RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 26 Octobre 2011
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/02583
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Février 2006 par le conseil de prud'hommes d'AUXERRE - section encadrement - RG n° 05/00203
APPELANT
Monsieur [V] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Muriel BROUARD-RENOU, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE
Association AFPI-CFAI
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Claude-henri CHAMBAULT, avocat au barreau d'AUXERRE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine ROSTAND, Présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
Madame Monique MAUMUS, Conseillère
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [L] a été engagé par l'AFAG par contrat de prestations de services en date du 15 octobre 1994, pour une mission du 1er octobre à fin décembre 1994.
Il a été ensuite embauché par l'association pour la Formation professionnelle de l'industrie- Centre de formation des apprentis de l'industrie (ci-après AFPI-CFAI), par contrat de retour à l'emploi à effet au 2 janvier 1995 en qualité de chargé de mission.
Par courrier du 9 août 1995, il lui était indiqué que cette mission prendrait fin le 30 septembre 1995 et qu'à compter du 1er octobre 1995, il prendrait la responsabilité de L'IFAG.
A compter du mois d'avril 2001, il sera en arrêt de maladie et le 15 octobre 2001, il a été déclaré 'inapte directeur IFAG - pas de reclassement possible au sein de la structure.'
Par courrier du 29 octobre 2001, il a été convoqué à une entretien préalable au licenciement et par courrier du 9 novembre 2001, il a été licencié au motif de son inaptitude à son poste de directeur, sans possibilité de reclassement dans la structure.
M. [L] ayant saisi le conseil de prud'hommes d'AUXERRE en contestation de ce licenciement et pour obtenir des rappels de salaires et des frais de déplacement, a été débouté de l'ensemble de ses demandes par jugement du 13 février 2006.
Par déclaration postée le 27 février 2006 et reçue au greffe de la présente juridiction le 28 février 2006, M. [L] a fait appel de cette décision.
Aux termes de ses écritures visées par le greffier le 14 septembre 2011 et soutenues oralement à l'audience, M. [L] demande à la cour d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes et statuant à nouveau, de :
- condamner l'AFPI-CFAI à lui verser les sommes suivantes :
- 513,42 euros, à titre de rappel de solde de frais de déplacement,
- 33 584, 59 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période d'août 1997 à octobre 2001 sur le fondement de l'article L. 140-2, devenu l'article L. 3221-2 du code du travail et par comparaison avec le salaire versé à M. [A],
- 3 358,46 euros brut à titre de congés payés afférents,
subsidiairement sur le rappel de salaire,
- dire que M. [L] devait être classé en position IIIB, coefficient 180 de la convention collective,
- condamner l'AFPI-CFAI à lui verser, sur la base du salaire minimum conventionnel applicable à ce coefficient, les sommes suivantes :
- 5 308,30 euros brut pour la période d'août 1997 à octobre 2001,
- 5 30,83 euros brut à titre de congés payés afférents,
- 8 740 euros brut à titre de rappel sur prime mensuelle liée à la responsabilité du domaine,
- 874 euros brut à titre de congés payés afférents,
- 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et matériel subi du fait du traitement discriminatoire dont il a fait l'objet,
- dire que le licenciement prononcé le 9 novembre 2001 est entaché de nullité, ou qu'à défaut, il est dénué de cause réelle et sérieuse,
- condamner par conséquent l'AFPI-CFAI à lui verser les sommes suivantes :
- 13 375 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 337,50 euros brut à titre de congés payés afférents,
- 240 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du licenciement nul prononcé,
- condamner l'association AFPI-CFAI à lui remettre des bulletins de salaires récapitulatifs des sommes dues, établis année par année, et une attestation ASSEDIC rectifiée, tous documents établis conformément à la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- condamner l'association AFPI-CFAI à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter de l'introduction de l'instance pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes, avec capitalisation en application de l'article 1154 du code civil,
- débouter l'AFPI-CFAI de ses demandes reconventionnelles.
