Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRÊT DU 2 NOVEMBRE 2011
( n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01144
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/06554
APPELANT
SDC [Adresse 6] Agissant en la personne de son syndic la SAS CDB GESTION
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour
assisté de Maître Emmanuelle LEFEVRE, avocat au barreau de Versailles
INTIME
SA CABINET LOISELET PÈRE ET FILS & F. DAIGREMONT
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par la SCP SCP TAZE-BERNARD BELFAYOL BROQUET, avoués à la Cour
assisté de Maître Jean-pierre FORESTIER, avocat au barreau de Paris, Toque : P255.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile , l'affaire a été débattue le 8 juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean DUSSARD, président chargé du rapport et Madame Marie Paule RAVANEL
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composé de :
Monsieur Jean DUSSARD, président
Madame Marie-Paule RAVANEL, conseiller
Madame Anne BOULANGER, conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Dominique FENOGLI
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean DUSSARD, président et par Monsieur Dominique FENOGLI , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par déclaration du 20 janvier 2010, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], a appelé d'un jugement contradictoire rendu le 20 janvier 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Paris qui, assorti de l'exécution provisoire :
- condamne la société Cabinet Loiselet Père et Fils et F. Daigremont, plus loin le Cabinet Loiselet et Daigremont, son ancien syndic, au paiement des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la signification dudit jugement sur les six premières :
1° - 4 780 euros TTC au titre des frais de désignation de l'administrateur provisoire,
2° - 134 417, 14 euros TTC au titre des honoraires de Maître [F] [P], désignée administrateur provisoire dudit syndicat des copropriétaires par ordonnance du 9 juin 2006,
3° - 78 647, 50 euros TTC au titre des frais engagés par Maître [P] dans le cadre de sa mission,
4°- 62 330, 28 euros TTC au titre des frais et honoraires facturés par le Cabinet Loiselet et Daigremont pour l'exercice 2005,
5°- 5 929, 91 euros au titre des frais et honoraires facturés par le même syndic pour l'exercice 2006,
6° - 4 800 euros du chef de la différence entre le montant pour lequel le syndicat des copropriétaires est resté adjudicataire et la valeur réelle des biens immobiliers,
7°- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute le syndicat des copropriétaires du surplus de ses prétentions,
- condamne le Cabinet Loiselet et Daigremont aux dépens.
L'intimé a constitué avoué.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions, moyens et arguments dont elle est saisie, la Cour fait référence expresse à la décision déférée et aux conclusions d'appel dont les dernières ont été signifiées dans l'intérêt :
- du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5], le 21 avril 2011,
- du Cabinet Loiselet et Daigremont, le 15 mars 2011.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
I. SUR LA RESPONSABILITÉ.
L'assemblée générale des copropriétaires du 8 juin 2005 ayant désigné en qualité de syndic dudit syndicat le Cabinet Loiselet et Daigremont n'a pas dispensé celui-ci de l'ouverture d'un compte séparé au nom du syndicat.
Au contraire, par l'adoption de sa résolution n°5, cette assemblée a refusé d'accorder une telle dispense.
Le syndic avait dès lors l'obligation d'ouvrir un compte séparé dans un délai de trois mois, ce qu'il n'a pas fait.
Dans ce cas, l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que :
' (...) La méconnaissance par le syndic de cette obligation emporte la nullité de plein droit de son mandat à l'expiration du délai de trois mois suivant sa désignation (...)'
La discussion porte sur la nature - non examinée par le premier juge - de la responsabilité engagée, délictuelle selon le syndicat ou contractuelle selon l'intimé.
La responsabilité, trouvant sa cause dans des fautes commises par le syndic, mandataire, au cours et dans l'exercice de son mandat, est de nature contractuelle.
Il sera fait observer qu'en l'espèce la nature juridique de la responsabilité est en soi sans incidence sur la réparation du dommage qui doit être intégrale et qui exige la démonstration d'un préjudice en relation causale avec les fautes.
II. SUR LE PRÉJUDICE.
A - SUR LES FRAIS ET HONORAIRES DE L'ADMINISTRATEUR PROVISOIRE.
1°) Frais de désignation de Maître [P].
Contrairement à ce qu'objecte l'intimé, l'ordonnance de référé n'a pas autorité de chose jugée au principal ainsi que l'énonce l'article 488 du code de procédure civile.
Mais le Cabinet Loiselet et Daigremont qui n'était pas partie à la seconde ordonnance de référé-rétractation - celle du 28 avril 2006 - n'a pas à supporter les frais et honoraires d'avocat du syndicat des copropriétaires exposés dans ce nouveau référé.
Il n'y a pas ici de lien direct et certain entre la faute du syndic et l'initiative hasardeuse des quelques copropriétaires qui avaient cru bon devoir saisir à nouveau le juge des référés.
