Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 28 OCTOBRE 2011
(n°268, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/16779
Décision déférée à la Cour : jugement du 7 mai 2009 - Tribunal de commerce de PARIS - 19ème chambre - RG n°2008028060
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.S. PROVINDIS, ayant pour nom commercial Centre Distribution E. Leclerc, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - JUMEL, avoué à la Cour
assistée de Me Eric DELECROIX plaidant pour la SELARL RDB ASSOCIES, avocat au barreau d'AMIENS
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.R.L. AM SECURITE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à la Cour
assistée de Me Alain RAPAPORT, avocat au barreau de PARIS, toque K 122
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bernard SCHNEIDER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, lequel a été préalablement entendu en son rapport
[B] [F] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, Président
Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Françoise CHANDELON, Conseiller
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président, et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Le tribunal de commerce de Paris, par jugement prononcé le 7 mai 2009, statuant sur la qualification des circonstances de la rupture du contrat de surveillance signé le 1er janvier 2005 par les sociétés AM SECURITE et PROVINDIS a jugé que la société PROVINDIS avait rompu unilatéralement le contrat ayant pris effet le 31 janvier 2005 et que la société AM SECURITE était fondée à demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle avait subi.
Il lui a reconnu un manque à gagner tout en retenant que certaines ruptures de contrats de travail ne résultaient pas directement de la résiliation du contrat de surveillance et a fixé les dommages et intérêts à la somme de 150 000 €.
Il lui a alloué 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ayant relevé appel de la décision, par dernières conclusions signifiées le 8 septembre 2001, la société PROVINDIS en demande l'infirmation et sollicite la condamnation de l'intimée à lui payer 5'000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que dès la deuxième année - 2006 -, elle a pu constater de nombreux dysfonctionnements qui l'ont conduite à effectuer plusieurs rappels à l'ordre auxquels se sont ajoutés des points de désaccord ; que ceux-ci ont conduit les deux parties à rompre le contrat d'un commun accord fin décembre 2007 avec effet au 31 janvier 2008 lors d'une
réunion dont elle rapporte la preuve.
Elle expose qu'en dépit de cet accord, trois mois après la résiliation effective du contrat, la société AM SECURITE lui a réclamé sans fondement, par voie d'assignation, devant le tribunal, la somme de 872'530 €.
Elle soutient que faute d'avoir délivré une mise en demeure de poursuivre l'exécution du contrat, la société AM SECURITE n'est pas fondée à exiger des dommages-intérêts correspondant au défaut d'exécution du contrat jusqu'à son terme, c'est-à-dire la totalité des factures qui auraient été payées si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme ; elle ajoute qu'une mise en demeure s'imposait et que la société AM SECURITE devait procéder à la signification d'un tel acte pour lui demander de la laisser exécuter le contrat jusqu'à son terme prétendu.
Par dernières conclusions signifiées le 26 août 2011, la société AM SECURITE demande la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné l'appelante à lui payer des dommages-intérêts mais que ceux-ci soient élevés à la somme de 872 350 € .Elle demande en outre 5'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que, faute d'avoir respecté le préavis de six mois pour dénoncer le contrat, c'est-à-dire d'avoir fait connaître son intention avant le 30 juin 2007, la société PROVINDIS aurait dû poursuivre l'exécution de ce contrat jusqu'au 31 décembre 2010 ; qu'elle est donc fondée en sa demande en paiement de dommages-intérêts correspondant aux sommes qu'elle aurait dû recevoir si le contrat avait été normalement exécuté.
Elle réplique que la lettre du 28 novembre 2007 que lui a envoyée la société PROVINDIS pour dénoncer le contrat ne comporte aucun grief ; qu'en tout état de cause, elle démontre qu'elle a exécuté convenablement ce contrat et que la société PROVINDIS ne rapporte pas la preuve que sa dénonciation du contrat corresponde à une exception d'inexécution.
Enfin, elle conteste la validité de certaines attestations produites par la société PROVINDIS.
En ce qui concerne son préjudice, elle expose qu'elle a dû procéder à des licenciements qui ont généré des frais en raison de la perte du marché et qu'elle est fondée à demander également sa perte de marge sur les prestations considérées.
Elle entend rappeler que la révision de la clause pénale ne peut être ordonnée qu'en vertu de circonstances spécialement motivées.
SUR CE
Considérant que l'article 9 du contrat signé le 1er janvier 2005 dispose :
'Le présent contrat prend effet le 1er janvier 2005 pour une durée de trois ans.
En cas de résiliation anticipée par le soussigné la totalité de la durée du contrat restant à courir est due sous réserve de fautes professionnelles ou de non-respect des conditions du contrat par les employés du soussigné pendant leur travail.