Aux termes de ses écritures visées par le greffier le 14 septembre 2011 et soutenues oralement à l'audience, l'association AFPI-CFAI demande la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes d'AUXERRE, le débouté de M. [L] de l'intégralité de ses demandes et reconventionnellement, sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 euros pour procédure abusive voire dolosive et celle de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que selon les explications de l'intimée, la Maison de l'entreprise est une association qui coordonne l'activité de plusieurs associations de l'Yonne parmi lesquelles l'AFPI-CFAI, chaque association adhérant à la Maison de l'entreprise ;
Qu'elle précise que le directeur général de la Maison de l'entreprise dirige chacune de ses associations juridiquement distinctes ;
Que selon convention cadre du 2 mai 1991, la Maison de l'entreprise et l'association IFG FORMATION ont souhaité développer une coopération visant à l'installation à [Localité 6], au sein de la Maison de l'entreprise, d'une école IFAG ;
Que la Maison de l'entreprise a adressé à M. [L] une lettre d'embauche du 9 août 1995 rédigée en ces termes par M. [G]: 'A partir du 1er octobre, selon nos accords, vous prendrez la responsabilité de l'IFAG, sous réserve que vous puissiez obtenir dans les meilleurs délais de la part du rectorat votre autorisation d'exercer la fonction de 'directeur'.
(...)
Dans le cadre de cette fonction, vous serez chargé de l'organisation générale de la formation, tant sur le plan administratif que pédagogique (jeunes et corps professoral). L'élaboration des budgets et leur suivi s'effectueront en relation avec le contrôle de gestion et la direction générale.
Les relations avec L'IFAG Paris s'établiront en étroite collaboration avec la direction générale de la Maison de l'entreprise.
Par ailleurs, vous aurez à assurer certains enseignements relevant de votre compétence technique.
Enfin, faisant suite à notre entretien, vous aurez à mettre en place, en 95-96, la modularisation de la formation, le développement de l'alternance par l'identification des projets à conduire pendant les périodes en entreprises, le recrutement des tuteurs et leur formation (en liaison avec les compétences internes de la Maison de l'entreprise).
De plus, une réflexion générale sur l'enseignement commercial devra permettre de valoriser l'accès à cette fonction aux élèves et stagiaires, pour la satisfaction des entreprises.
Comme nous en étions convenu, l'action que vous mènerez devra contribuer au développement de l'image de marque et de la qualité de l'IFAG [Localité 5] et de la Maison de l'entreprise. Elle nécessite une disponibilité peu compatible avec un surcroît d'activité extérieure.';
Considérant que par courrier du 9 novembre 2001, M. [L] était licencié au motif de son inaptitude à son poste de directeur, sans possibilité de reclassement dans la structure ;
Considérant que dans le dernier état de ses écritures, M. [L] ne conteste pas la régularité de l'entretien préalable à son licenciement mais soutient que son licenciement pour inaptitude physique doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse, alors même que l'impossibilité de son reclassement serait établie, dès lors que son inaptitude apparaît liée à de mauvaises conditions d'emploi, à un comportement fautif de l'employeur ;
Qu'il expose qu'en application de l'article L.1222-1 du code du travail le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, étant précisé que l'article L.1152-1 du code du travail relatif au harcèlement moral n'était pas en vigueur lors des faits évoqués par l'appelant ;
Que selon lui l'ensemble des pièces qu'il produit démontre l'existence de mesures de mises à l'écart et de surcharge de travail qui ont eu des répercussions directes sur son équilibre psychique et son état de santé ;
Considérant que l'AFPI-CFAI soutient que M. [L] n'établit nullement l'existence de faits précis, concrets et matériellement vérifiables propres à caractériser des agissements répétés de l'employeur, constitutifs, le cas échéant, d'un harcèlement moral ou encore une quelconque déloyauté contractuelle et rappelle que M. [G] (dirigeant la Maison de l'entreprise) a usé de toute son influence pour que M. [L] soit recruté à [Localité 6] et qu'il puisse par la suite être intégré à L'IFAG D'[Localité 4] ;
