires,

- 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement si le régime de forfait jours était jugé licite, condamner la société [Localité 4] Distribution à lui payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes sans préjudice des dommages intérêts susvisés pour licenciement abusif et préjudice moral:

- 43 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail,

- 6 387,73 € pour le dépassement du nombre de jours travaillés dans l'année 2009,

- 637,77 € pour les congés payés afférents,

dire que la société [Localité 4] Distribution devra dans les quinze jours de la notification de l'arrêt établir un bulletin de paye conforme aux condamnations prononcées et lui adresser ce bulletin sous astreinte de 150 € par jour de retard, condamner la société aux entiers dépens qui comprendront les honoraires de l'huissier éventuellement chargé de l'exécution.

Par conclusions récapitulatives n° 2 visées et développées à l'audience, la société [Localité 4] Distribution demande à la cour de dire le licenciement fondé sur une faute grave, infirmer en ce sens le jugement entrepris, le confirmer en ce qu 'il a débouté M. [E] [S] du surplus de ses demandes, ordonner le remboursement des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire, condamner l'appelant au paiement de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Renvoi est fait aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

Il convient de noter qu'il sera statué comme il est dit au dispositif sans qu'il y ait lieu de faire des constats qui ressortent de l'argumentation

- Sur le licenciement

La lettre de licenciement notifiée le 6 juillet 2007 qui fixe les termes du litige fait grief à M. [E] [S] de manquements aux pratiques d'hygiène et de qualité des produits vendus dans son rayon, de carences révélées par des réclamations de clients, de l'insuffisance de management de son équipe et de la conservation de stocks de marchandises jugés trop importants, tous faits considérés par l'employeur comme constitutifs de faute grave..

Les faits suivants y sont énumérés:

- le 15 mars 2007, le service qualité interne a retrouvé des articles impropres à la consommation: un filet de boeuf périmé depuis 1 jour, 18 lots de jambon dont la date limite de consommation expirait le lendemain,

- le 27 mars 2007, un nouveau contrôle a révélé la présence de deux unités de bolognaise dont la date limite de consommation expirait le jour même,

- lors d'un audit interne effectué par le service qualité du magasin le 21 mai 2007, on a retrouvé 10 cartons de jambon périmés au 30 avril 2007 en chambre froide qui avaient été livrés le 7 avril 2007,

- un nouvel audit en date du 11 juin 2007 a permis de constater la présence de périmés non isolés dans la chambre froide fromage coupe et dans la chambre froide charcuterie coupe,

- les analyses réalisées le 31 mai 2007 par le laboratoire Clabo Conseil ont mis en évidence une forte présence microbienne sur un échantillon de rillettes et, comme lors d'un contrôle du 6 avril 2007, sur des ustensiles (trois couteaux une louche, une écumoire),

- la mise en vente de produits portant de simples étiquettes manuscrites portant l'indication du libellé et de la date limite de consommation, sur laquelle le salarié a été sollicité de s'expliquer le 31 mai 2007,

- l'utilisation en 2007 lors d'animations d'une balance de pesée qui n'était plus valide depuis plusieurs mois,

- des réclamations de clients reçues 'notamment le 18 mai 2007 concernant vos rayons et notamment votre équipe que vous ne managez manifestement pas' avec constat de mauvaise qualité lors de l'enquête Cap clients et écroulement de la performance de 81.3 à 67.7 d'indice de satisfaction lors du passage d'un client mystère,

- les stocks de marchandises 'qui n'ont jamais été aussi importants' avec un niveau de rotation s'élevant à plus de quatorze jours.

Il est précisé: 'L'ensemble de ces négligences a aussi eu une répercussion importante sur le résultat de votre compte d'exploitation qui est déficitaire puisque vous avez réussi à atteindre une marge de 3,52 % alors que seuls les frais d'exploitation liés à votre activité s'élèvent à 20% soit une différence de 16,48 %.'.