À défaut de dénonciation du contrat dans les six mois qui précèdent son terme ce dernier sera automatiquement reconduit pour une durée équivalente.' ;
Considérant que le 28 novembre 2007, la société PROVINDIS a adressé un courrier à la société AM SECURITE ainsi conçu :
'En ce qui concerne le renouvellement du contrat liant nos deux sociétés nous vous informons que nous ne signerons pas de nouveaux contrats pour l'année prochaine. De ce fait vous prendrez note de ce que nos relations cesseront au 31 janvier 2008.' ;
Considérant que le contrat signé par les parties s'achevait avant renouvellement le 31 décembre 2007 et que selon les termes convenus, il devait être dénoncé au plus tard le 30 juin 2007 ;
Considérant que la sanction de l'inobservation de ce délai est celle qui s'attache alors à l'appréciation des conditions de la rupture au regard de la faute éventuelle du co- contractant ;
Considérant que la société PROVINDIS s'oppose à la demande de dommages-intérêts au motif que sa lettre de rupture ne faisait que reprendre un accord passé entre les deux sociétés ; qu'à tout le moins, elle est justifiée par l'inexécution du contrat par l'intimée ;
Mais considérant d'abord que la lettre précitée ne fait aucune référence à une quelconque cause de rupture ;
Considérant, en ce qui concerne l'accord de cessation du contrat invoqué, que l'appelante estime que la preuve en est rapportée par les attestations qu'elle produit de M. [M], coordinateur commercial, et de M. [G], responsable logistique, établies le 13 février 2008, lesquelles font état d'un certain mécontentement quant à la qualité du personnel employé par la société AM SECURITE et de l'intention de l'appelante de recourir au service d'une autre société notamment à la suite d'un vol à main armée survenu le 19 octobre ;
Considérant, toutefois, que ces documents ne sont pas de nature à établir la preuve d'un accord de fin de contrat alors même que le courrier du 28 novembre 2007 n'en fait pas état ;
Considérant, également, que la première attestation traduit la difficulté d'obtenir une qualité suffisante des prestations, de l'éventualité exprimée par M. [J] de mettre fin au contrat en raison des trop grandes exigences du gérant du supermarché, M. [P] ; que la seconde fait également état de ce que M. [U] a envisagé, à différentes reprises, de mettre fin au contrat et de ce que le signataire de l'attestation est intervenu auprès de lui en raison de l'absentéisme des vigiles ;
Considérant que ces deux documents établis par deux salariés de l'appelante, signés à la même date du 13 février 2008, ne valent pas attestations au sens de l'article 202 du code de procédure civile mais peuvent être retenus à titre de renseignements ; qu'en tout état de cause, ils ne permettent pas cependant de caractériser avec suffisamment de précision l'existence et la consistance des griefs invoqués ;
Considérant, en revanche, que si la preuve d'un accord amiable des parties pour mettre fin au contrat n'est pas établie, il convient de constater que l'appelante fait état d'une succession de difficultés concernant l'exécution de la prestation par la société AM SECURITE :
- lettre du 30 mai 2006 faisant état du nombre insuffisant de vigiles sur place ,d'un laxisme anormal,
- lettre du 20 décembre 2006 reprenant le grief et mettant en demeure 'de revenir à une qualité de prestations convenables' ;
Considérant qu'il apparaît encore d'autres correspondances que depuis un vol à main armée survenu avec succès le 19 octobre 2007, à l'origine d'un vol de 400'000 €, la confiance n'existait plus entre les deux sociétés en raison d'un fait grave que la société PROVINDIS pouvait rattacher à l'absence de vigiles, à des horaires non respectés, et un nombre d'agents sur place jugé non conforme au contrat par la société PROVINDIS et pouvant être considéré comme établi en raison du nombre de protestations restées sans réponse précise de la part de la société AM SECURITE ;
Considérant, dès lors, qu'il convient de considérer que la lettre de rupture datée du 28 novembre 2007 compte tenu des différents courriers précités est, pour le moins, la conclusion des négociations invoquées par la société PROVINDIS entre les parties et l'aboutissement des multiples réclamations non suivies d'effet , traduisant le désaccord sur les modalités d'exécution de la prestation ;
Considérant que le contrat, faute de dénonciation dans les six mois précédant sa reconduction s'est donc effectivement reconduit pour une durée indéterminée ;qu'il est devenu résiliable à tout moment à compter de sa date anniversaire du 1er janvier 2008 ;
Considérant que la dénonciation effectuée par lettre du 28 novembre 2007 pour le 31 janvier 2008 n'a donc pas respecté le délai conventionnel de six mois mais que la demande s'analyse en une demande en paiement ;
Mais considérant que les dommages-intérêts fondés sur une clause pénale ne sont pas dus dès lors que le dol du créancier de l'obligation au sens de l'article 1150 du code civil, en l'espèce, l'exécution défectueuse du contrat, a eu pour effet de décharger en totalité le débiteur de ses propres obligations ;
Considérant qu'il s'ensuit que la demande de dommages-intérêts doit être rejetée, le jugement étant, de ce fait, infirmé ;
Considérant que l'intimée ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts dirigée contre elle pour procédure abusive ;
Considérant que l'équité conduit à allouer à la société PROVINDIS une somme de 5'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile se;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement ;
Déboute la société AM SECURITE de ses demandes ;
Rejette la demande de la société PROVINDIS au titre de la procédure abusive ;
Condamne la société AM SECURITE à payer une somme de 5'000 € à la société PROVINDIS par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société AM SECURITE aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président