Qu'elle précise que M. [L] n'avait jamais fait état d'une surcharge de travail et a bénéficié d'un CIF du 16 octobre 1999 au 20 avril 2001, étant absent à ce titre environ une semaine par mois ;
Qu'elle expose que l'AFAG était en charge de l'entière gestion administrative et financière de l'IFAG classique, que les normes techniques et pédagogiques étaient mise au point par l'IFG et que 'les fonctions de M. [L] consistaient en définitive à la mise en oeuvre des éléments pédagogiques décidés par l'IFG' et qu'il 'n'avait aucun pouvoir pédagogique, aucun pouvoir financier';
sur la charge de travail de M. [L]
Considérant qu'une fiche de poste en date du 22 novembre 1999 de directeur IFAG est versée aux débats ;
Qu'au paragraphe ' missions générales (bases de la fiche de fonction)' sont décrites les différentes tâches du directeur et leur part d'activité en pourcentage ;
Que la description de ces missions est rédigée comme suit :
- commercial (promotion- développement de l'école/ prospection entreprises ....40 à 60 %
- relations extérieures (IFAG nationale/ rectorat....................................................20 %
- gestion financière et humaine (intervenants / budget / communication interne ME / administration) en lien avec un secrétariat..............................................................20 %
- pédagogie (suivi des études : plannings, tuteurs, étudiants) .................................60 % à 0 % ;
un astérisque précisant que cette ligne 'pédagogie' correspond à un poste à temps plein ;
Qu'au paragraphe suivant, sont explicitées ces missions générales sous forme d'un plan d'actions ;
Considérant que force est de constater que l'addition de ces parts d'activités aboutit à un total de 140 à 160 % ;
Qu'en dehors de l'aide d'une secrétaire qui est d'ailleurs expressément prévue dans ce descriptif, l'intimée ne fait nullement la démonstration de la présence d'un autre salarié que M. [L] qui aurait participé aux tâches nécessaires pour assurer cette fonction de directeur IFAG ;
Qu'il convient en outre de noter que cette description de poste correspond bien aux termes de la lettre d'embauche rédigée par M. [G] et que l'intimée ne peut en conséquence sérieusement soutenir que M. [L], directeur de l'IFAG [Localité 6], 'n'avait aucun pouvoir pédagogique, aucun pouvoir financier';
Qu'il résulte en outre de la pièce 101 de M. [L] que ce dernier, comme l'y avait invité M. [G] dans la lettre d'embauche du 9 août 1995, donnait aux étudiants de première année des cours d' économie d'entreprise, de mathématiques financières et statistiques, de revue de presse et de synthèse globale ;
Qu'il assurait pour les étudiants de deuxième année, des cours de finance, synthèse globale, revue de presse, stratégie d'entreprise ;
Que l'attestation établie le 20 juin 2002 par M. [W], directeur national de l'IFAG pendant près de dix ans est rédigée en ces termes : 'en tant que directeur national de l'IFAG j'ai dirigé d'abord un réseau de 4 écoles [Localité 11] [Localité 9] [Localité 12] et [Localité 10] (..)
Puis j'ai créé deux autres écoles en franchise, l'une à [Localité 5] faisant partie de la maison de l'entreprise et l'autre à [Localité 8] (..)
C'est dans ce contexte très difficile que M. [V] [L] a été nommé par mes soins directeur de L'IFAG [Localité 5] en 1995. Il dépendait de moi sur le plan académique, scientifique et pédagogique.
Et là force est de constater
- qu'avec des moyens limités en homme
il était seul pour assurer les postes de directeur IFAG, directeur des études, responsable de la communication et de la promotion là où il y avait 3 ou 4 postes dans les autres écoles
- qu'avec un travail acharné il a réussi à remonter le niveau des promotions à 40 là ou les écoles les plus anciennes du groupe IFG stagnaient à 40 !...
(...)
s'il dépendait de moi jusqu'en décembre 1996 sur le plan académique vis à vis de notre ministère de tutelle, il ne dépendait pas de moi en terme de gestion. Je peux seulement assurer que son salaire était très nettement inférieur à celui des directeurs des autres écoles du réseau, à effectif comparable et pour une masse de travail plus importante car seul , où les autres étaient aidés par plusieurs collaborateurs. Toujours au travail pour le développement de l'IFAG, tôt le matin, tard le soir et très souvent le week-end pour les réunions de promotion.