M. [E] [S] soutient d'une part, que de nombreux griefs, sont prescrits puisqu'invoqués au delà du délai de deux mois imparti par l'article L.1332-4 du code du travail, d'autre part, que le défaut d'énonciation de certains motifs dans la lettre de convocation à l'entretien préalable constitue une irrégularité de procédure, enfin, que la faute grave doit être écartée en l'état d'une réaction tardive de l'employeur ce qui prive le licenciement de toute justification..

S'il est vrai que certains des faits imputés à faute sont antérieurs de plus de deux mois à la convocation en date du 15 juin 2007, leur répétition à une date postérieure autorise l'employeur à invoquer les faits plus anciens et fait échec à la prescription.

Il en va ainsi du constat de produits périmés réalisé en mars 2007 compte tenu de l'invocation de faits identiques concernant un lot de jambons constatés le 27 mai 2007 .De même les faits révélés par le contrôle de laboratoire du 6 avril 2007 ne sont pas prescrits en raison des faits identiques en lien avec le contrôle réalisé 31 mai 2007.

Quant au grief pris de la présence de produits mis en vente avec des étiquettes manuscrites, il a donné lieu à une sanction disciplinaire le 14 juin 2007 soit moins de trois ans avant le licenciement et peut être invoqué à l'appui d'une nouvelle sanction conformément à l'article L.1332-5 du code du travail.

Par ailleurs, la lettre de convocation à l'entretien préalable précise bien l'objet de l'entretien à savoir le licenciement et il ne résulte pas une irrégularité de procédure du fait, au demeurant non établi, en l'état de deux attestations contraires de M. [P] [F], directeur, et de Mme [I] [R], salariée, représentante du personnel qui assistait M. [E] [S], que certains griefs n'auraient pas été abordés lors de l'entretien préalable.

La présence de produits périmés en rayon et dans la chambre froide de même que la présence de produits mis en vente avec des étiquettes manuscrites, le manquement aux règles d'hygiène et la présence en rayon à l'occasion d'une animation d'une balance non conforme sont établis par les constats qui, pour résulter d'audits internes n'en sont pas moins probants, l'attestation de Mme [T] exempte de suspicion même si elle relate les faits après plusieurs mois et par les rapports d'analyses du laboratoire Clabo Conseil.

Ces faits constituent une faute du salarié lequel comme chef de rayon était responsable de la fraîcheur des produits de son rayon et du respect de la réglementation en matière de consommation.

En revanche, les deux réclamations de clients faisant état du manque de dynamisme de vendeuses, l'une au rayon fromage, l'autre au rayon charcuterie ainsi que les résultats d'une enquête ponctuelle sur l'indice de satisfaction ne suffisent pas à caractériser un management déficient ou une insuffisance qu'on ne peut davantage déduire des seuls graphiques produits sur l'évolution du chiffre d'affaires et des stocks.

Les faits avérés constituent des manquements du salarié aux obligations résultant du contrat de travail justifiant la rupture du contrat, sans toutefois que la société [Localité 4] Distribution démontre que cet ensemble de faits rendait impossible la poursuite des relations de travail même pendant la période de préavis.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et en ses dispositions réglant les conséquences de la rupture qui ont été exactement appréciées par les premiers juges.

- Sur le forfait jours

Pour prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies correspondant aux dépassements des amplitudes de travail et au non respect de l'amplitude de repos, M. [E] [S] fait valoir qu'il n'était pas un cadre dirigeant ni, faute de toute autonomie dans l'organisation du travail, un cadre autonome de sorte qu'il n'était pas susceptible de relever du forfait jour non plus que d'une convention de forfait. Il ajoute, se référant à l'arrêt rendu par la Cour de cassation chambre sociale le 29 juin 2011, qu'en tout état de cause, la société [Localité 4] Distribution n'a pas respecté les préconisations de la convention collective quant au forfait jours en termes de contrôle.