La Cour trouve dans les pièces régulièrement produites aux débats et dans les explications fournies par les conclusions, les éléments lui permettant de ramener à 3 386 euros, par réformation partielle, l'indemnité allouée à ce titre :
* Honoraires totaux ....................................................................... 5 980 euros.
Déduire :
1°- article 700 première ordonnance ................................................... 800 euros
2° Honoraires afférents à la seconde ordonnance ........................... 1 794 euros
RESTE : ............................ 3 386 euros
2°) Honoraires de Maître [P].
a) la désignation d'un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires a été rendue inévitable ensuite de la nullité de plein droit du mandat de syndic du Cabinet Loiselet et Daigremont à compter du 9 septembre 2005 et de la poursuite par ce syndic de ses fonctions à la tête de la copropriété alors qu'en tant que professionnel de la gestion immobilière, il n'ignorait pas la sanction attachée à l'inexécution d'une disposition légale d'ordre public pesant sur lui.
La désignation de Maître [P] trouvant sa cause exclusive dans la faute du Cabinet Loiselet et Daigremont, la rémunération (honoraires et débours) dudit administrateur constitue pour le syndicat des copropriétaires un préjudice direct et certain dont l'entière réparation pèse sur la responsable.
En faisant supporter seulement au responsable le 'différentiel' (sic) entre les frais et honoraires versés à l'administrateur par le syndicat et ceux que celui-ci aurait dû régler à un syndic professionnel, les premiers juges ont méconnu le droit de la victime à la réparation intégrale du dommage qui exigeait la mise à la charge du responsable de l'intégralité du coût de l'administration judiciaire du syndicat.
Cette indemnisation fixée en appel, limitée à l'entier préjudice, ne procure aucun enrichissement injuste à la victime.
b) La désignation de Maître [P] a induit un coût pour la copropriété correspondant au montant des deux ordonnance de taxe fixant ses frais et honoraires TTC :
* ordonnance de taxation partielle du 16 juin 2006 ................... 205 505, 09 €
* ordonnance de taxation définitive du 15 septembre 2006..... 58 223, 67 €
TOTAL : .......................... 263 728, 76 €
Le caractère définitif de ces ordonnances de taxe qui n'ont pas donné lieu à contestation s'impose aux parties comme à la Cour.
Il convient de déduire du total ci-dessus les deux remboursements opérés à titre de régularisation par Maître [P] totalisant 30 437 euros soit :
* 21 321, 09 euros, le 5 juillet 2006,
* 9 115, 91 euros, le 15 juillet 2006.
Le préjudice doit conséquemment être liquidé à la somme de :
263 728, 76 - 30 437 = 233 291, 76 euros
C'est à tort que le syndic intimé prétend, sur la base des comptes joints à la convocation à l'assemblée générale du 25 avril 2007, que les honoraires de Maître [P] n'auraient été payés qu'à hauteur de 175 068, 09 euros dès lors que la ' situation de trésorerie au 18 juillet 2006 sur la gestion de l'administrateur pour la période du 9/01/2006 au 11/07/2006" que Maître [P] a close en réglant au syndicat des copropriétaires un chèque de 25000 euros au titre d'un ' acompte de trésorerie disponible au 18/07/2006 " fait figurer dans la colonne 'DEBIT' les montants des honoraires taxés par ordonnance, soit les sommes de 205 505, 09 euros et 58 223, 67 euros.
Dès lors que les opérations portées en crédit dudit compte totalisent un montant supérieur de 25 000 euros à la colonne débit et que pour équilibrer les deux colonnes l'administrateur a dû régler 25 000 euros au syndicat, le paiement de la totalité des honoraires est indéniable.
La Cour, réformant le jugement de ce chef, condamne le responsable à payer à la victime la somme de 233 291, 76 euros.
3°) Frais engagés par Maître [P] dans le cadre de sa mission : 78647, 50 euros.
Ce poste n'est pas discuté.
Le jugement est confirmé de ce chef.
B - SUR LES HONORAIRES FACTURES PAR LE CABINET LOISELET ET DAIGREMONT AU TITRE DES EXERCICES 2005 ET 2006.
Le dit Cabinet, s'appuyant sur des décisions de justice auxquelles ses conclusions d'appel se réfèrent, soutient que lorsqu'un syndic exerce sa mission dans le cadre d'un mandat régulièrement donné par l'assemblée générale, comme en l'espèce, il n'a pas à rembourser les honoraires perçus lorsque le mandat vient à être rétroactivement annulé alors que le syndicat est dans l'impossibilité de restituer les prestations accomplies pour son compte qui méritent rémunération.
Mais le syndic dont le mandat est nul - de surcroît en l'espèce à titre de sanction légale de sa propre faute - est censé n'avoir jamais été syndic pendant la période concernée par la nullité - ici à compter du 9 juin 2005 jusqu'à la désignation de Maître [P] ès qualités.