J'estime que M. [V] [L] s'est usé à la tâche, ce qui est à son honneur.';
Que l'attestation de M. [T] en date du 28 mai 2002 est rédigée comme suit : 'J'ai dirigé L'IFAG [Localité 11] de 1997 à 2000. Nous avions chaque mois une réunion des directeurs de tous les centres ([Localité 5], [Localité 8], [Localité 9], [Localité 10], [Localité 11], [Localité 12]). J'ai donc pu suivre de façon précise l'action de M. [V] [L] qui a été directeur de L'IFAG [Localité 5] de 1994 à 2001.
M. [V] [L] a effectué pendant ces années un travail hors du commun. En effet, grâce à ses qualités de manager et de commercial hors pair et un temps passé à la tâche colossal, il a réussi à hisser et à maintenir l'IFAG Bourgogne à une taille (40 étudiants par promo) exceptionnel compte tenu du contexte (ville moyenne, concurrence des ESC, etc...)
Cette réussite est encore plus remarquable si on la compare aux autres écoles du groupe qui, pour obtenir des résultats comparables disposaient d'équipes de trois à cinq personnes.
En effet, M. [V] [L] a mené cette action pratiquement seul, et qui plus est, a initié et développé en plus l'apprentissage qui implique un travail supplémentaire très important tout en ayant aussi d'autres activités au sein de la maison de l'entreprise de l'Yonne.';
Considérant que d'autres intervenants, tel M. [D], consultant formateur vacataire à l'AFPI de 1989 à 2003, ont pu constater les effets de cette surcharge ;
Que dans son attestation du 19 décembre 2007, ce dernier expose : '[V] [L] se sentait de plus en plus seul, il évoquait un manque de moyens persistant et une pression de plus en plus douloureuse.
[V] [L] souffrait psychologiquement et était d'autant plus mal que son climat de travail se dégradait et qu'il était atteint dans sa dignité par la façon dont [Y] [G] le traitait humainement et professionnellement.';
Que dans son attestation du 14 mars 2008, Mme [R], intervenant formateur au sein de l'IFAG de janvier 1996 à novembre 2001, indique notamment 'avoir constaté que M. [V] [L] s'investissait beaucoup au détriment de sa vie de famille, car il ne pouvait pas toujours prendre ses week-end, croulant sous la charge de travail. Malgré toutes ces tensions, il savait rester attentif, souriant, à l'écoute des intervenants et des étudiants. J'ai quelquefois senti M. [V] [L] démoralisé, épuisé, mais ne voulant pas perdre ma neutralité d'intervenant externe, je n'ai que très rarement consacré du temps à M. [L] pour l'écouter et échanger.';
Considérant que même si M. [L] n'a pas formalisé de plaintes explicites sur sa situation pendant la durée de ses fonctions, il n'en demeure pas moins que l'employeur qui confie à l'un de ses salariés des fonctions qui ne correspondent nullement aux charges qu'un salarié peut, sur le long terme, assumer seul, agi d'une manière parfaitement déloyale et contraire aux dispositions de l'article L.1222-1 du code du travail ;
Que cette attitude fautive est aggravée si, au surplus, le salarié n'est pas rémunéré conformément aux dispositions de la convention collective applicable ;
Considérant en effet que l'un des éléments dont fait état M. [L] pour établir le non-respect par l'employeur de l'article L.1222-1 du code du travail, est le traitement discriminatoire dont il aurait fait l'objet en matière de salaire ;
Qu'il formule à ce titre une demande distincte de rappels de salaires mais eu égard à l'incidence de cette demande sur celle relative au licenciement, cette demande dans son principe doit être examinée dès à présent ;
Considérant que lorsqu'il a été engagé en qualité de directeur de l'IFAG à compter du 1er octobre 1995, M. [L] a été classé en position II B ;
Que cette position est aux termes de la convention collective, celle d'un ingénieur ou cadre :
'- qui est affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire,
- ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique administratif, commercial ou de gestion des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique.';
Considérant que la fiche de poste ci-dessus rappelée d'un directeur IFAG, démontre que le placement et plus encore, le maintien de M. [L] dans cette position est tout à fait inadapté à sa fonction et à ses responsabilités ;