Tandis que la société [Localité 4] Distribution soutient que conformément aux dispositions de la convention collective, le salarié bénéficiait du statut responsable de rayon niveau VII correspondant au statut de cadre autonome permettant d'être soumis à un forfait jours, régime en accord avec ses responsabilités et son autonomie exclusives d'un horaire collectif, et ajoute que l'employeur a satisfait à ses obligations dès lors que le décompte des jours de présence et de repos était bien tenu sous la responsabilité du salarié, que, de plus, le point était fait régulièrement avec les supérieurs hiérarchiques sur la charge de travail au sein des rayons de sorte que l'application du dispositif est en tous points conforme aux nouvelles exigences jurisprudentielles.

Il est constant que le salarié a été embauché en 2005 sous statut de responsable de rayon niveau VII, soumis au régime du forfait jours à raison d'un maximum de 215 jours.

L' article L.3121-38 du code du travail autorise le recours au forfait jours selon les modalités de l'article L.3121-45 du code du travail pour les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein du service considéré.

L'article 5.7.2 de la convention collective de l'alimentation et du commerce de détail reprend ces dispositions, précise notamment que l'employeur peut prévoir des périodes de présence nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise, que le salarié bénéficie du temps de repos quotidien ainsi que du repos hebdomadaire prévus par la loi, que le forfait s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés, que le salarié en convention d e forfait jours bénéficie d'un entretien chaque année avec son supérieur hiérarchique assurant le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé, de l'amplitude de ses journées d'activité et de sa charge de travail, que l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, que ce document peut être établi par le salarié sous la responsabilité de l'employeur,

L'article 4-1 de la convention collective définit l'autonomie comme la faculté d'effectuer des choix sur les actions et les moyens à mettre en oeuvre pour l'exercice de l'activité en vue de la réalisation d'objectifs et renvoie pour les modalités de suivi de l'organisation du travail des cadres concernés à un accord d'entreprise ou d'établissement.

Par ailleurs, selon l'article 13 de l'annexe cadre, les fonctions de niveau VII comportent la participation à l'élaboration des objectifs et à la réalisation de ceux-ci dans son unité . Le titulaire de ce fonctions propose les actions préventives et correctrices nécessaires. Il dispose au sein de son unité d'une large autonomie dans la gestion du personnel et/ou la politique commerciale.

En l'espèce, il ressort notamment de la délégation de pouvoir consentie par l'employeur que M. [E] [S] disposait d'une 'entière autonomie' et d'une 'entière liberté d'action' en particulier en termes de gestion du personnel du rayon.

Cependant, il apparaît que, de par sa nature même, la fonction de chef de rayon implique l'intégration à une équipe dont l'animation et la supervision oblige à une présence sur le site de vente pendant les horaires d'ouverture du magasin. Une telle contrainte prive le salarié d'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. Au surplus, il résulte des éléments du dossier que M. [E] [S] était astreint à être présent le matin avant son personnel. Les feuilles de présence produites par la société pour la période de mai et juin 2007 confirment l'arrivée de M. [E] [S] le matin, le plus souvent entre 6 heures et 7 heures 30. Et, Mme [I] [R] qui assistait le salarié lors de l'entretien préalable et dont le témoignage n'a pas lieu d'être écarté à raison de prétendus liens de proximité avec celui-ci, atteste que M. [U] lui a alors rappelé cette obligation et lui a reproché ses retards en juin 2007.

L'attestation délivrée par trois chefs de rayon déclarant qu'ils gèrent le planning horaire de leur équipe et leur horaire personnel ne peut suffire à contredire la contrainte inhérente à l'emploi occupé par M. [E] [S], incompatible avec l'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps.L'article, paru dans la revue 'Linéaires', mensuel de la distribution alimentaire du mois d'avril 2005, intitulé : 'une journée avec un chef de rayon Leclerc', qui décrit une journée de travail de M. [E] [S], débutée à 5 heures 30 et terminée à 20 heures 50 confirme ce manque d'autonomie dans l'emploi du temps.