Cette nullité rétroactive prive le syndic ' de fait ' de tout droit à rémunération quel que soit le fondement juridique invoqué (gestion d'affaire, mandat apparent, enrichissement sans cause etc ...), qu'il s'agisse de ses honoraires proprement dit ou de ses débours, que sa gestion fût ou non utile ou bénéfique au syndicat des copropriétaires.
En conséquence, le Cabinet Loiselet et Daigremont doit rembourser en leur intégralité, pour la période concernée, les honoraires, frais et débours qu'il a avancés pour administrer une copropriété dont il a perdu la gestion à titre de sanction légale. La Cour confirme le principal des condamnations prononcées de ce chef.
Elle ne fera pas droit à la demande additionnelle formée à ce titre par le syndicat des copropriétaires qui fait rétroagir à tort la nullité à compter du 8 juin 2005, date de l'assemblée ayant renouvelé le mandat du Cabinet Loiselet et Daigremont.
Il sera en effet rappelé qu'au regard des dispositions d'ordre public de l'article 18 de la loi, la nullité de plein droit du mandat est encourue seulement à l'expiration du délai de trois mois suivant la désignation du syndic.
C - SUR LA SAISIE IMMOBILIÈRE CONCERNANT LES LOTS DE LA SOCIÉTÉ LORGIL.
La mise à prix de la saisie immobilière, qui ne doit pas être exercée au détriment des droits de la partie saisie dont les biens ne doivent pas être bradés, n'a pas à être fixée systématiquement au montant de la créance du saisissant.
La fixation de la mise à prix doit être faite au prix du marché corrigé à la baisse pour attirer les enchérisseurs.
La vente ayant eu lieu le 27 avril 2006, soit postérieurement à la désignation de l'administrateur provisoire, la faute du syndic ne peut être recherchée qu'au titre de la fixation de la mise à prix qui est son fait.
Le premier juge a retenu à juste titre que cette mise à prix de 15 000 euros était trop élevée, ce qui ressort notamment de l'estimation en valeur vénale juin 2005 d'un agent immobilier en date du 30 septembre 2007 que la Cour fait sienne, soit 10 200 euros.
La mise à prix trop élevée, qui procède d'une estimation erronée de la valeur des biens saisis, engage la responsabilité du syndic pour faute personnelle dès lors qu'elle est la cause avérée du paiement par le syndicat d'un prix excessif.
En revanche, les frais consécutifs à la prise de possession des lieux par le syndicat ne sont pas en relation causale directe et certaine avec l'erreur commise par le syndic dans la fixation de la mise à prix, la passation des lots de copropriété de la société LORGIL dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires n'étant pas en soi, constitutive d'un préjudice.
La Cour confirme de ce chef par substitution partielle de motifs.
D - SUR LE POINT DE DÉPART DES INTÉRÊTS.
Les sommes sus-allouées par confirmation pour certaines d'entre elles et par réformation partielle pour les autres constituent, non des créances contractuelles de somme d'argent au sens de l'article 1153 du code civil, mais des créances indemnitaires même si la responsabilité engagée est contractuelle.
Le point de départ des intérêts doit conséquemment être fixé, ni au jour de la demande, ni à celui de la signification du jugement, mais au jour de la décision des premiers juges confirmée sur la responsabilité.
Il échet de réformer de ce chef.
III. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES.
La Cour confirme le jugement entrepris en ses dispositions concernant les dépens et frais hors dépens qui sont conformes aux article 696 et 700 du code de procédure civile.
Les dépens d'appel pèsent sur la partie perdante responsable qui, l'équité le commandant, réglera à la victime la somme de 2 500 euros au titre des frais hors dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné la société Cabinet Loiselet et Daigremont à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5], à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes en principal :
* 78 647, 50 euros TTC au titre des frais engagés par Maître [P] dans le cadre de sa mission d'administrateur provisoire,
* 62 330, 28 euros TTC au titre des frais et honoraires facturés par l'intimé au titre de l'exercice 2005,
* 5 929, 91 euros TTC au titre des frais et honoraires facturés par l'intimé au titre de l'exercice 2006,
* 4 800 euros au titre de la différence entre le montant pour lequel le syndicat est resté adjudicataire et la valeur réelle des biens immobiliers 'LORGIL',
- condamné la société Cabinet Loiselet et Daigremont à payer audit syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la même société aux dépens,
LE REFORME pour le surplus,
Statuant à nouveau :
CONDAMNE la société Cabinet Loiselet et Daigremont à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts :
* 3 386 euros TTC au titre des frais de désignation de l'administrateur provisoire,
* 233 291, 76 euros TTC au titre des honoraires de l'administrateur provisoire, Maître [P],
DIT que les condamnations prononcées à titre de dommages et intérêts confirmées et réformées produiront intérêts au taux légal à compter du jour du jugement entrepris,
Ajoutant :
CONDAMNE la société Cabinet Loiselet et Daigremont à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 5] la somme de 2 500 euros au titre des frais hors dépens,
REJETTE les demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Cabinet Loiselet et Daigremont aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
Dominique FENOGLI Jean DUSSARD