Considérant en conséquence que la surcharge de travail imposée à M. [L] pendant plusieurs années à laquelle s'ajoutait une affectation sous-évaluée dans la classification de la convention collective se traduisant tant par une dévalorisation symbolique que par une rémunération diminuée, démontrent la déloyauté de l'employeur ;
Considérant qu'en avril 2001, après plusieurs années à subir ce régime, M. [L] s'est trouvé en arrêt de travail ;
Considérant que le docteur [M], médecin du travail qui a établi le constat de l'inaptitude de M. [L], a adressé le 29 mai 2002 à ce dernier sur sa demande, le résumé de la lettre du docteur [P] que le docteur [M] avait consulté sur le cas de M. [L] lors des visites ayant conduit à la constatation de l'inaptitude ;
Que le résumé de la lettre du docteur [P] est le suivant 'cet homme présente un état dépressif net avec somatisation gastrique, secondaire à une inadaptation à la structure de travail ... il a subi dit-il une série de pressions qui ont entraîné un affaiblissement de ses capacités adaptatives...
Toute reprise de travail dans cette structure risque de donner lieu à un passage à l'acte auto ou hétéro agressif.';
Considérant que le licenciement pour inaptitude physique de M. [L] doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse dès lors que son inaptitude est liée à de mauvaises conditions d'emploi en ce qui concerne tant la charge de travail que la reconnaissance de sa valeur au travers d'une rémunération correspondant à ses fonctions, et au comportement fautif de l'employeur qui ne peut sans déloyauté, soumettre un salarié à de telles conditions ;
Que le jugement du conseil de prud'hommes qui a débouté M. [L] de sa demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, doit être infirmé de ce chef ;
Considérant que M. [L] qui avait près de six ans d'ancienneté au sein de l'AFPI-CFAI lors du constat de son inaptitude, qui s'était impliqué dans sa fonction dans des conditions extrêmement défavorables imputables à l'employeur au point qu'il en a subi une forte dépression alors que l'IFAG dont il avait la responsabilité avait de très bons résultats en terme de nombre d'étudiants, qui était âgé de 53 ans au moment de son licenciement, sera indemnisé par l'octroi de la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que l'intimée devra également lui régler la somme de 13 375 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et celle de 1 337,50 euros brut à titre de congés payés afférents ;
sur la demande de rappel de salaires
Considérant que M. [L] sollicite à titre principal un rappel de salaires sur la base du salaire de M. [A] qui avait la charge de directeur des études au sein de l'ITII ;
Que cependant dans la mesure où les diplômes et l'ancienneté de ces deux personnes ne sont pas identiques, et que les structures dans lesquelles ces deux salariés étaient employés (AFPI-CFAI pour M. [L], ITII pour M. [A]) n'étaient pas les mêmes, il ne peut être fait droit à la demande principale de M. [L], ces disparités empêchant une comparaison pertinente entre les deux situations ;
Qu'en revanche, la réclamation subsidiaire de M. [L] de se voir classer en position IIIB apparaît, au vu de ses fonctions au sein de l'AFPI-CFAI tout à fait fondée ;
Qu'en effet, cette position qui selon la convention collective, est celle d'un cadre ou ingénieur dont la place dans la hiérarchie comporte dans les domaines scientifique, technique, commercial, administratif ou de gestion des responsabilités exigeant une très large autonomie de jugement et d'initiative, correspond tout à fait à la fonction de directeur d'IFAG ;
Qu'en conséquence, l'intimée sera condamnée à verser à M. [L] la différence entre le salaire minimum conventionnel applicable à ce coefficient et les salaires qu'il a effectivement perçus, soit la somme de 5 308,30 euros brut pour la période d'août 1997 à octobre 2001 ainsi que celle de 5 30,83 euros brut à titre de congés payés afférents ;
sur la demande de dommages-intérêts pour le préjudice moral et matériel subi du fait du traitement discriminatoire
Considérant que M. [L] estime qu'il a subi une situation de discrimination, au motif qu'il occupait un poste similaire à celui occupé par M. [A] et que l'égalité de rémunération n'a pas été respectée entre eux ;