Par suite, M. [E] [S] doit être considéré comme cadre non autonome ce qui exclut le régime du forfait et emporte soumission aux dispositions relatives à la durée du travail , aux repos et congés.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Il en résulte que, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Concernant la réalité des horaire de travail, pour étayer sa demande, M. [E] [S] produit un relevé des heures effectuées de février 2005 à juin 2007 qui fait apparaître de nombreux dépassements de l'amplitude quotidienne de travail fixée à douze heures et inobservations de l'amplitude de repos quotidien et hebdomadaire, et qui comporte le calcul précis des rémunérations correspondantes.

Pour s'opposer aux prétentions du salarié, la société [Localité 4] Distribution verse aux débats des feuilles de présence des mois d'avril à juin 2007 qui révèlent des écarts entre les horaires et jours déclarés par le salarié sur son propre décompte et l'heure d'arrivée enregistrée sur la feuille comportant la signature du salarié que la société analyse ainsi: 'Dans un tableau versé aux débats: sur une période prise entre le 2 avril et le 15 juin 2007, il y a un écart entre les déclarations de M. [S] et ce qu'il inscrit sur le cahier de 23 heures 05 minutes; 13 journées ne sont pas prises en compte car non portées sur le cahier de ces journées dont 6 peuvent être des repos'.

Par ailleurs, la société [Localité 4] Distribution produit les feuilles de présence des 3 et 5 mai 2005 dont il résulte que M. [E] [S] était absent durant ces deux journées qui sont pourtant notées comme travaillées dans son propre décompte ainsi que deux conventions de formation avec fiches de présence signées par le salarié pour les journées de 18 et 19 octobre 2005 et 8 et 9 novembre 2005 alors que les décomptes de ce dernier mentionnent un seul jour de repos sur deux.

Au regard des éléments du dossier tels que vérifiés qui révèlent des incohérences lesquelles cependant n'entachent pas les décomptes d'horaire fournis par le salarié dans leur intégralité, du seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré et repos compensateur, la cour est en mesure de fixer comme suit la créance justifiée de M. [E] [S]:

- 13 953 € au titre des dépassements d'amplitude horaire durant la période de février 2005 à juin 2007

- 1 395 € pour les congés payés afférents,

- 7 235 € à titre d'indemnité pour les repos compensateurs non pris.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en violation des dispositions de l'article 8221-3 du code du travail ou ne commettant les faits prévus à l'article 8221-5 du code du travail a droit, en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Dans son dernier alinéa, l'article L. 8221-5 du code du travail, relatif au travail dissimulé, dispose que la mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue une dissimulation d'emploi salarié.

Le fait d'avoir soumis le salarié à une convention de forfait en dépit des contraintes incompatibles avec un tel régime ne suffit pas à caractériser l'intention de dissimuler une partie du travail du salarié.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande d'indemniser M. [E] [S] de ses frais irrépétibles qui seront fixés à la somme globale de 2 000 € pour ceux exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, a accordé à M. [E] [S] les indemnités de rupture, les salaires durant la période de mise à pied et congés payés afférents,et en ce qu'il a racheté la demande d'indemnité pour travail dissimulé ;

L'INFIRME pour le surplus,

CONDAMNE la société [Localité 4] Distribution à payer à M. [E] [S] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt:

- 13 953 € au titre des dépassements d'amplitude horaire durant la période de février 2005 à juin 2007,

- 1 395 € pour les congés payés afférents,

- 7 235 € à titre d'indemnité pour les repos compensateurs non pris,

CONDAMNE la société [Localité 4] Distribution à payer à M. [E] [S] la somme de 2 000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,

CONDAMNE la société [Localité 4] Distribution aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 09/07416
Date de la décision : 20/10/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°09/07416 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-20;09.07416 ?
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