Qu'il a été vu plus haut que cette argumentation ne peut être retenue eu égard aux différences susvisées dans leurs situations ;
Considérant que M. [L] soutient également qu'il a subi un préjudice de carrière, ne voyant pas son poste reconnu à sa juste valeur, et ce alors qu'il s'est investi dans ses fonctions sans compter et avec compétence, outre un préjudice pour la liquidation de ses droits à la retraite, n'ayant pas cotisé à sa juste valeur durant ces années ;
Considérant qu'en réparation du préjudice moral et matériel constitué par l'absence de reconnaissance de la valeur de M. [L] se manifestant par son sous-positionnement dans la classification de la convention collective et la non-application de la rémunération conventionnelle qui a entraîné une moindre cotisation pour les droits à la retraite, l'intimée devra régler à M. [L] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
sur le rappel au titre de la prime liée à la responsabilité de responsable de domaine
Considérant que M. [L] fonde sa demande sur le fait que M. [I] qui était formateur a perçu une prime de 190 euros par mois quand il a été nommé responsable de domaine en même temps que M. [L] ;
Considérant qu'effectivement M. [L] a dû assurer cette fonction de coordinateur de domaine pendant une période sur laquelle les parties sont contraires, l'intimée déclarant qu'il ne l'a assumée que de novembre 1997 à août 1998 alors que M. [L] soutient l'avoir exercée pendant 4 ans ;
Considérant, cependant, que le seul fait que M. [I] ait perçu cette prime ne peut justifier l'octroi de cette même prime à l'appelant ;
Qu'en effet, M. [I] était seulement formateur de sorte que l'ajout de l'activité de coordinateur imposait une rémunération spécifique à son profit ;
Qu'en revanche, l'attribution à M. [L] de cette prime alors qu'il avait une fonction de direction n'apparaît pas justifiée en l'absence d'autres précisions sur les conditions d'octroi de cette gratification ;
Que le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé de ce chef ;
sur les frais de déplacement
Considérant que la pièce 25 à laquelle renvoie la pièce 108 (décompte au terme duquel est réclamée la somme de 513,42 euros, à titre de rappel de solde de frais de déplacement) vise des déplacements effectués en 1995 ;
Que la demande de M. [L] qui a saisi le conseil de prud'hommes le 20 août 2002 est donc prescrite en application de l'article L.3245-1 du code du travail ;
Considérant que l'intimée qui succombe en grande partie sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à l'appelant la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande au titre de la prime de coordination,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
DIT prescrite la demande de M. [L] au titre des frais de déplacement,
DIT que le licenciement prononcé le 9 novembre 2001 est dénué de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE par conséquent l'AFPI-CFAI à verser à M. [L] les sommes suivantes :
- 70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 13 375 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 337,50 euros brut à titre de congés payés afférents,
CONDAMNE l'AFPI-CFAI à verser à M. [L] les sommes suivantes :
- 5 308,30 euros brut de rappels de salaires pour la période d'août 1997 à octobre 2001,
- 5 30,83 euros brut à titre de congés payés afférents,
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,
DIT que ces condamnations seront assorties de l' intérêt au taux légal à compter du 21 août 2002, pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la présente décision pour les autres sommes et ordonne la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
CONDAMNE l'association AFPI-CFAI à remettre à M. [L] des bulletins de salaires récapitulatifs des sommes dues, établis année par année, et une attestation POLE EMPLOI rectifiée, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois après la notification de la présente décision,
CONDAMNE l'association AFPI-CFAI aux dépens de première instance et d'appel et à verser à M. [L] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE